Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.367/2007
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5A_367/2007 /frs

Arrêt du 15 octobre 2007
IIe Cour de droit civil

MM. les Juges Meyer, Juge présidant, Marazzi et Zappelli, Juge suppléant.
Greffier: M. Abbet.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat,

mainlevée provisoire de l'opposition,

recours en matière civile contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève
du 31 mai 2007.

Faits :

A.
A.a Y.________ a été employé par la Banque Z.________ SA en tant que
gestionnaire de fortune jusqu'au 30 juin 2003, date à laquelle il a pris sa
retraite anticipée.

A.b Par convention du 14 mai 2003, intitulée "contrat de mandat", Y.________
s'est notamment engagé à fournir des conseils et des services dans le cadre
de la gestion de fortune des clients de la Banque; en contrepartie, celle-ci
a promis de verser à Y.________ une "rémunération sous forme d'honoraire
forfaitaire" de 60'000 fr. en 2003, 130'000 fr. en 2004 et 2005 et 85'000 fr.
le 31 août 2006, date d'expiration du contrat. La convention prévoit en outre
que le mandataire prend à sa charge le versement de tous impôts et
cotisations sociales liés à son activité et aux honoraires convenus.

A.c Le montant de 85'000 fr. pour 2006 n'a pas été payé par la Banque.

B.
B.aEn 2004, un litige est intervenu entre Y.________ et la Caisse cantonale
vaudoise de compensation; après avoir, le 4 février 2004, refusé de
l'affilier en tant qu'indépendant, la Caisse de compensation a finalement
accepté de le faire dans une nouvelle décision rendue sur réclamation le 8
octobre 2004.

B.b Le 15 novembre 2004, Y.________ a toutefois demandé à la Caisse de
compensation de le considérer comme salarié, faisant valoir que la convention
conclue entre parties était un contrat de travail déguisé.

B.c Par décision du 30 novembre 2005, confirmée le 1er décembre 2006, la
Caisse de compensation a supprimé, avec effet au 1er juillet 2003,
l'affiliation de Y.________ comme indépendant. La Banque, qui, à la suite
d'une fusion survenue dans l'intervalle, est devenue X.________ SA, a recouru
contre cette décision auprès du Tribunal cantonal des assurances dont la
décision n'est pas intervenue à ce jour.

C.
C.aPar jugement du 13 mars 2007, le Tribunal de première instance de Genève a
rejeté la requête de Y.________ tendant à la mainlevée provisoire de
l'opposition formée par la Banque au commandement de payer, poursuite no
xxxx, qu'il lui avait fait notifier à concurrence de 85'000 fr. avec intérêts
à 6% l'an dès le 31 août 2006.

C.b Le 31 mai 2007, la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel de
Y.________ et a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition à
concurrence de 85'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2006.

D.
Contre cet arrêt, la Banque interjette un recours en matière civile. Elle
conclut principalement à son annulation et à ce qu'il soit dit que "la
poursuite no xxxx n'ira pas sa voie"; elle requiert également l'effet
suspensif.
Le 5 juillet 2007, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête
d'effet suspensif.
Des réponses n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 747 consid. 4 p. 748).

1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions en matière
de poursuite pour dette et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF), en
particulier contre les jugements de mainlevée définitive ou provisoire de
l'opposition (FF 2001 p. 4105).

1.2 Selon l'art. 90 LTF, le recours au Tribunal fédéral est recevable contre
les décisions qui mettent fin à la procédure. La décision sur la mainlevée
provisoire constitue une décision finale au sens de cette disposition (arrêt
5A_30/2007 du 8 juin 2007, consid. 1.4). Interjeté contre une telle décision,
rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF),
dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de
30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art.
42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit au sens des art.
95 et 96 LTF, grief que le Tribunal fédéral examine librement; la décision de
mainlevée provisoire ne constitue en effet pas une décision de mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 399 consid. 1.5 p.
400).

2.
Sous l'angle de l'établissement des faits, la recourante reproche à la cour
cantonale d'avoir constaté que l'intimé ne s'était pas engagé à s'affilier à
l'AVS comme indépendant; cette constatation serait en contradiction avec le
contenu de la convention du 14 mai 2004, qui prévoit en particulier que le
mandataire prend à sa charge le versement de toutes cotisations sociales.
Ce grief est toutefois irrecevable, dans la mesure où, comme on le verra
ci-dessous (consid. 3.2 et 3.3), la question de l'existence d'une obligation
de l'intimé envers la recourante de s'affilier à l'AVS est sans incidence sur
le sort de la présente cause (art. 97 al. 1 in fine LTF).

3.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 82 LP; elle soutient en
substance qu'elle peut opposer l'exception d'inexécution (art. 82 CO) à la
créance de l'intimé, laquelle ne serait donc pas exigible.

3.1 En vertu de l'art. 82 al. 1 LP, la mainlevée provisoire n'est accordée
que sur le vu d'une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou
sous seing privé (cf. à ce sujet: ATF 132 III 480 consid. 4.1; 130 III 87
consid. 3.1 p. 88; 122 III 125 consid. 2 p. 126 et les références). Un
contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition
pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions
d'exigibilité de la dette sont établies, en particulier, dans les contrats
bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont
dépend l'exigibilité de la créance (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale
sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, n. 44 ad art. 82 LP;
Panchaud/Caprez, La mainlevée de l'opposition, 2e éd. 1980, § 69). Lorsque la
qualification juridique d'un contrat est discutable, les conditions de la
mainlevée doivent être réunies sur l'un et l'autre plan (Panchaud/Caprez, op.
cit., § 69 n. 2). Le contrat de mandat constitue en principe une
reconnaissance de dette pour la rétribution du mandataire; il en va de même
du contrat de travail dans la poursuite en paiement du salaire (Staehelin,
Basler Kommentar SchKG, vol. I, n. 128 et 129 ad art. 82 LP; Gilliéron, op.
cit., n. 57 et 59 ad art. 82 LP). Lorsque, pour faire échec à la mainlevée
fondée sur un contrat bilatéral, le poursuivi allègue que le créancier n'a
pas ou pas correctement exécuté sa propre prestation, la mainlevée ne peut
être accordée que si son affirmation est manifestement sans fondement ou si
le créancier est en mesure d'infirmer immédiatement, par des documents,
l'affirmation du débiteur (Staehelin, op. cit., n. 99 ad art. 82 LP, Schmidt,
Commentaire romand LP, n. 27 ad art. 82 LP).

3.2 En l'espèce, il conviendrait tout d'abord de déterminer si la clause qui
prévoit la prise en charge par le mandataire des cotisations sociales
constitue un réel engagement de la part de celui-ci envers la mandante ou
s'il s'agit simplement de l'exclusion de la prise en charge de tout ou partie
de ces cotisations par la banque.
Cette question peut toutefois rester ouverte au stade de la mainlevée. En
effet, l'admission de l'exception d'inexécution au sens de l'art. 82 CO
suppose que les prestations se trouvent dans un rapport d'échange. Cela n'est
le cas en principe que pour les obligations principales résultant du contrat
bilatéral et non pour les devoirs accessoires (ATF 122 IV 322 consid. 3b p.
327; 107 II 411 consid. 1 p. 413; arrêt 5P.69/2004 du 14 avril 2004, consid.
4.1, non reproduit in Praxis 2004 n. 134 p. 756), à tout le moins lorsque
l'inexécution de l'obligation accessoire ne rend pas sans valeur la
prestation principale (Leu, Basler Kommentar OR I, 4e éd. 2007, n. 6 ad art.
82 CO; Weber, Berner Kommentar, 4e éd. 2005, n. 91 ad art. 82 CO). Il a ainsi
été jugé que l'obligation accessoire du mandataire de restituer les pièces au
sens de l'art. 400 al. 1 CO est sans rapport d'échange avec celle du mandant
de payer les honoraires (ATF 122 IV 322 consid. 3b p. 327; arrêt non publié
4C.217/2002 du 24 juin 2003, consid. 3.2).
3.3 Il ne peut qu'en aller de même s'agissant de l'éventuelle obligation de
l'intimé de s'affilier à l'AVS comme indépendant. Un tel engagement est en
effet accessoire par rapport aux obligations principales du contrat -
prestation du mandataire ou du travailleur et rémunération de celui-ci - et
ne se trouve pas en rapport d'échange avec la rémunération due au mandataire
ou au travailleur; de plus, son inexécution ne rend manifestement pas sans
valeur la prestation principale. Dès lors que le débiteur ne peut exciper de
l'inexécution de cette obligation accessoire et qu'il ne prétend pas que les
obligations principales du créancier n'ont pas ou pas correctement été
exécutées, rien ne s'oppose à l'exigibilité de la créance de ce dernier. La
mainlevée doit donc être accordée sur la base du contrat bilatéral du 14 mai
2003 (cf. Staehelin, op. cit., n 99 ad art. 82 LP).

4.
La recourante prétend enfin que le montant dû n'est ni déterminé ni
déterminable du fait que le contrat du 14 mai 2003 peut être qualifié de
contrat de travail par le Tribunal cantonal des assurances, lequel pourrait
alors, non seulement, mettre les cotisations sociales à la charge exclusive
de l'intimé mais, également, réduire la rémunération convenue en considérant
que son montant élevé a été calculé en tenant compte de l'absence de charges
sociales pour la recourante.

4.1 S'agissant du montant de la créance poursuivie, la mainlevée n'est
accordée que s'il est chiffré de façon précise dans le titre lui-même ou dans
un écrit annexé auquel la reconnaissance se rapporte (Gilliéron, op. cit., n.
42 ad art. 82 LP). Au stade de la mainlevée, le juge examine uniquement la
force probante du titre produit par le créancier et non la validité de la
créance; il lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas
immédiatement vraisemblables ses moyens de libération (ATF 132 III 140
consid. 4.1.1 p. 142).

4.2 En l'espèce, la somme poursuivie figure clairement dans le titre de
mainlevée. En se bornant à évoquer la possibilité d'une mise à la charge
exclusive du créancier des éventuelles charges sociales -  hypothèse qu'elle
qualifie elle-même d'exceptionnelle en se référant à l'arrêt paru aux ATF 107
II 430 consid. 4 p. 436 -, ou celle, tout aussi hypothétique, d'une réduction
de la rémunération en raison de la différence de qualification de la
convention, la recourante échoue à rendre vraisemblable sa libération.

5.
Le recours doit donc être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera
l'émolument de justice (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens à
l'intimé qui n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 15 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: