Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.365/2007
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5A_365/2007

Arrêt du 24 octobre 2007
IIe Cour de droit civil

Mme et MM. les Juges Escher, Juge présidant,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abbet.

Fondation X.________,
recourante,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Razi Abderrahim, avocat,

mainlevée provisoire de l'opposition,

recours en matière civile contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève du 31 mai 2007.

Faits :

A.
A.a Le 7 avril 2003, par acte inscrit au registre foncier le lendemain, la
Fondation X.________ a acquis de Z.________, pour un prix de 3'150'000 fr.,
une part de copropriété pour un quart d'un immeuble sis  à Genève.

A.b Par courrier du 4 juillet 2003 adressé au notaire ayant instrumenté
l'acte de vente, Y.________, copropriétaire pour trois quarts de cet
immeuble, a exercé, par l'intermédiaire de son conseil, son droit de
préemption légal sur le dernier quart de propriété acquis par la Fondation,
en précisant comment il allait s'acquitter de la somme de 3'150'000 fr.

B.
B.aMalgré plusieurs mises en demeure, Y.________ a refusé de procéder au
paiement. Le 15 juin 2006, à la suite de pourparlers, la Fondation lui a
proposé de réduire la créance en paiement du prix de vente à 3'500'000 fr. au
lieu des 3'608'062 fr. 50 qu'elle représentait à cette date, intérêts
moratoires dès le 1er septembre 2003 compris; le 20 juin 2006, Y.________ a
accepté cette proposition, sollicitant un délai au 15 juillet 2006 pour
finaliser l'opération. D'entente entre les parties, ce terme a été prolongé
au 21 juillet 2006. Aucun paiement n'a toutefois eu lieu, ni à cette date, ni
par la suite, malgré les assurances fournies par Y.________ les 21 août et 15
septembre 2006.

B.b Par jugement du 22 février 2007, le Tribunal de première instance de
Genève a rejeté la requête de la Fondation tendant à la mainlevée de
l'opposition formée par Y.________ au commandement de payer qui lui avait été
notifié à concurrence de 3'150'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er
septembre 2003. Il a considéré que la Fondation ne disposait pas d'une
créance exigible en paiement du prix.

B.c Le 31 mai 2007, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel
formé par la Fondation; elle a considéré que ni le courrier du 4 juillet 2003
ni celui du 20 juin 2006 ne pouvaient valoir titre de mainlevée provisoire,
le premier faute de signature et le second faute d'identité entre la créance
poursuivie et celle figurant dans le titre.

C.
Contre cet arrêt, la Fondation interjette un recours en matière civile. Elle
conclut à sa réforme en ce sens que la mainlevée de l'opposition est accordée
à concurrence de 3'150'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2003.
L'intimé conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 439 consid. 2 p. 441; 132 III 747 consid. 4
p. 748).

1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions en matière
de poursuite pour dette et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF), en
particulier contre les jugements de mainlevée définitive ou provisoire de
l'opposition (FF 2001 p. 4105; ATF 133 III 399 consid. 1.4 p. 400).

1.2 Selon l'art. 90 LTF, le recours au Tribunal fédéral est recevable contre
les décisions qui mettent fin à la procédure. La décision sur la mainlevée
provisoire constitue une décision finale au sens de cette disposition (arrêt
5A_30/2007 du 8 juin 2007, consid. 1.4). Interjeté contre une telle décision,
rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF),
dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse largement le
seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe
recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit au sens des art.
95 et 96 LTF, grief que le Tribunal fédéral examine librement; la décision de
mainlevée provisoire ne constitue en effet pas une décision de mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 399 consid. 1.5 p.
400).

1.4 Lorsqu'il admet un recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur
le fond (art. 107 al. 2 LTF), et donc prononcer la mainlevée de l'opposition,
sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions posées par la
jurisprudence en application de l'ancienne loi fédérale d'organisation
judiciaire (OJ) sont réalisées (cf. ATF 120 Ia 256 consid. 1b); en effet,
contrairement au recours de droit public, sous l'empire duquel cette
jurisprudence a été rendue, les recours unifiés prévus par les art. 72 ss LTF
ne sont pas purement cassatoires (FF 2001, p. 4143).

2.
La Cour de justice a constaté que, par son courrier du 4 juillet 2003,
l'intimé avait exercé formellement son droit de préemption en date du 4
juillet 2003, sans réserve quant au montant stipulé de la vente. Elle a
toutefois refusé de considérer cet écrit comme titre de mainlevée, pour le
motif que l'exemplaire produit par la recourante ne comportait ni la
signature de l'intimé ni celle de son représentant.

2.1 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP l'acte
authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi ou son représentant,
d'où ressort la volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition,
une somme d'argent déterminée ou facilement déterminable et échue (ATF 130
III 87 consid. 3.1 p. 88; également ATF 132 III 480 consid. 4.1; 131 III 268
consid. 3.2 p. 272 et les références). Des réserves qui portent uniquement
sur les modalités de paiement ne font pas obstacle à la mainlevée lorsque le
montant dû est reconnu (Panchaud/Caprez, La mainlevée d'opposition, 2e éd.
1980, § 16 n. 14). Si les pouvoirs du représentant signataire sont contestés
par le poursuivi, ils doivent être établis par pièces (ATF 130 III 87 consid.
3.1 p. 88). La reconnaissance de dette peut résulter de plusieurs pièces,
dans la mesure où celle qui est signée renvoie ou se réfère directement à
celle qui indique la créance et son montant (ATF 132 III 480 consid. 4.1;
Staehelin, Basler Kommentar SchKG I, n. 15 ad art. 82 LP).

2.2 Au stade de la mainlevée, le juge examine uniquement l'existence et la
force probante du titre produit par le créancier, et non la réalité ou la
validité de la créance; il attribue force exécutoire à ce titre à moins que
le débiteur ne rende immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires
(ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 p. 142), en invoquant par exemple
l'inexistence de la dette (Staehelin, op. cit., n. 90 ad art. 82 LP et la
jurisprudence citée).

2.3 En l'espèce, la recourante a produit devant le juge de mainlevée un
courrier signé par le conseil de l'intimé - dont les pouvoirs ne sont pas
contestés - daté du 6 août 2003, dans lequel figure la phrase suivante: "En
l'état, mon client entend confirmer l'intégralité de son courrier recommandé
du 4 juillet 2003, en particulier en ce qui concerne les modalités de
règlement de l'offre qu'il vous a fait parvenir." Si cette lettre a plus
particulièrement pour objet de confirmer les modalités de paiement, qui
seules demeuraient litigieuses entre les parties, elle n'en renvoie pas moins
à l'intégralité des lignes du 4 juillet 2003, en particulier à la déclaration
d'exercice du droit de préemption et à l'acceptation du prix d'achat.
Celui-ci est aisément déterminable puisque l'addition des postes
correspondant aux diverses modalités de paiement proposées par l'intimé dans
sa déclaration d'exercice du droit de préemption - 1'850'000 fr. par virement
bancaire, 300'000 fr. par cession de créance et 1'000'000 fr. sous forme de
cédule hypothécaire - équivaut au prix de vente de 3'150'000 fr. convenu le 7
avril 2003 entre la recourante et le vendeur.
Force est donc d'admettre que le contrat de vente du 7 avril 2003 et les
courriers des 4 juillet et 6 août 2003 valent, ensemble, titre de mainlevée;
en effet, le dernier document, dûment signé par le représentant du débiteur,
renvoie, pour la confirmer, directement à la déclaration d'exercice du droit
de préemption, laquelle comporte l'engagement, sans réserve quant au montant
dû, de s'acquitter d'un prix d'achat correspondant à celui fixé dans l'acte
de vente.

2.4 Cette solution s'impose d'autant plus que, en première instance, la
recourante avait produit une version signée de la déclaration du 4 juillet
2003 (pièce 27); en l'absence - difficilement explicable - de contestation de
l'état de fait s'agissant de l'absence de signature de ce document, le
Tribunal fédéral est toutefois lié par les constatations de la Cour de
justice (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 LTF).

2.5 L'intimé ne saurait en particulier invoquer l'absence de "contrat
formel", à savoir, si l'on comprend bien, l'absence de créance exigible,
comme moyen libératoire. En effet, lorsqu'un droit de préemption est exercé
par son titulaire, les parties se trouvent, dès réception de la déclaration
d'exercice par le vendeur - ou, comme en l'espèce, par le tiers acquéreur
déjà inscrit (ATF 92 II 147 consid. 4 p. 155; Steinauer, Les droits réels,
vol. I, 4e éd. 2007, n. 1215; Meier-Hayoz, Berner Kommentar IV/1/3, 3e éd.
1975, n. 76 ad art. 682 CC) -, dans la même situation que si elles avaient
conclu un contrat de vente; la conclusion formelle d'un tel contrat n'est
donc pas nécessaire pour que naissent les obligations résultant de la vente
(ATF 90 II 393 consid. 2b p. 398; Haab/Simonius, Zürcher Kommentar IV/1, 2e
éd. 1977, n. 40/41 ad art. 681/682 CC; Steinauer, Les droits réels, vol. II,
3e éd. 2002, n. 1738). Si aucun autre prix n'a été convenu, celui qui exerce
son droit de préemption devient, à l'égard du vendeur - ou, comme en
l'espèce, du tiers acquéreur inscrit -, débiteur du prix de vente fixé entre
le vendeur et le tiers (Meier-Hayoz, op. cit., n. 77 ad et art. 682 CC et n.
257 ad art. 681 CC; Haab/Simonius, op. cit., n. 42 ad art. 681/682 CC;
Steinauer, Les droits réels, vol. I, 4e éd. 2007, n. 1214).

2.6 Il est en revanche inutile d'examiner la portée de la convention conclue
entre parties en juin 2006. La recourante admet en effet qu'elle est devenue
caduque faute d'exécution par l'intimé. Quant à ce dernier, il se borne à
affirmer que la banque a résilié cet accord, sans l'invoquer comme moyen
libératoire; cela étant, le fait qu'il ait accepté de le conclure confirme,
si besoin était, sa volonté de se considérer comme débiteur du prix de vente
de l'immeuble.

3.
Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que la
mainlevée provisoire de l'opposition est accordée à concurrence de 3'150'000
fr., avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2003.
L'émolument judiciaire sera mis à la charge de l'intimé (art. 65 LTF). La
recourante ne peut prétendre à l'allocation de dépens; en effet, elle a
procédé par son service juridique interne sans mandater un avocat et elle
n'invoque pas l'existence d'autres frais au sens de l'art. 1 let. b du
règlement du Tribunal fédéral du 31 mars 2006 sur les dépens alloués à la
partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les
causes portées devant le Tribunal fédéral (RS 173.110.210.3).
L'affaire sera par ailleurs renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle se
prononce à nouveau sur les frais et les dépens de la procédure cantonale (cf.
art. 67 et 68 al. 5 LTF).
Le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que la mainlevée
provisoire de l'opposition de l'intimé au commandement de payer, poursuite no
xxx de l'Office des poursuites de Genève, est accordée à concurrence de
3'150'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2003.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et les dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la 1ère Section de
la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 24 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant:   Le Greffier: