Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.35/2007
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5A_35/2007 /fzc

Arrêt du 17 août 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.

X. ________,
recourant, représenté par Me Mauro Poggia, avocat,

contre

A.________ SA,
Etat de Genève, représenté par l'Administration fiscale du canton de Genève,
rue du Stand 26, 1204 Genève,
B.________ SA,

saisie,

recours en matière civile contre la décision de la Commission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 1er
février 2007.

Faits :

A.
X. ________ fait l'objet de diverses poursuites auprès de l'Office des
poursuites de Genève.

A.a Dans une plainte du 18 mars 2005, portant sur le calcul de son minimum
vital et la quotité saisissable de ses revenus dans le cadre des poursuites
formant la série n° xxx, le poursuivi a fait grief audit office de n'avoir
pas tenu compte de sa prime d'assurance maladie complémentaire et de ses
frais professionnels. En rejetant la plainte le 9 juin 2005, la Commission
cantonale de surveillance a considéré, en s'appuyant en particulier sur la
jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 7B.225/2003 du 23 octobre 2003), que
seules les primes de l'assurance maladie obligatoire pouvaient être prises en
compte dans le calcul du minimum vital et qu'il n'y avait pas lieu, in casu,
de faire une exception au motif que le poursuivi, s'il devait renoncer à
l'assurance complémentaire, ne pourrait plus à l'avenir, vu son état de
santé, contracter une telle assurance. S'agissant des frais professionnels,
la Commission cantonale a estimé que leur prise en compte impliquait que le
poursuivi réalisât un revenu au titre d'indépendant, ce qui n'était pas son
cas; si les efforts qu'il déployait pour maintenir une activité
professionnelle (publications et interventions d'historien) étaient louables
et participaient à son équilibre, le coût de cette activité ne pouvait
toutefois être supporté par ses créanciers.

La décision de la Commission cantonale de surveillance du 9 juin 2005 n'a pas
fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et est donc entrée en force.

A.b Le 9 juin 2005, au stade de la communication du procès-verbal de saisie
dans la même série, le poursuivi a déposé une nouvelle plainte en faisant
valoir les mêmes griefs. Par décision du 11 août 2005, la Commission
cantonale de surveillance a constaté que cette seconde plainte était devenue
sans objet et l'a en conséquence rayée du rôle. Le recours formé auprès du
Tribunal fédéral par le poursuivi contre cette décision a été rejeté par
arrêt du 7 octobre 2005 (7B.162/2005). Le Tribunal fédéral a considéré qu'en
vertu du principe res judicata pro veritate habetur, une décision cantonale
entrée en force ne peut être réexaminée (ne bis in idem), si ce n'est dans le
cadre étroit de la procédure de révision.

B.
Le 1er décembre 2006, dans le cadre de poursuites formant une nouvelle série
(n° yyy), le poursuivi a déposé une nouvelle plainte invoquant les mêmes
griefs. Par décision du 1er février 2007, communiquée le 6 du même mois, la
Commission cantonale de surveillance a rejeté cette troisième plainte en
vertu des principes rappelés dans l'arrêt fédéral précité, aucun motif de
révision n'étant au demeurant réalisé.

C.
Le (lundi) 19 février 2007, le poursuivi a adressé au Tribunal fédéral un
"recours en matière de droit public et recours constitutionnel subsidiaire",
invoquant la violation des art. 92 et 93 LP, 10 al. 2 et 36 al. 3 Cst.

Des trois créanciers intéressés et invités à répondre au recours, seul l'Etat
de Genève, par son administration fiscale, s'est déterminé en concluant au
rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La Commission cantonale
de surveillance a renoncé à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'intitulé du recours est manifestement erroné. En effet, comme indiqué par
la décision attaquée, la voie de droit ouverte contre une décision rendue en
matière de poursuite pour dettes et de faillite par une autorité cantonale de
surveillance est, quelle que soit la valeur litigieuse, le recours en matière
civile (art. 72 al. 2 let. a et 74 al. 2 let. c LTF). Ce recours, comme
chacun des autres recours fédéraux unifiés, permet d'invoquer également la
violation de droits constitutionnels, le droit fédéral au sens de l'art. 95
let. a LTF incluant aussi les dispositions de la Constitution fédérale (cf.
Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale,
FF 2001 p. 4132). Aussi est-ce comme recours en matière civile que le présent
recours doit être reçu et examiné. Il a par ailleurs été interjeté, par une
personne ayant qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dans le délai légal
(art. 100 al. 2 let. a LTF) et, sous réserve de son intitulé, dans la forme
requise (art. 42 LTF).

2.
Le litige porte sur la question de la prise en compte, dans le calcul du
minimum vital du poursuivi, de sa prime d'assurance maladie complémentaire et
de ses frais professionnels. Cette question, tranchée au stade de la saisie
et de la communication du procès-verbal de saisie dans une précédente série,
est à nouveau - pour la troisième fois - remise en discussion par le
recourant. La Commission cantonale de surveillance estime que la décision
rendue sur la question ne peut pas être revue parce qu'elle a acquis force de
chose jugée, un cas de révision n'étant au demeurant pas réalisé. Le
recourant soutient au contraire que, "s'agissant d'une nouvelle décision
prise dans le cadre d'une nouvelle série", il était en droit de s'en plaindre
auprès de la Commission cantonale de surveillance.

2.1 L'autorité de la chose jugée ou la force de chose jugée au sens matériel
(materielle Rechtskraft) est un principe général permettant de s'opposer à ce
qu'un jugement soit remis en discussion par les mêmes parties sur le même
objet (cf. Fabienne Hohl, Procédure civile, Tome I, n. 1289 ss). En droit de
la poursuite et des faillites, l'autorité de la chose jugée a toutefois une
portée limitée: elle ne vaut que pour la procédure d'exécution en cause et
pour autant que l'état de fait reste le même (Flavio Cometta, Kommentar zum
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 15 ad art. 21 LP; Franco
Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, Bâle 2000, n. 88
ad art. 20 LP; Pauline Erard, Commentaire romand de la LP, n. 8 ad 20a LP).

2.2 Dans la poursuite par voie de saisie, la saisie ne profite qu'aux
créanciers qui l'ont requise. Dans le but d'éviter les conséquences
inéquitables de ce "privilège du premier saisissant", le législateur a prévu
que les créanciers qui requièrent la continuation de leur poursuite dans les
30 jours dès l'exécution d'une première saisie participent à celle-ci (art.
110 al. 1 LP) et sont donc traités sur pied d'égalité avec le créancier
premier saisissant. L'ensemble de ces créanciers forment une série. Lorsqu'un
créancier adresse à l'office des poursuites une réquisition de continuer sa
poursuite postérieurement à l'échéance du délai de participation de 30 jours
à compter de l'exécution de la première saisie, il provoque la création d'une
nouvelle série selon les mêmes modalités (art. 110 al. 2 LP). Ainsi, il peut
se former plusieurs séries successives (P.-R. Gilliéron, Poursuite pour
dettes, faillite et concordat, 4e éd. 2005, n. 1069 s.; Jean-Luc Tschumy,
Commentaire romand de la LP, n. 1 s. Intro art. 110 et 111 LP).

Chacune des séries est indépendante des autres séries, antérieures ou
postérieures, en ce sens qu'à chaque série correspond une procédure de
réalisation et de répartition propre, l'office des poursuites devant ainsi
établir un état de collocation et un tableau de distribution pour chacune des
séries (P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, n. 63 s. ad art. 110 LP; Tschumy, loc. cit., n. 34 ad
art. 110 LP). L'office doit consigner la participation de nouveaux créanciers
à la fin du procès-verbal de saisie (art. 113 LP) et, à l'expiration du délai
de participation de 30 jours, notifier sans retard une copie de ce
procès-verbal ainsi complété aux créanciers et au débiteur (art. 114 LP).
Cette communication emporte, pour les créanciers comme pour le débiteur,
l'ouverture du délai de plainte prévue à l'art. 17 al. 2 LP et la possibilité
pour eux de se prévaloir de toute violation des règles relatives à
l'exécution de la saisie (Nicolas Jeandin/Yasmine Sabeti, Commentaire romand
de la LP, n. 17 ad art. 112 LP et n. 5 ad art. 114 LP), en particulier de
celles relatives au calcul du minimum d'existence du débiteur (ATF 127 III
572).

2.3 En l'espèce, dès lors que la saisie litigieuse était réalisée dans le
cadre d'une nouvelle série, soit d'une autre procédure d'exécution (cf.
consid. 2.2 ci-dessus), c'est à tort que la Commission cantonale de
surveillance a rejeté la plainte déposée par le recourant le 1er décembre
2006 en excipant de l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le
cadre de la première série et qu'elle lui a ainsi dénié le droit de porter
plainte. La décision attaquée, qui consacre un déni de justice formel, doit
donc être annulée et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

3.
Le recours devant ainsi être admis, la charge des frais incombe à l'Etat de
Genève, seul des intimés à être intervenu et à avoir succombé dans la
présente procédure (art. 66 al. 1 LTF), en sa qualité de créancier (art. 66
al. 4 LTF a contrario).

Le recourant a droit à des dépens, lesquels doivent également être mis à la
charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée; la cause est
renvoyée à la Commission cantonale de surveillance pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de l'Etat de Genève.

3.
L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de
surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 17 août 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: