Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.347/2007
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5A_347/2007

Arrêt du 19 octobre 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Escher et Marazzi.
Greffier: M. Abbet.

EM Microelectronic-Marin SA,
recourante, représentée par Me Marc Mathey-Doret, avocat,

contre

Alber & Rolle Experts-Comptables Associés SA,
Jean-Marcel Velan,
JCV Holding SA,
tous les 2 représentés par Me Raphaël Treuillaud, avocat,
Masse en faillite de G.S. Automation SA,
intimés.

demande de cession des droits de la masse,

recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève du 14 juin 2007.

Faits :

A.
A.a Par jugement du 13 juillet 2006, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a prononcé la faillite de G.S. Automation SA; le 27 juillet
2006, le même Tribunal a ordonné la liquidation sommaire de cette faillite.

A.b L'état de collocation de la faillite a été déposé une première fois le 31
janvier 2007; il comprend 165 créances. Celles d'Alber & Rolle
Experts-Comptables Associés SA (ci-après: Alber & Rolle SA), de JCV Holding
SA et de Jean-Marcel Velan ont été admises en 3e classe, pour des montants
s'élevant respectivement à 47'166 fr. 50, 50'000 fr. et 15'300 fr.
L'état de collocation mentionne pour mémoire, conformément à l'art. 63 al. 1
OAOF, une créance de 2'371'659 fr. 55 d'EM Microelectronic-Marin SA "due
selon action révocatoire du 20.05.2005"; il précise que "la créance sera
colloquée définitivement pour la somme de 2'371'659,55, aucun créancier ne
pouvant attaquer son admission à teneur de l'article 250 LP si aucun
créancier ne demande la cession des droits de la masse (260 LP) dans un délai
de 20 jours dès le dépôt de l'état de collocation pour reprendre le procès
(art. 63 al. 2 OAOF)." G.S. Automation SA faisait en effet l'objet, avant sa
faillite, d'une action révocatoire qui lui avait été intentée par la masse en
faillite de Tagtronic SA; en vertu d'une décision de cession des droits de la
masse, le procès a été repris par EM Microelectronic-Marin SA et,
conformément à l'art. 107 LP, suspendu lors du prononcé de la faillite de
G.S. Automation SA.

A.c Par avis publié dans la Feuille des avis officiels du canton de Genève et
la FOSC le 31 janvier 2007, l'Office a indiqué que l'état de collocation
était déposé et qu'il était imparti aux créanciers "un délai de vingt jours
pour introduire action contre l'état de collocation (art. 250 LP) et demander
la cession des droits pour contester une revendication (art. 49 et 80 OAOF)".

A.d Le même jour, l'Office a communiqué à Alber & Rolle SA, JCV Holding SA et
Jean-Marcel Velan le montant et la classe pour et dans lesquels leurs
créances avaient été colloquées et les a informés de la possibilité d'ouvrir
action en contestation de l'état de collocation dans les 20 jours (art. 250
LP).

B.
L'état de collocation de la faillite a été déposé une seconde fois le 21
février 2007, en raison de modifications quant aux montants et aux classes
des créances de deux autres créanciers, à qui l'Office a adressé un avis le 8
février 2007 "annulant et remplaçant celui du 31 janvier 2007".
L'avis publié dans la Feuille des avis officiels et la FOSC le 21 février
2007 a le même contenu que celui du 31 janvier 2007 (ci-dessus, let. A.c).

C.
Le 12 mars 2007, JCV Holding SA et Jean-Marcel Velan ont demandé la cession
des droits de la masse de G.S. Automation SA s'agissant de la créance d'EM
Microelectronic-Marin SA; Alber & Rolle SA a fait de même le 13 mars 2007.
Par décision du 20 mars 2007, l'Office des faillites a rejeté ces demandes,
pour le motif qu'elles étaient tardives.
Statuant le 14 juin 2007 la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève a admis les plaintes d'Alber
& Rolle SA, de JCV Holding SA et de Jean-Marcel Velan; elle a invité l'Office
à donner suite aux demandes de cession des plaignants.

D.
Contre cette décision, EM Microelectronic-Marin SA interjette un recours en
matière civile; elle conclut à son annulation et à la constatation de la
tardiveté des demandes de cession.
Alber & Rolle SA, JCV Holding SA et Jean-Marcel Velan concluent à la
confirmation de la décision attaquée. L'Office des faillites réclame son
annulation et la confirmation de sa décision du 20 mars 2007.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1; 132 III 291 consid. 1).

1.1 Les décisions en matière de poursuite pour dettes et de faillite sont
sujettes au recours en matière civile, qui remplace le recours LP (art. 72
al. 2 let. a LTF en relation avec l'art. 19 LP). Le recours est recevable
contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF). Les décisions sur plainte prises par les autorités
cantonales de surveillance en vertu de l'art. 17 LP sont des décisions
finales au sens de l'art. 90 LTF, dès lors qu'elles ne peuvent plus être
remises en question dans la procédure d'exécution forcée en cours (ATF 133
III 350 consid. 1.2).
1.2 La recourante a été privée de la possibilité de prendre part à la
procédure devant l'autorité de surveillance (art. 76 al. 1 let. a in fine
LTF), qui ne l'a pas informée de la procédure de plainte; elle a de plus un
intérêt juridique à l'annulation de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let.
b), dans la mesure où, comme on le verra (ci-dessous, consid. 2.1), si le
droit des créanciers à obtenir la cession des droits de la masse était
périmé, sa créance serait reconnue définitivement dans l'état de collocation.
Son recours, déposé en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF), est donc
recevable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).

2.
2.1 Les créances qui font l'objet d'un procès au moment de l'ouverture de la
faillite sont simplement mentionnées pour mémoire dans l'état de collocation
(art. 63 al. 1 OAOF). Si le procès, suspendu en vertu de l'art. 207 LP, n'est
continué ni par la masse, ni par les créanciers individuellement en vertu
d'une cession des droits de la masse selon l'art. 260 LP, la créance est
considérée comme reconnue et les créanciers n'ont plus le droit d'attaquer
son admission à l'état de collocation (art. 63 al. 2 OAOF).

2.2 Les procédures d'autorisation prévues aux art. 48 ss OAOF - et non
uniquement celle de l'art. 48 OAOF comme le prévoit le texte de l'art. 63 al.
4 OAOF - s'appliquent par analogie aux prétentions litigieuses lors de
l'ouverture de la faillite (arrêt non publié 7B.94/2003 du 24 juin 2003,
consid. 4.2; Schlaepfer, Abtretung streitiger Rechtsansprüche im Konkurs,
thèse Zurich 1990, p. 82/83; Vouilloz, La liquidation sommaire et la
faillite, PJA 2001, p. 974). Dans la liquidation ordinaire, les créanciers
qui entendent obtenir la cession doivent, sous peine de péremption, la
demander au plus tard dans les dix jours suivant la seconde assemblée des
créanciers (art. 48 al. 1 OAOF), sauf circonstances spéciales justifiant le
dépôt des demandes avant ladite assemblée (art. 48 al. 2 OAOF). En cas de
liquidation sommaire, le même délai est imparti aux créanciers dans les cas
importants, cette communication leur étant faite en même temps que celle du
dépôt de l'état de collocation (art. 49 OAOF; Gilliéron, Commentaire de la
loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III, n. 29 ad art. 260
LP).

2.3 Dans une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a considéré qu'une
cession n'était valable que si elle faisait suite à une décision de la masse,
c'est-à-dire de la majorité des créanciers, de renoncer à agir elle-même; il
en va de même pour une offre de cession (ATF 118 III 57 consid. 3 p. 59; 113
III 137 consid. 3b). Comme il n'y a, dans la règle, pas d'assemblée des
créanciers en cours de liquidation sommaire (art. 231 al. 3 ch. 1 LP), la
décision de renonciation est, en principe, provoquée par voie de circulaire
ou de publication aux créanciers. Il faut en tous les cas, et sous peine de
nullité, accorder à tous les créanciers l'occasion de se déterminer quant à
une éventuelle renonciation avant d'offrir la cession des droits litigieux
(ATF 118 III 57 consid. 3 et 4 p. 59; 102 III 82 consid. 3b p. 82; 79 III 6
consid. 2 p. 12; Berti, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs, n. 22 et 25 ad art. 260 LP); la question doit leur être posée de
façon explicite (Jeanneret/Carron, Commentaire romand LP, n. 7, 13 et 14 ad
art. 260 LP). Ces exigences prévalent également s'agissant de la cession des
droits relatifs aux créances litigieuses lors de l'ouverture de la faillite
au sens de l'art. 63 al. 2 OAOF; comme l'art. 260 LP auquel elle renvoie,
cette disposition prévoit en effet, comme condition de la cession, que le
procès ne soit pas continué par la masse. L'administration doit donc, au plus
tard lors du dépôt de l'état de collocation, inviter les intervenants à se
déterminer sur la continuation du procès par la masse (Gilliéron, op. cit.,
n. 29 ad art. 260 LP).

2.4 Interpellé au sujet de l'existence d'une décision de la masse de renoncer
à continuer le procès dirigé contre la faillie par la recourante, l'Office
prétend qu'une telle décision résulte implicitement de l'offre de cession
figurant dans l'état de collocation. Une telle façon de faire ne satisfait
cependant pas aux exigences exposées ci-dessus. En effet, les créanciers
n'ont jamais été interpellés, ni par circulaire, ni par publication, sur le
principe de la renonciation de la masse à continuer à défendre à l'action
révocatoire dirigée contre la faillie. Faute de décision de renonciation
prise expressément ou tacitement par l'ensemble des créanciers, l'offre de
cession contenue dans les publications des 31 janvier et 21 février 2007 est
nulle et sa nullité peut être constatée d'office et en tout temps, non
seulement par les autorités de surveillance (art. 22 al. 1 LP; ATF 118 III 57
consid. 4 p. 59/60; 115 III 26 consid. 1), mais aussi par le Tribunal fédéral
lorsqu'il est saisi d'un recours en application de l'art. 72 al. 2 let. a LTF
(FF 2001, p. 4154). Il en découle que le délai pour requérir la cession des
droits de la masse n'a pas commencé à courir, ce qui rend inutile l'examen de
la validité de l'admission, par la Commission de surveillance, des demandes
de cession des créanciers intimés.

3.
Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué est annulé. Les intimés,
qui succombent, supporteront les frais de justice solidairement entre eux
(art. 66 al. 1 LTF); la recourante qui obtient gain de cause a droit à des
dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des intimés
solidairement entre eux.

3.
Les intimés solidairement entre eux verseront à la recourante une  indemnité
de 2'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de
surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 19 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: