Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.345/2007
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5A_345/2007 /frs

Arrêt du 22 janvier 2008
IIe Cour de droit civil

MM. les Juges Raselli, Président,
Meyer et Marazzi.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

Dame A.________,
recourante, représentée par Me Jean Heim, avocat,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Joëlle Zimmermann, avocate,

mesures protectrices de l'union conjugale,

recours en matière civile contre l'arrêt du Tribunal civil
de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois du 1er juin 2007.

Faits :

A.
A. ________, né en 1943, et dame A.________, née en 1954, se sont mariés le
22 juillet 1983. Deux enfants, actuellement majeurs, sont issus de cette
union : B.________, né le 2 septembre 1984 et C.________, né le 5 février
1986. Les époux se sont séparés en avril 2006.

B.
Aux termes d'une convention de mesures protectrices de l'union conjugale
ratifiée le 24 octobre 2006 par le Président du Tribunal civil de la Broye et
du Nord vaudois, les époux ont notamment convenu de vivre séparés pour une
durée indéterminée, la jouissance du domicile conjugal étant attribuée à
A.________, à charge pour lui de s'acquitter des charges de cet immeuble.

Par prononcé de mesures protectrices rendu le 11 janvier 2007, ce magistrat,
après avoir rappelé la convention précitée, a astreint dame A.________ à
contribuer à l'entretien de son époux par le versement d'une contribution
mensuelle de 5'000 fr. dès le 1er mai 2006.

C.
Le 1er juin 2007, le Tribunal civil a admis partiellement l'appel déposé par
l'époux et a augmenté à 11'000 fr. la contribution mensuelle due par dame
A.________ à l'entretien de celui-ci.

D.
L'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que l'appel est
rejeté. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le
renvoi de l'affaire à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

E.
Par ordonnance du 17 juillet 2007, le juge présidant la cour de céans a admis
la requête d'effet suspensif en ce qui concerne les contributions d'entretien
dues jusqu'en mai 2007; il l'a rejetée pour le surplus.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 747 consid. 4).

1.1 La décision de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 172 ss CC)
est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. Elle est
finale selon l'art. 90 LTF, car elle tranche définitivement, dans une
procédure séparée, des questions qui ne pourront plus être revues avec
l'éventuelle décision sur le divorce et ses effets accessoires (ATF 133 III
393 consid. 4 et les réf. citées). Le recours a  pour objet une décision
rendue dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000
fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4, 74 al. 1 let. b LTF). Il a par ailleurs
été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes (art. 42
LTF) prévus par la loi. Il y a donc lieu, en principe, d'entrer en matière.

1.2 S'agissant de mesures provisionnelles (ATF 133 III 393 consid. 5 et les
réf. citées), la décision ne peut être attaquée que pour violation de droits
constitutionnels (art. 98 LTF).

Le Tribunal fédéral ne sanctionne la violation des droits fondamentaux que si
ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF); les
exigences de motivation de l'acte de recours correspondent à celles de
l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III 393 consid. 4). Le justiciable
qui se plaint d'arbitraire ne peut, dès lors, se borner à critiquer la
décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité
supérieure jouit d'une libre cognition; il ne saurait, en particulier, se
contenter d'opposer sa thèse à celle de la juridiction cantonale, mais il
doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision repose sur
une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement
insoutenables; les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf.
ATF 107 Ia 186; 130 I 258 consid. 1.3 et la jurisprudence citée).

1.3 Selon l'art. 75 al. 1 LTF, le recours n'est recevable qu'à l'encontre des
décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui signifie que les
griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent plus pouvoir faire
l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire de droit cantonal (Message
du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale in : FF 2001, p. 4115; cf. pour l'ancien
art. 86 al. 1 OJ: ATF 126 I 257 consid. 1a; 119 Ia 421 consid. 2b; 110 Ia 71
consid. 2 et les arrêts cités). Dans le canton de Vaud, l'arrêt sur appel en
matière de mesures protectrices de l'union conjugale ne peut faire l'objet
d'un recours en nullité que pour les motifs prévus par l'art. 444 al. 1 ch. 1
et 2 CPC/VD (art. 369 al. 4 CPC/VD; arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois du 15 janvier 1998, publié in JdT 1998 III 53),
soit lorsque le déclinatoire aurait dû être prononcé d'office (ch. 1) et pour
absence d'assignation régulière ou pour violation de l'art. 305 CPC/VD
lorsque le jugement a été rendu par défaut (ch. 2). En tant qu'il est
interjeté non pour ces motifs, mais pour arbitraire dans l'application du
droit civil fédéral, le recours est recevable de ce chef.

2.
La recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 176 al. 1 CC.
Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu que sa fortune pouvait
produire un rendement de 4 %. Elle estime également qu'en fixant la
contribution due à l'intimé à 11'000 fr. par mois, les juges cantonaux font
bénéficier l'intéressé d'un train de vie plus élevé que celui qu'il menait
durant le mariage.

2.1 Selon l'art. 176 al. 1 CC, le juge fixe la contribution pécuniaire à
verser par l'une des parties à l'autre en application de l'art. 163 al. 1 CC.
Conformément à la jurisprudence, les deux époux doivent participer, chacun
selon ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence
parallèle de deux ménages (cf. ATF 114 II 13 consid. 5). Chacun des époux a
le droit de participer de manière identique au train de vie antérieur (ATF
119 II 314 consid. 4b/aa). Le montant de la contribution d'entretien due
selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se détermine en fonction des facultés
économiques et des besoins respectifs des époux. Le législateur n'a pas
arrêté de méthode de calcul à cette fin. L'une des méthodes préconisées par
la doctrine, qui est considérée comme conforme au droit fédéral, est celle
dite du minimum vital avec répartition de l'excédent. Selon cette méthode,
lorsque le revenu total des conjoints dépasse leur minimum vital de base du
droit des poursuites (art. 93 LP), auquel sont ajoutées les dépenses non
strictement nécessaires, l'excédent est en règle générale réparti par moitié
entre eux (ATF 114 II 26), à moins que l'un des époux ne doive subvenir aux
besoins d'enfants mineurs communs (ATF 126 III 8 consid. 3c et les arrêts
cités) ou que des circonstances importantes ne justifient de s'en écarter
(ATF 119 II 314 consid. 4b/bb). En cas de situation financière favorable, il
convient plutôt de se fonder sur les dépenses indispensables au maintien des
conditions de vie antérieures (ATF 115 II 424). Le standard de vie choisi
d'un commun accord par les époux constitue la limite supérieure de
l'entretien convenable (ATF 118 II 376 consid. 20b).

Lorsque le revenu des conjoints ne suffit pas à couvrir le minimum vital de
la famille, leur fortune peut être prise en considération pour déterminer
leur capacité financière (cf. ATF 114 II 117 consid. 4 p. 122). En tant que
le revenu du débiteur provient du produit de sa fortune, on ne peut partir
d'un rendement hypothétique que dans la mesure où le débiteur pourrait gagner
davantage en faisant preuve de bonne volonté ou en fournissant l'effort qu'on
peut raisonnablement exiger de lui (ATF 117 II 16 consid. 1b et les réf.
citées); lorsque la possibilité réelle d'une augmentation de revenu fait
défaut, il faut y renoncer.

2.2 La recourante reproche aux juges d'appel d'avoir partagé par moitié
l'excédent disponible après déduction des charges, ce qui fait bénéficier
l'intimé de meilleures conditions de vie que celles dont il jouissait
lorsqu'ils étaient ensemble. Selon elle, au vu des faits retenus, le train de
vie des parties se fondaient sur un revenu mensuel de 8'000 fr. L'acquisition
de sa fortune n'étant intervenue que peu de temps avant la séparation du
couple, cet événement n'avait pas influencé de manière significative leur
standard de vie. Par conséquent, la contribution de 11'000 fr. accordée par
le Tribunal d'arrondissement à l'intimé viole le droit fédéral, car elle a
pour résultat de faire bénéficier celui-ci d'un niveau de vie supérieur à
celui mené par les conjoints durant la vie commune.

2.2.1 En l'espèce, l'arrêt attaqué ne constate pas expressément le niveau de
vie des époux avant la séparation. Toutefois, il ressort des faits retenus
par l'instance précédente que, durant la vie commune, la recourante n'avait
pas d'activité professionnelle rémunérée. Dès l'été 2005, ses parents lui ont
versé régulièrement 8'330 fr., dont 5'000 fr. étaient utilisés chaque mois
pour les besoins des époux. A la suite d'un placement de ses parents dans un
établissement médico-social en septembre 2005, l'épouse est devenue la
première bénéficiaire d'une fondation au Liechtenstein. Ces avoirs totalisant
8'679'399 fr. ont été transférés sur un compte auprès de l'UBS et vont faire
l'objet d'un rattrapage fiscal de 1'400'000 fr. Selon l'arrêt attaqué, le
premier juge avait retenu que le couple n'avait rien convenu de particulier à
l'époque de la vie commune quant à l'utilisation de cette fortune, hormis un
projet d'investissement de 200'000 fr. dans l'immeuble de X.________ et
qu'une partie de la fortune avait nécessairement dû être employée pour les
besoins du ménage vu l'absence d'autres revenus.

En effet, s'agissant des revenus de l'époux, ingénieur civil, les juges
cantonaux ont constaté qu'il obtenait un salaire mensuel situé entre 8'000
fr. et 10'000 fr. Après une période de chômage de deux ans, il a créé une
société à responsabilité limitée active dans le domaine de la construction de
villas. En 2005, les revenus de cette société se sont élevés à 42'000 fr.,
dont 12'000 fr. étaient comptabilisés en compte courant créancier.
D'importants frais de représentation et indemnités forfaitaires pour cadres
apparaissaient cependant dans les comptes. Pour l'année 2006, la société
n'avait réalisé aucun revenu, le recourant ayant expliqué qu'il vivait sur
ses réserves personnelles. Au vu de ces éléments, il apparaît que le train de
vie des époux s'est fondé pendant plus de 20 ans sur le revenu du travail du
mari qui se situait entre 8'000 et 10'000 fr. Lorsque celui-ci a diminué, il
a été complété par l'aide des parents de la recourante. Celle-ci n'est
rentrée en possession de sa fortune que six mois avant la séparation, sans
que cet événement n'influe sur le niveau de vie des époux, hormis
l'acquisition d'un véhicule de marque Lexus, dont la cour cantonale a tenu
compte puisque les mensualités de leasing ont été incluses dans les charges
de l'époux.

Ainsi, les juges précédents, en considérant que le solde disponible de
l'épouse après couverture des minima vitaux des parties, devait être partagé
par moitiés égales, ce qui a abouti à la fixation d'une contribution de
11'000 fr. en faveur du mari, ont versé dans l'arbitraire. Ils ont méconnu
que le train de vie mené par les époux durant le mariage constitue la limite
supérieure du droit à l'entretien. La contribution allouée conduit en effet à
augmenter le train de vie de l'intimé par rapport à celui dont il bénéficiait
durant le mariage (cf. consid. 2.1 supra). Le recours doit par conséquent
être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

2.3 Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de traiter du grief relatif
au taux de rendement de la fortune. En effet, si on se fonde sur les pièces
bancaires déposées par la recourante, le rendement de la fortune peut être
arrondi à 3,2 % selon le détail suivant : 6'439'961 fr. investis en actions,
obligations et autres placements ont produit un rendement de 1,6 % du 14 août
2006 au 29 septembre 2006 et de 4,8 % du 29 septembre au 29 décembre 2006
(soit un rendement de 3,78 % du 14 août au 20 décembre 2006); 2'400'000 fr.
ont été placés sur un dépôt à terme dont le rendement est de 1,7 %. Le
rendement de la fortune peut ainsi être arrondi à 3,2 % [(2'400'000 fr. x 1,7
%) + (6'493'961 fr. x 3,78 %)] x 100 : 8'922'559 fr.}, ce qui porterait le
revenu mensuel de la recourante à 28'390 fr. {8'330 fr. + [(7'522'559 fr. x
3,2 %) : 12]}. Dans l'hypothèse retenue par la cour cantonale qui s'est
fondée sur un taux de rendement de 4 %, ce revenu mensuel serait de 33'405
fr. {8'330 fr. + [(7'522'559 fr. x 4 %) : 12]. Au vu de cette situation
financière aisée, l'excédent du revenu de la recourante après couverture des
minima vitaux ne devra pas être réparti par moitié pour fixer la contribution
d'entretien due à l'époux. Celle-ci sera arrêtée de sorte qu'il puisse
bénéficier du train de vie dont les époux jouissaient pendant la vie commune,
lequel se fondait sur un revenu mensuel de 8'000 fr. à 10'000 fr. Au vu des
revenus élevés de la recourante, il n'est ainsi manifestement pas déterminant
de savoir si elle obtient un revenu mensuel de 28'390 fr. ou de 33'405 fr.
C'est dire que la question du taux exact de rendement de la fortune peut
rester ouverte.

2.4 La recourante reproche encore à la cour cantonale d'avoir tenu compte
d'une fortune de 7'522'559 fr. Elle considère que seul un montant de
6'215'203 fr. correspondant à la part des placements qui produisent un
rendement direct et à échéance final génère des revenus. Ce grief est
irrecevable, car il se fonde sur des faits nouveaux (art. 99 al. 1 LTF) sans
que la recourante ne démontre, conformément aux exigences légales (cf.
consid. 1.2 supra), que la cour cantonale n'a manifestement pas compris le
sens et la portée d'un moyen de preuve, qu'elle a omis, sans motifs sérieux,
de tenir compte d'un moyen de preuve pertinent ou encore qu'elle a effectué,
sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I
8 consid. 2.1 et les arrêts cités).

3.
Vu le sort du recours, les frais sont mis à la charge de l'intimé (art. 66
al. 1 LTF), qui versera à la recourante une indemnité de dépens (art. 68 al.
1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est
annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de dépens de 3'000 fr.

4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal civil de
l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.

Lausanne, le 22 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière:

Raselli  Rey-Mermet