Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.332/2007
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5A_332/2007

Arrêt du 15 novembre 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

A. ________ SA,
recourante, représentée par Me Nicolas Voide, avocat,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Chantal Ducrot, avocate,

rapports de voisinage,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour
civile II, du 22 mai 2007.

Faits :

A.
B. ________ est propriétaire de l'ensemble des parts d'étage du bien-fonds n°
xxx, plan n° 5, de la commune de X.________. Au premier étage de l'immeuble
construit sur ce fonds, un balcon empiète depuis septante ans sur la parcelle
voisine n° yyyy.

Le bien-fonds n° yyyy appartient à A.________ SA. Il s'agit d'une cour
intérieure ceinturée par des bâtiments, dont l'immeuble sis sur la parcelle
n° xxx.

B.
A.________ a élevé, sans solliciter d'autorisation de construire, un mur en
brique en limite de sa parcelle à l'endroit où celle-ci jouxte l'immeuble n°
xxx afin de clore l'accès depuis cette parcelle. Cette construction, de 15 cm
de large, a une longueur de 225 cm et une hauteur de 120 cm. Elle obstrue le
60 % de la porte-fenêtre et le 30 % de la fenêtre de la cuisine de
B.________.

Par courrier du 7 mai 2003, B.________ a imparti à A.________ SA un délai au
30 mai pour supprimer la construction.

C.
Le 12 novembre 2003, B.________ a ouvert action devant le juge de district de
Martigny contre A.________ SA. En dernier lieu, elle a conclu notamment à la
démolition du mur et à l'inscription en faveur de la part de copropriété n°
zzzz de la parcelle n° xxx et à charge de l'immeuble n° yyyy, d'une servitude
d'empiétement de 4,60 m2 pour le balcon, moyennant le paiement d'un montant
de 920 fr. A.________ SA s'est opposée à la demande principale et a pris
diverses conclusions reconventionnelles dont la somme totale s'élevait à
36'377 fr.; l'une d'entre elles tendait notamment à la suppression du balcon
empiétant sur sa parcelle.

Par jugement du 22 mai 2007, le Tribunal cantonal du canton du Valais a
notamment rejeté la conclusion en suppression du balcon (ch. 10 du jugement)
et a attribué au profit de la part d'étage n° zzzz du bien-fonds n° xxx une
servitude d'empiétement à charge de l'immeuble n° yyyy en relation avec cet
ouvrage (ch. 3 du jugement). Il a également ordonné la destruction du mur
construit en limite de l'immeuble n° xxx.

D.
A.________ SA forme un recours en matière civile en concluant à la
modification du jugement cantonal en ce sens que la demande de démolition du
mur soit rejetée, qu'ordre soit donné à B.________, sous les sanctions de
l'art. 292 CP, de supprimer le balcon aménagé au premier étage de l'immeuble
sis sur la parcelle n° xxx. Il demande également que l'entier des frais et
dépens de la procédure cantonale soient mis à la charge de B.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Dans les affaires pécuniaires qui ne concernent ni le droit du travail ni
le droit du bail à loyer, le recours n'est recevable que si la valeur
litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 LTF)

Pour le calcul de la valeur litigieuse, le montant de la demande
reconventionnelle et celui de la demande principale ne sont pas additionnés
(art. 53 al. 1 LTF). La recevabilité du recours en matière civile est dès
lors déterminée séparément pour les demandes principale et reconventionnelle,
sous réserve de l'attraction prévue à l'art. 53 al. 2 LTF. En vertu de cette
disposition, qui correspond à l'art. 47 al. 3 OJ (cf. Poudret, Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, II, n. 3.1 ad art. 47 OJ), si les
conclusions des demandes principale et reconventionnelle s'excluent et si
l'une de ces demandes n'atteint pas à elle seule la valeur litigieuse
minimale, cette demande est quand même réputée atteindre la valeur litigieuse
minimale si le recours porte sur les deux demandes. Si le demandeur principal
exerce deux prétentions qui, même additionnées, ne rentrent pas dans la
compétence du tribunal et que l'admission de la demande reconventionnelle (de
plus de 30'000 fr.) n'exclut le bien-fondé que de l'une d'entre elles, le
recours en matière civile n'est pas recevable à l'égard de l'action
principale dont l'existence est indépendante de celle des conclusions
reconventionnelles (ATF 36 II 139; 22 1075-1076; cf. Alain Wurzburger, Les
conditions objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral, 1964, p.
157).

2.2 En l'espèce, le recours en matière civile porte sur les demandes
principale et reconventionnelle. Il est en tous les cas recevable à l'égard
de cette dernière, pour laquelle la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr.
est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF; pour l'art. 47 al. 3 OJ : ATF 107 II
411 consid. 1 et les références citées; cf. ATF 108 II 51 consid. 1). La
demande principale porte sur deux prétentions (démolition du mur et
inscription d'une servitude d'empiétement relative au balcon) dont la valeur
litigieuse additionnée s'élève à 10'000 fr. Le recours portant sur cette
demande paraît irrecevable au regard de l'art. 53 al. 1 LTF. Reste à
déterminer s'il est ouvert en vertu de l'attraction prévue à l'art. 53 al. 2
LTF. En l'occurrence, l'admission de la demande reconventionnelle, laquelle
tend à la suppression du balcon, n'exclut le bien-fondé que de la conclusion
portant sur l'inscription d'une servitude d'empiétement. En revanche, elle
n'exclut pas la conclusion tendant à la démolition du mur, ce qui entraîne
l'irrecevabilité du recours sur ce point. Il n'est dès lors recevable, eu
égard à la valeur litigieuse, qu'en ce qui concerne la demande
reconventionnelle et la conclusion principale tendant à l'inscription d'une
servitude d'empiétement.

2.3 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
reconventionnelles (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale
(art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours en matière
civile est pour le surplus recevable puisqu'il a été déposé dans le délai
(art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

3.
Le recours peut être interjeté notamment pour violation du droit fédéral, y
compris les droits constitutionnels (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Comme sous l'empire de
l'art. 63 al. 1 et 3 OJ, il n'est donc limité ni par les arguments soulevés
dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il
peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et
il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle
de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4; Message du Conseil
fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
in : FF 2001 p. 4141).

4.
Selon la recourante, les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte sur deux points. Elle prétend que la cour cantonale a omis de
constater les travaux en cours de réalisation et ayant pour but de
restreindre l'accès à la parcelle n° yyyy. Elle aurait également dû constater
l'existence d'un principe de contiguïté entre les parcelles nos yyyy et xxx,
lequel découlerait du règlement communal des constructions.

4.1 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral fonde son arrêt
sur les faits tels qu'ils ont été constatés par l'autorité cantonale (art.
105 al. 1 LTF), à moins que des faits pertinents pour l'issue du litige
n'aient été établis de manière manifestement inexacte, à savoir arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. (Message, p. 4135) ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF) et pour autant que la correction du vice
soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine
LTF). Le Tribunal fédéral ne sanctionne une constatation des faits contraire
à l'art. 9 Cst. que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art.
106 al. 2 LTF); les exigences de motivation de l'acte de recours
correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (FF 2001 p. 4142).

4.2 Vu le sort du grief relatif à la démolition du mur (cf. consid. 2.2
supra), l'omission de constater les travaux en cours de réalisation pour
restreindre l'accès à la parcelle n° yyyy est sans pertinence. Il en va de
même de l'absence de constatation de la contiguïté qui découlerait du
règlement communal des constructions. On ne voit pas en quoi cette question,
qui relève de l'application du droit communal et non de la constatation des
faits, est relevante pour juger de l'attribution d'une servitude
d'empiétement relative au balcon. La recourante ne l'explique d'ailleurs pas.
Seule est déterminante en l'espèce la contiguïté de fait entre les parcelles
nos yyyy et xxx, élément qui ressort du jugement cantonal.

5.
La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir rejeté sa demande
reconventionnelle tendant à la suppression du balcon.

5.1 En cas d'empiétement, le propriétaire lésé peut en principe exiger la
suppression matérielle de la construction qui se trouve sur son fonds (art.
641 al. 2 CC; Steinauer, Les droits réels, II, 3e éd., 2002, n0 1647; Liver,
Schweizerisches Privatrecht V/I, 1977, p. 180). Il faut toutefois qu'il se
soit opposé à l'empiétement en temps utile ou, en cas d'opposition tardive,
que l'auteur de l'empiétement ait agi de mauvaise foi (Meier-Hayoz,
Commentaire bernois, n. 38 ss ad art. 674 CC). Agit en temps utile le
propriétaire lésé qui communique son opposition dès qu'il est en mesure de le
faire et que la violation des règles du droit de voisinage est objectivement
reconnaissable (ATF 95 II 7; Meier-Hayoz, op. cit., n. 39 ad art. 674; Adolf
Bürgisser, Das Überbaurecht des ZGB und des BGB, 1978, p. 298 ss). Il incombe
au propriétaire lésé de prouver qu'il y a eu opposition en temps utile (art.
8 CC; Meier-Hayoz, op. cit., n. 44 ad art. 674).

5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le balcon de l'intimée empiète sur
la parcelle n° yyyy appartenant à la recourante. La suppression demandée par
celle-ci est manifestement tardive. L'ouvrage contesté existe depuis septante
ans. Il n'est pas établi que les propriétaires d'alors de la parcelle n° yyyy
se soient opposés à la construction du balcon alors que l'empiétement était
objectivement reconnaissable. La recourante, qui est propriétaire de
l'immeuble n0 yyyy depuis 1986 au moins, s'est également accommodée de cette
situation jusqu'en 2004. L'empiétement a donc été toléré depuis plusieurs
dizaines d'années. Par ailleurs, la recourante ne prétend pas que le
constructeur du balcon était de mauvaise foi, la bonne foi de celui-ci étant
par ailleurs présumée en vertu de l'art. 3 al. 1 CC. Dans ces conditions, le
droit d'exiger la suppression du balcon est périmé et la cour cantonale n'a
pas enfreint le droit fédéral en rejetant la conclusion reconventionnelle
tendant à la démolition de l'ouvrage litigieux.

6.
Se plaignant d'une violation de l'art. 674 CC, la recourante reproche à la
cour cantonale d'avoir ordonné l'inscription d'une servitude d'empiétement
permettant ainsi à l'intimée de conserver le balcon. Selon elle, lors de la
pesée des intérêts, les juges cantonaux n'ont pas tenu compte du projet de
construction portant sur la parcelle n° yyyy, projet qui implique
nécessairement la démolition du balcon.

6.1 Lorsque, comme en l'espèce, le propriétaire lésé ne s'est pas opposé à
l'empiétement en temps utile et que l'auteur des constructions et autres
ouvrages était de bonne foi au moment de la construction, ce dernier peut
demander, si les circonstances le permettent, l'attribution d'un droit réel
limité ou le transfert de la propriété de la surface usurpée contre paiement
d'une indemnité équitable (art. 674 al. 3 CC). Pour décider si l'attribution
est justifiée par les circonstances, le juge doit peser les intérêts en
présence, notamment tenir compte de la facilité ou de la difficulté de
supprimer l'empiétement, de sa durée, de l'intensité de la dépréciation subie
par le fonds objet de l'empiétement et de l'utilisation faite de la
construction (ATF 78 II 131 consid. 6; Steinauer, op. cit., n° 1655 et les
références citées; Meier-Hayoz, op. cit., n. 69 ad art. 674 CC).

6.2 En l'espèce, dans le cadre de la pesée des intérêts, les premiers juges
ont considéré que l'empiétement qui est supporté par la recourante depuis
plusieurs années n'entravait que peu l'exploitation de la parcelle n° yyyy,
compte tenu de l'affectation prévue au parcage de véhicules et de la
superficie réduite du balcon. A l'inverse, le balcon apporte une plus-value
manifeste à l'appartement dont les habitants bénéficient d'une ouverture
donnant sur une cour intérieure à l'abri de la circulation, jouissant d'un
ensoleillement adéquat et éclairant le salon. Au vu de l'ensemble de ces
éléments, la cour cantonale a considéré que les conditions posées par l'art.
674 al. 3 CC étaient remplies.

6.3 En reprochant aux juges cantonaux d'avoir omis, dans la pesée des
intérêts de prendre en compte le projet de construction qui impliquerait
nécessairement la démolition du balcon, la recourante fonde sa critique sur
des faits non constatés, sans pour autant démontrer que l'autorité cantonale
serait tombée dans l'arbitraire ou aurait violé l'art. 95 LTF (cf. consid.
4.1 supra). Purement appellatoire, son argumentation ne peut être prise en
considération (ATF 130 I 258 consid. 1.3). Eu égard aux faits qui lient le
Tribunal fédéral, on ne discerne par ailleurs aucune violation du droit
fédéral dans l'application de l'art. 674 al. 3 CC et plus particulièrement
dans la pesée des intérêts opérée par la cour cantonale.

En revanche, la servitude ne pouvait être constituée en faveur de la part de
copropriété de l'intimée; s'agissant d'un droit d'empiétement, qui profite à
tous les copropriétaires - étant précisé que la partie extérieure d'un balcon
constitue une partie commune (Amedeo Wermelinger, La propriété par étages,
2002, nos 71 ss ad art. 712b CC) -, seule l'inscription d'une servitude en
faveur de l'immeuble n° xxx entrait en ligne de compte (ATF 108 II 35 consid.
2a et les références citées; plus récemment, Steinauer, op. cit., n° 1651a).
Pour ce motif, le recours doit être admis et le jugement attaqué annulé dans
la mesure où il ordonne la constitution d'une servitude d'empiétement en
faveur de la part d'étages n° zzzz de l'immeuble n° xxx de la commune de
X.________.

7.
Vu le sort du recours qui est admis dans la mesure de sa recevabilité, il se
justifie de répartir les frais de la procédure fédérale par moitié entre les
parties et de compenser les dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). Il
appartiendra à l'autorité cantonale de statuer à nouveau sur les frais et
dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF).

Le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable et le
ch. 3 du jugement attaqué est annulé et réformé comme suit :

"L'action en inscription d'une servitude d'empiétement en faveur de la part
d'étages n° zzzz de la parcelle n° xxx de la commune de X.________ est
rejetée".

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis pour moitié à la charge de la
recourante et pour moitié à celle de l'intimée.

3.
Les dépens sont compensés.

4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II.

Lausanne, le 15 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Rey-Mermet