Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.324/2007
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5A_324/2007 /frs

Arrêt du 29 novembre 2007
IIe Cour de droit civil

MM et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

Gerhard Ulrich,
recourant,

contre

Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Route du Signal
8, 1014 Lausanne,

récusation,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour administrative du
Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 29 mai 2007.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
1.1 Par acte du 21 mai 2007, Gerhard Ulrich a demandé la récusation d'Anne
Röthenbacher, Présidente du Tribunal d'arrondissement de La Côte. La requête
a été transmise le lendemain par Pierre Bruttin, autre président de ce
tribunal, à la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois. Statuant le
29 mai 2007, cette juridiction a rejeté la demande de récusation et mis les
frais (500 fr.) à la charge du requérant.

1.2 Gerhard Ulrich exerce un recours au Tribunal fédéral à l'encontre de
cette décision. Il conclut à la récusation de la présidente du tribunal
d'arrondissement ainsi que du Tribunal cantonal vaudois «en bloc»; il se
plaint de la participation du Juge Dominique Creux.

1.3 Par ordonnance du 27 septembre 2007, le Président de la Cour de céans a
accordé à titre superprovisoire l'effet suspensif au recours.

2.
Interjeté à temps contre une décision en matière de récusation rendue en
dernière instance cantonale, le recours est ouvert sous l'angle des art. 75
al. 1, 92 al. 1 et 100 al. 1 LTF. Le recourant a, en outre, qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF).

3.
En tant que le recourant demande la récusation «en bloc» du Tribunal fédéral,
cette requête est abusive, partant irrecevable (ATF 105 Ib 301 et les
citations). Il en va de même en ce qui concerne celle du Tribunal cantonal
vaudois.

4.
Le recourant fait valoir, en substance, que le Juge cantonal Dominique Creux
ne pouvait siéger au sein de la Cour administrative du Tribunal cantonal, dès
lors qu'il est «[son] ennemi personnel, puisqu'il [l'a] fait condamner pour
une prétendue atteinte à son honneur non existante»; il soutient que la
participation du magistrat concerné est dictée par un sentiment de
«vengeance» et son obstination n'est «rien d'autre qu'un règlement de
comptes».

4.1 Il ressort du dossier que le Juge cantonal Dominique Creux, lequel
préside la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois, a déposé plainte
pénale, le 13 juin 2003, contre Gerhard Ulrich et Marc-Etienne Burdet en
raison du contenu de deux tracts diffusés par l'association «Appel au
Peuple», dont les prénommés sont respectivement président et membre du
comité. Par jugement du 25 février 2005, le Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, condamné Gerhard Ulrich et
Marc-Etienne Burdet pour diffamation (ch. III et IV) et les a condamnés
solidairement à verser au plaignant une indemnité de 1'000 fr. à titre de
«réparation morale» (ch. VII). Statuant le 25 juillet 2006, le Tribunal
Neutre du canton de Vaud a confirmé ce jugement. Le Tribunal fédéral a
déclaré irrecevable le 12 décembre 2006 le pourvoi en nullité formé à
l'encontre de cette décision.

4.2 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art.
30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même portée -
permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander la
récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à
susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des
circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en
faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition
interne de la part du juge ne peut guère être prouvée; il suffit que les
circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une
activité partiale du magistrat; cependant, seules les circonstances
objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions
purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 133 I 1 consid. 5.2 p. 3/4;
131 I 24 consid. 1.1 p. 25 et les arrêts cités).

4.3
4.3.1 D'après la jurisprudence, le motif de récusation doit être invoqué
aussitôt que l'intéressé en a eu connaissance, sous peine d'être déchu du
droit de s'en prévaloir ultérieurement (cf. parmi plusieurs: ATF 132 II 485
consid. 4.3 p. 496/497; 119 Ia 221 consid. 5a p. 228/229 et les arrêts
cités).

Le recourant ne fait pas valoir, en l'espèce, qu'il ignorait que la Cour
administrative était compétente pour se prononcer sur sa demande de
récusation (art. 7 let. a du Règlement organique du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 7 juillet 1992 [ROTC]; RSV 173.31.1), comme le confirment
d'ailleurs plusieurs décisions rendues à son sujet (cf. arrêts 1P.390/2006;
1P.620/2006). Hormis une publication dans la Feuille des avis officiels (FAO
n° 100, du 15 décembre 2006, p. 7), la composition de ladite juridiction
n'est actuellement accessible qu'au moyen du site Internet officiel de l'État
de Vaud (cf.
www.vd.ch/fr/organisation/ordre-judiciaire/direction/cour-administrative). La
question de savoir si, dans l'optique de la récusation, cette dernière source
est ou non opposable au justiciable peut demeurer indécise pour les motifs
suivants (cf. infra, consid. 4.3.2).
4.3.2 Le fait qu'une partie s'en prenne violemment à un juge trahit
certainement l'inimitié que celle-là nourrit à l'endroit de celui-ci, mais
cela ne permet pas de présumer qu'un tel sentiment soit réciproque. Ces
attaques n'ont pas, d'un point de vue objectif, pour effet de faire naître
une apparence de prévention du magistrat en cause envers l'auteur de
l'atteinte; en décider autrement reviendrait à ouvrir aux quérulents la
possibilité d'influencer la composition du tribunal en tenant des propos
insultants vis-à-vis du juge dont ils récusent la participation.

En revanche, la situation se présente différemment lorsque, comme en
l'espèce, le magistrat atteint dans sa personnalité réagit en déposant une
plainte pénale (cf. art. 173 CP), assortie de conclusions civiles en
réparation du tort moral (cf. art. 28a al. 3 CC et art. 49 CO). Le conflit
assume alors une tournure personnelle et, en raison de son épilogue
judiciaire, est objectivement de nature à entacher l'impartialité du juge
lors d'une autre procédure impliquant son adversaire. L'apparence de
prévention était si évidente en l'occurrence - compte tenu notamment du temps
relativement court qui s'est écoulé depuis le terme du procès pénal (cf.
supra, consid. 4.1) - que le Juge Creux aurait dû se récuser spontanément; ce
vice doit être apprécié avec plus de rigueur qu'une éventuelle tardiveté de
la demande de récusation (supra, consid. 4.3.1;  cf. Kiener, Richterliche
Unabhängigkeit, Berne 2001, p. 361 let. c et les auteurs cités en note 155),
d'autant que la distinction entre récusation facultative et obligatoire fait
l'objet de critiques en doctrine (cf. Kiener, op. cit., p. 350 et les
références citées en note 90) et qu'elle n'est plus consacrée par la nouvelle
loi fédérale sur le Tribunal fédéral [LTF] du 17 juin 2005 (ATAF 2007/4
consid. 2.2 p. 29 et les citations).

5.
En conclusion, le présent recours doit être admis dans la mesure où il est
recevable et la décision attaquée annulée. Le recourant a procédé en
personne, et aucun motif particulier ne justifie de lui accorder des dépens
(cf. ATF 113 Ib 353 consid. 6b p. 356/357 et la jurisprudence citée). Il y a
lieu de statuer sans frais (art. 66 al. 4 LTF).

Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée est annulée.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la Cour
administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: