Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.318/2007
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5A_318/2007 /frs

Arrêt du 11 octobre 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Meyer, Juge présidant,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Mairot.

Dame X.________, (épouse),
recourante, représentée par Me Stéphane Rey, avocat,

contre

X.________, (époux),
intimé, représenté par Me Louis Gaillard, avocat,

mesures protectrices de l'union conjugale,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 11 mai 2007.

Faits :

A.
X. ________, ressortissant suisse né en 1960, et dame X.________, née en
1945, originaire de Roumanie, se sont mariés le 21 avril 1987 à Manhattan
(New-York, USA), sans conclure de contrat relatif à leur régime matrimonial.
Aucun enfant n'est issu de leur union.

Les époux cohabitent encore actuellement dans un appartement de six pièces et
demie situé à Genève, qu'ils ont conjointement pris à bail.
Le 30 janvier 2007, des mesures protectrices de l'union conjugale ont été
ordonnées par le Tribunal de première instance du canton de Genève. Cette
juridiction a notamment autorisé les époux à vivre séparés (ch. 1), attribué
au mari la jouissance exclusive de l'appartement conjugal (ch. 2) et imparti
à l'épouse un délai de deux mois pour libérer ce logement de sa personne et
de ses biens (ch. 3). Les prétentions financières du mari ont été rejetées et
les dépens compensés (ch. 4-5).

B.
Par arrêt du 11 mai 2007, la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de Genève a déclaré irrecevables les conclusions prises par l'épouse tendant
à l'attribution exclusive de la demeure commune, à l'allocation d'une
contribution d'entretien et au prononcé de la séparation de biens. Quant au
fond, l'autorité cantonale a confirmé le jugement de première instance sous
réserve de son chiffre 3, le délai imparti à l'épouse pour libérer
l'appartement conjugal étant fixé à six mois dès l'entrée en force de son
arrêt.

C.
L'épouse exerce un recours en matière civile, assorti d'un recours
constitutionnel subsidiaire, contre l'arrêt du 11 mai 2007. Elle conclut
principalement à ce qu'il soit constaté que les conditions de la vie séparée
au sens de l'art. 175 CC ne sont pas remplies et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Subsidiairement, elle demande que les époux soient autorisés à vivre séparés,
que la jouissance exclusive de l'appartement conjugal lui soit attribuée, de
même que le mobilier et les objets le garnissant, qu'il soit ordonné au mari
de quitter ce logement sous la menace des peines de l'art. 292 CP, que
celui-ci soit condamné à lui verser, à compter du mois suivant son départ du
domicile conjugal, la somme de 6'455 fr.50 par mois pour son entretien,
enfin, que la séparation de biens soit prononcée. Plus subsidiairement, elle
sollicite d'être acheminée à prouver par toutes voies utiles la preuve des
faits allégués dans son écriture.

Une réponse sur le fond n'a pas été requise.

D.
Par ordonnance du 9 juillet 2007, le président de la cour de céans a attribué
l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 747 consid. 4 p. 748).

1.1 Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 393 consid. 4
p. 395) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF; ATF 133 III 393 consid.
2 p. 395) par la dernière autorité cantonale (art. 75 al. 1 LTF), le recours
est recevable sous l'angle de ces dispositions. Il a de plus été déposé en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art.
42 LTF).

1.2 Les mesures protectrices de l'union conjugale sont des mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF; seule peut donc être soulevée à
leur encontre la violation des droits constitutionnels (ATF 133 III 393
consid. 5 p. 396). Il résulte de l'art. 106 al. 2 LTF que le recourant doit
exposer de manière claire et détaillée en quoi des droits constitutionnels
auraient été violés; les exigences de motivation de l'acte de recours
correspondent à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III 393
consid. 6 p. 397). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, une
rectification ou un complément des constatations de fait n'entrent en
considération que si la juridiction cantonale a enfreint des droits
constitutionnels (ATF 133 III 393 consid. 7.1 p. 398). Par ailleurs, les
mesures protectrices de l'union conjugale sont ordonnées à la suite d'une
procédure sommaire avec administration restreinte des moyens de preuve et
limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il suffit donc
que les faits soient rendus vraisemblables (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb p.
478 et les références).

2.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir, à la suite d'une
appréciation arbitraire des preuves, enfreint l'art. 175 CC de manière
insoutenable, les conditions d'application de cette disposition n'étant,
selon elle, pas réalisées. Elle se plaint en outre sur ce point d'une
violation de son droit d'être entendue et reproche à l'intimé d'abuser de son
droit, en l'obligeant à quitter le domicile conjugal alors qu'il serait seul
responsable des tensions existant entre les époux. L'autorité cantonale
aurait en outre violé l'art. 364 al. 2 LPC/GE en refusant d'ordonner la
production de pièces complémentaires et l'audition de témoins.

2.1 Selon l'art. 175 CC, un époux est fondé à refuser la vie commune aussi
longtemps que sa personnalité, sa sécurité matérielle ou le bien de la
famille sont gravement menacés. En l'occurrence, la Cour de justice a
considéré qu'il n'existait plus d'harmonie ni d'entente entre les conjoints,
qui faisaient chambres séparées et que de nombreuses disputes avaient
opposés. Les pièces produites par l'intimé montraient que ses allégations,
selon lesquelles la recourante l'avait menacé, l'avait frappé, avait
endommagé ses effets personnels et l'avait empêché de dormir étaient du moins
partiellement justifiées. Les infidélités du mari et son désintérêt envers
l'épouse n'étaient sans doute pas étrangers à cette situation, mais il
n'était pas démontré ou rendu vraisemblable qu'il aurait adopté à son égard
un comportement à ce point contraire aux devoirs du mariage qu'il commettrait
un abus de droit en refusant la poursuite de la vie commune. La constitution
de domiciles séparés devait donc être autorisée.

La recourante conteste cette appréciation. Elle soutient, en substance, que
l'intimé continue d'exercer son activité professionnelle à plein temps, que
ses prétendus problèmes de santé sont sans rapport avec son couple, que ses
revenus ne sont pas menacés et qu'elle n'est en rien responsable des tensions
entre les conjoints. Selon elle, le juge ne saurait, sous le couvert d'une
procédure sommaire, admettre trop rapidement que les conditions de l'art. 175
CC sont remplies, d'autant qu'en l'espèce, l'intimé enfreint ses obligations
découlant du mariage depuis l'été 2001 au moins.

2.2 Cette argumentation est en grande partie appellatoire et, dans cette
mesure, ne saurait être prise en considération. A cet égard, il convient de
rappeler qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle
fois à l'appréciation des preuves administrées, mais au recourant d'établir
en quoi celle opérée par l'autorité cantonale serait insoutenable. Dans le
cas présent, la recourante se borne essentiellement à opposer son opinion à
celle de la Cour de justice, sans rien démontrer. En particulier, elle
n'expose pas de façon motivée que la constatation de la Cour de justice,
selon laquelle elle aurait menacé l'intimé, l'aurait frappé et l'aurait lésé
d'autre manière serait arbitraire. Dans ces circonstances, il n'est pas
insoutenable de considérer les conditions de l'art. 175 CC comme remplies. Au
demeurant, il convient de relever à ce propos que si une partie de la
doctrine considère que la cessation de la vie commune n'est possible qu'aux
conditions de l'art. 175 CC (cf. Hausheer/Reusser/Geiser, Berner Kommentar,
ad art. 175 CC, spéc. n. 13b; Verena Bräm, Zürcher Kommentar, ad art. 175 CC,
spéc. n. 3), d'autres auteurs sont d'avis qu'à la lumière de la révision du
droit du divorce, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, l'époux qui a
l'intention de cesser la vie commune en vue d'un divorce ultérieur doit se
voir conférer un droit à la réglementation judiciaire de la vie séparée
(Roger Weber, Kritische Punkte der Scheidungsrechtsrevision, AJP 1999 p.
1645; Thomas Gabathuler, Eheschutz und neues Scheidungsrecht, plädoyer
6/2001, p. 36; Dolder/Diethelm, Eheschutz [Art. 175 ss CC] - ein aktueller
Überblick, AJP 2003 p. 655/656 et les références citées à la note 24). La
jurisprudence zurichoise va dans le même sens, dans la mesure où elle estime
que le juge des mesures protectrices doit simplement vérifier, s'agissant
d'autoriser la vie séparée, si l'époux concerné manifeste une volonté de
séparation irrévocable (Décision du Tribunal supérieur du canton de Zurich du
3 décembre 1999, ZR 99/2000, n° 67, p. 191 ss). Or, il résulte sans
arbitraire du cours de la procédure, et la recourante ne conteste pas, que
l'intimé est fermement décidé à se séparer de son épouse. L'autorité
cantonale ne saurait dès lors se voir reprocher d'avoir rendu une décision
insoutenable en suivant une opinion doctrinale importante et en autorisant la
constitution de domiciles distincts. Autant qu'ils sont suffisamment motivés,
les autres griefs soulevés à cet égard par la recourante n'apparaissent pas
non plus fondés.

3.
La recourante reproche aussi à l'autorité cantonale d'être tombée dans
l'arbitraire en attribuant la jouissance du domicile conjugal à l'intimé.

3.1 Sur ce point, la Cour de justice a considéré que les parties étaient
colocataires de l'appartement conjugal, dont le mari avait jusqu'alors assumé
seul le loyer. Ce logement se trouvait à proximité de son étude d'avocat,
élément qui n'était cependant pas déterminant à lui seul. Aucune des parties
ne pouvait par ailleurs invoquer un intérêt affectif prédominant à conserver
l'usage exclusif de la demeure commune. L'épouse prétendait disposer
uniquement de ressources modestes, ce qui l'empêcherait de trouver un autre
logement. La fréquence de ses déplacements en Roumanie contredisait toutefois
ses allégués et tendait à démontrer, en l'absence de pièces comptables
fiables, qu'elle continuait d'exploiter activement et avec succès son étude
d'avocat dans ce pays. Sans être contredit, le mari avait en effet relevé
qu'elle avait séjourné à l'étranger pendant plus de cinq mois entre septembre
2005 et octobre 2006. Celui-ci paraissait quant à lui résider de manière fixe
à Genève et pouvait donc invoquer un intérêt prépondérant à continuer
d'occuper la demeure commune, étant rappelé que l'épouse n'en avait pas
réclamé l'attribution exclusive en première instance. Rien ne permettait en
outre de croire que celle-ci ne serait pas en mesure de trouver un autre
logement pour des raisons économiques. Enfin, ses nombreux déplacements à
l'étranger, même récemment, donnaient à penser qu'elle pouvait faire face,
malgré son âge et son état de santé, à un déménagement.

3.2 La recourante expose qu'elle est domiciliée et vit à Genève toute
l'année, qu'elle a quitté la Roumanie en 1979 et qu'elle n'y a plus jamais
habité depuis lors. Contrairement à ce qu'elle prétend, la cour  cantonale
n'a cependant pas retenu qu'elle résiderait dans son pays d'origine, mais
qu'elle y effectuait de fréquents déplacements. Les allégations de la
recourante et ses références à divers témoignages tendant à démontrer qu'elle
vivrait au domicile conjugal sont dès lors sans pertinence. Dans la mesure où
celle-ci conteste la fréquence de ses voyages à l'étranger, qui auraient au
demeurant été payés par des tiers, et soutient que les raisons de ses
déplacements seraient purement médicales, son argumentation est par ailleurs
appellatoire, partant irrecevable. Il en va de même lorsqu'elle affirme qu'en
l'absence de revenus et compte tenu de son état de santé, elle ne saurait se
reloger sans contribution de la part de son mari, lequel lui a assuré
jusqu'ici un train de vie supérieur à la moyenne. Sur le vu de ce qui
précède, la recourante ne démontre pas que l'autorité cantonale aurait
arbitrairement appliqué l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC, disposition qui n'est du
reste même pas mentionnée à l'appui du recours.

4.
Enfin, la recourante fait grief à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement
refusé d'entrer en matière sur ses conclusions nouvelles. La Cour de justice
a toutefois expliqué sur ce point que la présente procédure de mesures
protectrices était soumise à la maxime des débats dès lors qu'elle ne
concernait pas d'enfants mineurs, ce qui entraînait l'application par
analogie de l'art. 312 LPC/GE, prohibant le dépôt de conclusions non soumises
au premier juge; au demeurant, aucun fait nouveau, qui justifierait de
s'écarter exceptionnellement de ce principe, n'avait été allégué avec la
précision voulue. Or, la recourante ne s'en prend pas à cette motivation.
Elle se contente de répéter que ses revenus sont quasiment inexistants,
qu'elle ne partage pas son temps entre Genève et la Roumanie et que ses
déplacements à l'étranger pour raisons médicales ne peuvent confirmer une
prétendue activité professionnelle dans son pays d'origine. Ce faisant, la
recourante ne démontre pas que le refus de la Cour de justice d'entrer en
matière sur ses conclusions tendant à l'attribution du domicile conjugal, à
l'octroi d'une contribution d'entretien et au prononcé de la séparation de
biens, au motif que celles-ci n'avaient pas été soumises au Tribunal de
première instance, serait insoutenable.

5.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe,
supportera par conséquent les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Sa
requête d'assistance judiciaire ne saurait être agréée, car ses conclusions
était manifestement vouées à l'échec (art. 64 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre sur le fond
et qui a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, alors que celle-ci
a été admise.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 11 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  La greffière: