Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.317/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_317/2007 / frs

Arrêt du 8 mai 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

Parties
X.________, (époux),
recourant, représenté par Me Alain Berger, avocat,

contre

dame X.________, (épouse),
intimée, représentée par Me Yvan Jeanneret, avocat,

Objet
effets accessoires du divorce (contribution d'entretien),

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 11 mai 2007.

Faits:

A.
X.________, né en 1938, et dame X.________, née en 1953, tous les deux
d'origine sénégalaise, se sont mariés en 1977. Quatre enfants, dont seule la
benjamine est encore à leur charge - A.________, née en 1987 - , sont issus de
leur union.

X.________ était directeur de Y.________ pour l'Afrique et l'Océan indien; son
dernier salaire net était de 13'197 fr.50, non soumis à l'impôt; dame
X.________, qui a une formation universitaire, s'est vouée à l'éducation des
enfants. La famille vivait dans une villa, à Z.________, que le mari avait
acquise en 1980. Les époux se sont séparés au début de l'année 2002 et l'époux
a quitté le domicile conjugal.

B.
Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal de première instance de Genève a
prononcé le divorce des époux X.________; il a notamment ordonné le partage de
la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle du mari et attribué à
la femme un droit d'habitation jusqu'au 31 octobre 2003 sur la villa de
Z.________, propriété du mari, contre une rémunération mensuelle de 2'000 fr.,
à déduire de la contribution d'entretien de 3'000 fr. mise à la charge de
l'époux; il a en outre arrêté les contributions à verser par celui-ci pour
l'entretien des enfants.

Le mari a pris une retraite anticipée le 1er janvier 2003 et il a choisi de
percevoir de sa caisse de pension un capital et une rente mensuelle; le partage
de la prestation de sortie n'ayant pas encore été effectué, il a obtenu un
capital de 459'796 fr.30 (janvier 2003) ainsi qu'une rente mensuelle de 8'401
fr.40 (100'817 fr.28 par an).

Statuant le 18 mars 2005, sur renvoi du Tribunal fédéral (arrêt 5C.42/ 2002 du
26 septembre 2002), la Cour de justice a notamment fixé la contribution
d'entretien de l'ex-épouse à 1'500 fr. par mois et autorisé le débirentier à
s'en acquitter par le paiement des charges afférentes à la villa de Z.________
jusqu'à ce que la crédirentière ait quitté celle-ci, la pension étant ensuite
due en espèces; elle a aussi condamné le père à payer une contribution de 800
fr. par mois pour l'entretien de l'enfant A.________ jusqu'à sa majorité, voire
au-delà et jusqu'à 25 ans révolus, en cas d'études sérieuses et suivies.

Par arrêt du 13 avril 2006, le Tribunal fédéral a annulé cette décision en ce
qui concerne la pension à l'entretien de l'ex-épouse et, par suite, celle de
l'enfant en vertu de l'art. 148 al. 1 CC (arrêt 5C.107/2005); il a considéré
que, pour fixer le montant des contributions d'entretien, la Cour de justice
devait se fonder sur un revenu de la demanderesse de 1'675 fr.20 par mois,
qu'il lui incombait de déterminer la quotité de la rente du défendeur après
l'exécution du partage de la prestation de sortie - à laquelle devait être
ajouté le revenu de sa fortune issue du capital de 459'796 fr.30 - et que, le
cas échéant, comme le défendeur a choisi la solution du capital et d'une rente,
il fallait encore examiner la possibilité de mettre à contribution la substance
de ce capital pour assurer à l'ex-épouse une pension convenable jusqu'à ce
qu'elle touche des prestations de sa propre caisse de prévoyance. Enfin, la
juridiction cantonale devait revoir le montant des charges du défendeur (i.e.
loyer et suppression de la majoration forfaitaire de 20% sur les charges fixes,
à savoir les impôts, le loyer et les primes d'assurance-maladie).

C.
Opéré en octobre 2005, le partage par moitié de la prestation de sortie du mari
a conduit au versement d'un montant de 959'613 fr.80 sur un compte de libre
passage de l'ex-épouse (dont celle-ci ne peut disposer avant sa retraite, qui
interviendra à fin mars 2017) et à la réduction de la rente mensuelle du mari à
2'664 fr.45 (31'973 fr.40 par an).

La Cour de justice a convoqué les parties pour une audience fixée au 27 février
2007; X.________ a informé la cour cantonale que, faute de moyens financiers
suffisants pour lui permettre de vivre en Suisse, il était reparti au Sénégal
et se trouvait dans l'incapacité de faire face aux frais d'un déplacement en
vue de l'audience.

Statuant à nouveau le 11 mai 2007, la Cour de justice a fixé à 600 fr.,
allocations familiales en sus, la contribution mensuelle à l'entretien de
l'enfant jusqu'à ce que celle-ci atteigne l'âge de 25 ans, et pour autant
qu'elle poursuive ses études de manière sérieuse et régulière; elle a en outre
astreint le défendeur à laisser, à titre de contribution à l'entretien de son
ex-épouse, la disposition de la villa conjugale jusqu'au 31 décembre 2009 et à
lui verser ensuite une pension de 1'400 fr. par mois du 1er janvier 2010 au 31
mars 2017.

D.
D.a Son ex-épouse ayant été évacuée le 13 juin 2007 de la villa de Z.________,
qu'elle continuait d'occuper nonobstant l'expiration de son droit d'habitation,
X.________ a demandé la révision de cet arrêt.
D.b Parallèlement, il a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral,
concluant, sur le fond, au déboutement de l'intimée de toutes ses conclusions.
L'intimée conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement
à son rejet.

Par ordonnance du 20 juin 2007, le Président de la IIe Cour de droit civil a
rejeté la requête d'effet suspensif et suspendu l'instruction de la cause
jusqu'à droit connu sur la demande de révision cantonale.
D.c Par arrêt du 16 novembre 2007, la Cour de justice a partiellement rétracté
son arrêt et, tenant compte de ce que l'intimée avait quitté la villa le 13
juin 2007, a fixé à cette date le dies a quo de la contribution alimentaire.

Considérant en droit:

1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision
finale (art. 90 LTF), prise sur renvoi du Tribunal fédéral par le tribunal
supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), le présent recours en matière
civile est ouvert aux mêmes conditions que sous l'empire de l'ancien art. 66 OJ
(Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, 4143; arrêts 4A_71/
2007 du 19 octobre 2007, consid. 2.2, et 9C_522/2007 du 17 juin 2008, consid.
3.1).

2.
L'arrêt sur révision de la Cour de justice a rendu sans objet les conclusions
et les moyens concernant l'attribution de la maison à l'ex-épouse jusqu'au 31
décembre 2009.

Seules restent ainsi litigieuses la contribution à l'entretien de l'enfant et
la contribution (en espèces) à l'entretien de l'ex-épouse du 13 juin 2007 au 31
mars 2017, l'entretien après cette dernière date n'étant plus en discussion. Le
recourant conclut à leur suppression en raison de sa situation financière. Quoi
qu'en dise l'intimée, qui souligne que le principe d'une contribution
alimentaire a été admis précédemment par le Tribunal fédéral, ces conclusions
n'apparaissent pas irrecevables, dès lors qu'il s'agit de déterminer le montant
des pensions au regard des revenus et charges des parties.

3.
Conformément aux principes posés sous l'empire de l'ancien art. 66 OJ, qui
demeurent valables en droit actuel (cf. supra, consid. 1), l'autorité cantonale
à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision
sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral; sa cognition est
limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce
qui a déjà été tranché définitivement par le Tribunal fédéral ainsi que par les
constatations de fait qui n'ont pas été critiquées devant lui; des faits
nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait
l'objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base
juridique nouvelle (ATF 131 III 91 consid. 5.2 p. 94 et les références citées).
Saisi d'un recours contre la nouvelle décision, le Tribunal fédéral est aussi
lié par son arrêt de renvoi (ATF 125 III 421 consid. 2a p. 423); il ne saurait
se fonder sur des motifs qu'il avait écartés ou dont il avait fait abstraction
dans sa précédente décision (ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95).

3.1 En l'occurrence, à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, le
revenu de l'intimée de 1'675 fr.20 par mois était acquis; en revanche, le
revenu du recourant devait être calculé à nouveau en tenant compte du partage
de sa prestation de sortie et de sa fortune.

S'agissant des charges du mari, l'arrêt cantonal du 18 mars 2005 les avait
fixées à 6'600 fr. par mois (1'100 fr.: minimum vital LP; 2'500 fr.: loyer; 908
fr.65: assurance-maladie; 1'000 fr.: impôts = 5'508 fr.65 + majoration de 20%);
en outre, l'intéressé assumait les charges de la villa de Z.________ (1'500
fr.), où son ex-épouse continuait de séjourner, étant précisé que, dès que
celle-ci l'aura quittée, il n'aura plus de loyer à payer. Dans son arrêt de
renvoi, le Tribunal fédéral a considéré que le loyer était excessif pour une
personne seule et qu'une majoration de 20% sur tous les postes, et non sur la
seule base mensuelle, n'était pas conforme à la jurisprudence. Dès lors qu'elle
a été invitée à fixer à nouveau les charges du mari, l'autorité précédente
pouvait donc tenir compte de faits nouveaux relatifs à celles-ci, en conformité
du droit de procédure cantonal.

3.2 Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a admis que le revenu du recourant
s'élève à 2'664 fr. par mois et qu'il ne dispose plus du capital versé par sa
caisse de prévoyance; bien que l'extrait de compte qu'il a produit ne permette
pas toujours de déterminer comment a été utilisé ce capital, celui-ci n'existe
plus, en sorte que l'intéressé ne peut ni en tirer des revenus, ni le mettre à
contribution pour payer la pension de l'intimée. La cour cantonale a ensuite
retenu que, jusqu'à récemment, ses charges s'élevaient à 5'508 fr.65 et
comprenaient «un montant de l'ordre de 1'400 fr. pour la villa de Z.________,
tous frais compris sans l'entretien courant». Constatant que le recourant avait
cependant quitté la Suisse pour retourner vivre au Sénégal, elle a estimé que,
après avoir payé les charges immobilières, il disposait d'environ 1'200 fr. par
mois (2'664 fr. - 1'400 fr.); étant donné que son entretien est notablement
moins élevé en Afrique qu'en Suisse, raison pour laquelle il est reparti dans
son pays, il peut s'acquitter mensuellement de 600 fr. pour l'entretien de sa
fille cadette, étudiante à Genève. Quant à l'ex-épouse, la juridiction
précédente a admis qu'il ne se justifiait pas de condamner le recourant à
servir une pension supérieure aux 1'400 fr. correspondant aux charges de la
villa, car il ne sera pas en mesure de l'assumer sans entamer son propre
minimum vital.

4.
Le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir établi les faits d'une
manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF) et en violation de son droit
d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) en retenant qu'il avait quitté
définitivement la Suisse pour le Sénégal.

4.1 Aux termes de l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant ne peut critiquer les
constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte, à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.2.2 p. 252, 384 consid. 4.2.2 p. 391), ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF.

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral se montre réservé en matière
d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, vu le large pouvoir
qu'il reconnaît dans ce domaine aux autorités cantonales (ATF 104 Ia 381
consid. 9 p. 399 et les arrêts cités); il n'intervient, pour violation de
l'art. 9 Cst., que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la
portée d'un moyen de preuve, a omis sans motifs sérieux de tenir compte d'un
moyen de preuve pertinent ou encore a effectué, sur la base des éléments
recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

4.2 Dans la partie «en fait» de sa décision, l'autorité cantonale expose
qu'elle a convoqué les parties pour une audience le 27 février 2007; la
demanderesse en a demandé le report en raison d'un déplacement à l'étranger,
alors que le défendeur lui a fait savoir que, faute de moyens financiers
suffisants pour lui permettre de vivre en Suisse, il était reparti au Sénégal
et se trouvait dans l'incapacité de faire face aux frais d'un déplacement en
vue de l'audience. La cour cantonale a donc fixé les pensions en considération
du fait que l'intéressé vivait désormais en Afrique et lui a laissé un montant
de 600 fr. par mois pour subvenir à son propre entretien, «qui est évidemment
notablement moins élevé au Sénégal qu'en Suisse».

Le sens de la lettre en discussion est clair: c'est parce qu'il n'a plus les
moyens financiers de vivre en Suisse - et non simplement «faute de pouvoir
assumer un loyer en Suisse» - que le recourant est reparti au Sénégal, son pays
d'origine. A la lecture d'une telle motivation, rien ne permet d'affirmer que
ce départ n'aurait qu'un «caractère temporaire», à savoir «dans l'attente de
pouvoir récupérer son bien immobilier»; en outre, l'allégation d'après laquelle
il se trouvait au Sénégal «chez des amis», et non dans la maison dont il est
propriétaire, ne ressort pas de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).
L'arrêt entrepris est d'autant moins critiquable que, selon les constatations
de l'autorité précédente, l'intéressé a consacré une partie de son capital de
prévoyance afin de «rénover la maison qu'il possède au Sénégal».

4.3 D'après la jurisprudence, l'art. 29 al. 2 Cst. n'accorde pas le droit
d'être entendu quant à la qualification juridique des faits (ATF 108 Ia 293
consid. 4c p. 295), à moins que l'autorité n'envisage de s'appuyer sur des
arguments juridiques que les parties ne connaissaient pas et dont elles ne
pouvaient prévoir l'adoption (ATF 116 Ia 455 consid. 3cc p. 458 et les
références).

En l'espèce, l'allégation incriminée émanait du recourant lui-même, ce qui
dispensait l'autorité cantonale d'instruire à ce sujet (cf. Deschenaux, Le
Titre préliminaire du Code civil, in: TDPS, vol. II/1, p. 225 ch. 4) et de
provoquer ses explications. Une interpellation de l'intéressé se fût, tout au
plus, imposée si les juges cantonaux avaient nourri des doutes sur le caractère
définitif de son départ à l'étranger; or, cette hypothèse n'est pas réalisée
ici (cf. supra, consid. 4.2).

5.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.

A l'appui de sa requête d'assistance judiciaire, le recourant fait valoir que,
compte tenu de son revenu et des contributions d'entretien mises à sa charge,
il ne lui reste plus que 600 fr. par mois, et que la villa de Z.________, qui
constitue son unique fortune et forme de prévoyance, est occupée par l'intimée.
Or, tel n'était pas le cas au moment du dépôt du recours (i.e. 15 juin 2008),
puisqu'il disposait à nouveau de l'immeuble à cette date. Dès lors qu'il n'est
pas établi que cet élément de fortune ne peut être mis à contribution (cf. ATF
119 Ia 11), la requête doit être rejetée.

Enfin, il y a lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui l'emporte (art. 68 al.
1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 mai 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Raselli Braconi