Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.291/2007
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5A_291/2007 /frs

Arrêt du 21 août 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann, Escher, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Fabien Boson,
avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Christophe de Kalbermatten, avocat,
Tribunal de première instance du canton de Genève, 12ème Chambre, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3736, 1211 Genève 3.

prononcé de faillite,

recours en matière civile contre le jugement de la 12ème Chambre du Tribunal
de première instance du canton de Genève du 8 mai 2007.

Faits:

A.
A.a Le 18 janvier 2007, Y.________ a fait notifier à X.________ SA un
commandement de payer dans le cadre de la poursuite pour effets de change N°
xxxx, auquel la poursuivie a formé opposition. Par jugement du 27 février
suivant (définitif et exécutoire faute de recours), le Tribunal de première
instance du canton de Genève a déclaré cette opposition partiellement
recevable.

A.b Le 8 mars 2007, la poursuivie a ouvert action en annulation de la
poursuite sur la base de l'art. 85a LP.

Le 30 mars 2007, le poursuivant a déposé une réquisition de faillite à
l'encontre de la poursuivie; celle-ci a sollicité l'ajournement de la
faillite en vertu de l'art. 173 al. 1 ou 2 LP.

Statuant le 8 mai 2007, le Tribunal de première instance du canton de Genève
a prononcé la faillite de la poursuivie, avec effet dès ce jour à 14h15.

B.
X.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
ce jugement, dont elle demande l'annulation; à titre subsidiaire, elle
conclut à son annulation et au renvoi de la cause «aux autorités judiciaires
genevoises pour jugement par un tribunal supérieur au sens de l'article 75
LTF».

L'intimé propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité et la
confirmation du jugement attaqué; l'autorité inférieure renonce à présenter
des observations.

C.
Par ordonnance présidentielle du 21 juin 2007, l'effet suspensif a été
attribué au recours en ce sens qu'aucune mesure d'exécution ne peut être
effectuée durant la procédure devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 133 I 185 consid. 2 p. 188).

1.1 Le jugement attaqué constitue une décision finale (art. 90 LTF) qui peut
faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF;
Message du Conseil fédéral, du 28 février 2001, concernant la révision totale
de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4105), quelle que soit la
valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF; FF 2001 p. 4107).

1.2 Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la
partie ayant été déboutée des conclusions prises devant la juridiction
précédente (art. 76 al. 1 LTF); en outre, il est dirigé à l'encontre d'une
décision rendue en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF; arrêt
5P.80/2001 du 9 avril 2001, consid. 1a et les citations).

2.
La recourante fait valoir que, alors même qu'elle avait dûment sollicité
l'ajournement de sa faillite en vertu de l'art. 173 al. 2 LP et produit les
preuves relatives à la nullité de la poursuite pour effets de change, la
juridiction inférieure ne s'est pas prononcée sur ce point, violant ainsi son
droit à une décision motivée.

2.1 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en
particulier, l'obligation pour le juge de motiver au moins sommairement sa
décision, afin que le justiciable puisse en saisir la portée et recourir en
connaissance de cause, et que l'autorité de recours puisse exercer son
contrôle. Le juge n'est, cependant, pas tenu de discuter tous les arguments
invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui
apparaissent pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540 et les arrêts
cités).

Comme le droit à une décision motivée participe de la nature formelle du
droit d'être entendu (ATF 104 Ia 201 consid. 5g p. 214), ce moyen doit être
examiné en premier (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50) et avec une libre cognition
(ATF 121 I 54 consid. 2a p. 56/57).

2.2 Après avoir admis que la réquisition de faillite avait été formée en
temps utile (art. 188 al. 2 LP), l'autorité inférieure a rappelé que le juge
prononce la faillite, à moins que l'une des hypothèses prévues par les art.
172 ch. 3, 173 ou 173a LP soit réalisée (art. 189 al. 2 LP). Or, si la
poursuivie a bien introduit une demande en annulation de la poursuite selon
l'art. 85a LP, cas de figure visé à l'art. 173 al. 1 LP, ni l'autorité de
surveillance ni le juge n'ont, comme l'exige le texte légal, ordonné la
suspension de la poursuite; de plus, l'intéressée n'a pas déposé de requête
de sursis concordataire et le juge de la faillite ne voit aucune raison de
l'ordonner d'office; enfin, le fait qu'une procédure pénale soit pendante
n'est pas un motif légal de rejet de la requête de faillite.

Cette motivation est suffisante, dès lors qu'elle permet de comprendre que,
d'après l'autorité précédente, la plainte pénale déposée en raison de la
fausseté de la signature apposée sur les effets de change invoqués à l'appui
de la poursuite ne constitue pas un motif de nullité (art. 22 LP) qui
s'opposerait à l'ouverture de la faillite. Au reste, il ressort de la lecture
du moyen tiré de l'arbitraire que la recourante a manifestement saisi la
portée de la décision attaquée (ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242).

3.
La recourante soutient en outre que, en statuant sur la réquisition de
faillite avant la requête de suspension provisoire de la poursuite et en
refusant d'ajourner le prononcé de faillite, l'autorité précédente a violé
d'une manière arbitraire l'art. 173 al. 1 LP.

3.1 En vertu de l'art. 189 al. 2 LP, l'art. 173 al. 1 LP est applicable en
matière de poursuite pour effets de change. La suspension provisoire de la
poursuite, ordonnée conformément à l'art. 85a al. 2 LP, entraîne ainsi
l'ajournement de la faillite, ce qui implique nécessairement que la requête
de suspension soit tranchée avant de statuer sur la réquisition de faillite.
Encore faut-il, cependant, que l'art. 85a LP soit par ailleurs applicable à
la poursuite pour effets de change. La norme en question se trouve dans le
titre deuxième de la loi (art. 38-88 LP), qui contient des règles valables
pour tous les modes de poursuite (cf. art. 39 al. 1, in limine, LP), y
compris dès lors la poursuite cambiaire (dans le même sens: Dallèves, in:
Commentaire romand, Poursuite et faillite, n. 3 ad art. 187 et n. 6 ad art.
189 LP; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, SchKG, vol. I, 4e éd., n. 33 ad art. 85a
LP; Luca Tenchio, Feststellungsklage und Feststellungsprozess nach Art. 85a
SchKG, thèse Zurich 1999, p. 61 et la note 283; Spühler/Tenchio,
Feststellungsklagen gemäss Art. 85a Abs. 1 SchKG nach gültig erhobenem
Rechtsvorschlag?, in: AJP 1999 p. 1241 note 4; implicitement: Gilliéron,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
vol. I, n. 23 ad art. 85a LP; ne prennent pas position: Bodmer, in: Basler
Kommentar, vol. I, n. 13 ad art. 85a LP; Bertrand Reeb, La suspension
provisoire de la poursuite selon l'art. 85a al. 2 LP, in: SchKG im Wandel, p.
277 note 27 et p. 283 note 67; contra: Amonn/Walther, Grundriss des
Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., § 20 n. 18; Bauer, in: Basler
Kommentar, vol. II, n. 16 ad art. 189 LP; Dominik Gasser, Revidiertes SchKG -
Hinweise auf kritische Punkte, in: ZBJV 1996 p. 642).

Selon l'art. 85a al. 2 ch. 2 LP, lorsqu'il s'agit d'une poursuite par voie de
faillite, la suspension provisoire de la poursuite est ordonnée après la
notification de la commination de faillite. Le juge doit laisser, dans un
premier temps, la poursuite suivre son cours jusqu'au moment où le créancier
peut requérir un inventaire des biens du débiteur au sens de l'art. 162 LP ou
des mesures conservatoires fondées sur l'art. 170 LP (Message du Conseil
fédéral, du 8 mai 1991, concernant la révision de la loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III 81; cf. Reeb, op. cit., p.
282). Dans la poursuite pour effets de change, où la commination de faillite
est incluse dans le commandement de payer (cf. art. 178 al. 2 ch. 4 LP), le
juge saisi de l'action en annulation ou en suspension de la poursuite doit
donc laisser la procédure suivre son cours jusqu'à ce que le juge de la
recevabilité de l'opposition (art. 183 al. 1 LP) ou le juge de la faillite
(art. 170 et 189 al. 2 LP) ait ordonné des mesures conservatoires, sans qu'il
faille examiner si celles-ci sont nécessaires (Gilliéron, op. cit., n. 72/73
ad art. 85a LP). De ce point de vue également, rien ne fait obstacle à
l'application de l'art. 85a LP à la poursuite cambiaire, le créancier pouvant
«obtenir une garantie pour sa créance dans la poursuite» (FF 1991 III 81 in
fine).

3.2 Aux termes de l'art. 173 al. 1 LP (cf. art. 189 al. 2 LP), lorsque la
suspension de la poursuite a été ordonnée par l'autorité de surveillance
saisie d'une plainte ou par le juge selon les art. 85 ou 85a al. 2 LP, le
juge ajourne sa décision sur le jugement de faillite.

Prise à la lettre, cette disposition ne prescrit l'ajournement de la faillite
que lorsque la suspension de la poursuite a été déjà ordonnée par le juge
saisi de l'action en annulation ou en suspension de la poursuite, hypothèse
qui n'est pas réalisée ici. On ne saurait toutefois en déduire a contrario
que la déclaration de faillite ne doit pas être ajournée alors qu'une requête
de suspension de la poursuite était pendante quand le poursuivant a requis la
faillite.

Il découle de la relation entre les art. 85a al. 2 et 173 al. 1 LP que, si le
poursuivi entend obtenir une suspension provisoire de la poursuite afin de
bénéficier d'un ajournement de la faillite, il doit déposer sa requête avant
l'audience de faillite (Gilliéron, op. cit., n. 25 ad art. 85a LP). S'il a
procédé de la sorte, comme en l'occurrence, le juge ne saurait ouvrir la
faillite avant que le sort de la requête de suspension de la poursuite ne
soit connu. Cette conclusion s'impose d'autant plus que le Tribunal de
première instance était en l'espèce compétent pour connaître aussi bien de la
requête de suspension que de la réquisition de faillite; on ne voit
d'ailleurs pas ce qui empêchait la juridiction précédente de statuer sur
celle-là puis, suivant l'issue de la procédure, de déclarer la faillite ou
d'ajourner sa décision, voire de liquider ces deux requêtes dans le même
jugement. En prononçant la faillite avant d'examiner la requête de suspension
de la poursuite, laquelle se trouvait ainsi privée d'objet, l'autorité
inférieure s'est rendue coupable d'un déni de justice.

4.
En conclusion, le recours doit être admis, le jugement attaqué annulé et la
cause renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle statue à nouveau
(art. 107 al. 2 LTF). Les frais et dépens sont mis à la charge de l'intimé,
qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée
à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal de première instance du canton de Genève, 12ème Chambre, ainsi qu'à
l'Office des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 21 août 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: