Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.250/2007
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5A_250/2007 /frs

Arrêt du 19 septembre 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante, représentée par Me Raphaël Tatti, avocat,

contre

Y.________,
intimé,
Office des poursuites de Genève, rue du Stand 46, case postale 208, 1211
Genève 8.

validité d'une poursuite,

recours en matière civile contre la décision de la Commission de surveillance
des offices des poursuites
et des faillites du canton de Genève du 3 mai 2007.

Faits:

A.
Le 26 janvier 2007, X.________ a fait notifier à son ancien mandataire, Me
Y.________, un commandement de payer la somme de 1'200'000 fr., avec intérêts
à 5% dès le 27 octobre 1999 (poursuite n° xxxx), indiquant comme cause de
l'obligation: «Complicité de vol, pour avoir laissé voler mon coffre à l'UBS,
sans appeler la police, ni avoir activé l'assurance-vol».

B.
Le poursuivi a formé opposition au commandement de payer et porté plainte
auprès de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des
faillites du canton de Genève, faisant valoir, en bref, que la poursuivante
avait pour seul but de lui nuire et de porter atteinte à sa réputation.
Statuant le 3 mai 2007, l'autorité de surveillance a admis la plainte et
déclaré la poursuite nulle.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, la
poursuivante conclut à l'annulation de cette décision, libre cours étant
laissé à la poursuite; subsidiairement, elle conclut à l'annulation de la
décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour
qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.

Par ordonnance du 11 juin 2007, le Président de la IIe Cour de droit civil a
attribué l'effet suspensif au recours.

Des observations n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292, 747 consid. 4 p. 748 et la
jurisprudence citée)
1.1 Interjeté en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une
décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2 p. 351) rendue en
dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), le présent recours
est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c
LTF). La recourante qui a succombé en instance cantonale a la qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF).

1.2 L'acte de recours doit contenir les motifs à l'appui des conclusions
(art. 42 al. 1 LTF), lesquels doivent exposer succinctement en quoi la
décision attaquée viole le droit (art. 42 al. 2 LTF).

Pour satisfaire à cette obligation de motiver, qui correspond à celle de
l'art. 55 al. 1 let. c OJ (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287; Message du
Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, 4093), le recourant doit
discuter les motifs de la décision attaquée et indiquer précisément en quoi
l'autorité précédente aurait méconnu le droit; il n'est pas indispensable
qu'il cite nommément les dispositions légales ni qu'il désigne explicitement
les principes juridiques non écrits qui auraient été violés; il suffit que, à
la lecture de son argumentation, on puisse comprendre quelles règles
l'autorité cantonale auraient transgressées (cf. ad art. 55 al. 1 let. c OJ:
ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748/749 et la jurisprudence citée). La violation
de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal
est soumise à des exigences de motivation plus strictes encore, c'est-à-dire,
comme sous l'empire de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, au principe d'allégation
(art. 106 al. 2 LTF; FF 2001 p. 4142; ATF 132 II 249 consid. 1.4.2 p. 254;
133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
Pour autant qu'on la comprenne, la recourante paraît soutenir que la
Commission de surveillance a confondu la procédure de l'art. 17 LP et celle
de l'art. 22 LP, dès lors qu'elle a d'abord retenu que la procédure relevait
de l'art. 17 LP - dont le délai de recours de 10 jours avait été observé (al.
2) - et admis en fin de compte que la poursuite était nulle au sens de l'art.
22 LP.

Au premier considérant de son arrêt, la juridiction cantonale a rappelé les
compétences respectives des autorités de surveillance et du juge civil, en
particulier en matière de notification d'un commandement de payer; elle a
ensuite constaté que le délai de plainte de 10 jours avait été respecté;
enfin, elle a précisé qu'elle pouvait connaître des griefs tirés de la
nullité même s'ils sont soulevés tardivement. La critique est donc infondée.

3.
La recourante soutient en outre que la Commission de surveillance ne pouvait
pas prononcer la nullité de la poursuite pour abus de droit en se fondant sur
l'inexistence de la créance, car il s'agit d'une question de droit matériel
qui ressortit au juge civil; au surplus, aucun des cas d'abus de droit admis
par la jurisprudence n'est réalisé en l'espèce.

3.1 Selon la jurisprudence, la nullité d'une poursuite pour abus de droit ne
peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas
exceptionnels, en particulier lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit
dans un but sans le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour
tourmenter délibérément le poursuivi (ATF 115 III 18); en principe, une telle
éventualité est réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs
commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes
importantes, sans jamais demander la mainlevée de l'opposition ni la
reconnaissance judiciaire de sa créance, lorsqu'il procède par voie de
poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne
réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou
le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 115
III 18 consid. 3b p. 21). En revanche, la procédure de plainte des art. 17 ss
LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de
l'art. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à
l'encontre de la prétention litigieuse, la décision sur ce point étant
réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse
que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver
l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même
ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de
payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b p. 3; cf. aussi: Gilliéron,
Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4e éd., n° 108, avec d'autres
citations).

3.2 En l'espèce, la Commission de surveillance a retenu que le seul but de la
poursuivante était de porter atteinte à la réputation et au crédit du
poursuivi qui exerce la profession d'avocat, et que cette manoeuvre était
illicite, car elle avait requis sa poursuite en mentionnant comme cause une
«complicité de vol», alors que sa plainte pénale avait été définitivement
classée il y a près de quatre ans. Elle a en outre estimé que l'intéressée
avait recouru à l'exécution forcée pour obtenir la réparation d'un prétendu
«dommage», alors que le Procureur général avait classé la plainte pénale, que
la Chambre d'accusation avait écarté ses prétentions en relation avec des
bijoux confiés à un tiers et que, enfin, le Tribunal de première instance
l'avait déboutée de ses conclusions en libération de dette fondées sur une
mauvaise exécution du mandat qu'elle avait confié au poursuivi.

3.3 À cette argumentation, la recourante se contente d'opposer des
considérations générales - relatives à la délimitation des compétences entre
les autorités de poursuite et le juge civil, ainsi qu'à l'interruption de la
prescription -, d'affirmer que la présente affaire ne correspond à aucun des
cas jugés par la jurisprudence, que l'autorité précédente n'a pas remarqué
qu'elle avait indiqué d'autres causes de l'obligation, ni exposé ce qui lui
permettait d'exclure de manière certaine l'existence de sa créance; enfin,
elle nie avoir introduit la poursuite dans l'unique dessein de porter
atteinte à la réputation et au crédit de l'intimé.

Ces critiques ne répondent pas aux exigences de motivation posées par la loi
(cf. ci-dessus, consid. 1.2). Les constatations de la juridiction cantonale
au sujet de l'intention d'une partie (i.e. «porter atteinte à la réputation
et au crédit du plaignant») relèvent du fait et, partant, lient en principe
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF; cf. Poudret, COJ II, n. 4.3.1 ad
art. 63 et les nombreuses références, en particulier ATF 84 II 241, spéc. p.
245 in fine). Or, la recourante ne démontre pas en quoi les éléments sur
lesquels l'autorité de surveillance s'est appuyée pour asseoir sa conviction
auraient été établis ou appréciés d'une manière arbitraire (art. 97 al. 1
LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252). Elle n'explique pas pourquoi sa
poursuite ne serait pas chicanière en dépit du fondement juridique de la
créance allégué (i.e. «complicité de vol»), alors même que la procédure
pénale a été close il y a quatre ans; peu importe qu'il s'agisse d'un premier
commandement de payer et que, vu la date de sa notification (26 janvier
2007), le juge ordinaire ou celui de la mainlevée n'ait pas encore été saisi.
Elle ne précise pas davantage en quoi les autres causes qu'elle a indiquées
dans le commandement de payer (cf. supra, let. A) permettraient de démentir
son intention de nuire à l'avocat poursuivi.

4.
En conclusion, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de la
recourante (art. 66 al. 1 LTF). L'effet suspensif ayant été accordé, il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui s'en était au demeurant
rapporté sur ce point «à l'appréciation du Tribunal fédéral».

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office des
poursuites de Genève et à la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 19 septembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: