Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.226/2007
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5A_226/2007 /frs
5A_228/2007

Arrêt du 20 novembre 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

Epoux X.________,
recourants, représentés par Me Jean-Pierre Moser, avocat,

contre

Banque Y.________,
intimée.

mainlevée provisoire,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 mars 2007.

Faits :

A.
Le 9 novembre 2001, la Banque Y.________ a accordé à X.________ un crédit
hypothécaire (n° aaa) d'un montant de 600'000 fr. avec intérêts, son épouse
dame X.________ ayant contresigné comme tiers garant. Les époux ont cédé en
propriété et aux fins de garantie à la banque deux cédules hypothécaires au
porteur de 340'000 fr. (n° bbb) et de 260'000 fr. (n° ccc) grevant
collectivement en premier et à parité de rang entre elles les art. 269 et
1169, fo 26, du registre foncier de la commune de Z.________. Les époux se
sont également reconnus débiteurs solidairement entre eux des titres cédés.
De son côté, la banque s'est engagée à ne faire valoir les créances
incorporées dans les cédules que jusqu'à concurrence du montant des
prétentions garanties.

Le 28 janvier 2004, la Banque Y.________ a accordé à X.________ un second
crédit hypothécaire (n° ddd) de 200'000 fr. avec intérêts, à nouveau
contresigné par son épouse comme tiers garant. En garantie,  les époux ont
cédé en propriété une cédule hypothécaire au porteur de 200'000 fr. grevant
en 2e rang les art. 269 et 1169 de Z.________ et avec les mêmes clauses que
celles mentionnées précédemment.

Le même jour, un troisième crédit sous forme d'avance à terme fixe (compte
courant n° eee) de 100'000 fr. avec intérêts a encore été accordé, pour
lequel les époux ont cédé en propriété et aux fins de garantie une cédule
hypothécaire au porteur de 100'000 fr. grevant en 3e rang les parcelles
précitées, toujours avec les mêmes clauses spéciales que celles
susmentionnées.

Le 20 mai 2005, la Banque Y.________ a dénoncé au remboursement pour le 30
novembre 2005 tous les crédits et les capitaux des créances incorporées dans
les quatre cédules hypothécaires.

B.
N'ayant pas obtenu satisfaction, la Banque Y.________ a introduit, le 3
janvier 2006, une poursuite en réalisation de gage immobilier (n° fff). Le 6
janvier 2006, l'Office des poursuites de Lausanne-Est a notifié à X.________,
débiteur et propriétaire, un commandement de payer le montant de 900'000 fr.
et des intérêts de 47'620 fr. 30, auquel celui-ci a fait opposition totale.
Un exemplaire du commandement de payer a été notifié le même jour à dame
X.________ en qualité de conjointe du débiteur et également de tiers
propriétaire de l'immeuble; elle y a fait opposition totale.

Par deux décisions séparées du 21 juin 2006 notifiées le 27 septembre 2006,
le juge de paix du district de Lausanne a prononcé la mainlevée provisoire de
l'opposition formée par chacun des époux à concurrence de 900'000 fr. avec
intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2005.

Statuant sur recours des époux le 26 mars 2007, la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal vaudois a, par deux décisions séparées dont
les motifs sont identiques, rejeté les deux recours et maintenu les prononcés
entrepris.

C.
Contre ces deux arrêts, les époux X.________ interjettent par la même
écriture un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à leur
réforme en ce sens que les oppositions à la poursuite soient admises et que
les requêtes de mainlevée de la banque poursuivante soient rejetées.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242) de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF;
RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Les recours sont dirigés contre deux arrêts dont le contenu est identique à
l'encontre desquels les recourants soulèvent les mêmes griefs, de sorte qu'il
se justifie de joindre les causes et de les liquider dans un seul arrêt (art.
24 PCF, en relation avec l'art. 71 LTF; cf. ATF 124 III 382 consid. 1a; 123
II 16 consid. 1).

3.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1).

3.1 La décision rendue en matière de mainlevée provisoire de l'opposition est
une décision finale au sens de l'art. 90 LTF puisqu'elle met fin à la
procédure (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale in : FF 2000, p. 4000 ss, 4129). Elle est sujette au recours en
matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF) lorsque la valeur litigieuse
s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), ce qui est le cas
en l'espèce. Interjetés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par des parties
qui ont succombé dans leurs conclusions  (art. 76 al. 1 LTF) et dirigés
contre des décisions rendues en dernière instance cantonale (art. 75 LTF),
les recours sont en principe recevables.

3.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133
III 446 consid. 3.1). La décision en matière de mainlevée, définitive ou
provisoire, n'est en effet pas une décision de mesures provisionnelles au
sens de l'art. 98 LTF - contre laquelle seule la violation des droits
constitutionnels peut être invoquée - (ATF 133 III 399 consid. 1.5). Le juge
de la mainlevée n'examine pas l'existence de la créance en poursuite mais
celle d'un titre exécutoire, statuant sur le droit du créancier de poursuivre
le débiteur (ATF 132 III 141 consid. 4.1.1).

4.
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la base
des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut
s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le
recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière
manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire que les
constatations de fait sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II
249 consid. 1.2.2), doit démontrer, par une argumentation précise en quoi
consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'examine en effet la violation de
l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) que si ce grief a été invoqué et
motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF: principe d'allégation), les
exigences de motivation correspondant à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 et les réf. citées). Il appartient au recourant
de démontrer précisément, pour chaque constatation de fait incriminée,
comment les preuves administrées auraient dû, selon lui, être correctement
appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale est
insoutenable (ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128 I 295 consid. 7a; 125 I 492
consid. 1b et les arrêts cités).

5.
Il n'est pas contesté qu'en vertu des actes de cession de propriété signés
par les époux, la banque est propriétaire des quatre cédules hypothécaires au
porteur aux fins de garantie (garantie fiduciaire; Sicherungsübereignung).
Les conditions spéciales de ces cessions, soit l'engagement de la banque à ne
faire valoir les créances incorporées dans les titres que jusqu'à concurrence
du montant garanti et l'engagement des époux en qualité de débiteurs
solidaires des cédules, ne sont pas remises en question. Le seul point
litigieux porte sur l'existence d'une reconnaissance de dette au sens de
l'art. 82 al. 1 LP. La cour cantonale a considéré que la créance incorporée
dans la cédule hypothécaire au porteur vaut reconnaissance de dette. Les
recourants soutiennent que, puisque les cédules ont été remises à titre de
garantie fiduciaire, seule la créance garantie (créance causale) est la
reconnaissance de dette. Selon eux, comme la poursuivante ne l'a pas établie
par pièces, les requêtes de mainlevées doivent être rejetées.

5.1 La cédule hypothécaire est un papier-valeur incorporant une créance
personnelle et un droit de gage immobilier qui garantit celle-ci (art. 842
CC). Lorsqu'elle est libellée au porteur, le débiteur s'engage non seulement
à ne pas exécuter la prestation sans la présentation du titre (clause
papier-valeur simple), mais encore à reconnaître que toute personne détenant
le titre sera considérée par lui comme l'ayant droit (clause papier-valeur
qualifiée au porteur; art. 978 CO; ATF 109 II 239 consid. 2a).

A l'instar du créancier qui a obtenu le transfert de la cédule hypothécaire
au porteur en pleine propriété (garantie directe; direktes Grundpfand), le
créancier qui a reçu la cédule hypothécaire au porteur comme propriétaire
fiduciaire aux fins de garantie (garantie fiduciaire; Sicherungsübereignung;
cf. ATF 119 II 326 consid. 2b et les réf. citées) est titulaire de la créance
et du droit de gage immobilier incorporés dans le papier-valeur (Staehelin,
Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 855 CC); il peut dénoncer la créance au
remboursement (art. 844 CC) et, cas échéant, introduire une poursuite en
réalisation de gage immobilier (arrêt 5C.11/2005 du 27 mai 2005 consid. 3.1).
En revanche, alors qu'en cas de transfert en pleine propriété, la créance
causale (ou de base) est éteinte par novation et remplacée par la créance
abstraite incorporée dans la cédule (art. 855 al. 1 CC; ATF 119 III 105
consid. 2a), il n'y a pas de novation de la créance garantie (causale)
lorsque la cédule hypothécaire au porteur est remise à titre de garantie
fiduciaire (Staehelin, op. cit., n. 11 ad art. 855 CC; Peter Stücheli, Die
Rechtsöffnung, 2000, p. 378; Urs Peter Möckli, Das Eigentümergrundpfandrecht,
2001, p. 102); dans ce dernier cas, la créance incorporée dans la cédule se
juxtapose à la créance garantie en vue d'en faciliter le recouvrement (cf.
ATF 119 III 105 consid. 2a in fine; Steinauer, op. cit., n° 2933f; Staehelin,
op. cit., n. 1 et 11 ad art. 855 CC; Staehelin, Betreibung und Rechtsöffnung
beim Schuldbrief in : PJA 1994 p. 1255 ss, p. 1256-1257; Leemann, Commentaire
bernois, n. 12 ad art. 855 CC).

Le créancier qui introduit la poursuite en réalisation de gage immobilier
poursuit la créance abstraite incorporée dans le titre (Schuldbriefforderung)
et non la créance garantie (Grundforderung). La cédule hypothécaire au
porteur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut
titre de mainlevée pour toute la créance instrumentée dans le titre (arrêt
5A_481/2007 du 6 novembre 2007 consid. 3 destiné à la publication;
Panchaud/Caprez, La mainlevée d'opposition, 1980, § 17 n. 22; Staehelin, PJA
1994, p. 1265; Favre/Liniger, Cédules hypothécaires et procédure de mainlevée
in : SJ 1995 p. 101 ss, p. 104; Nicolas de Gottrau, Transfert de propriété et
cession à fin de garantie, in : Sûretés et garanties bancaires, Lausanne
1997, p. 173 ss, p. 215-216). Le créancier n'a donc pas à produire une
reconnaissance de dette pour la créance garantie (Markus F. Vollenweider, Die
Sicherungsübereignung von Schuldbriefen als Sicherungsmittel der Bank, 1994,
p. 144; cf. aussi, Peter Stücheli, op. cit., p. 380 ss). Toutefois, si le
créancier poursuit pour le montant de la créance incorporée dans le titre
alors que la créance garantie est d'un montant inférieur, le débiteur
poursuivi peut opposer les exceptions personnelles dont il dispose contre le
poursuivant (propriétaire fiduciaire), en particulier celle consistant à
exiger la limitation de la somme réclamée au montant de la créance garantie
(ou causale; art. 855 al. 2 et 872 CC); il doit rendre vraisemblable dans le
cadre de l'art. 82 al. 2 LP que le montant de la créance garantie (ou
causale) est inférieur au montant de la créance abstraite incorporée dans le
titre et que le créancier a néanmoins poursuivi pour le montant de cette
dernière (Staehelin, loc. cit.; Charles Jaques, Exécution forcée spéciale des
cédules hypothécaires, in : BlSchKG 2001 p. 201 ss, p. 213-214; Gilliéron,
Commentaire de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, n.
64 in fine ad art. 82 LP).

5.2 Selon l'arrêt attaqué, seules les créances incorporées dans les cédules
hypothécaires jouissent d'un droit de gage immobilier et peuvent faire
l'objet d'une poursuite en réalisation d'un tel gage. Comme les cédules
hypothécaires au porteur ont fait l'objet d'une cession de propriété et aux
fins de garantie (garantie fiduciaire), les créances abstraites sont venues
doubler les créances garanties. Elles ont été dénoncées au remboursement.
L'autorité précédente constate que la poursuivante a requis la poursuite pour
les créances abstraites incorporées dans les cédules hypothécaires, dont les
époux se sont d'ailleurs reconnus débiteurs solidaires. Ces créances
incorporées sont des reconnaissances de dette abstraites et valent ainsi
titres de mainlevée provisoire à l'encontre du poursuivi. La banque s'est
engagée à ne pas exercer ses droits au-delà de ce qu'exige le remboursement
de ses créances garanties. Selon l'autorité cantonale, il incombe au débiteur
de soulever, si le créancier fait valoir sans droit la totalité de la créance
incorporée, une exception au sens de l'art. 872 CC et il doit rendre
vraisemblable que le montant de la créance abstraite est supérieur à celui de
la créance causale. En l'espèce, le poursuivi n'a pas rendu vraisemblable que
le montant des créances abstraites était supérieur à celui des créances
garanties par les cédules.

5.3 En l'occurrence, la cour cantonale a appliqué correctement le droit
fédéral. Pour peu qu'on puisse le comprendre, le grief que les recourants
formulent au sujet de la novation et du caractère dispositif de l'art. 855
al. 1 CC tombe à faux: la cour cantonale a implicitement retenu qu'il n'y
avait pas de novation, puisqu'elle a retenu une juxtaposition des deux
créances - abstraite et garantie (ou causale) - aux fins d'en faciliter et
d'en garantir le recouvrement. Lorsqu'ils soutiennent que l'engagement de la
banque de ne faire valoir la créance incorporée dans le titre que jusqu'à
concurrence du montant de ses prétentions garanties ne lui permet de déduire
en poursuite que sa créance causale, laquelle n'a pas été établie par pièces,
et que la banque est dans la même position que si sa créance était garantie
par une hypothèque, les recourants se méprennent sur la portée du contrat de
cession en propriété et aux fins de garantie (garantie fiduciaire) des
cédules hypothécaires au porteur : même s'il conserve le droit de poursuivre
sur la base de la créance causale (ATF 119 III 105 consid. 2a; arrêt
5A_481/2007 du 6 novembre 2007, consid. 3 destiné à publication), le
créancier peut poursuivre en réalisation du gage immobilier sur la base de la
créance incorporée dans le titre; si le montant réclamé excède celui de la
créance causale, le débiteur doit rendre vraisemblable sa libération en
produisant les pièces nécessaires. Enfin, dans la mesure où les recourants
relèvent, en se référant à la pièce n° 1, que la créance causale n'était pas
du même montant le 6 novembre 2001 que la créance abstraite, leur grief est
irrecevable, faute de motivation suffisante (cf. consid. 4). Ils ne
reprochent même pas à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu qu'ils
n'auraient pas rendu vraisemblable que le montant des créances abstraites
était supérieur à celui des créances causales garanties par les cédules. Ils
se limitent à se référer à une pièce du dossier, mais sans démontrer avoir
allégué, offert de prouver et, partant, établi en instance cantonale qu'au
jour de la dénonciation des prêts, le montant des créances causales était
inférieur au montant des créances incorporées dans les cédules.

6.
Vu le rejet des recours, les frais de la procédure doivent être mis à la
charge des recourants. L'intimée s'étant opposée à l'effet suspensif et
n'ayant pas été invitée à répondre sur le fond, il ne lui sera pas alloué de
dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 5A_226/2007 et 5A_228/2007 sont jointes.

2.
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis solidairement à la
charge des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 20 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: