Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.156/2007
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5A_156/2007 /frs

Arrêt du 29 août 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Novel Commodities SA,
recourante, représentée par Me Karim Khoury, avocat,

contre

Roberts Flight Information Region, ayant son
siège social à l'Aéroport International de Roberts, République du Libéria,
intimée, représentée par Me Jean-Charles Lopez, avocat,

opposition au séquestre,

recours en matière civile contre l'arrêt de la 1ère
Section de la Cour de justice du canton de Genève
du 15 mars 2007.

Faits:

A.
A.a Le 27 mai 2005, le Tribunal arbitral de la Grain and Feed Trade
Association (GAFTA) a condamné la République de Guinée à verser à Novel
Commodities SA la somme de 2'009'055 fr. 34, y compris les dépens (1'624'764
US$ + 4'528 £, valeur au 1er septembre 2006); ce montant correspond à une
créance découlant de la mauvaise exécution de deux contrats, des 29 janvier
2004 et 19 février 2004, portant sur la livraison de riz.

A.b Le 1er septembre 2006, Novel Commodities SA a saisi le Tribunal de
première instance de Genève d'une réquisition de séquestre, sur la base de
l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, fondée sur la sentence arbitrale précitée.
S'agissant des biens à séquestrer, elle a allégué que l'International Air
Transport Association (IATA), active dans le domaine du transport aérien,
encaissait dans ses livres, pour le compte de la République de Guinée, que ce
soit en son propre nom ou par l'entremise de Roberts Flight Information
Region - organisation étatique constituée en 1975 et gérée conjointement par
la République de Guinée, la Sierra Leone et le Liberia -, des taxes de survol
de la région d'Afrique de l'Ouest.

Par ordonnance prise le même jour, le Vice-président du Tribunal de première
instance de Genève a fait droit à la réquisition et autorisé le séquestre, en
faveur de la requérante, des avoirs de la République de Guinée, en son nom ou
au nom de tiers, en particulier Roberts Flight Information Region, auprès de
IATA, moyennant le dépôt d'un montant de 50'000 fr. à titre de sûretés
(séquestre n° 06 070227 B).

B.
B.aLe 22 septembre 2006, Roberts Flight Information Region a formé opposition
au séquestre, exposant qu'elle était propriétaire des avoirs mis sous main de
justice.

Parallèlement, l'opposante a déposé une plainte LP à la Commission de
surveillance des Offices des poursuites et des faillites du canton de Genève;
elle a fait valoir que les biens séquestrés n'appartenaient pas au débiteur
poursuivi (i.e. République de Guinée), mais à elle-même, et qu'ils étaient
insaisissables en raison de leur affectation à une activité souveraine
sujette à immunité. L'autorité de surveillance a rejeté cette plainte le 30
novembre 2006 et invité l'office des poursuites à ouvrir la procédure de
revendication prévue aux art. 106 ss LP.

B.b Par jugement du 14 novembre 2006, le Vice-président du Tribunal de
première instance de Genève a rejeté l'opposition.

Statuant le 15 mars 2007, la Cour de justice du canton de Genève a,
notamment, annulé cette décision, accueilli l'opposition et révoqué le
séquestre.

C.
Contre cet arrêt, Novel Commodities SA exerce un recours en matière civile,
doublé d'un recours constitutionnel subsidiaire; elle conclut principalement
à son annulation; subsidiairement, à son annulation et à sa réforme en ce
sens que l'opposition est rejetée; plus subsidiairement, à son annulation et
à la constatation que le séquestre est valide; enfin, plus subsidiairement
encore, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.

L'intimée propose le rejet du recours

D.
Par ordonnance du 9 mai 2007, le Président de la IIe Cour de droit civil a
attribué l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 133 I 185 consid. 2 p. 188).

1.1 Interjeté par une partie ayant succombé dans ses conclusions et dirigé
contre une décision finale rendue en matière civile (cf. FF 2001 p. 4105, ch.
4.1.3.1) par une autorité cantonale de dernière instance dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr., le recours en
matière civile est recevable sous l'angle des art. 72 al. 1 let. a, 74 al. 1
let. b, 75, 76 al. 1 et 90 LTF. En outre, il a été déposé à temps (art. 100
al. 1 LTF).

1.2 Selon la jurisprudence, la décision attaquée porte sur des mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (arrêts 5A_301/2007 du 9 août 2007;
5A_134/2007 du 5 juillet 2007, destiné à la publication), en sorte que seule
peut être invoquée la violation de droits constitutionnels.

Le Tribunal fédéral ne sanctionne la violation de tels droits que si ce grief
est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF); les exigences de
motivation correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III
393 consid. 6 p. 397). Le justiciable qui se plaint d'arbitraire ne peut, dès
lors, se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en
procédure d'appel, où l'autorité supérieure jouit d'une libre cognition; il
ne saurait, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de la
juridiction cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise,
que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation
des preuves manifestement insoutenables; les critiques de nature appellatoire
sont irrecevables (cf. ATF 107 Ia 186; 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262 et la
jurisprudence citée).

2.
2.1 La Cour de justice a retenu que, à suivre la requérante (i.e. Novel
Commodities SA), l'opposante (i.e. Roberts Flight Information Region) ne
dispose pas d'une autonomie décisionnelle, organisationnelle et financière
suffisante à l'égard des États membres; dans ce cas, on ne peut considérer
que l'opposante est l'émanation de la seule République de Guinée, mais bien
de tous les États membres, à savoir la République de Guinée, la Sierra Leone
et le Liberia. En effet, il résulte de l'accord international pertinent que
la République de Guinée n'agit pas d'une manière prépondérante, par rapport
aux deux autres États, dans l'administration et la direction de l'opposante,
une répartition plus ou moins égalitaire ayant au contraire été prévue.
L'accord signé par l'opposante avec IATA confirme cette approche, son objet
indiquant que le contrat a été conclu pour le compte de la République de
Guinée, de la Sierra Leone et du Liberia; l'intéressée ne représente donc pas
uniquement la débitrice, mais aussi les deux autres États membres. Le
courrier du 15 septembre 2006 par lequel IATA déclare ne détenir aucune somme
pour le compte de la République de Guinée n'infirme pas cette analyse, non
plus que la déclaration de Véronique Vincent - ancienne employée de IATA,
alors en charge de négocier le montant des redevances de survol avec les
États membres - d'après laquelle l'opposante était la représentante des États
membres. En définitive - abstraction faite de la question de l'indépendance
par rapport aux États membres -, il faut admettre que les avoirs détenus par
l'opposante n'appartiennent en tout cas pas à la seule débitrice; cet élément
résulte, au demeurant, de la réquisition de séquestre elle-même. Il s'ensuit
que l'opposition doit être admise pour ce motif déjà.

2.2 En substance, la juridiction précédente a accueilli l'opposition au
séquestre par le motif que la requérante a sollicité elle-même la mise sous
main de justice de biens dont plusieurs personnes - y compris le débiteur -
sont titulaires collectifs (cf. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite, t. IV, Lausanne 2003, n. 58 ad art.
272 LP et les références citées). C'est avec raison que la recourante fait
valoir qu'une pareille interprétation de la réquisition de séquestre n'est
pas soutenable. En réalité, elle a requis le séquestre des redevances
collectées par IATA pour le compte de la République de Guinée, à l'exclusion
des biens appartenant aux autres États membres (Sierra Leone et Liberia). La
lecture de la requête ne corrobore aucunement l'opinion de l'autorité
cantonale: L'intimée y est présentée comme un «organe étatique créé en 1975»
et «géré directement par la Citée (i.e. débitrice) conjointement avec le
Liberia et la Sierra Leone», lequel est «chargé de fournir des services
divers au trafic aérien de la région de l'Afrique de l'Ouest ainsi que de la
perception des taxes de survol pour le compte de ces trois États» (p. 7 ch.
37). Il «est donc plus que vraisemblable que la République de Guinée dispose
- de manière médiate, à travers l'un de ses Ministères, Départements ou
autres organes administratifs, notamment le Roberts FIR, ou immédiate - d'un
compte dans les livres de la IATA [...]». La «créance résultant de ces
comptes peut dès lors faire l'objet d'un séquestre» (ibidem, ch. 38). En
considérant que la recourante avait requis le séquestre d'avoirs qu'elle
désignait elle-même comme appartenant à plusieurs personnes, la Cour de
justice est ainsi tombée dans l'arbitraire, de sorte que sa décision doit
être annulée.

2.3 La juridiction précédente ne s'étant pas prononcée sur les moyens
soulevés par l'opposante, il y a lieu de lui renvoyer l'affaire pour qu'elle
statue à nouveau (art. 107 al. 2 LTF).

3.
Vu l'issue de la procédure, les frais et dépens doivent être mis à la charge
de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 7'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 août 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: