Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 4D.6/2007
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4D_6/2007 /ech

Arrêt du 7 juin 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, Président,
Kolly et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
recourant, représenté par Me Mathias Eusebio,

contre

Y.________,
intimée,
Cour civile du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura, case
postale 24, 2900 Porrentruy 2.

droit d'être entendu, appréciation arbitraire des preuves,

recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt de la Cour civile du
Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura du 22 février 2007.

Faits :

A.
X. ________ a travaillé du 3 janvier au 30 juin 2006 pour l'Atelier de
polissage Y.________ (société en nom collectif), selon contrat de travail du
9 décembre 2005. Le 21 juillet 2006, il a saisi le Conseil de Prud'hommes du
Tribunal de première instance du canton du Jura, devant lequel il a réclamé
le paiement du montant de 1'188 fr. 60 retenu sur son dernier décompte de
salaire (représentant la déduction pour 44.35 « heures absences » au tarif
horaire de 26 fr. 80), la compensation salariale concernant le rattrapage
hebdomadaire de 2,5 heures sur six mois (soit 60 heures) et la rémunération
de 12 heures supplémentaires effectuées sur trois samedis matins.

B.
Par jugement du 23 novembre 2006, la Présidente du Conseil de Prud'hommes a
condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme nette de 797 fr. 60 à
titre de salaire et d'heures supplémentaires. Fondant sa décision sur les
fiches de timbrage et sur les déclarations des parties, elle a estimé que les
fiches de timbrage établissaient avec exactitude le total des heures
rattrapées pour ponts de fin d'année, le solde horaire positif à fin avril et
le solde horaire qui devait être remboursé au demandeur sur les 44.35 heures
retenues dans le décompte final de juin (29.76 heures au tarif horaire de 26
fr. 80).

Le demandeur s'est pourvu en nullité contre ce jugement auprès de la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, en concluant principalement à
l'annulation du jugement de première instance et subsidiairement à sa
réforme, en ce sens que la défenderesse fût condamnée à lui verser un montant
de 2'911 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an depuis l'échéance. À l'appui de son
pourvoi, il se plaignait d'une violation de son droit d'être entendu et d'une
violation évidente du droit au sens de l'art. 369 ch. 2 CPC/JU.

La Cour civile du Tribunal cantonal a rejeté le pourvoi en nullité par arrêt
du 22 février 2007.

C.
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal
fédéral, le demandeur conclut avec suite de frais et dépens principalement à
l'annulation de cet arrêt, et subsidiairement à sa réforme en ce sens que la
défenderesse soit condamnée à lui verser un montant de 2'339 fr. 85 avec
intérêts à 5% l'an depuis l'échéance. À l'appui de son recours, il se plaint
d'une violation de son droit d'être entendu ainsi que d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves.

Invitée à déposer sa réponse éventuelle au recours, la défenderesse a fait
savoir qu'elle n'avait pas de complément à apporter aux observations qu'elle
avait produites sur le pourvoi en nullité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

1.2  Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions
et qui a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la
décision attaquée (art. 115 LTF), le recours constitutionnel subsidiaire,
déposé dans le délai (art. 117 et 100 al. 1 LTF) et dans la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi, est en principe recevable, puisqu'il est dirigé
contre un jugement final (art. 117 et 90 LTF) rendu par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 114 LTF) et que le recours ordinaire
n'est pas ouvert (art. 113 LTF), la valeur litigieuse n'atteignant pas le
seuil fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF.

1.3  Le recours ne peut être interjeté que pour violation des droits
constitutionnels (art. 116 LTF). Le recourant doit indiquer quel droit
constitutionnel aurait été violé et montrer, par une argumentation
circonstanciée, en quoi consiste la violation (ATF 130 I 258 consid. 1.3).

2.
2.1 Devant la cour cantonale, le recourant s'est plaint d'une violation de
son droit d'être entendu du fait que la Présidente du Conseil de Prud'hommes
avait renoncé à l'audition du témoin A.________, requise par le demandeur à
l'audience du 25 septembre 2006, car ledit témoin n'avait pas retiré les deux
citations qui lui avaient été transmises pour l'audience du 23 novembre 2006.
À l'appui de ce grief, le recourant a fait valoir que l'audition de ce témoin
était indispensable, car celui-ci avait rencontré des problèmes similaires
aux siens quant au paiement des heures supplémentaires.
Les juges cantonaux ont considéré que le recourant ne pouvait se plaindre
d'une violation de son droit d'être entendu, car, ne s'étant pas opposé à la
décision du premier juge de renoncer au témoignage en question et ayant
formellement renoncé à requérir un complément de preuve à l'issue de
l'instruction, il avait renoncé à son droit de faire administrer cette
preuve.

2.2  À l'encontre du raisonnement des juges cantonaux, le recourant fait
valoir qu'il ressort du procès-verbal de l'audience du 23 novembre 2006 qu'il
y avait confirmé ses « précédentes déclarations faites lors de l'audience du
25 septembre 2006 », lors de laquelle il avait précisément demandé l'audition
de M. A.________. Ayant ainsi implicitement souhaité par ses propos que le
témoignage de M. A.________ fût maintenu, il ne pourrait se voir reprocher
d'avoir renoncé formellement à requérir l'audition de ce témoin.

2.3  Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti
par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de
produire des preuves pertinentes et d'obtenir l'administration des preuves
pertinentes et valablement offertes (ATF 129 II 497 consid. 2.2; 127 III 576
consid. 2c; 126 I 15 consid. 2a/aa et les arrêts cités). Le droit d'être
entendu peut faire l'objet d'une renonciation de la part de son titulaire,
qui doit toutefois être exprimée de manière non équivoque
(Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2e éd.
2006, n. 1344 s.; ATF 132 I 42 consid. 3.3.1; 119 Ia 136 consid. 2g; 118 Ia
17 consid. 1d; 101 Ia 309 consid. 2b).

2.4  En l'espèce, lors de l'audience du 23 novembre 2006, le demandeur ne
s'est pas opposé à la décision du premier juge de renoncer au témoignage de
M. A.________, et il ressort expressément du procès-verbal de cette audience
qu'il n'a pas requis de complément de preuve à l'issue de l'instruction. Ce
faisant, le demandeur a renoncé de manière non équivoque à obtenir l'audition
du témoin A.________. La confirmation de ses précédentes déclarations sur le
fond n'infirme en rien cette conclusion.

Par ailleurs, la Présidente du Conseil de Prud'hommes a exposé que le témoin
A.________ ne pouvait pas apporter d'élément sur la contestation du décompte
horaire personnel du demandeur, pouvant tout au plus s'exprimer au sujet des
difficultés qu'il aurait lui-même rencontrées avec son employeur. Ce faisant,
elle a procédé à une appréciation anticipée des preuves (cf. ATF 129 III 18
consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a et les arrêts cités), dont le recourant
ne démontre pas qu'elle serait arbitraire.
Pour ces deux motifs, le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. se révèle
mal fondé.

3.
3.1 Sur le fond, la Présidente du Conseil de Prud'hommes a retenu que le
demandeur avait été engagé pour un salaire mensuel brut de 3'500 fr. (recte:
4'500 fr.) et qu'il devait effectuer 40 heures de travail par semaine, plus
1.45 heures de rattrapage hebdomadaire pour compenser les congés de fin
d'année et les ponts accordés. Le contrôle horaire s'effectuait par timbrage.
Les parties divergeant sur les heures et les jours pris en congé ou manqués à
partir du mois de mai 2006, cette magistrate a établi la balance des heures
en partant du bonus de 8.49 heures ressortant des fiches de timbrage à fin
avril 2006. Elle y a ajouté les 37.70 heures effectuées pour les heures
rattrapées (26 semaines x 1.45 heures) ainsi que deux fois 5.24 heures pour
des jours chômés (26 mai 2006, vendredi de l'Ascension, et 23 juin 2006,
Indépendance du Jura) reportés de manière erronée. Elle a ensuite retranché
les heures d'absences sans motif, soit 14.33 heures les 11 et 12 mai, 7.01
heures le 31 mai, 5.24 heures le 9 juin et 0.39 heures le 30 juin 2006, pour
conclure que le demandeur avait droit au remboursement de 29.76 heures sur
les 44.35 heures retenues par l'employeur dans le décompte final de juin
2006.

Les juges cantonaux ont considéré que le premier juge pouvait sans arbitraire
se fonder sur les fiches de timbrage, dont la valeur probante ne pouvait être
contestée. Ils ont ainsi estimé que, moyennant la correction d'office de deux
inscriptions erronées concernant des jours chômés aux dates des 26 mai et 23
juin 2006, le premier juge avait pu déterminer de manière exacte et fiable
les heures et les jours travaillés, pris en congé ou manqués et fixer le
nombre d'heures qui devaient être remboursées au demandeur.

3.2  Se plaignant d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et les
constatations de fait, le recourant soutient que l'on ne saurait accorder une
quelconque valeur probante aux fiches de timbrage, dès lors que celles-ci
regorgeraient d'erreurs grossières.

3.2.1  Le recourant se plaint de ce que, sur la fiche de timbrage du mois de
janvier 2006, un solde négatif de 8.09 heures lui a été imputé sur le
2 janvier, alors que sa mission débutait le 3 janvier.
Ce grief est infondé. Le calcul se faisant au mois, il est logique que le
cumul journalier du 2 janvier 2006 soit négatif, sans quoi le recourant
aurait été rémunéré comme s'il avait commencé son activité au service de la
défenderesse le 2 janvier 2006.

3.2.2  Le recourant fait valoir qu'il n'a jamais été tenu compte des minutes
supplémentaires qu'il a réalisées chaque jour sur sa place de travail. Il
prend l'exemple du lundi 16 janvier 2006 où, en tenant compte des heures
d'entrée et de sortie, on voit qu'il a travaillé, compte tenu d'une pause de
15 minutes, 9h05, soit 35 minutes de plus que l'horaire fixe. Toujours à
titre d'exemple, il relève que la fiche de timbrage comptabilise 41h45 pour
la semaine du 9 au 13 janvier 2006, alors que si l'on tient compte des
minutes passées dans l'entreprise, il a en réalité travaillé 2h02 de plus que
l'horaire fixe. Les décomptes seraient ainsi faussés, de la même manière que
dans les exemples précités, pendant toute la durée des rapports de travail.

Il résulte du contrat de travail conclu entre les parties que les heures
supplémentaires ne sont prises en compte que si elles ont été expressément
demandées par la Direction. Il est donc normal que les minutes de présence au
travail en dehors des plages horaires fixes - soit 7h00-11h45 et 13h00-17h00
lundi et mardi, 6h00-11h45 et 13h00-17h00 mercredi et jeudi et 6h00-12h00
vendredi - ne soient pas prises en compte, sur les fiches de timbrage, dans
le cumul journalier, dans la mesure où il ne s'agit pas d'heures de travail
supplémentaires qui auraient été expressément demandées par la Direction.

3.2.3  Le recourant relève que sur la fiche de timbrage du mois de février
2006, il n'a été comptabilisé, pour le 28 février 2006, que le travail du
matin, tandis que pour l'après-midi, la fiche indique 17h01 sous « entrée »
et rien sous « sortie », d'où une balance négative de 3.39 heures. Il
soutient qu'il a probablement omis de timbrer au début de l'après-midi et
qu'une correction d'office aurait dû intervenir.

Le recourant n'avait pas soulevé ce grief dans son pourvoi en nullité
cantonal. Or en procédure civile jurassienne, le pourvoi en nullité est une
voie de recours extraordinaire, dans laquelle le recourant qui se plaint
d'arbitraire dans l'appréciation des preuves doit préciser de manière exacte
tous les faits qui constituent un motif de nullité, la Cour civile n'ayant
pas à rechercher d'office des motifs de nullité qui ne sont pas invoqués par
le recourant (art. 369 ch. 2 et 370 al. 1 CPC/JU [RSJ 271.1]; RJJ 1991 p. 316
ss, 322-323; RJJ 1997 p. 265 ss, 266-267). Dès lors, le recourant ne saurait
reprocher à la cour cantonale de n'avoir pas examiné un moyen qu'il n'avait
pas invoqué (cf. ATF 131 I 31 consid. 2.1.1).
3.2.4  Le recourant conteste avoir quitté son travail à huit reprises sur le
coup de 16h00 en février, mars et mai 2006. Il soutient qu'il a toujours été
à sa place de travail jusqu'à 17h00 au moins et que s'il avait quitté son
travail durant les plages fixes, son employeur n'aurait pas manqué de se
manifester.

En l'absence d'éléments au dossier qui étayeraient les affirmations du
recourant, on ne discerne toutefois aucun arbitraire à se fonder sur les
fiches de timbrage, dont il résulte d'une façon claire et précise que le
recourant a bel et bien quitté son travail avant 17h00 les 7 février (16h31),
14 février (16h01), 2 mars (16h01), 29 mars (16h02), 8 mai (16h00), 18 mai
(16h01), 24 mai (16h03) et 30 mai 2006 (16h01).

3.2.5  Le recourant soutient que les 10, 11, 12 et 31 mai 2006, de même que
les 9, 26 et 30 juin 2006, il aurait été mis au chômage technique par son
propre employeur, de sorte que l'on ne saurait lui imputer des heures
d'absence à ces dates.

Il ne s'agit toutefois là que d'une affirmation du recourant, contestée par
l'intimée et que rien dans le dossier ne vient étayer. On ne saurait dès lors
reprocher aux juges cantonaux une appréciation arbitraire des preuves pour
s'en être tenus aux indications résultant des fiches de timbrage.

3.2.6  Le recourant fait valoir qu'il a travaillé trois samedis matins, ce
qui n'est pas contesté, et qu'il devrait être indemnisé pour les heures
supplémentaires ainsi effectuées.

Le premier juge a constaté, concernant les samedis matins supplémentaires,
que ceux-ci sont indiqués sur les fiches de timbrage (7 janvier, 21 janvier
et 18 février 2006) et qu'ils ont été pris en compte dans le décompte horaire
à raison de 4.21 heures par samedi. Les heures ainsi effectuées ont donc déjà
été incluses dans la balance des heures des mois de janvier et février 2006.

4.
L'émolument judiciaire, qu'il convient de fixer à 500 fr. (art. 64 al. 4
let. c LTF), sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1
LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile du
Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.

Lausanne, le 7 juin 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: