Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.93/2007
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4A_93/2007 /ech

Arrêt du 10 juillet 2007
Ire Cour de droit civil

M. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Bureau National Suisse d'Assurance, p.a. « Zurich » Compagnie d'Assurances,
Mythenquai 2, 8002 Zurich,
défendeur et recourant, représenté par Me Pierre Gabus, avocat, boulevard des
Tranchées 46, 1206 Genève,

contre

X.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Christian Fischele,
Y.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Rouvinet.

responsabilité civile du détenteur de véhicule

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 23 février 2007 par la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.
Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1997, un accident de la circulation s'est
produit à Genève. A.________ conduisait un scooter du quai Turrettini en
direction du quai des Bergues, par la place de Saint-Gervais. Son taux
d'alcoolémie s'élevait à 0,85? et il conduisait à très vive allure;
l'éclairage du véhicule n'était pas allumé. Avant de déboucher sur la place,
il a dépassé une voiture roulant dans la même direction et il n'a pas
rallenti au « cédez le passage ». B.________ conduisait une automobile
sortant de la rue de la Tour-de-l'Ile. Il a fortement rallenti au « cédez le
passage ». Sur sa gauche, dans la direction du quai Turrettini, sa vision
était gênée par la présence d'un autre véhicule, semble-t-il arrêté avant
l'intersection. De loin, il a vu la voiture venant de cette direction et il a
estimé qu'elle lui laissait le temps de passer. Alors qu'il avait franchi le
« cédez le passage », il a vu le scooter et s'est arrêté. Immobilisé, son
véhicule laissait encore un passage large de 2m70 pour passer devant lui et
accéder au quai des Bergues. Le scooter s'est couché au sol et ses occupants
ont chuté; il a ensuite parcouru 10m50 avant de percuter l'automobile de
B.________.

X. ________ était la passagère du scooter, lequel était immatriculé à
l'étranger; elle a subi des lésions corporelles. Y.________ SA couvrait la
responsabilité civile du détenteur de l'automobile conduite par B.________.

B.
Le 11 février 2003, X.________ a ouvert action contre l'assureur Y.________
SA devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Le 18
septembre 2003, devant le même tribunal, elle a également ouvert action
contre le Bureau National Suisse d'Assurance, établissement qui doit assumer
la réparation des dommages causés en Suisse par des véhicules étrangers.
Selon ses conclusions, les défendeurs devaient être condamnés au paiement de
diverses sommes au total d'environ 571'000 fr. en capital, solidairement
entre eux, par suite de l'accident.

Y. ________ SA a conclu au rejet de l'action. A titre principal, le Bureau
d'assurance a lui aussi conclu au rejet de l'action; à titre subsidiaire, il
a requis le tribunal de fixer la part de responsabilité de chaque partie.
Après jonction des causes, le Tribunal de première instance a rendu un
jugement le 18 mai 2006. Il a constaté que A.________ assumait l'entière
responsabilité de l'accident et que B.________, au contraire, n'assumait
aucune responsabilité. En tant que l'action était dirigée contre l'assureur
Y.________ SA, il l'a rejetée; pour le surplus, il a renvoyé la cause à une
audience ultérieure.
Le Bureau d'assurance ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a statué le
23 février 2007; elle a confirmé le jugement.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le Bureau d'assurance
requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce
sens que chacun des défendeurs doit assumer 50% de la responsabilité.
Les autres parties concluent au rejet du recours. Une demande d'assistance
judiciaire est jointe à la réponse de la demanderesse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement partiel, destiné à mettre fin au
procès à l'égard de l'une des parties (art. 91 let. b LTF). Ce jugement est
intervenu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et la valeur litigieuse
excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let.
b LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours en matière civile est en
principe recevable, sous réserve de ce qui suivra au sujet de l'objet du
jugement attaqué et de la qualité pour recourir.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); il
n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la
portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux
questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux
exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF).
Le Tribunal fédéral peut admettre un recours pour des motifs autres que ceux
invoqués par la partie recourante; il peut aussi rejeter un recours en
opérant une substitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant un raisonnement
juridique autre que celui de la juridiction cantonale ( cf. ATF 130 III 136
consid. 1.4 in fine).
En règle générale, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur
la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).
Il ne contrôle pas d'office le respect des droits fondamentaux (art. 106 al.
2 LTF). Le recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal,
hormis les droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et
certaines dispositions sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d
LTF).

2.
L'art. 58 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR) prévoit
que si une personne est tuée ou blessée par suite de l'emploi d'un véhicule
automobile, le détenteur de ce véhicule est civilement responsable. En
l'espèce, dans la mesure où le détenteur de l'automobile conduite par
B.________ est responsable selon cette disposition, la demanderesse peut
rechercher l'assureur Y.________ SA conformément à l'art. 65 al. 1 LCR; en
tant que le détenteur du scooter est également responsable, seul ou en
concours avec l'autre détenteur, la demanderesse peut rechercher le Bureau
d'assurance conformément à l'art. 76b al. 1 LCR.
L'art. 60 al. 1 LCR prévoit que lorsque plusieurs personnes répondent d'un
dommage subi par un tiers, dans un accident où un véhicule automobile est en
cause, ces personnes sont solidairement responsables. Dans la présente
affaire, il est constant que la demanderesse n'était pas détentrice du
scooter ni de l'automobile, et qu'il s'agit donc d'un tiers aux termes de
cette disposition (Roland Brehm, La responsabilité civile automobile, Berne
1999, ch. 724 p. 280; Urban Hulliger, Die Haftungsverhältnisse nach Art. 60
und 61 SVG, thèse, Fribourg 2003, ch. 1 p. 5). Nul ne met en doute que le
détenteur du scooter fût responsable selon l'art. 58 al. 1 LCR. Il s'ensuit
que le Bureau d'assurance peut être recherché pour la totalité des
réparations éventuellement dues à la demanderesse; en raison de la solidarité
prévue par l'art. 60 al. 1 LCR, il ne lui est d'aucun secours qu'un autre
détenteur soit peut-être aussi responsable (Brehm, op. cit., ch. 725 à 727 p.
280; Hulliger, op. cit., ch. 1 p. 38 et ch. 1 p. 162).
La libération de l'assureur Y.________ SA ne pourra donc exercer aucune
influence sur le sort des conclusions principales que le Bureau d'assurance a
prises devant le Tribunal de première instance, encore pendantes et tendant
au rejet des prétentions de la demanderesse; par conséquent, relativement
auxdites conclusions, ce plaideur ne subit aucune lésion apte à lui conférer
la qualité pour recourir selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF.

3.
Le Bureau d'assurance pourrait exercer une action récursoire contre un autre
détenteur impliqué dans l'accident, ou son assureur, selon l'art. 60 al. 2
LCR (Brehm, op. cit., ch. 782 p. 299; Hulliger, op. cit., p. 166 à 174).
Cette action récursoire suppose toutefois que l'autre détenteur soit aussi
responsable, or l'arrêt de la Cour de justice rejette cette responsabilité en
ce qui concerne le client de l'assureur Y.________ SA, détenteur de
l'automobile.

3.1 Il est douteux que par ses conclusions subsidiaires tendant à faire fixer
les parts de responsabilité incombant à chaque partie, le Bureau d'assurance
ait valablement saisi la juridiction cantonale d'une action récursoire
intentée à Y.________ SA. L'arrêt de la Cour de justice n'indique rien à ce
sujet. Dans la négative, cet arrêt n'a pas pour objet de rejeter cette action
et il n'existe alors pas de jugement de dernière instance cantonale
susceptible d'être attaqué selon l'art. 75 al. 1 LTF. Cette question peut
cependant rester indécise car, de toute manière, l'action récursoire n'est
pas fondée.

3.2 L'art. 60 al. 2 LCR prévoit que lorsque la responsabilité incombe à
plusieurs détenteurs de véhicules automobiles, le dommage se répartit entre
eux en proportion de leur faute, à moins que des circonstances spéciales ne
justifient un autre mode de répartition. Il résulte de cette règle que si une
faute n'est imputable qu'à un seul des détenteurs responsables, et pour
autant que cette faute soit au moins légère plutôt que très légère et que les
risques inhérents à l'emploi de chacun des véhicules soient comparables, ce
détenteur doit supporter la totalité du dommage (Brehm, op. cit., ch. 639 à
642 p. 254 et 775 p. 297; Hulliger, op. cit., p. 103/104). En conséquence,
s'il a lui-même indemnisé le lésé, ledit détenteur est dépourvu de tout
recours contre les autres détenteurs.
Il est constant que l'accident s'est produit par suite d'une faute très grave
de A.________, qui conduisait le scooter à une vitesse inadaptée, sans
éclairage et sans aucun égard aux dangers qui pouvaient survenir. Pour le
surplus, conformément à l'art. 58 al. 4 LCR, le détenteur de l'automobile,
assuré par Y.________ SA, répond de la faute éventuellement commise par
B.________. La Cour de justice n'exclut pas qu'une faute puisse être imputée
aussi à ce dernier, dans la mesure où, compte tenu que sa vision était gênée
par la présence d'un autre véhicule, on pouvait attendre de lui qu'il fût
encore plus prudent au « cédez le passage ». Mais de toute manière, dans
l'exercice de son pouvoir d'appréciation et en raison de la disproportion des
fautes en présence, le juge de l'action récursoire pourrait libérer
l'assureur Y.________ SA des prétentions élevées contre lui par le Bureau
d'assurance. Il n'est donc pas nécessaire de vérifier si la Cour de justice
était fondée à exclure d'emblée toute responsabilité du détenteur de
l'automobile.

4.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où il est recevable.
A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels chacune des autres
parties peuvent prétendre. Il n'est pas nécessaire de statuer sur la demande
d'assistance judiciaire présentée par la demanderesse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le Bureau National Suisse d'Assurance acquittera un émolument judiciaire de
8'000 fr.

3.
Le Bureau National Suisse d'Assurance acquittera les indemnités ci-après à
titre de dépens:
10'000 fr. à l'intimée X.________;
10'000 fr. à l'intimée Y.________ SA.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 10 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: