Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.77/2007
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4A_77/2007 /ech

Arrêt du 10 juillet 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________,
recourante, représentée par Me Christian Bruchez,

contre

V.________, Compagnie d'Assurances sur la Vie,
W.________, Compagnie d'assurances,
intimées,
toutes deux représentées par Me Thomas Barth.

contrat de travail; discrimination salariale,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève du 27 février 2007.

Faits :

A.
A.a X.________ (la demanderesse) est une ressortissante suisse née en 1944,
qui est divorcée et a deux enfants majeurs. Titulaire d'un baccalauréat
tunisien section mathématiques, elle a suivi une formation de mathématiques
générales à Paris, ainsi que des cours destinés au perfectionnement des
cadres. Outre le français, elle maîtrise l'anglais et l'italien.

De 1987 à 1991, elle a travaillé auprès de R.________, Assurances au sein du
département des sinistres, puis de 1991 à 1994 auprès de S.________,
Assurances en tant que responsable de la circulation des primes.

Par contrat de travail du 3 février 1994, X.________ a été engagée dès le
début 1994 conjointement par V.________, Compagnie d'Assurances sur la Vie et
V.V.________, Compagnie générale d'Assurances, devenue W.________, Compagnie
d'Assurances (les défenderesses) comme technicienne en branches collectives
vie, maladie et accidents. Son salaire mensuel brut initial a été fixé à
5'000 fr.

X. ________ a travaillé à l'agence générale de Genève desdites compagnies
d'assurance, tout d'abord sous la direction de l'agent général A.________,
ensuite sous celle de B.________. Elle a principalement été chargée de la
gestion des clients et du suivi des offres dans le secteur des branches
collectives, ainsi que des relations entre l'agence où elle travaillait et le
siège des établissements. Il lui a également été attribué des tâches liées à
la formation de collaborateurs puis d'apprentis et diverses missions de
renseignements, de liaison et de coordination.

Il a été retenu que X.________ n'a pas entretenu de bons rapports avec son
supérieur B.________, lequel lui a en particulier reproché, par lettre du 20
décembre 1999, le comportement qu'elle adoptait vis-à-vis des autres
employés. Pour sa part, la travailleuse s'est plainte, dans un courrier du 11
mai 2001 à ses employeurs, d'un climat de travail devenu difficilement
supportable depuis l'entrée en fonction de B.________.

Les difficultés relationnelles en cause n'ayant pu être aplanies, les
employeurs, par lettre du 27 août 2001, ont résilié le contrat de travail de
X.________ pour le 31 décembre 2001 en la dispensant de l'obligation de
travailler jusqu'à cette date. La fin des rapports de travail a été reportée
au 30 juin 2002, compte tenu d'une période d'incapacité de travail de la
salariée.

En 2002, X.________ percevait un salaire mensuel brut de
5'345 fr.

A.b Au sujet de deux ex-collègues masculins de la demanderesse, il a été
constaté ce qui suit quant à leur formation, leur expérience professionnelle,
l'activité exercée pour les défenderesses et les rémunérations brutes versées
par celles-ci, sans les éventuels bonus ou gratifications.

C. ________, né comme la demanderesse en 1944, est entré au service des
défenderesses en 1986 après six ans passés à la T.________ Assurances.
Titulaire d'une licence en droit de l'Université de Belgrade, il parle trois
langues. Au siège des défenderesses, il s'est d'abord occupé du suivi des
assurances pour véhicules et bateaux avant de prendre temporairement la
responsabilité dudit service. Par la suite, il a été chargé du contentieux,
du suivi des assurances vie collective ainsi que de la prévoyance
professionnelle collective pour la Suisse alémanique et quelques cantons
romands. Doté d'un statut de cadre, son salaire brut initial, fixé à 6'325
fr. en 1986, a passé à 8'160 fr. en 1997, 8'245 fr. en 1998, 8'500 fr. en
1999 et 8'600 fr. en 2001.

D. ________, né en 1946, a été engagé par les défenderesses trois ans après
la demanderesse, alors qu'il disposait d'une expérience professionnelle de 27
ans acquise notamment dans le domaine des assurances et de la banque. Il a
une maturité et parle trois langues. Pour les défenderesses, il travaillait
au siège en qualité de responsable adjoint du secteur de la prévoyance
professionnelle et, entre autres tâches, élaborait des offres et s'occupait
de la facturation/comptabilisation des primes. Prévu pour accéder au poste de
responsable du secteur, il n'a pas été promu pour des raisons ignorées. Son
salaire brut initial, arrêté en 1997 à 8'200 fr., a été augmenté à 8'570 fr.
en 1998.

A.c Le 8 novembre 2002, X.________ a ouvert action contre V.________,
Compagnie d'Assurances sur la Vie et V.V.________, Compagnie générale
d'Assurances devant le Tribunal des prud'hommes de Genève. Elle a conclu au
versement, avec divers intérêts, de 34'742 fr. au titre d'indemnité pour
licenciement abusif, de 15'000 fr. pour le tort moral éprouvé, de 4'186 fr.65
d'indemnité afférente à des vacances non prises, de 1'080 fr. à titre de
prime de fidélité et, enfin, de 249'454 fr. brut comme arriéré de salaire non
discriminatoire pour la période du 1er avril 1997 au 30 juin 2002. Fondant
cette dernière prétention sur la loi fédérale du 25 mars 1995 sur l'égalité
entre femmes et hommes (Loi sur l'égalité ou LEg; RS 151.1), la demanderesse
a comparé son salaire tout particulièrement à ceux versés à C.________ et
D.________, lesquels, selon elle, exerçaient des activités comparables à la
sienne tout en percevant des rémunérations nettement supérieures. La
demanderesse réclamait encore un certificat de travail.

Les défenderesses ont conclu au déboutement de la demanderesse ainsi qu'à sa
condamnation au remboursement de la somme de 1'782 fr. en capital
correspondant à des vacances payées en trop, tout en excipant de la
compensation avec toute somme dont elles seraient reconnues débitrices.

Le Tribunal des prud'hommes a ordonné des enquêtes, qui ont consisté
notamment en l'audition de nombreux témoins.

Par jugement du 14 janvier 2004, le Tribunal des prud'hommes a condamné la
demanderesse à verser aux défenderesses la somme nette de 1'374 fr.35 plus
intérêts à 5 % l'an dès le 31 juillet 2002. Il a considéré que X.________
n'avait subi aucune discrimination salariale à raison du sexe, estimant qu'il
n'était pas raisonnable de mettre en parallèle la rémunération de cette
dernière et celles de C.________ et D.________, dont le statut au sein des
compagnies d'assurance, le niveau de responsabilité, les qualifications et
expériences professionnelles n'étaient pas équivalents à la demanderesse. Le
Tribunal a encore jugé que X.________ n'avait pas démontré avoir subi une
atteinte illicite à sa personnalité et qu'elle n'avait pas droit à une
indemnité pour licenciement abusif, à défaut d'avoir établi avoir été victime
de harcèlement. Les premiers juges ont alloué à la demanderesse les montants
de 1'992 fr.90 pour indemniser les vacances non prises et de 196 fr.40 au
titre de prime de fidélité. Comme les défenderesses avaient versé 3'563 fr.65
à titre d'indemnité de vacances non exercées, la demanderesse restait en fin
de compte débitrice des premières de la différence de 1'570 fr.75. Après
compensation avec la prime de fidélité qui lui était due, X.________ devait
aux défenderesses un reliquat de 1'374 fr.35 (1'570 fr.75 - 196 fr.40).

B.
B.aLa demanderesse a appelé de ce jugement devant la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes de Genève. Maintenant qu'il existait chez les
défenderesses une discrimination salariale avec les traitements encaissés
entre 1997 et 2002 par C.________ et D.________, la demanderesse a légèrement
réduit ses prétentions de ce chef, concluant au versement de 224'174 fr.75.
Elle a admis avoir reçu une indemnité de vacances indue de 3'367 fr.25 et
s'est reconnue débitrice de ce chef, par compensation, du montant de
91 fr.95, et non de 1'374 fr.35.

La Cour d'appel a procédé au complément d'enquêtes requis par la
demanderesse. Par décision du 18 octobre 2005, la cour cantonale a ordonné
une expertise, qu'elle a confiée à M.________, psychologue du travail et
maître d'enseignement à la Faculté de psychologie et des sciences de
l'éducation à .... La mission de l'experte était d'analyser les travaux
confiés à la demanderesse et ceux attribués à C.________ et à D.________ et
de déterminer s'ils étaient de valeur égale, dans l'affirmative de dire si
les différences de salaire constatées se justifiaient objectivement et, si
tel n'était pas le cas, d'arrêter le salaire qui aurait dû être versé à la
travailleuse.

B.b En novembre 2005, V.V.________, Compagnie générale d'Assurances a été
radiée du Registre du commerce de Genève par suite de fusion avec W.________,
Compagnie d'Assurances, qui a repris ses actifs et passifs envers les tiers.

B.c L'experte judiciaire a déposé un rapport qui indique comme date "avril
2006"; elle a également été entendue par la cour cantonale à son audience du
14 septembre 2006. S'étant adjointe deux assistantes, l'experte a fondé son
examen sur l'audition de treize personnes au sein des défenderesses. Elle a
affirmé à ce sujet n'avoir pas cité dans son rapport les propos tenus par les
personnes qu'elle a interrogées. Elle a déclaré avoir analysé le profil des
postes des trois personnes concernées (i.e. X.________, C.________,
D.________), puis la valeur de leur travail, cela en tenant compte des tâches
confiées, des exigences requises pour les postes de travail, des compétences
mobilisées et des responsabilités confiées. L'experte M.________ en a déduit
ce qui suit: "Le travail réalisé par (la demanderesse) n'est pas de même
valeur que le travail réalisé par C.________ et par D.________. En effet, il
est de nature différente (fonction d'exécution versus fonctions
décisionnelles) et les exigences ainsi que le niveau de compétence à
mobiliser et de responsabilités à prendre sont moindres dans le cas de Mme
X.________". L'experte est en outre d'avis que les différences de salaire
constatées et d'évolution desdits salaires, lesquelles résultaient de
l'absence d'équivalence des tâches, étaient justifiées. Elle a précisé que
les commissions n'étaient versées qu'aux courtiers et que les primes de
récompense ne concernaient pas les techniciens d'agence, comme la
demanderesse. M.________ a enfin précisé que D.________, contrairement à
X.________, exerçait des tâches de taxation, c'est-à-dire qu'il était
impliqué à un niveau assez important dans le processus de décision au niveau
de l'acceptation des risques.

B.d La demanderesse a requis devant l'autorité cantonale une nouvelle
expertise. Elle s'en est prise à la méthode d'évaluation utilisée par
l'experte et au rapport de celle-ci, qui comporterait lacunes et erreurs, et
s'est référée aux travaux du Professeur en économétrie E.________, dont la
méthodologie serait plus adéquate.

Il n'a pas été donné suite à la requête de seconde expertise de la
demanderesse.

B.e Par arrêt du 27 février 2007, la Cour d'appel, après avoir préalablement
dit que les parties défenderesses étaient désormais W.________, Compagnie
d'Assurances et V.________, Compagnie d'Assurances sur la Vie, a entièrement
confirmé le jugement entrepris.

Les motifs de cette décision seront développés ci-après dans la mesure utile.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Elle conclut à l'annulation dudit arrêt et au renvoi de la
cause à la Cour d'appel pour qu'elle statue sur les prétentions de la
demanderesse à l'encontre des défenderesses dans le sens des considérants.

Les intimées proposent le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité,
alors que l'autorité cantonale déclare se référer au contenu de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007,
de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110),
de sorte que le présent recours est soumis au nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Formé par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
dépasse largement le seuil de 15'000 fr. applicable en matière de droit du
travail (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF)
et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

2.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par
les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par
l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que
ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III
136 consid. 1.4 in fine, 297 consid. 3.1). Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que
les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une
autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent,
lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en
matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question
relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué
et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

2.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99
al. 2 LTF).

En l'espèce, la recourante n'a pris que des conclusions cassatoires.
Celles-ci sont néanmoins recevables, car si le Tribunal fédéral devait
admettre le recours, il ne serait pas à même de statuer lui-même sur le fond,
à défaut de constatations non arbitraires à propos de l'équivalence entre les
tâches accomplies par la demanderesse et celles qui étaient dévolues à
C.________ et à D.________ (ATF 130 III 136 consid. 1.2; Bernard Corboz,
Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral, in SJ 2006 II p. 319
ss, spéc. p. 329/330).

3.
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a tout d'abord rappelé qu'une
discrimination de nature sexiste peut résulter de la comparaison du salaire
d'une personne déterminée avec les traitements accordés par le même employeur
à des personnes du sexe opposé. Concernant l'expertise judiciaire qu'elle a
ordonnée, elle a jugé qu'elle n'avait pas à reformuler la mission de
l'expert, laquelle n'avait pas été mise en cause par les plaideurs à
réception de l'ordonnance d'expertise. Quant au travail effectué par
l'experte que la demanderesse a sévèrement critiqué, l'autorité cantonale a
concédé que le rapport recelait quelques maladresses, rectifiées par
M.________ au cours de son audition du 14 septembre 2006. La Cour d'appel a
néanmoins estimé que la prénommée avait parfaitement saisi en quoi
consistaient les tâches qu'elle devait comparer, c'est-à-dire celles de la
travailleuse et de ses deux ex-collègues masculins nommés C.________ et
D.________.

Se fondant tant sur les témoignages recueillis que sur le résultat de
l'expertise, les magistrats genevois ont considéré qu'il n'y avait aucune
équivalence entre les fonctions qu'avaient exercées les trois personnes
précitées. Tandis que la demanderesse était chargée, en agence, de tâches
techniques, C.________ et D.________ s'étaient vu confier, au siège, des
activités à responsabilité. Pour ces motifs, ces magistrats ont admis, en
adoptant les conclusions de l'expertise, qu'il ne se justifiait pas de
confronter le salaire de X.________ avec ceux encaissés par C.________ et
D.________.

Enfin, la cour cantonale s'est fondée sur les rémunérations touchées par cinq
employées des défenderesses en 2001 pour affirmer que les différences de
salaire - à son avis justifiées -, qui avaient existé entre la demanderesse
d'une part, C.________ et D.________ d'autre part, ne prêtaient nullement le
flanc à une quelconque critique, car elles reposaient en fait sur la marge de
décision dont dispose l'employeur dans la fixation des rémunérations de ses
salariés.

4.
4.1 Au chiffre V/c de son recours en matière civile, la recourante invoque, en
rapport avec l'expertise, une violation de son droit d'être entendue consacré
par l'art. 29 al. 2 Cst., ainsi qu'une violation de l'interdiction de
l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.

A propos du grief fondé sur l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante souligne que
la méthode d'analyse suivie par l'experte se fonde quasi exclusivement sur
les déclarations recueillies par celle-ci et ses assistantes auprès des
employés des défenderesses, lesquels avaient déjà été entendus par le juge au
cours de la procédure. Elle prétend que le respect de son droit d'être
entendue commandait qu'elle puisse connaître les auteurs des déclarations
retenues par l'experte, le contenu de celles-ci et l'appréciation qu'en a
faite la psychologue au regard des autres éléments de la procédure, en
particulier les dépositions recueillies par les premiers juges. La recourante
expose que l'experte a ouvert une nouvelle procédure sans participation des
parties, qui n'ont pu examiner les contradictions avec les autres moyens de
preuve administrés, ce qui porte une atteinte caractérisée au principe
constitutionnel ancré à l'art. 29 al. 2 Cst.

En ce qui concerne le grief d'appréciation arbitraire des preuves, la
recourante soutient que l'expertise judiciaire est entachée de défauts si
clairs que la Cour d'appel ne pouvait la prendre en considération. Ainsi,
lorsqu'elle a comparé les tâches menées par la demanderesse, C.________ et
D.________, elle a indiqué que ce dernier travaillait au service de taxation.
Cette affirmation serait contredite par la liste des employés des intimées et
le mémoire de réponse de ces dernières. Sur la base de cette prémisse
erronée, l'experte aurait retenu, contrairement à la vérité, que le travail
effectué par D.________ présentait des enjeux importants pour les
défenderesses. Pour ce qui est de C.________, la recourante allègue, en se
référant à de nombreux témoignages et aux avenants du contrat de l'intéressé,
qu'il n'avait pas de fonction d'encadrement, mais faisait en réalité le même
travail que les autres employés du service contentieux. De plus, l'employé
précité n'avait pas de tâches à responsabilité particulière. S'il s'occupait
de mainlevées d'opposition, à l'instar de plusieurs autres collègues, il
s'adressait à deux femmes juristes dès qu'il y avait lieu de procéder à des
démarches juridiques un peu compliquées. La demanderesse est d'avis que
l'expertise est également trompeuse sur la question du niveau de difficulté
et de responsabilité qui était lié aux fonctions exercées par C.________. La
recourante en déduit que la valeur respective des travaux menés par elle et
ses deux ex-collègues masculins n'a pas été établie de manière fiable, de
sorte qu'en se fondant sur une telle expertise, la Cour d'appel a fait montre
d'arbitraire.

4.2
4.2.1 Il est communément admis que l'expert doit présenter son rapport de
manière à ce qu'il puisse être compris. Autrement dit, le rapport doit être
complet, compréhensible et convaincant (arrêt 4P.172/2003 du 6 janvier 2004,
consid. 2.7; Roland Hürlimann, Der Experte - Schlüsselfigur des Bauprozesses,
in: in Sachen Baurecht, zum 50. Geburtstag von Peter Gauch, p. 145/146; Björn
Bettex, L'expertise judiciaire, thèse Lausanne 2006, p. 176). Il résulte de
ce principe général que lorsque l'expert se fonde sur des déclarations, il
doit préciser de qui elles émanent et quels éléments il tient pour
déterminants. Il suffit cependant que l'expert donne un résumé des propos
importants qu'il a recueillis. Les plaideurs doivent en effet être à même de
requérir l'audition par le juge des personnes entendues par l'expert ou leur
récolement, à supposer que des incertitudes émanent desdites déclarations
(arrêt 4P.172/2003 ibidem, approuvé dans son contenu par Christof
Leuenberger, ZBJV 142/2006, p. 34; Frank/Sträuli/Messmer, Kommentar zur
zürcherischen Zivilprozessordnung, 3e éd., n. 3 ad § 176 ZPO/ZH). Cette
exigence résulte du droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst.,
compris comme le droit de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leurs propos (ATF 129 II 497
consid. 2.2)
4.2.2 En l'occurrence, l'experte a écrit dans son rapport que pour mieux
comprendre les différentes tâches accomplies par la demanderesse, C.________
et D.________, elle a réalisé treize entretiens avec divers collaborateurs
des défenderesses (cf. p. 2/3 et p. 6 in fine du rapport d'avril 2006). Elle
a ainsi entendu la recourante et les deux prénommés, cinq "autres employés",
quatre responsables et, apparemment ensemble, deux employés des ressources
humaines. On ne trouve pas trace dans le rapport d'expertise du moindre
résumé de ces différentes déclarations. Interrogée à ce propos lors de son
audition du 14 septembre 2006 devant la Cour d'appel, l'experte a déclaré, si
on la comprend bien, qu'elle n'avait pas voulu rattacher à des personnes
déterminées les déclarations effectuées "afin de respecter la
confidentialité" (cf. procès-verbal de l'audition de l'experte, p. 3).

Il appert que la plupart de ces personnes avaient été entendues précédemment
comme témoins par le Tribunal des prud'hommes (cf. procès-verbal de
l'audition de l'experte, p. 2 in initio). Partant, on peut très sérieusement
se demander si la manière de procéder de l'experte, qui a eu pour résultat de
priver la demanderesse de soulever les éventuelles contradictions pouvant
survenir entre les dires qu'une même personne a articulés devant le juge et
devant la psychologue, ne constitue pas une entorse au droit d'être entendue
de la recourante (cf. arrêt 4P.172/2003 précité, consid. 2.7 in fine). Mais
la question souffre de rester indécise, dès lors que le recours doit être de
toute façon admis pour un autre motif.

4.3
4.3.1 La jurisprudence reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans
la constatation des faits et leur appréciation, lequel trouve toutefois sa
limite dans l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2a p. 38). Le Tribunal fédéral
n'intervient en conséquence pour violation de l'art. 9 Cst. que si le juge a
abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il a admis ou nié un fait
pertinent en se mettant en contradiction évidente avec les pièces et éléments
du dossier, lorsqu'il a méconnu des preuves pertinentes ou qu'il n'en a
arbitrairement pas tenu compte, lorsque les constatations de fait sont
manifestement fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se révèle
insoutenable ou qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice
et de l'équité (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I
81 consid. 2 p. 86).

Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise,
le juge n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit
apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées
(Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, ch. 1113, p. 214;
Frank/Sträuli/Messmer, op. cit., n. 5 ad § 181 ZPO/ZH). S'il entend s'en
écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants,
substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans
l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas les conclusions de
l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies
viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 129 I 49 consid. 4 p.
57/58; 128 I 81 consid. 2 p. 86; 122 V 157 consid. 1c p. 160). Tel est
notamment le cas lorsque l'expertise contient des contradictions et qu'une
détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points
importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des
lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie
autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2 p. 56; 101
Ib 405 consid. 3b/aa p. 408; 101 IV 129 consid. 3a in fine p. 130). Si, en
revanche, les conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses
sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves
complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes; à défaut, en se fondant
sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation
arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c
p. 146).

4.3.2
4.3.2.1A la page 3 de son rapport, l'experte M.________ a indiqué que
D.________ était employé par les défenderesses "au service de la taxation".

Il résulte pourtant clairement d'une liste des numéros de téléphone internes
des collaborateurs engagés par les défenderesses (cf. pièce 50 du chargé de
la demanderesse du 26 août 2004) que D.________ fait partie du service "PME
VCProd", et nullement du service "PRI-Taxation", pour lequel officient trois
personnes, à savoir F.________ G.________ et H.________. Cette constatation
est corroborée par deux pièces produites par les défenderesses elles-mêmes, à
savoir la pièce 30, qui est le contrat de travail de D.________, et la pièce
40, qui relate l'évolution des fonctions et statuts de sept collaborateurs
des intimées - dont D.________ - entre les années 1997 et 2001. Dans leur
mémoire de réponse du 26 février 2003, à la page 17, les défenderesses ont
encore précisé que D.________ travaillait au siège comme "adjoint au
responsable de la prévoyance professionnelle", ce qui n'a rien à voir avec le
service de taxation, dont les employés font une estimation des risques
encourus par la compagnie d'assurance, comme l'a affirmé le 19 novembre 2003
le témoin I.________, responsable du département des indépendants en
2001/2002.

Il apparaît que cette constatation erronée a vicié l'ensemble du rapport
d'expertise. Ainsi, l'experte en a inféré, à la page 8 in medio de son
rapport, que les tâches de la demanderesse, qualifiées d'administratives,
n'étaient pas de même nature que celles accomplies par D.________, qui,
elles, avaient trait à "l'appréciation du risque". Sur sa lancée, l'experte a
déclaré (cf. p. 8 in fine) que D.________, du fait de son supposé
rattachement au service de la taxation, devait avoir des connaissances
bancaires, contrairement à X.________. Enfin, M.________ a estimé, à la page
10 ch. 3.4 du rapport, que le niveau de responsabilité de D.________ était
plus élevé que celui de la demanderesse, car le premier, au service de la
taxation, traitait "des enjeux financiers importants pour l'entreprise".

Il suit de là que le rapport d'expertise est entaché de défauts évidents
s'agissant de la comparaison des tâches qui y est opérée entre la
demanderesse et D.________.

4.3.2.2 Selon le rapport de l'experte, le travail de C.________ au service du
contentieux exigeait des "connaissances juridiques pointues" (cf. p. 8 du
rapport d'expertise, ch. 3.2). En outre, il prenait, contrairement à la
demanderesse, des décisions ayant un enjeu financier important pour les
intimées; et l'experte de dire que sont tout particulièrement significatives
à cet égard "les mains levées d'opposition (sic)" (cf. p. 10 in fine de son
rapport). De plus, l'experte, lors de son audition, a décrit C.________ comme
un "cadre compétent" (cf. procès-verbal d'audition du 14 septembre 2006, p.
2, 2e partie).

Entendu le 3 septembre 2003 par le Tribunal des prud'hommes, J.________,
responsables des agences des défenderesses pour la Suisse romande et le
Tessin de 1998 à 2001, a affirmé (cf. p. 4 dudit procès-verbal d'audience)
que C.________, à l'époque déterminante, n'avait plus la fonction ni les
responsabilités d'un cadre, même s'il avait gardé ce titre comme un acquis.
Cette déposition est confirmée par deux avenants au contrat de travail de
C.________ des 4 avril 1997 et 30 mars 2000, qui décrivent la fonction du
prénommé le premier comme "Assistant du responsable du recouvrement", le
second comme "Gestionnaire contentieux".

Trois employées du service du contentieux qui ont travaillé avec C.________
(i.e. K.________, L.________ et R.________) ont déclaré de concert qu'elles
faisaient au sein de ce service le même travail que le précité, quand bien
même seule L.________ avait le titre de cadre (cf. procès-verbal du 14 mai
2003, p. 2, 5 et 7).

Partant, présenter C.________ comme un cadre compétent, ainsi que l'a fait
l'experte, alors qu'il exerce la même fonction que les autres membres du
service contentieux, est trompeur, puisque ce titre - que n'a pas la
demanderesse- est en réalité dénué de toute fonction de direction.

A cela s'ajoute que l'expérience judiciaire enseigne qu'il n'est nul besoin
d'avoir des connaissances juridiques étendues pour s'occuper de mainlevées
d'opposition, lesquelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 25 ch. 2
LP). A ce sujet, N.________, qui avait un poste de juriste auprès des
défenderesses, a exposé que l'ensemble des personnes du service contentieux
étaient habilitées à s'occuper des mainlevées et qu'il y avait des "masques",
c'est-à-dire des modèles préétablis, pour rédiger les requêtes. Cette juriste
a enfin affirmé que C.________ s'adressait à elle pour toutes questions ayant
trait à l'application du droit.

On voit donc nettement que les tâches accomplies par C.________ ont été
surestimées par l'experte, ce qui rend douteuses les conclusions qu'elle a
tirées à propos de la valeur du travail de cet employé comparée à celle des
tâches réalisées pour les défenderesses par la demanderesse.

4.4 Au vu de ces considérations, la cour cantonale a versé dans l'arbitraire
en suivant les conclusions d'une telle expertise.

Il suit de là que le recours en matière civile doit être admis, l'arrêt
critiqué étant annulé. Ce résultat dispense la juridiction fédérale
d'examiner les autres critiques de la recourante prises d'une violation des
art. 3 et 12 LEg.

Conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral renvoie l'affaire à
l'autorité précédente pour qu'elle ordonne une nouvelle expertise - laquelle
a été sollicitée par la recourante en instance d'appel - qui devra permettre
de déterminer, au moyen d'une méthode analytique, les valeurs respectives des
tâches accomplies entre 1997 et 2002 auprès des défenderesses respectivement
par la demanderesse, D.________ et C.________.

5.
Les frais judiciaires, calculés par application de l'art. 65 al. 4 let. b
LTF, seront mis solidairement à la charge des intimées, qui succombent (art.
66 al. 1 LTF). Ces dernières verseront encore solidairement à la recourante
une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Un émolument judiciaire de 600 fr. est mis solidairement à la charge des
intimées.

3.
Les intimées verseront solidairement à la recourante une indemnité de 12'000
fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 10 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: