Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.519/2007
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4A_519/2007

Arrêt du 6 février 2008
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

X. ________ GmbH,
défenderesse et recourante, représentée par Me Beat Mumenthaler,

contre

Y.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Olivier Carrard.

procédure civile; compétence à raison de la matière

recours contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2007 par la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers du canton de Genève.

Faits:

A.
Jusqu'à sa faillite survenue le 13 septembre 2005, A.________ SA a exploité
l'hôtel ... qui se trouve dans le centre commercial de la Praille à proximité
de Genève. L'exploitante usait des locaux et de leurs dépendances en qualité
de locataire, au bénéfice d'un bail à loyer conclu le 11 décembre 2001 entre
elle et la société Y.________ SA. Ce contrat et ses avenants prévoyaient un
loyer à calculer sur la base du chiffre d'affaires de la locataire; ce loyer
s'élèverait toutefois, au minimum et charges en sus, à 1'879'400 fr. par
année.

En faveur de la bailleresse, parmi d'autres sûretés, le contrat prévoyait la
remise d'une lettre de patronage à émettre par X.________ GmbH, société qui
se trouve à la tête du groupe auquel la locataire appartenait; la société
mère devrait garantir l'ensemble des obligations à assumer par sa filiale.
Datée du 23 mars 2002, la lettre de patronage fut effectivement transmise à
la bailleresse; selon son libellé, cette déclaration est soumise au droit
suisse et le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève est
« compétent ».

Y. ________ SA a produit deux créances dans la faillite de A.________ SA,
admises à hauteur de 2'457'262 fr.37 et 36'666 fr.40.

B.
Le 17 juin 2005, Y.________ SA a saisi la commission de conciliation
compétente d'une requête dirigée contre X.________ GmbH et tendant au
paiement de diverses sommes; la conciliation n'ayant pas abouti, elle a élevé
ses prétentions devant le Tribunal des baux et loyers. Après amplification de
la demande, l'action tendait au paiement de 2'563'647 fr. à titre d'arriérés
de loyer, charges et frais.

D'entrée de cause, la défenderesse a soulevé diverses exceptions de
procédure; elle arguait notamment de l'incompétence du tribunal saisi. Sur le
fond, elle concluait au rejet de l'action.

Le tribunal a rendu un jugement sur incident le 18 décembre 2006; il a rejeté
les exceptions de procédure et ordonné la suspension de la cause jusqu'à
connaissance du dividende que la demanderesse percevra dans la faillite de
A.________ SA.

Persistant à soutenir que la contestation ne ressortit pas au Tribunal des
baux et loyers, la défenderesse a appelé du jugement. La Chambre d'appel en
matière de baux et loyers a confirmé ce prononcé par arrêt du 5 novembre
2007.

C.
Agissant principalement par la voie du recours en matière civile et
subsidiairement par celle du recours constitutionnel, la défenderesse
requiert le Tribunal fédéral de prononcer que la demande dirigée contre elle
est irrecevable faute de compétence du tribunal saisi.
La demanderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Au regard de l'art. 92 al. 1 LTF, l'arrêt de la Chambre d'appel est une
décision incidente concernant la compétence du Tribunal des baux et loyers;
il est susceptible de recours selon cette disposition.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un jugement rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al.
1 let. c et 74 al. 1 let. b LTF). Il est formé par une partie qui a pris part
à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF).
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises
(art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours en matière civile est en principe
recevable, de sorte que le recours constitutionnel, subsidiaire (art. 113
LTF), est exclu.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254); il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi
d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; même
arrêt, consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).
Le recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les
droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines
dispositions sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).

2.
La défenderesse est recherchée sur la base de sa lettre de patronage émise le
23 mars 2002. A l'appui de l'exception d'incompétence, elle invoque les art.
274 et ss CO et fait valoir que la lettre de patronage n'est pas un contrat
de bail à loyer; elle soutient que le litige est donc étranger aux procédures
prévues par ces dispositions de droit fédéral.
Sous le titre « autorités et procédure », les art. 274 à 274g CO introduisent
divers principes et maximes à mettre en oeuvre dans le contentieux du bail à
loyer. La règle fondamentale se trouve à l'art. 274 CO, lequel prévoit que
les cantons désignent les autorités compétentes et règlent la procédure.
Cette règle ni aucune des autres dispositions ici visées n'impose aux cantons
de créer une juridiction spéciale dans le domaine du bail à loyer, qui soit
compétente exclusivement dans cette matière et ne puisse pas connaître, même
accessoirement, d'actions fondées sur un titre juridique autre que le bail à
loyer. Ainsi, le moyen tiré des art. 274 à 274g CO est inconsistant.

3.
Aux termes de l'art. 56M de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire
(OJ gen.), le Tribunal des baux et loyers est compétent pour statuer sur tout
litige relatif au contrat de bail à loyer ou au contrat de bail à ferme non
agricole d'après les titres VIII et VIIIbis du code des obligations, portant
sur une chose immobilière, ainsi que sur les litiges relevant de la loi
cantonale du 18 avril 1975 protégeant les garanties fournies par les
locataires. Invoquant l'art. 9 Cst., la défenderesse reproche à la Chambre
d'appel d'avoir appliqué arbitrairement cette disposition de droit cantonal.
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse
être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 132 I
13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1
p. 9).
La décision attaquée contient un exposé de la jurisprudence cantonale
relative à l'art. 56M OJ gen. Il en ressort que le Tribunal des baux et
loyers est compétent lorsque l'état de fait à la base du litige relève
essentiellement du droit du bail; il n'est pas nécessaire que les parties au
procès soient directement liées par un contrat de bail. Ainsi, l'action
portée devant ce tribunal peut être dirigée, notamment, contre la personne
qui a émis une garantie en rapport avec un contrat de bail. Pour corroborer
cette solution, la Chambre d'appel relève que selon la nature juridique de la
garantie en cause, le garant peut éventuellement soulever des objections
fondées sur le contrat de bail; elle relève aussi qu'au regard du principe
d'économie de procédure et des besoins de la sécurité juridique, il importe
que tous les litiges liés à un contrat de bail, tant entre bailleur et
locataire qu'entre bailleur et garant, puissent être résolus par le même
tribunal.
A cela, la défenderesse oppose que la présente affaire ne soulève aucune
question de droit du bail et qu'il sera nécessaire, en revanche, de résoudre
d'épineux problèmes concernant l'interprétation et la validité de la
déclaration de patronage. Elle fait aussi valoir que cette sorte de garantie
n'est pas visée par la loi cantonale du 18 avril 1975 protégeant les
garanties fournies par les locataires. Or, en dépit de ces considérations, la
jurisprudence confirmée par la Chambre d'appel semble pleinement compatible
avec l'art. 56M OJ gen.; en conséquence, il n'y a pas lieu de rechercher si
cette règle pourrait aussi être appliquée de façon différente car la décision
attaquée échappe de toute manière au grief tiré de l'art. 9 Cst.

4.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre
de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté.

3.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 8'000 fr.

4.
La défenderesse versera à la demanderesse, à titre de dépens, une indemnité
de 9'000 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 6 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:

Corboz Thélin