Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.517/2007
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


4A_517/2007

Arrêt du 14 janvier 2008
Ire Cour de droit civil

MM et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Kolly.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ Sàrl,
recourante, représentée par Me Yvan Guichard,

contre

Bureau de l'assistance judiciaire du canton de Vaud,
intimé.

Assistance judiciaire gratuite,

recours contre la décision du Bureau de l'assistance judiciaire du canton de
Vaud du 22 octobre 2007.

Faits:

A.
Par demande du 30 mars 2007, A.________ a sollicité de l'autorité
administrative vaudoise l'assistance judiciaire dans le cadre d'une action en
paiement de dommages-intérêts, chiffrés à 70'000 fr., qu'elle désirait
intenter contre l'Etat de Vaud et la société B.________ SA à la suite de
l'effondrement de la place Saint-Laurent, à Lausanne (art. 105 al. 2 LTF).

Par décision du 2 avril 2007, le Bureau vaudois de l'assistance judiciaire a
octroyé à A.________ l'assistance judiciaire requise. Le 3 avril 2007, le
Président du Tribunal cantonal vaudois a désigné Me Yvan Guichard avocat
d'office de la prénommée.

Par courrier du 11 avril 2007, l'avocat Guichard a informé le Secrétariat du
Bureau de l'assistance judiciaire que c'est la société X.________ Sàrl,
laquelle exploite une boutique d'habits à proximité de la place
Saint-Laurent, qui est titulaire des droits permettant l'ouverture d'action,
A.________ étant l'unique associée gérante de ladite société à responsabilité
limitée.

Par décision du 26 avril 2007, qu'il a confirmée sur réclamation le 14 août
2007, le Bureau de l'assistance judiciaire a retiré à A.________ le bénéfice
de l'assistance judiciaire.

B.
Le 24 août 2007, l'avocat Guichard a requis l'octroi de l'assistance
judiciaire en faveur de X.________ Sàrl.

Par décision du 13 septembre 2007, le Bureau de l'assistance judiciaire a
rejeté cette demande.

Statuant sur la réclamation déposée par X.________ Sàrl, ledit Bureau l'a
rejetée par décision du 22 octobre 2007, déclarée définitive sur le plan
cantonal. Cette autorité a tout d'abord admis, sur la base d'une
interprétation historique de la loi vaudoise du 24 novembre 1981 sur
l'assistance judiciaire en matière civile, que le législateur vaudois avait
« volontairement et expressément exclu les personnes morales de l'assistance
judiciaire ». Sous l'angle du droit constitutionnel à l'assistance judiciaire
(art. 29 al. 3 Cst.), elle a retenu qu'il n'y avait pas matière à s'écarter
de la jurisprudence du Tribunal fédéral voulant qu'une personne morale ne
puisse pas réclamer le bénéfice de l'aide étatique.

C.
X.________ Sàrl exerce un « recours en matière de droit public » et un
recours constitutionnel subsidiaire contre la décision du 22 octobre 2007.
Dans les deux voies de droit, elle conclut, principalement, à ce que la
décision cantonale soit réformée en ce sens que l'assistance judiciaire lui
est accordée et, subsidiairement, à ce que cette décision soit annulée, la
cause étant retournée au Bureau de l'assistance judiciaire pour complément
d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

La recourante sollicite préalablement le bénéfice de l'assistance judiciaire
pour la procédure fédérale.

L'autorité intimée n'a pas été invitée à se déterminer sur les recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3; 132 III 291 consid. 1 p.
292).

1.1 Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente (Message
du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale, FF 2001 p. 4131). La voie de recours contre une telle décision est
déterminée par le litige principal (arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid.
1.2). Comme la recourante entend intenter une action en responsabilité civile
contre l'Etat de Vaud et une société tierce, la décision est sujette à un
recours en matière civile, quand bien même la décision attaquée se réfère
essentiellement au droit public cantonal.

Le mémoire de la recourante, intitulé pour partie « recours en matière de
droit public », sera converti d'office en recours en matière civile, dans la
mesure où il en remplit les autres conditions de recevabilité.

1.2 Le recours est interjeté par la partie qui a pris part à la procédure
devant l'autorité précédente et qui s'est vu refuser le bénéfice de
l'assistance judiciaire (art. 76 al. 1 LTF). Il est dirigé contre une
décision incidente créant un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF (ATF 126 I 207 consid. 2a) rendue par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF).

Les contestations portant sur l'octroi de l'assistance judiciaire sont de
nature pécuniaire (arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid. 1.2), de sorte
que l'exigence de la valeur litigieuse trouve application.

L'art. 51 al. 2 LTF dispose que si, comme en l'espèce, les conclusions ne
tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral
fixe la valeur litigieuse selon son appréciation.

Il a été constaté que la recourante souhaiterait intenter une action en
responsabilité civile contre l'Etat de Vaud et une société tierce, auxquels
elle entend réclamer des dommages-intérêts à concurrence de 70'000 fr. Son
intérêt économique à obtenir une aide étatique pour ouvrir cette action
dépasse la somme de 30'000 fr., de sorte que le recours est recevable au
regard de l'art. 74 al. 1 let. b LTF.

Le recours en matière civile est également recevable en vertu des art. 100
al. 1 et 42 LTF.

1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit suisse tel qu'il
est délimité à l'art. 95 LTF, soit le droit fédéral (let. a), y compris le
droit constitutionnel, le droit international (let. b), les droits
constitutionnels cantonaux (let. c), les dispositions cantonales sur le droit
de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires
(let. d) et le droit intercantonal (let. e). Sauf dans les cas cités
expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour
violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est loisible à
la partie recourante de faire valoir que la mauvaise application du droit
cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits
constitutionnels (Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4133). A cet égard, le
Tribunal fédéral n'examinera le moyen fondé sur la violation d'un droit
constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise
(art. 106 al. 2 LTF).

2.
La recourante invoque une violation de l'art. 29 al. 3 Cst. Rappelant qu'en
principe les personnes morales ne bénéficient pas d'un droit constitutionnel
à l'assistance judiciaire, elle déclare que le Tribunal fédéral n'a pas exclu
qu'une société anonyme, à certaines conditions, puisse invoquer ce droit.
Cette jurisprudence serait transposable a fortiori pour une société à
responsabilité limitée. La recourante fait valoir qu'elle est contrainte
d'ester en justice pour réclamer une indemnité à l'Etat de Vaud et à une
société anonyme en raison de l'effondrement de la place Saint-Laurent et du
dommage que ce sinistre lui a causé. Elle allègue qu'il en va de sa survie
économique. Elle prétend encore que ni la complexité de la cause ni les
chances de succès n'ont été niées par l'autorité intimée, du moment que
celle-ci avait accordé l'assistance judiciaire à l'associée gérante
A.________ avant de la retirer au motif que c'était à la recourante d'agir en
justice.

3.
3.1 L'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral et l'assistance
judiciaire devant l'instance cantonale sont des questions indissociables à
considérer les données de l'espèce. Il faut donc simultanément examiner le
litige au fond et statuer sur la demande d'assistance judiciaire devant la
juridiction fédérale.

3.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'assistance judiciaire n'est
pas accordée aux personnes morales (ATF 131 II 306 consid. 5.2; 126 V 42
consid. 4 p. 47; 119 Ia 337 consid. 4b p. 339). L'assistance judiciaire
relève de la solidarité sociale à l'égard de ceux qui ne pourraient assumer
les frais de la procédure sans entamer les ressources qui sont nécessaires
pour mener une vie décente. La situation est fondamentalement différente pour
les personnes morales, lesquelles, en cas d'insolvabilité ou de
surendettement, sont seulement exposées à la faillite.

Pour tenir compte d'avis divergents exprimés dans la doctrine, la
jurisprudence n'a pas exclu d'octroyer l'assistance judiciaire à une personne
morale si son seul actif est en litige et si les personnes physiques qui en
sont les ayants droit économiques sont sans ressources. Il faut cependant
observer que cette éventualité a uniquement été réservée et que la
jurisprudence, en interprétant strictement ces conditions, n'a pas pour
autant accordé l'assistance judiciaire à une personne morale (ATF 119 Ia 337
consid. 4c-4e p. 339 ss; arrêt 5C. 1/2002 du 20 février 2002; arrêt
4C.395/1999 du 1er février 2000 consid. 3a).
En l'espèce, l'associée gérante de la recourante fait valoir que son
indigence personnelle avait été reconnue par l'autorité intimée. Cet argument
ne suffit pas pour que l'assistance judiciaire soit accordée à la société
recourante. En admettant que A.________ soit la propriétaire économique de la
recourante, il faut rappeler que celui qui crée une société doit se voir
opposer la construction juridique qu'il a choisie et qu'il ne peut pas, selon
son intérêt, invoquer tantôt l'unité économique, tantôt la dualité juridique
(ATF 109 Ib 110 consid. 3 p. 113).

La cour cantonale a retenu que la société recourante exploite une boutique de
vêtements. Il n'est pas exposé que cette exploitation aurait cessé, de sorte
qu'on doit imaginer que cette boutique détient un stock d'habits et réalise
des ventes. Il appartenait à la recourante de démontrer que les conditions
dans lesquelles la jurisprudence a laissé ouverte la possibilité que soit
accordée l'assistance judiciaire à une personne juridique étaient remplies.
Or elle ne l'a pas fait. Au demeurant, il n'existe aucun motif pour admettre
que la créance invoquée en justice représenterait l'unique actif de la
société.

Il suit de là que les conditions restrictives posées par la jurisprudence
pour envisager une éventuelle exception au principe jurisprudentiel
susrappelé ne sont pas réunies. Le recours doit en conséquence être rejeté.

3.3 Comme la voie du recours en matière civile était ouverte en l'occurrence
à considérer la valeur litigieuse déterminante (art. 74 al. 1 LTF), le
recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF).

4.
4.1 Les recours étant dénués de chances de succès, la requête d'assistance
judiciaire devant le Tribunal fédéral doit être rejetée en application de
l'art. 64 al. 1 LTF.

La recourante, qui succombe, paiera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est rejeté.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante et au Bureau de l'assistance
judiciaire du canton de Vaud.

Lausanne, le 14 janvier 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Corboz Ramelet