Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.505/2007
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4A_505/2007

Arrêt du 8 février 2008
Ire Cour de droit civil

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

A. ________ AG,
recourante, représentée par Me Jean-Marc Gaist,

contre

1. B.________,
2. C.________,
3. D.________,
4. E.________,
5. F.________,

6. G.________ SA,

7. H.________ SA,
8. I.________ SA,
tous représentés par Me Stéphane Jordan,
9. J.________ et dame J.________,
intimés, représentés par Me Raymond Flückiger.

responsabilité du réviseur de la société anonyme,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour
civile I, du 29 octobre 2007.

Faits:

A.
A.a  Y.________ SA, avec siège social à ..., a été fondée en 1988. V.________
présidait le conseil d'administration et W.________ en était le secrétaire.
A.________ SA (ci-après: A.________), à ..., par sa succursale de ..., était
l'organe de révision pour l'exercice 1996.

A.b  Y.________ SA a connu en peu d'années un développement très important et
occupait en 1996 une centaine de personnes affectées à une dizaine de
chantiers. L'un de ceux-ci portait sur la construction, comme entreprise
générale et pour un prix forfaitaire de 937'000 fr., d'un immeuble à ... pour
les époux J.________. Un autre portait sur la construction, comme entreprise
totale et pour un prix forfaitaire de 8'238'518 fr., de l'Hôtel X.________ à
... pour le Konsortium X.________, société simple composée de B.________,
C.________, D.________, E.________ et F.________.

A.c  Les comptes de l'exercice 1996 ont été présentés et approuvés à
l'assemblée générale du 25 avril 1997. Dans son rapport de révision du 14
avril 1997 - le premier qu'elle établissait pour Y.________ SA, ayant été
désignée en septembre 1996 -, A.________ indiquait que selon son
appréciation, la comptabilité et les comptes annuels étaient conformes à la
loi et aux statuts, sous certaines réserves qui avaient trait à un
cautionnement solidaire par la société d'un prêt bancaire accordé aux
actionnaires principaux.

A.d  En raison de ses difficultés financières, Y.________ SA a été invitée
par A.________ à établir une situation intermédiaire au 30 juin 1997, que
l'organe de révision a examinée le 4 août 1997. Dans son rapport, celui-ci
relève l'évolution catastrophique des liquidités, les fonds propres ayant
passé de +547'180 fr. 60 à -3'677'720 fr. 77; il constate que « les
dispositions légales relatives à la perte en capital (CO 725 al. 2) sont
pleinement applicables [et qu'] elles imposent des mesures immédiates, faute
de quoi le bilan doit être déposé ».

A.e  Les tentatives d'assainissement entreprises ayant échoué, la faillite de
Y.________ SA a été prononcée le 10 octobre 1997. Deux éléments ont
principalement contribué à la forte aggravation du déficit: d'une part les
pertes subies sur les chantiers X.________ et J.________ - qui se sont
élevées à respectivement 1'666'855 fr. 43 et 269'009 fr. 37 - et d'autre part
le net recul du chiffre d'affaires, sans réduction correspondante des coûts,
qui a généré rapidement des pertes considérables.

A.f  Les créanciers de la société en faillite ont produit pour près de
19'000'000 fr. Ont notamment été admises les productions du Konsortium
X.________ par 6'738'837 fr., des époux J.________ par 741'362 fr. 90, de
G.________ SA par 230'881 fr. 55, de I.________ SA par 47'052 fr. et de
H.________ SA par 42'821 fr. Ces créanciers ont obtenu la cession des droits
de la masse.

B.
Le 14 janvier 2000, les membres du Konsortium X.________, ainsi que
G.________ SA, H.________ SA et I.________ SA, ont actionné A.________ en
paiement du montant de 1'300'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 avril
1997. De leur côté, les époux J.________ ont actionné A.________ en paiement
du montant en capital de 165'963 fr. Les causes ayant été jointes, la
défenderesse a conclu au rejet des demandes.

Par jugement du 29 octobre 2007, la Cour civile I du Tribunal cantonal du
canton du Valais a alloué aux demandeurs leurs conclusions en capital, plus
intérêts à 5% l'an dès le 15 janvier 2000, frais et dépens à la charge de la
défenderesse.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral,
A.________ conclut principalement à la réforme de ce jugement en ce sens que
les demandes sont rejetées avec suite de frais et dépens; à titre
subsidiaire, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris, la cause
étant renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Les intimés
concluent avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

La recourante a également présenté une requête d'effet suspensif, que le
Président de la Cour de céans, après avoir recueilli les déterminations des
intimés et de l'autorité cantonale, a rejetée par ordonnance du 3 janvier
2008.

Considérant en droit:

1.
1.1  Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions
libératoires prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75
al. 1 LTF). Le fait que la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du
Valais ait statué en instance cantonale unique et non sur recours (art. 75
al. 2 LTF) ne nuit pas à la recevabilité du recours, dès lors que le délai
dont disposent les cantons pour instituer comme autorité cantonale de
dernière instance un tribunal supérieur statuant sur recours n'est pas écoulé
(art. 130 al. 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le
recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF).

1.2  Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du
droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sous réserve de
l'exception prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits
fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (cf. ATF
133 II 249 consid. 1.4.2), le Tribunal fédéral applique le droit d'office
(art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à
l'art. 42 al. 1 et 2 LTF - sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont
la motivation est manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF) -,
le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est
pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance,
toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus
discutées devant lui (ATF 133 II 249 consid. 1.4.1; 133 IV 150 consid. 1.2;
133 V 519 consid. 1.3).
1.3  Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte -
c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid. 4.2.2) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 III 462 consid. 2.4; 133 II
249 consid. 1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3, 286 consid. 1.4).

2.
Sur la base de l'expertise judiciaire, la cour cantonale a retenu notamment
les faits suivants, qui lient en principe le Tribunal fédéral (cf. consid.
1.3 supra).

2.1  Selon les comptes de l'exercice 1996, Y.________ SA a réalisé un chiffre
d'affaires de quelque 17'800'000 fr. et un bénéfice d'exploitation de 89'248
fr. 30; les fonds propres déclarés ne s'élevaient qu'à 547'180 fr. 60. Or,
comme doit être considérée comme essentielle toute différence de 10% par
rapport aux fonds propres déclarés, une variation de l'ordre de 55'000 fr.
(10% de 547'000 fr.) dans l'évaluation des différents postes du bilan pouvait
modifier considérablement le jugement que le destinataire des comptes était
amené à porter sur la situation financière de la société. L'organe de
révision en était conscient et avait estimé à 52'000 fr. la différence,
qualifiée d'essentielle, propre à fausser ce jugement.

2.2  Les créances concernant les constructions érigées sur terrains de tiers
qui étaient en cours d'exécution à la date du bilan devaient être évaluées
sur la base de l'avancement des travaux et au besoin rectifiées, par des
amortissements ou des provisions si le résultat paraissait inférieur à ce qui
était attendu.

En l'espèce, la comptabilité de Y.________ SA, conforme aux exigences de base
en la matière, se contentait, s'agissant des différents chantiers, de relever
les heures de travail des collaborateurs, mais ne prenait pas en compte les
charges liées au matériel, aux sous-traitants, aux frais généraux et aux
amortissements. Elle ne permettait dès lors pas, sans évaluation
complémentaire lors des opérations de bouclement, de juger de l'état
d'avancement et du montant des travaux en cours.

Ce point revêtait cependant une importance décisive au vu du risque latent de
surendettement de Y.________ SA. L'organe de révision le savait. Ainsi, dans
un document de travail intitulé « travaux en cours », il a expliqué
qu'« aucune documentation n'a été conservée sur la manière d'estimer les
travaux en cours » et que « [c]ompte tenu de cette insuffisance, nous sommes
contraints d'analyser les évaluations de travaux en cours sur la base des
affirmations de M. W.________ ainsi que sur la base d'un contrôle analytique
du compte de PP afin de vérifier la cohérence de l'évaluation par rapport aux
marges comparatives sur 4 exercices ». Il n'a ainsi pas exigé de la société
qu'elle procède à l'évaluation complémentaire des chantiers qui seule aurait
permis de connaître la valeur des prestations déjà fournies et de celles
devant encore l'être.

2.3  Y.________ SA a dressé un tableau synoptique de l'état d'avancement des
chantiers au 31 décembre 1996. L'organe de révision y a procédé à deux
corrections manuscrites, avec la mention « selon W.________ », l'une pour
porter le chiffre d'affaires global de 8'500'000 fr. à 9'000'000 fr., l'autre
pour réduire de 4'500'000 fr. à 3'600'000 fr. la charge que représentait la
part des sous-traitants sur le solde des travaux à effectuer de 5'200'000 fr.
En l'absence de documentation adéquate, les deux rectifications ont donc été
faites sur la base des seules déclarations de W.________ et sans possibilité
d'en vérifier le bien-fondé d'une quelconque manière.

Comme l'a déterminé après coup l'expert judiciaire, aux constatations duquel
la cour cantonale s'est ralliée, le tableau précité ne correspondait pas à la
réalité sur plusieurs points:

- En paiement des prestations de Y.________ SA, le Konsortium X.________ a
versé 7'404'000 fr. par acomptes mensuels de 617'000 fr. à partir du mois de
juin 1996. À fin décembre 1996, c'est un montant de 4'319'000 fr. qui avait
ainsi été versé à l'entreprise. Bien que ce montant figure sous la rubrique
« facturé », il ne correspondait que pour une faible part à des travaux
effectivement réalisés et a été affecté au paiement d'autres dettes de la
société;

- le chiffre d'affaires a été compté à 3'300'000 fr. et les réviseurs ont
estimé ce chiffre plausible, à la suite de discussions avec la direction de
la société et après consultation des documents de chantier; or rien dans le
décompte final ne laisse supposer qu'à la fin 1996 l'avancement du chantier
aurait pu ne serait-ce qu'approcher cette somme, que les décomptes ultérieurs
ont ramenée à 932'352 fr.;

- sur le solde des travaux à effectuer, la part des sous-traitants n'était
pas de 3'600'000 fr., mais de 5'726'969 fr.

2.4  La mauvaise évaluation des chantiers en cours et de l'état d'avancement
réel des travaux a eu une incidence directe sur les comptes de Y.________ SA
et sur l'appréciation de la situation de la société à la date du bouclement
de l'exercice 1996.

2.4.1  Le chiffre d'affaires net reporté dans le compte de pertes et profits
s'élève à 17'784'916 fr. 77. Après déduction des charges d'exploitation par
16'336'530 fr. 20, le bénéfice brut a été arrêté à 1'448'386 fr. 57. De ce
montant ont été déduits 903'723 fr. 15 à titre de frais généraux et 512'527
fr. 45 à titre d'amortissements, et rajouté 57'112 fr. 35 à titre de produits
hors exploitation pour aboutir à un bénéfice net de 89'248 fr. 32. Si les
travaux en cours de l'immeuble X.________ avaient été pris en compte à leur
valeur effective de 932'352 fr. et non à la valeur retenue à tort de
3'300'000 fr. (cf. consid. 2.3 supra), c'est une perte qui aurait été
constatée dans le compte de pertes et profits, le résultat et les fonds
propres ayant été surestimés de 2'367'648 fr. (3'300'000 fr. - 932'352 fr.)
Sur cette base, la cour cantonale a retenu avec l'expert judiciaire que si le
projet X.________ avait été correctement estimé au 31 décembre 1996,
Y.________ SA se serait révélée surendettée.

2.4.2  Sans pouvoir se fonder sur une documentation adéquate et sur la base
des seules déclarations de W.________, l'organe de révision a réduit de
4'500'000 fr. à 3'600'000 fr., soit de 900'000 fr., la part revenant aux
sous-traitants sur le solde des travaux à encaisser sur le prix forfaitaire
de l'immeuble X.________ (cf. consid. 2.3 supra). L'expert judiciaire, à
l'avis duquel la cour cantonale s'est ralliée, en a déduit que « la limite
inférieure, au sujet de laquelle même Y.________ SA n'était visiblement pas
au clair, correspondait ici à un montant de CHF 900'000 ». L'incertitude liée
au chantier X.________ commandait de comptabiliser au minimum une provision
de 900'000 fr., étant précisé que pour refléter la situation réelle des
sous-traitants, telle que l'expert l'a déterminée après coup, c'est une
provision de 2'126'969 fr. (5'726'969 fr. [coût réel des sous-traitants] -
3'600'000 fr.- [coût des sous-traitants estimé au 31 décembre 1996]) qui
aurait dû être comptabilisée.

2.4.3  Le seul montant de 900'000 fr. étant déjà supérieur aux fonds propres
(547'180 fr. 60), la cour cantonale a retenu avec l'expert judiciaire que si
ce montant avait été comptabilisé comme provision, Y.________ SA se serait
révélée surendettée, et ce même dans l'hypothèse où l'estimation de 3'300'000
fr. pour les travaux exécutés sur le chantier X.________ avait été correcte.
Le constat de surendettement aurait été encore plus clair avec la prise en
compte de l'incertitude liée au chantier J.________, qui aurait justifié une
provision d'au minimum 30'000 fr., correspondant à la surévaluation que
l'organe de révision avait relevée.

2.5  En définitive, compte tenu des doutes importants qu'elle devait nourrir
sur l'exactitude des évaluations de chantiers, la recourante aurait dû
renvoyer les comptes au conseil d'administration pour modification; dans ce
cas de figure, les comptes rectifiés auraient clairement mis en évidence le
surendettement de la société.

La cour cantonale a cependant retenu, en se fondant sur l'avis de l'expert
judiciaire, que même sans renvoi des comptes pour modification, et sur la
base des documents pourtant insuffisants dont elle disposait pour effectuer
son contrôle, la recourante aurait pu clairement identifier le surendettement
de Y.________ SA lorsqu'elle avait établi son rapport du 14 avril 1997, en
tirant les conséquences comptables des incertitudes d'au moins 930'000 fr.
liées aux chantiers X.________ et J.________; ce constat, qui aurait
impérativement dû figurer dans le rapport, aurait conduit au dépôt immédiat
du bilan par le conseil d'administration ou, en cas de carence de celui-ci,
par l'organe de révision.

2.6  La comptabilité de Y.________ SA a été tenue jusqu'au 30 juin 1997; un
bilan intermédiaire a été établi à cette date. Sur la base des documents en
sa possession, l'expert judiciaire a dressé la situation au 15 juin 1997 et
évalué, par approximation, la situation à la date de la faillite, le 10
octobre 1997. Se fondant sur les valeurs comptables, il a déterminé qu'entre
ces deux dates, le passif avait augmenté de 1'777'818 fr. et le
surendettement de 1'881'534 fr. L'accroissement du surendettement résultait
essentiellement de la poursuite de l'occupation des employés et de la
direction de l'entreprise (1'200'000 fr.), des acquisitions auprès des
fournisseurs postérieures au 15 juin 1997 (540'000 fr.) et d'autres frais
courants d'exploitation (140'000 fr.).

3.
En droit, l'autorité précédente a retenu que les demandeurs ne faisaient pas
valoir un dommage direct qu'ils auraient subi en tant que créanciers de la
société faillie, mais qu'ils exerçaient, en tant que cessionnaires des droits
de la masse, la prétention de la communauté des créanciers en réparation du
dommage causé à la société faillie (cf. ATF 132 III 564 consid. 3.2.2 et les
arrêts cités), ce qui n'est pas contesté.

Rappelant les conditions de la responsabilité de l'organe de révision selon
l'art. 755 CO, l'autorité précédente a considéré que la recourante avait
manqué fautivement à ses devoirs et que ce manquement était en relation de
causalité naturelle et adéquate avec l'aggravation du surendettement entre la
mi-juin 1997, date à laquelle la faillite aurait été prononcée si la
recourante n'avait pas manqué à ses devoirs, et le 10 octobre 2007, date de
la faillite. Elle a ainsi admis l'action en responsabilité des intimés,
cessionnaires des droits de la masse, dont les prétentions étaient
inférieures au dommage subi par la société et devaient dès lors leur être
intégralement allouées.

4.
Selon l'art. 755 CO, toutes les personnes qui s'occupent de la vérification
des comptes annuels et des comptes de groupe, de la fondation ainsi que de
l'augmentation ou de la réduction du capital-actions répondent à l'égard de
la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du
dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par
négligence à leurs devoirs. La responsabilité de l'organe de révision fondée
sur cette disposition suppose la réunion des quatre conditions générales
suivantes, à savoir un dommage, un manquement par l'organe à ses devoirs, une
faute (intentionnelle ou par négligence) et un lien de causalité adéquate
entre le manquement et le dommage (ATF 127 III 453 consid. 5a; 132 III 342
consid. 4.1 in limine, 564 consid. 4.2; arrêt 4C.506/1996 du 3 mars 1998,
reproduit in SJ 1999 I p. 228, consid. 5). Il appartient au demandeur à
l'action en responsabilité de prouver la réalisation de ces conditions (art.
8 CC), qui sont cumulatives (ATF 128 III 180 consid. 2d; 132 III 564 consid.
4.2; arrêt 4C.281/2004 du 9 novembre 2004, reproduit in SJ 2005 I p. 221,
consid. 2.3).
4.1  Pour que la responsabilité de l'organe de révision soit engagée en vertu
de l'art. 755 CO, il faut d'abord que l'on puisse lui reprocher la violation
fautive d'un devoir lui incombant (ATF 129 III 129 consid. 7).

4.1.1  Les devoirs de l'organe de révision ressortent des art. 728 à 729b CO.
Selon l'art. 728 al. 1 CO, le réviseur doit vérifier si la comptabilité, les
comptes annuels - qui se composent du compte de pertes et profits, du bilan
et de l'annexe (art. 662 al. 2 CO) - et la proposition concernant l'emploi du
bénéfice résultant du bilan sont conformes à la loi (cf. art. 662a ss CO) et
aux statuts. De manière générale, l'organe de révision n'est pas chargé de
contrôler la gestion de la société et de rechercher systématiquement
d'éventuelles irrégularités, mais si, au cours de sa vérification, il
constate des violations de la loi ou des statuts, il doit en aviser par écrit
le conseil d'administration et, dans les cas graves, également l'assemblée
générale (art. 729b al. 1 CO, qui correspond matériellement à l'art. 729 al.
3 aCO; ATF 129 III 129 consid. 7.1 et les références citées; 112 II 461
consid. 3c; arrêt 4C.506/1996 du 3 mars 1998, reproduit in SJ 1999 I p. 228,
consid. 6a et les arrêts cités).

4.1.2  L'art. 729b al. 2 CO prescrit en outre qu'en cas de surendettement
manifeste, l'organe de révision avise le juge si le conseil d'administration
omet de le faire (cf. art. 725 al. 2 CO). À l'instar de l'art. 725 al. 2 CO,
cette disposition vise à empêcher, dans l'intérêt des créanciers actuels et
futurs mais aussi de la collectivité, un retardement de la faillite et une
aggravation du surendettement; l'obligation de l'organe de révision d'aviser
le juge en cas de surendettement, si elle apparaît atypique au regard des
fonctions de cet organe, se justifie par le fait que le conseil
d'administration, à qui il incombe en priorité d'aviser le juge (cf. art. 725
al. 2 CO), ne remplira souvent pas correctement ce devoir (arrêt 4C.117/1999
du 6 novembre 1999, consid. 1a et les arrêts cités; Tatjana Linder/Hans
Caspar von der Crone, Die Revisionsstelle in der aktuellen
bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in RSDA 2007 p. 489 ss, 490 et les
références citées). L'organe de révision ne doit toutefois intervenir que
lorsque le surendettement est manifeste, à savoir lorsque tout homme
raisonnable se rend compte sans autres recherches que les actifs ne peuvent
couvrir les engagements et qu'aucune postposition suffisante n'est accordée
(ATF 127 IV 110 consid. 5a; arrêt 4C.117/1999 précité, consid. 1a). Il n'est
pas nécessaire que le surendettement soit important; il suffit qu'il résulte
clairement des circonstances (arrêt 4C.117/1999 précité, consid. 1a).

4.1.3  En l'espèce, les juges cantonaux ont exposé que la recourante était
consciente du fait que la faiblesse des fonds propres par rapport au chiffre
d'affaires de la société conférait un caractère essentiel pour l'exactitude
des comptes à une différence de 52'000 fr. seulement de l'un des postes du
bilan (cf. consid. 2.1 supra); elle avait en outre constaté l'impossibilité
d'évaluer de manière précise l'état d'avancement des chantiers et la
situation des travaux en cours en l'absence de documentation adéquate (cf.
consid. 2.2 supra). L'autorité cantonale a considéré avec l'expert judiciaire
qu'idéalement, en raison des documents insuffisants dont il disposait,
l'organe de révision aurait dû nourrir des doutes si importants sur
l'exactitude des travaux en cours qu'il devait refuser d'attester les comptes
et les renvoyer au conseil d'administration pour modification et complément;
s'il l'avait fait, sa responsabilité n'aurait en principe pas été engagée.
Les juges cantonaux ont relevé que la recourante n'avait toutefois pas choisi
cette option, attestant au contraire que la comptabilité et les comptes
annuels étaient conformes à la loi et aux statuts, sous certaines réserves;
or en choisissant cette option, elle aurait dû à tout le moins s'assurer que
le principe de prudence avait été strictement appliqué et veiller à ce que
les chantiers soient évalués à leur valeur la plus basse; or c'est
précisément ce qu'elle n'avait pas fait en montrant une trop grande tolérance
avec les chiffres du bilan et en procédant, sur la base des seules
déclarations d'un administrateur et d'un contrôle analytique du compte de
pertes et profits - moyen dont elle avait pourtant reconnu l'insuffisance - à
une rectification propre à modifier de 900'000 fr. la valeur du chantier
X.________ (cf. consid. 2.3 supra).

La cour cantonale a considéré que l'organe de révision aurait dû au minimum,
avant d'attester la valeur réelle des postes du bilan, tirer les conséquences
comptables de l'incertitude de 900'000 fr. liée au chantier X.________ en
comptabilisant une provision de 900'000 fr., qui aurait mis en évidence le
surendettement de Y.________ SA; ainsi, même sans renvoyer les comptes et
sans disposer de l'évaluation complémentaire des chantiers nécessaire à une
estimation précise la recourante aurait pu déjà constater à la date de son
rapport, à mi-avril 1997, le surendettement manifeste de Y.________ SA
(consid. 2.4.2, 2.4.3 et 2.5 supra); en omettant de rendre attentif le
conseil d'administration à l'obligation d'en aviser le juge et de procéder
elle-même à cet avis en cas de carence du conseil d'administration, la
recourante avait manqué fautivement à ses devoirs.

4.1.4  Comme cela résulte clairement de ce qui précède, la cour cantonale a
ainsi considéré que la recourante avait engagé sa responsabilité non pas
parce qu'elle aurait dû, en l'absence de documentation permettant d'évaluer
de manière précise l'état d'avancement des chantiers et la situation des
travaux en cours, refuser d'attester les comptes et les renvoyer au conseil
d'administration pour modification et complément, mais parce que, ayant
choisi d'attester que la comptabilité et les comptes annuels étaient
conformes à la loi et aux statuts - sous certaines réserves qui ne jouent
aucun rôle dans l'issue du litige (cf. lettre A.c supra) -, la recourante
aurait dû, au vu de l'incertitude liée au chantier X.________, comptabiliser
une provision de 900'000 fr. qui, eu égard au montant des fonds propres de
Y.________ SA (547'180 fr. 60), l'aurait conduite à constater que la société
était manifestement surendettée.

4.1.5  Dans la mesure où la recourante s'en prend d'abord au reproche qui lui
aurait été fait de ne pas avoir renvoyé les comptes au conseil
d'administration, ses griefs tombent donc à faux.

Les griefs formulés ensuite par la recourante en relation avec le chantier
J.________ tombent également à faux dans la mesure où, selon les
constatations du jugement attaqué fondées sur l'expertise judiciaire, la
comptabilisation d'une provision de 900'000 fr. pour le seul chantier
X.________ aurait déjà conduit la recourante a conclure au surendettement
manifeste de Y.________ SA.

En ce qui concerne le chantier X.________, le reproche déterminant fait à la
recourante est de ne pas avoir tenu compte de l'incertitude liée à ce
chantier X.________ en comptabilisant une provision de 900'000 fr.; si elle
l'avait fait, elle aurait constaté le surendettement manifeste de Y.________
SA, et ce même dans l'hypothèse où l'estimation de 3'300'000 fr. pour les
travaux exécutés sur le chantier X.________ avait été correcte (cf. consid.
2.4.3 supra). Dans ces conditions, les griefs de la recourante relatifs à la
correction sur le tableau synoptique du chiffre d'affaires global (cf.
consid. 2.3 supra), ainsi que ceux relatifs à l'estimation de 3'300'000 fr.
pour les travaux exécutés sur le chantier X.________, tombent à faux, dès
lors qu'ils portent sur des faits qui sont sans incidence sur l'issue du
litige.

4.1.6  Il reste ainsi à examiner si c'est à tort, comme le soutient la
recourante, que la cour cantonale, suivant l'avis de l'expert judiciaire, a
déduit du tableau synoptique de l'état d'avancement des chantiers au 31
décembre 1996 qu'une évaluation prudente du chantier commandait de tenir
compte d'une incertitude de 900'000 fr. en comptabilisant une provision de
même montant.

Il résulte des constatations de fait du jugement attaqué que Y.________ SA a
dressé un tableau synoptique de l'état d'avancement des chantiers au 31
décembre 1996; l'organe de révision y a corrigé la charge que représentait la
part des sous-traitants sur le solde des travaux à effectuer en la réduisant
de 4'500'000 fr. à 3'600'000 fr., avec la mention « selon W.________ »; en
l'absence de documentation adéquate, cette rectification a été faite sur la
base des seules déclarations de W.________ et sans possibilité d'en vérifier
le bien-fondé d'une quelconque manière (consid. 2.3 supra).

Sur le vu même des chiffres fournis par Y.________ SA, il existait ainsi
manifestement une incertitude de 900'000 fr. sur l'évaluation de la valeur du
chantier X.________. En l'absence de documentation, cette incertitude ne
pouvait pas être levée sur la seule base d'un contrôle analytique du compte
de pertes et profits, tel que l'a effectué la recourante (cf. consid. 2.2
supra); celle-ci ne pouvait se contenter de constater que le montant relatif
aux sous-traitants « corrigé à 3'600'000 fr. entrait [...] parfaitement dans
la logique des travaux en cours, puisqu'il correspondait à 40% du chiffre
d'affaires global attendu de 9'000'000 fr. », comme elle le fait valoir dans
son recours.

Comme l'a retenu l'autorité cantonale à la suite de l'expert judiciaire,
l'incertitude liée au chantier X.________ commandait, en application du
principe de la prudence, de comptabiliser une provision de 900'000 fr. Or il
est constant que comme ce seul montant de 900'000 fr. était déjà supérieur
aux fonds propres (547'180 fr. 60), la comptabilisation d'une telle provision
aurait conduit au constat du surendettement manifeste de Y.________ SA (cf.
consid. 2.4.3 supra).

4.1.7  En définitive, on ne voit pas que la cour cantonale ait violé le droit
fédéral en retenant, sur la base de faits dont la recourante ne démontre pas
qu'ils auraient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation
du droit (cf. consid. 1.3 supra), que la recourante avait fautivement manqué
à ses devoirs d'organe de révision découlant de l'art. 729b al. 2 CO.

4.2  Pour que la responsabilité de la recourante soit engagée sur la base de
l'art. 755 CO, il faut encore que ses manquements fautifs à ses devoirs aient
causé un dommage à la société.

4.2.1  Selon la jurisprudence, le dommage causé à la société du fait que les
administrateurs (cf. art. 754 CO) ou les réviseurs (cf. art. 755 CO) ont
tardé de manière fautive à aviser le juge (cf. art. 725 al. 2 et 729b al. 2
CO) consiste dans l'augmentation du découvert entre le moment où la faillite
aurait été prononcée si le défendeur n'avait pas manqué à ses devoirs et le
moment où la faillite a effectivement été prononcée (ATF 132 III 564 consid.
6.2; arrêt 4C.117/1999 du 6 novembre 1999, consid. 2b).

4.2.2  Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question
de fait, qui lie en principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 et 2 LTF);
en revanche, celui-ci, qui applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF),
peut examiner si la notion juridique de dommage a été méconnue (ATF 132 III
564 consid. 6.2; 130 III 145 consid. 6.2; 129 III 18 consid. 2.4 et les
arrêts cités).

4.2.3  En l'espèce, les juges cantonaux ont retenu en fait, en se fondant sur
les conclusions de l'expert judiciaire, qu'entre le 15 juin 1997, date à
laquelle la faillite de Y.________ SA aurait été prononcée si la recourante
n'avait pas manqué à ses devoirs, et le 10 octobre 1997, date à laquelle la
faillite a effectivement été prononcée, le passif de Y.________ SA avait
augmenté de 1'777'818 fr. et le surendettement de 1'881'534 fr.;
l'accroissement du surendettement résultait essentiellement de la poursuite
de l'occupation des employés et de la direction de l'entreprise (1'200'000
fr.), des acquisitions auprès des fournisseurs (540'000 fr.) et d'autres
frais courants d'exploitation (140'000 fr.) (cf. consid. 2.6 supra). La cour
cantonale a ainsi arrêté à 1'881'534 fr. le dommage subi par la société du
fait du comportement fautif de la recourante.

4.2.4  À juste titre, la recourante ne reproche pas à l'autorité précédente
d'avoir méconnu la notion juridique du dommage en retenant que celui-ci
correspondait à l'aggravation du surendettement entre le moment de la
faillite hypothétique et celui où la faillite a réellement été prononcée.
Elle soutient en revanche que la constatation selon laquelle le montant de
1'881'534 fr. correspond au dommage subi par la société reposerait sur une
appréciation arbitraire des preuves: en effet, pour appliquer sainement la
théorie de la différence, les juges cantonaux auraient dû soustraire de
l'augmentation de l'endettement - qu'ils qualifient d'« aggravation du
surendettement » - les importantes créances pour prestations postérieures à
la mi-juin 1997 qui auraient nécessairement dû être inscrites à l'actif du
bilan final de Y.________ SA; ils auraient également dû tenir compte du fait
que les 1'200'000 fr. de frais de personnel et les frais courants
d'exploitation de 140'000 fr. auraient très certainement été aussi en partie
encourus (indemnités de licenciement, vacances impayées, etc.) si la faillite
avait été prononcée à la mi-juin et que d'autres factures n'auraient pas été
payées dans cette même éventualité. Selon la recourante, l'état de fait
retenu par la cour cantonale empêcherait ainsi d'appliquer correctement le
droit matériel, de sorte qu'il y aurait lieu de le compléter par un certain
nombre de constatations pertinentes ressortant du rapport d'expertise
judiciaire.

4.2.5  Ces griefs sont dénués de fondement. Il résulte clairement de
l'expertise judiciaire que l'expert n'a pas pris en compte le seul
accroissement du passif pendant la période litigieuse, qu'il a chiffré à
1'777'818 fr., mais aussi l'accroissement du surendettement, qu'il a chiffré
à 1'881'534 fr.; il a précisé que ce chiffre se basait sur la comparaison de
la situation des actifs de Y.________ SA au 10 juin 1997 et au 10 octobre
1997 et que d'après ses constatations, aucune prestation n'avait été facturée
pendant cette période. S'il ressort bien des passages du rapport d'expertise
par lesquels la recourante souhaite compléter l'état de fait que des
prestations ont encore été fournies pendant la période litigieuse sur les
chantiers X.________ et J.________, absolument rien ne permet d'étayer
l'affirmation de la recourante selon laquelle Y.________ SA aurait encore
« réalisé des produits importants », ni même de retenir que les prestations
fournies pendant cette période n'étaient pas déjà intégralement couvertes par
les acomptes déjà versés. Enfin, rien n'indique que les frais de personnel
encourus ensuite de la faillite prononcée le 10 octobre 1997 (indemnités de
licenciement, vacances impayées) diffèrent de ceux qui auraient été encourus
ensuite d'une faillite hypothétique au 15 juin 2007. La constatation du
montant du dommage résiste ainsi aux griefs d'arbitraire formulés par la
recourante.

4.3  La responsabilité de l'organe de révision n'est engagée que si le
comportement fautif qui lui est reproché est en relation de causalité
adéquate avec le résultat dommageable (ATF 129 III 129 consid. 8).

4.3.1  Dans la partie de son recours intitulée « lien de causalité », la
recourante reproche d'abord aux juges cantonaux d'avoir violé son droit
d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) en « n'expliquant pas pourquoi le
conseil d'administration de Y.________ SA aurait immédiatement saisi le juge
si l'organe de révision avait fait état d'un surendettement avéré dans son
rapport »; elle fait valoir que le droit d'être entendu impliquerait que le
juge motive ses décisions par rapport à un cas concret et ne renvoie pas
uniquement abstraitement à de la jurisprudence.

Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment l'obligation pour le juge de motiver
ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses
droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins
brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la
portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause, mais aussi à ce
que l'autorité de recours puisse contrôler l'application du droit; il n'a
toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de
preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter
à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 133 III 439 consid.
3.3; 133 I 270 consid. 3.1; 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b et les
arrêts cités).

4.3.2  En l'espèce, l'autorité précédente a considéré que la recourante, qui
aurait dû constater à la date de son rapport, à mi-avril 1997, le
surendettement manifeste de Y.________ SA, devait rendre attentif le conseil
d'administration à son obligation découlant de l'art. 725 al. 2 CO et lui
fixer un délai de 4 à 6 semaines (cf. arrêt 4C.117/1999 du 6 novembre 1999,
consid. 1b/aa) pour aviser le juge; dans l'hypothèse où le conseil
d'administration aurait omis de le faire, il aurait appartenu à la recourante
d'aviser elle-même le juge (art. 729b al. 2 OC), qui aurait ainsi pu
prononcer la faillite au plus tard le 15 juin 1997.

Une telle motivation, qui énonce tous les éléments qui ont conduit la cour
cantonale à retenir que la faillite de Y.________ SA aurait pu être prononcée
à mi-juin 1997 si la recourante avait satisfait à ses obligations, est
parfaitement claire et suffisante.

La recourante ne saurait par ailleurs tirer argument du fait que, comme
l'auraient reconnu les intimés J. et dame J.________ dans leur
mémoire-réplique du 4 décembre 2000, les administrateurs n'auraient pas donné
suite à l'invitation de l'organe de révision à déposer le bilan. En effet,
dans ce cas, il aurait précisément appartenu à la recourante, constatant au
terme d'un délai de 4 à 6 semaines que le conseil d'administration ne
satisfaisait pas à ses obligations, d'aviser elle-même le juge comme le lui
imposait l'art. 729b al. 2 CO, de sorte que la faillite aurait pu être
prononcée au plus tard le 15 juin 1997.

4.3.3  Toujours dans la partie de son recours intitulée « lien de
causalité », la recourante fait enfin valoir que l'organe de révision ne doit
aviser le juge que si le surendettement est manifeste, soit si toute personne
peut constater que les actifs ne couvrent plus les dettes; or selon elle, le
surendettement de Y.________ SA n'aurait pas été manifeste au vu des
informations dont elle disposait à la mi-avril 1997, car on ne pouvait pas
dire que toute personne aurait évalué les chantiers X.________ et J.________
à leur valeur la plus basse.

Ce grief est infondé. Comme on l'a vu (cf. consid. 4.1.2 supra), le
surendettement est manifeste lorsque tout homme raisonnable se rend compte
sans autres recherches que les actifs ne peuvent couvrir les engagements; il
n'est pas nécessaire que le surendettement soit important, dès le moment où
il résulte clairement des circonstances. Or en l'espèce, il existait
clairement, sur le vu des chiffres fournis par Y.________ SA et qui n'étaient
étayés par aucune documentation, une incertitude de 900'000 fr. sur
l'évaluation de la valeur du chantier X.________. Cette incertitude, qui ne
pouvait pas être levée sur la seule base d'un contrôle analytique du compte
de pertes et profits, commandait, en application du principe de la prudence,
de comptabiliser une provision de 900'000 fr. Or comme ce seul montant de
900'000 fr. était déjà supérieur aux fonds propres (547'180 fr. 60), tout
homme raisonnable pouvait se rendre compte que les actifs de Y.________ SA ne
couvraient pas ses engagements (cf. consid. 4.1.6 supra).

5.
5.1 Devant la cour cantonale, la recourante a invoqué l'abus de droit, en
soutenant que les intimés avaient grandement contribué à la faillite et que,
par leur participation active à des tentatives d'assainissement, ils avaient
provoqué le retard dans le dépôt de bilan qu'ils reprochaient maintenant à la
recourante.

Les juges cantonaux ont considéré qu'aucun abus de droit ne pouvait être
reproché aux intimés. Il n'était en effet pas établi que les intimés aient
été à l'origine de la faillite de Y.________ SA. De plus, un assainissement
était manifestement dans l'intérêt de la société et de ses créanciers, et
l'on ne pouvait donc reprocher aux intimés de l'avoir encouragé. Rien au
dossier ne laissait supposer que les intimés aient influencé d'une manière ou
d'une autre la recourante pour qu'elle ne tire pas les conséquences de la
situation qu'elle pouvait constater. Il n'y avait dès lors aucun lien entre
les manquements imputés à l'organe de révision et l'éventuel appui donné par
les intimés à des tentatives d'assainissement.

5.2  Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé
par la loi. Savoir s'il y a un tel abus dépend de l'analyse des circonstances
du cas concret (ATF 129 III 493 consid. 5.1; 121 III 60 consid. 3d), au
regard des catégories typiques d'abus de droit développées par la
jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1; 125 III 257
consid. 2a; 120 II 105 consid. 3a), telles que l'absence d'intérêt à
l'exercice d'un droit (ATF 129 III 493 consid. 5.1; 123 III 200 consid. 2b;
115 III 18), l'utilisation contraire à son but d'une institution juridique
(ATF 128 II 145 consid. 2.2; 122 III 321 consid. 4a), la disproportion
grossière des intérêts en présence (ATF 132 III 115 consid. 2.4; 129 III 493
consid. 5.1) ou encore, à certaines conditions, l'attitude contradictoire
(venire contra factum proprium; ATF 129 III 493 consid. 5.1; 125 III 257
consid. 2a; 121 III 350 consid. 5b; 115 II 331 consid. 5a; 110 II 494 consid.
4 p. 498, 106 II 320 consid. 3a).

5.3  Devant le Tribunal fédéral, la recourante fait valoir qu'elle se plaint
non pas du fait que les intimés aient encouragé un assainissement, mais de ce
qu'ils aient requis la cession du droit de la masse d'agir en responsabilité
contre elle, en vue de lui reprocher de ne pas avoir préconisé un dépôt de
bilan qu'ils s'étaient eux-mêmes bien gardés de suggérer de manière à pouvoir
bénéficier d'une continuation de l'exploitation. La recourante sollicite à
cet égard le complètement de l'état de fait sur la base de l'expertise
judiciaire, dont il ressort qu'après le 15 juin 1997, Y.________ SA a encore
fourni 328,5 heures de travail pour le projet J.________ et 4'903,5 heures de
travail ainsi que 5'448,8 heures de fabrication pour le projet X.________.
Selon elle, le comportement des intimés serait ainsi abusif dans la mesure où
ils lui reprochent d'avoir agi conformément à leurs voeux et à leurs
intérêts.

5.4  Les griefs de la recourante ne trouvent aucune assise dans les
constatations de fait du jugement attaqué, même s'il fallait compléter
celles-ci par le constat des prestations fournies par Y.________ SA pour les
projets des intimés postérieurement à la mi-juin 1997. Il n'est en effet
nullement établi que les intimés auraient agi de manière à pouvoir bénéficier
d'une continuation de l'exploitation de Y.________ SA, tout en se réservant
d'obtenir ultérieurement la cession d'une hypothétique action en
responsabilité de la société contre l'organe de révision. Il n'est pas établi
que les intimés aient été au courant de la situation de Y.________ SA comme
l'était la recourante en sa qualité d'organe de révision, ni qu'ils aient pu
savoir que celle-ci aurait dû à l'époque déjà aviser le juge en application
de l'art. 729b al. 2 CO, ni qu'ils aient eu à l'époque un quelconque contact
avec la recourante. Celle-ci avait le devoir d'aviser le juge, si le conseil
d'administration de Y.________ SA ne le faisait pas, du surendettement
manifeste de la société qu'elle aurait dû constater. Par son omission - dont
rien n'indique qu'elle ait été influencée d'une quelconque manière par
l'attitude des créanciers -, la recourante a causé un dommage à la société
elle-même, et tout créancier était fondé à demander la cession des droits de
la masse pour agir en réparation de ce dommage, sans qu'il puisse lui être
reproché un quelconque abus de droit. Au demeurant, lorsqu'un créancier
exerce, en tant que cessionnaire des droits de la masse, la prétention de la
communauté des créanciers en réparation du dommage causé à la société faillie
(cf. consid. 3 supra), il ne peut se voir opposer sa propre faute éventuelle
(ATF 117 II 432 consid. 1b/gg p. 440).

6.
En définitive, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. La
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires, ainsi que les
dépens des intimés (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera aux intimés B.________, C.________, D.________,
E.________, F.________, G.________ SA, H.________ SA et I.________ SA une
indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens.

4.
La recourante versera aux intimés J.________ et dame J.________ une indemnité
de 17'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
cantonal du canton du Valais, Cour civile I.

Lausanne, le 8 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Corboz Abrecht