Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.436/2007
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


4A_436/2007

Arrêt du 9 janvier 2008
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Luc Herbez,

contre

H.Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Damien Bonvallat.

procédure civile; exception d'arbitrage

recours contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2007 par la Cour de justice du
canton de Genève.

Faits:

A.
X. ________ exerce la profession d'avocate à Genève. En 1997, elle fut
consultée par H.Y.________ et son épouse, tous deux français et domiciliés en
France, qui désiraient s'installer à Genève. D'après une procuration signée
par eux le 11 juillet 1997, l'avocate était chargée « d'entreprendre toute
démarche en vue d'une domiciliation (permis B) à Genève ». Le texte imprimé
d'avance comportait, en caractères gras, une clause libellée comme suit:
Pour tous litiges qui résulteraient du présent mandat, le client et l'avocat
déclarent accepter expressément la compétence de la Commission de taxation en
matière d'honoraires d'avocat, siégeant à Genève en qualité de tribunal
arbitral, en application de l'article 46 de la loi genevoise sur la
profession d'avocat.
Par suite de l'activité de Me X.________, les époux Y.________ obtinrent des
permis de séjour à Genève; ils obtinrent également d'y être imposés d'après
une dépense annuelle de 200'000 francs. Ils s'installèrent à la fin de 1997.
Au cours de l'année 1998, les époux Y.________ consultèrent Me X.________
afin de savoir si l'acquisition d'immeubles à Genève, soit deux appartements
à acheter au prix global de 2'420'000 fr., entraînerait une imposition plus
élevée. L'avocate répondit par la négative; néanmoins, en conséquence de
l'acquisition, l'administration fiscale réévalua la dépense annuelle des
époux Y.________ au montant de 300'000 francs.

B.
Le 19 octobre 2006, entre-temps devenu veuf, H.Y.________ a ouvert action
contre X.________ devant le Tribunal de première instance du canton de
Genève. Sa demande tendait au paiement de 46'808 fr. à titre de
dommages-intérêts; il soutenait que la défenderesse lui avait fourni des
renseignements inexacts et qu'il subissait, en suppléments d'impôts, un
préjudice égal à ce montant.
D'entrée de cause, la défenderesse a pris des conclusions tendant à
l'irrecevabilité de la demande; arguant de l'incompétence du juge saisi, elle
se prévalait de la clause d'arbitrage souscrite par le demandeur le 11
juillet 1997, instituant la Commission de taxation des honoraires d'avocat en
qualité de tribunal arbitral.
Le Tribunal de première instance s'est prononcé le 8 février 2007; il a admis
sa compétence et rejeté l'exception d'arbitrage. Il a retenu que la clause
invoquée par la défenderesse visait la créance d'honoraires de l'avocate
contre ses clients, à l'exclusion des prétentions que ceux-ci élèveraient, le
cas échéant, par suite d'une mauvaise exécution du mandat.
La défenderesse ayant appelé à la Cour de justice, cette autorité a statué le
14 septembre 2007. Elle a confirmé le jugement. Certes, contrairement à
l'opinion du premier juge, la clause d'arbitrage visait aussi des prétentions
autres que la créance d'honoraires, mais élucider l'incidence fiscale de
l'acquisition d'immeubles ne s'inscrivait pas dans le mandat conféré le 11
juillet 1997; celui-ci tendait seulement à la domiciliation des clients dans
le canton de Genève.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert
le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que
le Tribunal de première instance soit jugé incompétent pour connaître de
l'action; subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt et le renvoi
de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.
Le demandeur conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Au regard de l'art. 92 al. 1 LTF, l'arrêt de la Cour de justice est une
décision incidente concernant la compétence du Tribunal de première instance;
il est susceptible de recours selon cette disposition.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un jugement rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al.
1 let. c et 74 al. 1 let. b LTF). Il est formé par une partie qui a pris part
à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF).
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art.
42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254) et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi
d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; même
arrêt, consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).

2.
D'après l'art. 7 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP;
RS 291), les tribunaux étatiques suisses doivent décliner leur compétence
lorsqu'ils se trouvent saisis d'un différend arbitrable et que les parties
ont conclu une convention d'arbitrage visant ce différend. En diverses
hypothèses, prévues à l'art. 7 let. a à c LDIP, le tribunal étatique admet sa
compétence nonobstant la convention d'arbitrage; tel est le cas, en
particulier, s'il constate que cette convention est caduque, inopérante ou
non susceptible d'être appliquée (art. 7 let. b LDIP).
Les précédents juges retiennent qu'en l'espèce, une convention d'arbitrage a
été conclue entre les parties le 11 juillet 1997; qu'en raison du domicile
des époux Y.________ dans un Etat étranger, à cette époque, cette convention
relève de l'arbitrage international selon l'art. 176 al. 1 LDIP; que le siège
du tribunal arbitral étant prévu en Suisse, l'exception soulevée par la
défenderesse ne relève pas de l'art. II ch. 3 de la convention de New-York
pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (RS
0.277.12); qu'enfin, cette exception est donc régie par l'art. 7 LDIP
ci-mentionné. Ces points sont incontestés et il n'y a donc pas lieu d'y
revenir.

3.
La défenderesse reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 7 let. b
LDIP en retenant que la convention d'arbitrage ne vise pas l'action
introduite contre elle le 19 octobre 2006.
Selon son libellé, la convention passée le 11 juillet 1997 vise « tous
litiges qui résulteraient du présent mandat », lequel portait sur « toute
démarche en vue d'une domiciliation (permis B) à Genève ». L'expression
« toute démarche » est fort imprécise; néanmoins, on peut retenir que
l'accomplissement du mandat s'est achevé au plus tard lorsque les époux
Y.________ ont obtenu des permis de séjour et se sont effectivement installés
à Genève. En effet, le résultat souhaité par eux était alors atteint.
Au cours de l'année 1998, en s'enquérant de l'incidence fiscale d'une
acquisition d'immeubles, les époux Y.________ ont derechef attribué un mandat
à la défenderesse. Cette mission supplémentaire présentait un lien avec le
mandat initial concernant la domiciliation des mêmes personnes à Genève, en
tant que l'avocate connaissait leur situation fiscale pour l'avoir
personnellement négociée avec l'administration compétente. Néanmoins, ce
mandat initial était alors achevé. La défenderesse devait donc accomplir un
mandat nouveau et distinct, qui n'était pas celui désigné dans la convention
du 11 juillet 1997. Par conséquent, conformément au jugement de la Cour de
justice, la convention ne vise pas le différend existant actuellement sur
l'exécution censément défectueuse de ce nouveau mandat.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 7 let. b LDIP, en vue de constater
que la convention d'arbitrage est, le cas échéant, caduque, inopérante ou non
susceptible d'être appliquée, le tribunal étatique doit se borner à un examen
sommaire de cette convention car un examen plus approfondi est en principe
réservé au tribunal arbitral prévu par elle (ATF 122 III 139 consid. 2b p.
142; Werner Wenger et Markus Schott, Commentaire bâlois, 2e éd., ch. 7a et 7b
ad art. 186 LDIP). Cela concerne aussi, semble-t-il, le point de vérifier si
la convention vise le différend des parties. A tort, la défenderesse reproche
à la Cour de justice d'avoir méconnu les limites d'un examen sommaire. En
effet, on constate aisément et sans étude approfondie que la convention du 11
juillet 1997 ne vise pas le différend relatif aux renseignements donnés par
la défenderesse en 1998, concernant l'incidence fiscale d'une acquisition
d'immeubles; à cette fin, un examen sommaire est entièrement suffisant. Le
moyen tiré de l'art. 7 let. b LDIP est donc privé de fondement.

4.
La défenderesse soutient qu'elle n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur le
raisonnement juridique adopté par la Cour de justice; elle se plaint de
violation de l'art. 29 al. 2 Cst.
Le droit d'être entendu garanti par cette disposition constitutionnelle
confère à toute personne le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne
soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, d'offrir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à
l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 129 II
497 consid. 2.2 p. 504; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 97 consid. 2b p.
102). En règle générale, la personne visée n'est pas obligatoirement invitée
à se prononcer sur l'appréciation juridique des faits ni, plus généralement,
sur l'argumentation juridique à retenir; l'autorité doit toutefois
l'interpeller lorsqu'elle envisage de fonder sa décision sur une règle ou sur
un motif juridique qui n'a pas été évoqué au cours de la procédure, quand
aucune des parties ne s'en est prévalue ni ne pouvait en supputer la
pertinence (ATF 115 Ia 94 consid. 1b p. 96/97; voir aussi ATF 131 V 9 consid.
5.4.1 p. 26; 129 II 497 consid. 2.2 p. 505).
Appliquant l'art. 7 LDIP, le Tribunal de première instance a consacré son
appréciation au point de vérifier si la convention d'arbitrage vise le
différend des parties. L'appel de la défenderesse portait exactement sur
cette question juridique. L'appelante pouvait et devait prévoir que la Cour
de justice discuterait éventuellement, outre la portée des mots « tous
litiges » dans la convention, celle des mots « du présent mandat »; elle ne
peut donc pas, de bonne foi, se prétendre surprise par le raisonnement de
cette autorité. Ainsi, le moyen tiré de l'art. 29 al. 2 Cst. est lui aussi
voué à l'échec.

5.
A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3.
La défenderesse versera, à titre de dépens, une indemnité de 2'500 fr. au
demandeur.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
justice du canton de Genève.

Lausanne, le 9 janvier 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:

Corboz Thélin