Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.434/2007
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4A_434/2007 - svc

Arrêt du 22 février 2008
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, Président,
Kolly et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
recourante, représentée par Me Bernard Vischer, avocat,

contre

Banque Y.________, Succursale de Genève,
intimée, représentée par Me Robert Fiechter, avocat.

contrat de prêt; crédit lombard,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève du 14 septembre 2007.

Faits:

A.
A.a A.________ a déployé depuis 1990 une activité de conseiller financier
principalement au service de la famille B.________, cliente de la Banque
Y.________ (ci-après: la Banque). À ce titre, il a prodigué des conseils
concernant les propositions de placement formulées par la Banque, soit pour
cette dernière par C.________.
Dans ce cadre, C.________ a proposé en 1994 à A.________ un placement portant
sur des income notes émis par D.________, société des Iles Cayman dont le but
est d'acquérir et de gérer des créances contre des sociétés américaines.
L'objectif de ce produit financier - qui peut être assimilé à des obligations
titrisant des emprunts de sociétés américaines et présente le risque de
l'insolvabilité des débiteurs des emprunts titrisés - est d'obtenir un
rendement supérieur au marché monétaire, le taux d'intérêt des emprunts des
sociétés américaines étant supérieur à celui du marché monétaire.

C. ________ a expliqué à A.________ que ce produit financier - développé par
la Banque qui en a assuré la gestion et le placement dans le public - pouvait
générer un bon rendement, mais que l'investissement pouvait être entièrement
perdu, sans insister sur cet aspect. Il a également indiqué que la Banque
pouvait financer l'investissement par un prêt. A.________ a décidé de suivre
la proposition de la Banque.

A.b X.________, société incorporée aux Iles Vierges Britanniques, a été créée
le 6 octobre 1994 afin d'isoler ce placement des autres investissements de la
famille B.________. Le 21 octobre 1994, cette société a ouvert un compte
auprès de la succursale de Genève de la Banque. À cette occasion, elle a
accepté les conditions générales qui prévoyaient une élection de droit en
faveur du droit suisse et un for judiciaire à Genève. Elle a également signé
un acte de nantissement stipulant notamment que la Banque était autorisée à
vendre autant de gages que nécessaire pour couvrir les créances garanties si
la valeur des gages, selon son estimation, tombait en dessous de la marge
convenue ou usuelle entre le montant des créances garanties et la valeur des
gages, et si le demandeur ne donnait pas suite à une demande écrite de
fourniture de gages supplémentaires.

A.c Le 9 novembre 1994, la Banque a indiqué qu'elle était disposée à financer
l'investissement de USD 10'000'000.- dans les income notes de D.________ à
concurrence de 70% durant toute la période où il serait détenu; le prêt
serait consenti sous forme d'une avance à 6 mois et renouvelée de trimestre
en trimestre; le taux d'intérêt serait de 1,5% au-dessus du LIBOR
correspondant aux modalités du prêt; le paiement des intérêts interviendrait
6 mois après l'avance, puis à chaque trimestre échu. X.________ a donné son
accord au placement proposé et à son financement selon les termes précités.
Elle a souscrit USD 10'000'000.- d'income notes de D.________ Cet
investissement a été financé à concurrence de USD 7'000'000.- par un prêt de
la Banque.

A.d Fin 1996, X.________ a souscrit USD 7'500'000.- d'income notes émises par
E.________, société incorporée à Jersey. Cet investissement a été financé à
concurrence de USD 4'500'000.- par un prêt de la Banque, à un taux d'intérêt
de 1,25% supérieur au LIBOR à trois mois.
Dans le cadre de la mise en place du financement, la Banque a indiqué par
courrier du 28 novembre 1996 que la valeur de gage de l'investissement serait
de 60% de l'investissement total; cette valeur de gage resterait en vigueur
aussi longtemps que X.________ détiendrait l'investissement.
En réponse audit courrier, X.________ a pris note le 6 décembre 1996 que la
Banque était disposée à financer 60% de l'investissement durant toute son
existence; elle a expressément spécifié que la sûreté était limitée aux
income notes émises par E.________. Elle a en outre signé le 9 décembre 1996
un acte de nantissement portant sur lesdits titres et comportant une clause
relative à l'appel de marge identique à celle figurant dans l'acte signé lors
de l'ouverture du compte. Par courrier du 6 février 1997, elle a encore
indiqué que le prêt était stipulé sans recours, c'est-à-dire que sa garantie
était limitée à l'investissement précité.

A.e En juin 1997, X.________ a encore souhaité investir un montant
supplémentaire de USD 4'000'000.- dans des income notes de D.________. À
cette époque, à la suite des amortissements effectués à l'aide du produit de
l'investissement, l'endettement résultant du prêt relatif auxdits titres
s'élevait à USD 5'900'000.-. A.________ a demandé que le taux initial du
financement de l'investissement fût rétabli. Finalement, X.________ a acquis
des income notes de D.________ pour un montant de USD 3'000'000.-,
entièrement financé par un prêt de la Banque.
En mars 2000, X.________ a investi dans des income notes émis par F.________
par conversion des income notes de D.________, à concurrence de USD
10'000'000.-. Elle a retiré le solde de USD 3'000'000.- de son compte auprès
de la Banque. Après ce placement, la Banque a réduit la valeur de gage de
l'investissement de 70% à 60%. Le 16 mai 2000, X.________ a encore retiré
USD 1'964'000.- de son compte.

A.f Dès 2000, la valeur des income notes de F.________ et de E.________ a
commencé à se détériorer. Cette tendance s'est accentuée après les événements
du 11 septembre 2001.
Par courrier du 18 janvier 2002, la Banque a informé X.________ qu'en raison
de la diminution de la valeur de gage attribuée initialement aux titres de
F.________ et E.________, la valeur des avoirs déposés ne suffisait plus pour
faire face aux engagements contractés; se prévalant des actes de
nantissement, elle a demandé à X.________ la fourniture de gages
supplémentaires à concurrence de UDS 2'545'503.76 ou la réduction de ses
engagements, faute de quoi elle vendrait les actifs gagés.

X. ________ a répondu par courrier du 23 janvier 2002 qu'elle n'était pas
tenue de fournir des garanties supplémentaires. En revanche, elle a soutenu
que, selon les accords passés, la Banque était tenue de lui avancer
immédiatement un montant de USD 1'376'603.65, correspondant à la différence
entre le 60% de la valeur nominale des titres au 28 décembre 2001 (USD
9'095'603.65, soit 60% de USD 15'159'339.43) et le montant de l'endettement
(USD 7'719'000.-).
La Banque a rejeté la demande de déboursement supplémentaire, en relevant que
la valeur des titres nantis était substantiellement inférieure au montant qui
lui était dû à titre de prêt. Elle a indiqué qu'elle s'était engagée à
financer l'investissement pendant toute sa durée à concurrence de 60% de la
valeur du marché, et non pas de la valeur nominale de l'investissement.

A.g La valeur des income notes de F.________ et de E.________ était
déterminée par la Banque. X.________ a reçu régulièrement un relevé mensuel
de son portefeuille. Selon le relevé au 31 décembre 2002, la valeur nominale
des income notes de F.________ et de E.________ s'élevait respectivement à
USD 4'529'795.- et à USD 6'321'670.-. Les relevés au 31 janvier et au 31 mars
2003 indiquaient une valeur du marché de USD 67'946.- pour les income notes
de F.________ et nulle pour les titres de E.________; le relevé au 31 juillet
2003 indiquait une valeur du marché nulle pour ces deux titres. Ces relevés
indiquaient que le montant prêté s'élevait à USD 3'214'000.-.

B.
B.aLe 30 avril 2003, X.________ a actionné la Banque, devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève, en paiement de USD 3'269'879.- avec
intérêts à 5% l'an dès le 23 janvier 2002. En substance, elle a soutenu que
la Banque s'était engagée à lui avancer pour toute la durée de
l'investissement 60% de la valeur nominale résiduelle de l'investissement
dans les income notes de F.________ et de E.________, après déduction des
remboursements en capital effectués par lesdites sociétés; il s'ensuivait
qu'elle était fondée à agir en exécution du prêt; comme la valeur nominale
résiduelle de l'investissement dans les income notes de F.________ s'élevait
à USD 4'529'795.- et que le prêt y relatif avait été intégralement remboursé,
elle avait droit au paiement de 60% de cette valeur nominale résiduelle, soit
USD 2'717'877.-; s'agissant de l'investissement dans les income notes de
E.________, elle avait droit au paiement de la différence entre 60% de la
valeur nominale résiduelle (USD 6'321'670.-) et le solde du prêt relatif à
ces titres (USD 3'214'000.-), soit USD 579'002.-.
La Banque a conclu au déboutement de la demanderesse de toutes ses
conclusions. Elle a soutenu que les parties avaient eu l'intention de
conclure des crédits lombards. Elle a contesté que la valeur nominale de
l'investissement constituât la base de calcul de la valeur de gage, seule la
valeur vénale ayant un sens pour rendre la garantie effective. En outre,
faisant valoir que la demanderesse était insolvable, la Banque a soulevé
l'objection de l'art. 316 CO et a renoncé à former une demande
reconventionnelle en remboursement du prêt.

B.b Par jugement du 7 décembre 2006, le Tribunal de première instance a
rejeté la demande avec suite de frais et dépens. En bref, le premier juge,
considérant qu'il n'existait pas de réelle et commune intention des parties
relative aux clauses du prêt, a interprété les déclarations et comportements
des parties selon le principe de la confiance pour aboutir à la conclusion
que la proportion du financement était fonction de la valeur nominale de
l'investissement, et non de sa valeur vénale; dès lors, la demanderesse était
fondée à réclamer à la Banque la différence entre 60% de la valeur nominale
des titres acquis et son endettement envers la Banque. Le premier juge a
toutefois rejeté la demande pour le motif que la demanderesse n'avait pas
prouvé son dommage, n'ayant pas établi qu'à l'aide des fonds que la Banque
aurait dû lui avancer et qui auraient été utilisés pour acquérir des income
notes de F.________ et de E.________, elle aurait réalisé un bénéfice après
paiement des intérêts et des amortissements à la Banque.

B.c Par arrêt du 14 septembre 2007, la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève a rejeté avec suite de frais et dépens l'appel formé par
la demanderesse contre ce jugement, qu'elle a confirmé, mais par substitution
de motifs. Elle a en effet considéré que l'interprétation des conventions
passées par les parties selon le principe de la confiance - la réelle et
commune volonté des parties ne pouvant être établie - ne permettait pas de
retenir que la Banque s'était engagée à prêter à la demanderesse, pendant la
durée des placements, 60% de la valeur nominale des investissements; dès
lors, la demanderesse ne pouvait pas prétendre au paiement de la différence
entre 60% de la valeur nominale des titres acquis et son endettement envers
la Banque.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, la
demanderesse conclut, avec suite des frais et dépens des instances cantonales
et fédérale, à la réforme de cet arrêt en ce sens que la Banque soit
condamnée à lui payer la somme de USD 3'269'879.- plus intérêts à 6% l'an dès
le 23 janvier 2002.
La Banque a déposé une requête de sûretés en garantie des dépens (art. 62 al.
2 LTF), que le Président de la Cour de céans, après avoir recueilli les
déterminations de la recourante, a admise par ordonnance du 30 novembre 2007.
La recourante a versé les sûretés requises dans le délai imparti.
Dans sa réponse déposée le 31 janvier 2008, la Banque propose de rejeter le
recours avec suite de dépens.
Considérant en droit:

1.
1.1  Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions
en paiement prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74
al. 1 let. b LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été
déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la
loi (art. 42 LTF).

1.2  Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du
droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sous réserve de
l'exception prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits
fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (cf. ATF
133 II 249 consid. 1.4.2), le Tribunal fédéral applique le droit d'office
(art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans
le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut
admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués et il
peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (ATF 133 IV 150 consid. 1.2 et la jurisprudence citée).

1.3  Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte -
c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid. 4.2.2) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), ce qu'il
incombe le cas échéant au recourant d'invoquer dans un grief dûment motivé
(ATF 133 II 249 consid. 1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3).

2.
2.1
2.1.1 La recourante expose que les faits retenus par l'autorité précédente
dans la partie « en fait » de l'arrêt attaqué sont admis, mais soutient que
la cour cantonale aurait omis de constater toute une série de faits
pertinents ressortant clairement du dossier, omission qui constituerait une
constatation manifestement inexacte des faits au sens de l'art. 97 LTF. Selon
la recourante, en tenant compte de ces faits pertinents qui seraient autant
d'indices de la volonté réelle des parties, les juges cantonaux auraient dû
constater l'existence d'un accord entre les parties portant sur un contrat de
prêt à hauteur de 60% de la valeur nominale des income notes de F.________ et
de E.________, pendant toute la durée de l'investissement, et ce sans
recours, à savoir sans autre garantie que le nantissement desdits titres. La
recourante soutient encore que, même s'il n'était pas possible de déterminer
une réelle et commune intention des parties, l'interprétation des
déclarations des parties et de leur comportement selon le principe de la
confiance aurait dû conduire les juges cantonaux à retenir que la Banque
s'était engagée à avancer à la recourante 60% de la valeur nominale des
investissements, pendant toute la durée de l'investissement et sans recours.

2.1.2 Selon la recourante, il découlerait ainsi de la constatation de la
réelle et commune intention des parties, subsidiairement d'une interprétation
de leurs déclarations et de leur comportement selon le principe de la
confiance, que la recourante pouvait prétendre à ce que la Banque lui avançât
60% de la valeur nominale résiduelle des investissements même après que leur
valeur vénale eut baissé. La créance de la recourante représenterait donc la
différence entre 60% de la valeur nominale résiduelle des investissements et
son endettement envers la Banque. Cette différence s'élèverait à
USD 3'269'879.-; en effet, selon les chiffres établis par la Banque et qui ne
sont pas contestés, la valeur nominale résiduelle des income notes s'élève à
USD 4'529'795.- en ce qui concerne les titres de F.________ et à USD
6'321'670.- en ce qui concerne les titres de E.________ (cf. lettre A.g
supra); 60% du total (USD 10'851'465.-) représente ainsi USD 6'510'879.-,
d'où une différence de USD 3'269'879.- par rapport à l'endettement de la
recourante envers la Banque, qui se monte à USD 3'214'000.- (cf. lettre A.g
supra).

2.1.3 La recourante indique que, comme ses investissements dans les income
notes de F.________ et de E.________ ont pris fin - ces titres ayant été
définitivement liquidés et de ce fait sortis du compte de la recourante
auprès de la Banque -, elle ne peut plus agir en exécution du contrat de
prêt. En revanche, sa prétention se transformerait en dommages-intérêts
positifs pour inexécution contractuelle; le dommage qui découlerait de
l'inexécution étant que la recourante n'a pas reçu le paiement réclamé, ses
prétentions en dommages-intérêts pour inexécution s'élèveraient à USD
3'269'879.-.
La recourante soutient qu'elle aurait de son côté satisfait à toutes ses
obligations puisque le prêt de la Banque est sans recours, ce qui signifie,
comme l'a constaté la Cour de justice, qu'il est garanti par les seules
income notes; dès lors, dans la mesure où la recourante n'a pas payé les
intérêts du prêt ou remboursé le prêt en capital, le seul recours de la
Banque serait de réaliser les income notes remises en gage. Selon la Banque,
le fait que les prêts aient été stipulés sans recours signifie qu'elle ne
bénéficiait pas d'autres garanties que le nantissement des income notes,
ayant notamment renoncé à exiger la garantie de l'ayant droit économique de
la société X.________; en revanche, le recourante était tenue de rembourser
les prêts intégralement.

2.2  Il n'y a pas lieu d'examiner les griefs de la recourante résumés au
considérant 2.1.1 ci-dessus. En effet, même si ceux-ci devaient se révéler
entièrement fondés et s'il fallait ainsi retenir que la Banque s'était
engagée à prêter à la recourante 60% de la valeur nominale des income notes
de F.________ et de E.________, pendant toute la durée de l'investissement et
sans recours, les prétentions de la recourante ne pourraient qu'être
rejetées, pour les motifs exposés ci-après :
2.2.1 La recourante affirme elle-même, à juste titre, que dans la mesure où
les investissements dans les income notes de F.________ et de E.________ ont
pris fin, elle ne peut plus agir en exécution du contrat par lequel, à suivre
sa thèse, la Banque se serait engagée, pour toute la durée de
l'investissement, à lui prêter 60% de la valeur nominale des income notes de
F.________ et de E.________ pour investir dans les titres précités (cf.
consid. 2.1.3 supra). Comme la recourante l'indique elle-même, sa prétention
est donc une prétention en versement de dommages-intérêts pour inexécution
contractuelle.

2.2.2  Aux termes de l'art. 97 al. 1 CO, lorsque le créancier ne peut obtenir
l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le
débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve
qu'aucune faute ne lui est imputable. Sur la base de cette disposition, le
demandeur doit, entre autres conditions, apporter la preuve qu'un dommage lui
a été causé (art. 8 CC et art. 42 al. 1 CO, applicable par renvoi de l'art.
99 al. 3 CO; ATF 127 III 543 consid. 2b; 111 II 156 consid. 3b; 84 II 6
consid. 2; Wolfgang Wiegand, Basler Kommentar, 4e éd. 2007, n. 60 ad art.
97 CO; Rolf H. Weber, Berner Kommentar, Band VI/1/5, 2000, n. 316 et 323 ad
art. 97 CO; Pierre Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd.
1997, p. 704 s.).
Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la
fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du
patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement
dommageable ne s'était pas produit (ATF 132 III 186 consid. 8.1, 321 consid.
2.2.1 p. 324, 564 consid. 6.2; 131 III 360 consid. 6.1; 129 III 18 consid.
2.4 et les arrêts cités). En cas d'inexécution d'une obligation
contractuelle, la mesure du dommage est donc l'intérêt que le créancier avait
à l'exécution régulière de l'obligation, soit l'intérêt positif à l'exécution
(Erfüllungsinteresse), qui comprend la perte effective et le gain manqué
(Engel, op. cit., p. 716 s.; Luc Thévenoz, Commentaire romand, Code des
obligations I, 2003, n. 33 ad art. 97 CO; Wiegand, op. cit., n. 38 ad art. 97
CO; Weber, op. cit., n. 210 ad art. 97 CO; cf. ATF 120 II 296 consid. 3b).

2.2.3 En admettant par hypothèse que la Banque ait eu l'obligation, en vertu
des accords passés entre les parties, d'avancer à la recourante, en 2002, un
montant de USD 3'269'879.-, la recourante ne saurait simplement prétendre
avoir subi, du fait de l'inexécution de cette obligation, un dommage direct
égal au montant non versé (cf. consid. 2.1.3 supra). En effet, les fonds
ainsi avancés l'auraient été dans le but déterminé d'investir dans des income
notes de F.________ et de E.________, qui auraient été nanties auprès de la
Banque pour couvrir ses prétentions en remboursement du prêt (cf. Carlo
Lombardini, Droit bancaire suisse, 2002, n. 81 p. 481), la Banque étant par
ailleurs autorisée, aux conditions définies contractuellement, à vendre
elle-même les titres ainsi nantis pour couvrir sa créance (cf. Benno
Degrandi, Rechtsprobleme des Lombardkredites, in RSDA 1990 p. 2 ss, 8). Dans
ces conditions, pour démontrer que l'inexécution par la Banque de
l'obligation litigieuse lui avait causé un dommage, la recourante aurait dû
prouver que l'investissement qu'elle aurait effectué au moyen de la rallonge
de crédit sollicitée lui aurait permis de réaliser un bénéfice, après
remboursement de la créance de la Banque garantie par les titres nantis. Or
il ne résulte pas de l'état de fait retenu par l'autorité précédente que la
recourante aurait apporté une telle preuve. La recourante ne soutient pas non
plus que, sur ce point, les faits auraient été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. consid. 1.3
supra). Il convient donc de constater que la recourante n'a pas prouvé avoir
subi un dommage, ce qui conduit au rejet de la demande.

3.
En définitive, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. La
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF). Il sera également mis à sa charge une indemnité à payer à
l'intimée à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Cette indemnité sera
versée à l'intimée au moyen des sûretés déposées à cette fin par la
recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 22'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 24'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise
à la charge de la recourante; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés
déposées par la recourante à la Caisse du Tribunal fédéral.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 22 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:
Corboz Abrecht