Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.408/2007
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4A_408/2007

Arrêt du 7 février 2008
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________ Sàrl,
B.________,
C.________,
recourants, représentés par Me Jacques Micheli,

contre

Société X.________SA,
Société Y.________ SA,
intimées, représentées par Me Philippe Conod.

bail commercial; erreur; défaut,

recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire contre
l'arrêt rendu le 6 août 2007 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal
du canton
de Vaud.

Faits:

A.
Le 20 mai 1998, la Société X.________ SA et la Société Y.________ SA ont fait
paraître dans «Le Temps» une annonce pour la mise en location, dès le 1er
septembre 1998, d'un magasin de 143 m2 situé à la rue ..., à Lausanne.

Par courrier du 26 mai 1998, B.________, au nom de la société V.________ Sàrl
active dans le domaine du textile et des accessoires de mode, a fait
connaître à la régie représentant les copropriétaires son intérêt pour la
location d'une «surface de 50 à 200 m2 pour y installer une boutique.»

A la suite de divers entretiens, la régie a adressé à B.________ une lettre
datée du 6 juillet 1998, confirmant notamment que «la Société propriétaire
accept[ait] de [lui] louer la surface de 143 m2 au rez-de-chaussée de
l'immeuble précité, à l'usage de Boutique.»

Par contrat du 26 août 1998, les deux sociétés immobilières ont remis à bail
les locaux susmentionnés à A.________ Sàrl (en formation), B.________ et
C.________ dès le 1er septembre 1998 pour un loyer mensuel brut de 6'107 fr.
Selon le bail, l'objet - loué à l'usage d'une boutique de textiles et de
prêt-à-porter - est situé au rez-de-chaussée et comprend «vitrines & magasin
/ local commercial & un groupe w.c. & deux locaux au sous-sol»; la surface
approximative figurant dans le contrat est de 143 m2. Le chiffre 5.3 du bail
précise que «l'état des locaux, que le locataire déclare connaître
parfaitement, est défini par lettre de [la régie] du 6 juillet 1998.» Une
clause du contrat donne la possibilité aux locataires de résilier le bail
pour le 30 septembre 2000 et pour le 30 septembre 2001, moyennant un avis
signifié au moins six mois à l'avance.

B. ________ et C.________ sont les deux associés gérants de A.________ Sàrl.

A une date indéterminée mais avant la signature du bail, B.________ avait
visité les locaux.

En septembre 1998, C.________ a constitué la garantie de 18'000 fr. stipulée
dans le bail.
Par courrier du 19 octobre 1998 à l'en-tête de A.________ Sàrl, B.________ et
C.________ ont demandé à la régie les dimensions exactes du magasin du
rez-de-chaussée et des deux locaux situés au sous-sol, les plans en leur
possession n'étant pas suffisamment précis sur ce point.

La gérance a répondu aux locataires que les superficies relevées étaient de
81 m2 pour le rez-de-chaussée et de 60 m2 pour les deux locaux du sous-sol.

Par lettre du 2 décembre 1998, A.________ Sàrl a demandé à la régie que le
loyer mensuel soit réduit à 3'935 fr.48. Elle faisait valoir notamment que le
rez-de-chaussée s'étendait en réalité sur 81 m2, alors que la lettre du 6
juillet 1998 faisait état d'une surface de 143 m2 à ce niveau et que
l'annonce parue dans le journal, en mentionnant une surface de 143 m2, se
référait implicitement à la surface de vente ou surface commerciale. Les
bailleresses ne sont pas entrées en matière.

B.
Après l'échec d'une tentative de conciliation devant la commission idoine,
les locataires ont ouvert action contre les bailleresses le 6 juin 1999
devant le Tribunal des baux du canton de Vaud. La demande tendait
principalement à la réduction du loyer mensuel à 3'420 fr. et à l'octroi de
dommages-intérêts pour manque à gagner sur le chiffre d'affaires de la
boutique.

Le 3 août 1999, les locataires ont résilié le bail de manière anticipée pour
le 31 août 1999. A cette date, ils ont cessé d'exploiter la boutique et de
payer le loyer. Les locaux ont été reloués à partir du 1er mai 2000.

Par la suite, les locataires ont modifié et complété leurs conclusions. Dans
leur dernier état, celles-ci tendaient essentiellement à ce que le bail soit
déclaré nul ou, subsidiairement, valablement résilié pour le 31 août 1999 et
à ce que les bailleresses soient condamnées solidairement à payer aux
locataires le montant total de 201'018 fr.48 plus intérêts, englobant la
perte de gain, la perte sur investissements et les parts de loyer payées en
trop.

De leur côté, les bailleresses ont pris contre les locataires des conclusions
en paiement d'un montant s'élevant en dernier lieu à 48'856 fr. plus
intérêts, ce qui représente les loyers impayés de septembre 1999 à avril
2000.
Le Tribunal des baux a ordonné une expertise portant notamment sur les
dimensions de l'objet loué. Selon le rapport de M.________, la surface totale
du rez-de-chaussée est de 93 m2, y compris la vitrine de 6 m2, et celle du
sous-sol est de 49,5 m2.

Par ailleurs, le tribunal a procédé à une inspection locale qui lui a permis
de constater que la surface du rez-de-chaussée paraissait manifestement
inférieure à 143 m2.

Par jugement du 4 juillet 2006, le Tribunal des baux a rejeté toutes les
conclusions prises par les locataires sauf celle tendant à la libération de
la garantie de loyer; il a condamné les locataires solidairement à payer aux
bailleresses la somme de 48'856 fr. plus intérêts à 5 % dès le 1er janvier
2000.

A. ________ Sàrl, B.________ et C.________ ont interjeté un recours en
réforme cantonal contre cette décision. Par arrêt du 6 août 2007, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté ce recours et
confirmé le jugement attaqué. A l'instar du Tribunal des baux, elle a jugé
que l'erreur invoquée par les locataires n'était pas essentielle et que la
chose louée n'était pas affectée d'un défaut.

C.
A.________ Sàrl, B.________ et C.________ forment, dans le même acte, un
recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire.
Principalement, ils demandent la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que
les conclusions qu'ils ont prises en première instance sont admises et que
les conclusions prises par les intimées sont rejetées. A titre subsidiaire,
ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause
aux autorités cantonales.

La Société X.________ SA et la Société Y.________ SA proposent le rejet du
«recours de droit civil» et du «recours de droit constitutionnel».

Pour sa part, la Chambre des recours se réfère aux considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué est un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 LTF) dans une affaire de bail à loyer dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le recours en
matière civile est ouvert contre une telle décision.

Dans leur mémoire, les recourants prétendent pourtant exercer également un
recours constitutionnel subsidiaire, pour violation du droit d'être entendu
et pour arbitraire. Ce faisant, ils confondent manifestement le recours
constitutionnel subsidiaire prévu par la LTF avec l'ancien recours de droit
public relevant de l'OJ. C'est le lieu de préciser que le nouveau droit de
procédure permet de se plaindre, dans le recours (ordinaire) en matière
civile, d'une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le
droit constitutionnel (ATF 133 III 446 consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3 p.
466). Il s'ensuit que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable
(art. 113 LTF).

1.2 Les recourants ont qualité pour recourir dès lors qu'ils n'ont pas obtenu
gain de cause (art. 76 al. 1 LTF). Au surplus, le recours est en principe
recevable, puisqu'il a été interjeté dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc lié ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.
1.4). Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al.
1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant
lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.4 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

La notion de «manifestement inexacte» correspond à celle d'arbitraire au sens
de l'art. 9 Cst. La partie recourante qui entend s'écarter des constatations
de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les
conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de
fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III
136 consid. 1.4; cf. également ATF 133 III 350 consid. 1.3). Aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).

2.
2.1 Invoquant notamment l'art. 105 al. 2 LTF, les recourants demandent tout
d'abord au Tribunal fédéral de prendre en compte deux faits qui ne
ressortiraient que du jugement de première instance, soit le courrier de la
gérance du 6 juillet 1998 se référant à «la surface de 143 m2 au
rez-de-chaussée» et le chiffre 5.3 du contrat de bail au terme duquel l'état
des locaux est défini par ladite lettre du 6 juillet 1998.

2.2 Ces deux éléments ne figurent pas dans les «faits nécessaires à l'examen
du recours» selon la cour cantonale; en revanche, la lettre du 6 juillet 1998
et son contenu sont bien mentionnés dans la partie «en droit» de l'arrêt
attaqué (p. 7, 1er §). Par ailleurs, ils sont repris tous deux dans l'état de
fait de la décision de première instance, que la Chambre des recours déclare
expressément faire sien. Force est ainsi de reconnaître que les deux faits en
question résultent de la décision cantonale au sens de l'art. 99 al. 1 LTF.
Ils pourront donc être pris en considération par la cour de céans, ce qui ne
signifie pas encore qu'ils soient propres à influer sur le sort de la cause.

3.
La Chambre des recours a écarté les deux thèses défendues alternativement par
les recourants. Ceux-ci soutenaient avoir conclu le bail sous l'emprise d'une
erreur essentielle les autorisant à invalider partiellement ou totalement le
contrat; ils prétendaient également que la chose louée était entachée d'un
défaut leur donnant droit de résilier le contrat avec effet immédiat et
d'obtenir une réduction rétroactive du loyer.

3.1 Selon les recourants, la cour cantonale a nié à tort le caractère
essentiel de l'erreur dont ils se prévalent, en se fondant sur des facteurs
qui ne sont pas déterminants. Ainsi, la lettre du recourant B.________ du 26
mai 1998, indiquant une fourchette entre 50 et 200 m2, ne signifierait en
aucun cas que les locataires étaient indifférents à la superficie de la
surface commerciale louée trois mois plus tard. De même, la visite du même
B.________, qui serait vraisemblablement intervenue après la conclusion du
bail, ne serait point pertinente; au demeurant, on ne peut reprocher à cette
partie de ne pas s'être souciée de la surface exacte du magasin proprement
dit dès lors que le courrier de la gérance du 6 juillet 1998 indiquait
clairement que le rez-de-chaussée mesurait 143 m2. La constatation propre du
Tribunal des baux, selon laquelle la surface du rez-de-chaussée paraissait
manifestement inférieure à 143 m2, ne serait pas non plus déterminante, car
la perception de cette autorité aurait été nécessairement influencée par sa
connaissance du litige. Dans son analyse du bail, la Chambre des recours
aurait également omis de prendre en compte le chiffre 5.3 du contrat qui
renvoyait clairement, en ce qui concerne la surface du rez-de-chaussée, à la
lettre précitée du 6 juillet 1998. Enfin, les recourants se réfèrent à
l'arrêt publié aux ATF 113 II 25, dans lequel un locataire a pu se prévaloir
d'une erreur essentielle en raison d'un écart de 8 % entre la surface
indiquée dans une annonce (environ 160 m2) et la superficie réelle (146,82
m2); ils font valoir que la différence en jeu en l'espèce est bien plus
importante si l'on compare la surface du rez-de-chaussée indiquée par la
gérance (143 m2) et la superficie réelle mesurée par l'expert (87 m2 sans la
vitrine).

3.2 Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au
moment de conclure, était dans une erreur essentielle. Celle-ci se rencontre
notamment en cas d'erreur dite de base telle que définie à l'art. 24 al. 1
ch. 4 CO, soit une erreur portant sur des faits que la loyauté commerciale
permettait à celui qui s'en prévaut de considérer comme des éléments
nécessaires du contrat (cf. ATF 132 II 161 consid. 4.1 p. 165 ss; 123 III 200
consid. 2 p. 202; 118 II 58 consid. 3b p. 62; 114 II 131 consid. 2 p. 139).
D'un point de vue subjectif, celui qui se prévaut de son erreur doit s'être
trompé sur un fait déterminé touchant, pour lui, à la base nécessaire du
contrat (notwendige Grundlage); ce fait doit avoir exercé une influence
décisive sur la volonté de conclure du déclarant qui, sans cette
circonstance, n'aurait pas passé le contrat ou, en tout cas, pas à ces
conditions (Bruno Schmidlin, Commentaire romand, n. 40 ad art. 23-24 CO;
Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, 8e éd., tome I,
n. 779, p. 158; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p.
328/329). Selon la jurisprudence, un cocontractant ne peut invoquer un fait
déterminé comme condition sine qua non du contrat lorsqu'il ne s'est pas
préoccupé, au moment de conclure, d'éclaircir une question qui se posait
manifestement en rapport avec ce fait (ATF 129 III 363 consid. 5.3 p. 365;
117 II 218 consid. 3b p. 224).

D'un point de vue objectif, l'erreur ne sera essentielle que si elle porte
sur des faits qui, selon le principe de la bonne foi en affaires, peuvent
être considérés comme la base nécessaire du contrat (ATF 118 II 58 consid. 3b
p. 62; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, op. cit., n. 783, p. 159; Engel, op. cit.,
p. 330).

Savoir si et dans quelle mesure une partie se trouvait dans l'erreur au
moment de conclure le contrat est une question de fait, contrairement à la
question du caractère essentiel de l'erreur (ATF 118 II 58 consid. 3a p. 62;
113 II 25 consid. 1a p. 27).

3.3 En l'espèce, l'erreur dont les locataires se prévalent a trait à la
superficie du rez-de-chaussée des locaux loués: ils pensaient que cette
surface était de 143 m2, comme la lettre de la gérance du 6 juillet 1998
l'indiquait, alors qu'elle n'était en réalité que de 93 m2. Même si la cour
cantonale n'a pas constaté expressément que les recourants se trouvaient
effectivement dans l'erreur à ce sujet, il convient d'examiner le caractère
essentiel ou non de l'erreur invoquée.

Au préalable, il sied de préciser que l'attitude du recourant B.________, qui
a traité avec la régie jusqu'à la signature du contrat, est opposable  aux
autres colocataires dont il était organe ou qu'il représentait
(cf. Watter/Schneller, Basler Kommentar, 4e éd., n. 24 ad art. 32 CO; Eugen
Bucher, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 630).
Ce point n'a du reste jamais été contesté.
Cela étant, rien dans le comportement des locataires, et singulièrement du
recourant B.________, ne permet de conclure qu'une surface au rez-de-chaussée
d'au moins 143 m2 constituait pour eux la base nécessaire du contrat. En
réponse à l'annonce du 20 mai 1998, le recourant B.________ a écrit être à la
recherche d'une surface à usage de boutique de 50 à 200 m2. Par la suite, il
a visité les lieux proposés à la location et pu constater qu'ils étaient
répartis sur deux niveaux. Que la visite ait eu lieu avant ou après la
réception de la lettre du 6 juillet 1998, le recourant B.________ devait
nécessairement, avant la signature du contrat, éclaircir la question de la
superficie exacte de la surface de vente proprement dite, au rez-de-chaussée,
si cette donnée était importante au point de conditionner l'accord des
intéressés. En effet, il est établi qu'à l'oeil nu, la surface litigieuse
paraissait manifestement inférieure à 143 m2. On ne voit pas en quoi cette
constatation du Tribunal des baux serait arbitraire. Il est du reste évident
que tout visiteur moyen est à même de percevoir une différence de 50 m2 entre
une surface supputée de 143 m2 et une surface réelle de 93 m2.

A la réception de la lettre du 6 juillet 1998 ou lors de la visite, selon
l'ordre dans lequel ces deux événements se sont produits, le recourant
B.________ ne pouvait ainsi que nourrir des doutes sur les mesures fournies
alors par la régie. En s'abstenant d'élucider ce point avant la conclusion du
contrat, le futur locataire B.________ a démontré qu'il ne considérait pas la
surface exacte du rez-de-chaussée comme un élément nécessaire du bail. Les
recourants ne peuvent ainsi prétendre, une fois le contrat signé, que cette
donnée revêtait un caractère causal dans leur détermination à conclure le
bail au loyer proposé. C'est à bon droit que la Chambre des recours s'est
référée sur ce point à la conclusion du Tribunal des baux, niant que l'erreur
invoquée par les locataires porte sur un fait subjectivement essentiel. Le
moyen fondé sur la violation de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO sera écarté.

4.
Les recourants reprochent également à la cour cantonale de n'avoir pas admis
que la chose louée était entachée d'un défaut. A leur sens, il résulte
clairement du bail, en particulier du chiffre 5.3 renvoyant à la lettre de la
régie du 6 juillet 1998, que la surface du rez-de-chaussée s'étendait sur 143
m2; il s'agit là d'une qualité promise par les bailleresses. Comme la
superficie réelle du rez-de-chaussée est largement inférieure à 143 m2, les
locataires entendent faire valoir les droits résultant de la garantie pour
les défauts de la chose louée.

4.1 En l'absence de définition légale, la notion de défaut doit être
rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée, au
sens de l'art. 256 al. 1 CO; elle suppose la comparaison entre l'état réel de
la chose et l'état convenu ou promis (David Lachat, Le bail à loyer, p. 141).
Il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le
bailleur avait promise (Peter Higi, Zürcher Kommentar, n. 27 et 29 ad art.
258 CO) ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se
référant à l'état approprié à l'usage convenu (Pierre Tercier, Les contrats
spéciaux, 3e éd., n. 1869 ss, p. 271 ss).

Lorsque, comme en l'espèce, le locataire prétend que le bailleur avait promis
dans le contrat une qualité déterminée de l'objet loué, il y a lieu
d'interpréter le bail. Pour ce faire, le juge doit tout d'abord s'efforcer de
déterminer, en fait, la commune et réelle intention des parties, sans
s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se
servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la
convention (art. 18 al. 1 CO). La recherche de la volonté réelle des parties
est qualifiée d'interprétation subjective (ATF 132 III 626 consid. 3.1; 131
III 606 consid. 4.1). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être
établie ou si leurs volontés intimées divergent, le juge doit interpréter les
déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance,
c'est-à-dire rechercher comment la clause contractuelle pouvait être comprise
de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite
objective). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou
accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements
postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67 et les arrêts cités).

4.2 Par une interprétation objective, la cour cantonale a jugé qu'on ne
pouvait «pas déduire du bail que la surface du rez-de-chaussée était de 143
m2, mais on compren[ait] au contraire que c'[était] l'ensemble des locaux.»

Il est à noter d'emblée que le renvoi du chiffre 5.3 du bail, relatif à
l'état des locaux, concerne manifestement le passage de la lettre du
6 juillet 1998 mettant à la charge des bailleresses la réfection des murs,
plafond et sol. Il est vrai toutefois que le courrier en question est un
élément, précédant la conclusion du bail, qui peut intervenir dans
l'interprétation du contrat lui-même.

Le contrat de bail indique une surface approximative de 143 m2. Comme il
mentionne également que les locaux loués se trouvent au rez-de-chaussée, on
peut éprouver un léger doute sur le point de savoir si la surface indiquée se
rapporte à tous les locaux faisant l'objet de la description contractuelle -
«vitrines & magasin / local commercial & un groupe w.c. & deux locaux au
sous-sol» - ou uniquement à la surface commerciale proprement dite du
rez-de-chaussée, de la même manière que la surface d'un appartement ne se
mesure en général pas avec la cave. La lettre de la régie du 6 juillet 1998,
qui indique clairement une «surface de 143 m2 au rez-de-chaussée», est une
circonstance qui plaide pour cette dernière interprétation.

Cela étant, une autre circonstance antérieure à la conclusion du contrat est
déterminante en l'occurrence. Le locataire B.________ a vu les locaux,
répartis sur deux étages, avant de signer le contrat. Selon les constatations
cantonales, il est manifeste, sans procéder à des mesures, que le
rez-de-chaussée s'étend sur moins de 143 m2. Dans ces conditions, le
recourant B.________, dont on a déjà vu que la connaissance et le
comportement sont opposables à ses colocataires, ne pouvait de bonne foi
comprendre que la clause contractuelle relative à la surface ne se rapportait
qu'au rez-de-chaussée, à l'exclusion des autres locaux faisant partie de
l'objet loué. Il s'ensuit que le grief tiré du défaut de la chose louée est
mal fondé.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière civile sera rejeté.

6.
Les recourants, qui succombent, prendront à leur charge les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens aux intimées (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis solidairement à la
charge des recourants.

4.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront aux intimées, créancières
solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Corboz Godat Zimmermann