Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.386/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_386/2007
4A_6/2008/ech

Arrêt du 22 décembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
défendeur et recourant, représenté par
Me Michel Dupuis,

contre

Masse en faillite Y.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me
Jean-Noël Jaton.

Objet
procédure civile; droit d'être entendu

recours contre les arrêts rendus le 18 avril 2007 par la Cour civile et le 24
octobre 2007 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Y.________ SA, fondée en 1987, s'est consacrée à l'acquisition et à
l'exploitation d'appareils destinés à certains traitements médicaux. X.________
en a détenu directement toutes les actions jusqu'en décembre 1993, puis il les
a cédées à une autre société anonyme dont il était aussi l'actionnaire
principal. Dans ses livres, Y.________ SA tenait un compte qui était débité ou
bonifié des sommes respectivement à verser ou à percevoir par X.________. Dès
1988, à la clôture de chaque exercice annuel, ce compte présenta toujours un
solde débiteur variant de 700'000 fr. à 1'950'000 fr. environ.
La faillite de Y.________ SA est survenue le 23 septembre 1999; le compte de
X.________ présentait alors un solde débiteur au montant de 781'732 fr.95.

B.
Le 10 avril 2001, la masse en faillite Y.________ SA a ouvert action contre
X.________ devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud; le défendeur devait
être condamné à payer ce dernier montant, avec intérêts au taux de 5% par an
dès le 1er janvier 1997.
Le défendeur a conclu au rejet de l'action.
Un expert fut désigné par le juge instructeur pour élucider la nature de la
prétention comptabilisée par la société. Son rapport, remis le 12 janvier 2004,
comporte un préambule cité comme suit dans le jugement de la Cour civile du
Tribunal cantonal:
L'expert expose qu'il n'a pas été en mesure de consulter les grands livres et
les pièces comptables originales de la société [...] faute de production de
celles-ci par les parties, le défendeur ne s'étant notamment pas montré enclin
à fournir les documents dont la production avait été sollicitée en ses mains.
[L'expert] estime néanmoins qu'il a pu reconstituer l'essentiel des mouvements
du compte courant du défendeur dans les livres de la société par une
documentation probante et des données concordantes obtenues auprès de tiers, en
particulier par la consultation auprès de A.________ SA des grands livres de
[la société] pour les exercices 1987 à 1990 et 1993 à 1996, des déclarations
fiscales, avec annexes, du défendeur pour les années 1991, 1993 et 1995, par
l'obtention auprès de la Banque B.________ des relevés du compte courant
commercial [de la société] pour les années 1993 à 1999 ainsi que des avis de
débits et crédits correspondant aux écritures passées sur le compte courant du
défendeur durant les années 1993 à 1997, et par l'obtention auprès du dernier
organe de révision [...] du résumé des opérations enregistrées au compte
courant du défendeur durant l'exercice 1997.
Le juge instructeur accéda, d'abord, à une requête du défendeur tendant à un
complément d'expertise; toutefois, en dépit de trois prolongations du délai
assigné à cette fin, l'avance de frais à fournir par lui resta impayée et, en
conséquence, l'expert ne fut pas requis de compléter son étude.
Le défendeur réclama sans succès une deuxième expertise. Il réclama également
sans succès l'autorisation d'appeler en cause la Banque B.________, dont il
affirmait qu'elle s'était obligée à reprendre sa dette envers Y.________ SA.
La Cour civile a statué le 18 avril 2007. Sur la base de l'expertise, elle a
retenu qu'il existait un contrat de compte courant entre l'actionnaire
défendeur et la société; le montant litigieux constituait le solde dû à cette
dernière. La Cour a ainsi condamné le défendeur à payer 781'732 fr.95, avec
intérêts au taux de 5% par an dès le 1er mars 1999.

C.
Contre ce prononcé, le défendeur exerce le recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Le recours tend principalement au rejet de l'action; des
conclusions subsidiaires tendent à l'annulation du jugement et au renvoi de la
cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
La demanderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet.

D.
Le défendeur a simultanément déféré le jugement de la Cour civile à la Chambre
des recours du Tribunal cantonal. Statuant le 24 octobre 2007, cette autorité a
rejeté le recours et confirmé le jugement.
Le défendeur exerce également le recours en matière civile contre l'arrêt de la
Chambre des recours. Il prend des conclusions semblables à celles du recours
déjà introduit devant le Tribunal fédéral.
La demanderesse conclut au rejet du recours.

E.
Le défendeur a encore introduit une demande de révision dirigée contre le
jugement de la Cour civile et contre l'arrêt de la Chambre des recours. La
Chambre des révisions civiles et pénales du Tribunal cantonal l'a rejetée par
arrêt du 3 juillet 2008.
Contre ce troisième prononcé, le recours du défendeur au Tribunal fédéral a été
jugé irrecevable le 6 novembre 2008, au motif que les sûretés en garantie des
frais judiciaires n'ont pas été fournies (arrêt 4A_358/2008).

Considérant en droit:

1.
En l'espèce, il est douteux que le jugement de la Cour civile soit une décision
cantonale de dernière instance aux termes de l'art. 75 al. 1 LTF, car la
Chambre des recours est entrée en matière sur tous les griefs que le défendeur
élève contre ce prononcé. Cette question peut toutefois rester indécise car
elle n'a pas d'influence sur l'issue de la cause.
Les deux recours sont dirigés contre des jugements finals (art. 90 LTF) et
rendus en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Ils sont formés par une partie
qui a pris part aux instances concernées et qui a succombé dans ses conclusions
(art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr.
(art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduits en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), les recours
sont en principe recevables, sous la réserve ci-indiquée.
Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral
(art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis
les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation
des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en
tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours
(art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce
sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief
invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid.
3.2 p. 88; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement juridique sur
la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Le
recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits
constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans
pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).

2.
A l'exclusion de toute autre critique, le défendeur reproche à la Cour civile
d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'ordonner une seconde
expertise et en refusant d'autoriser l'appel en cause de la Banque B.________.
Il se réfère à l'art. 29 al. 2 Cst.
Consacré par cette disposition constitutionnelle, le droit d'être entendu
confère à toute personne le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit
prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, d'offrir des preuves quant aux
faits de nature à influer sur la décision, de participer à l'administration des
preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504;
127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 97 consid. 2b p. 102). Cette garantie inclut
le droit à l'administration des preuves valablement offertes selon le droit de
procédure applicable, à moins que le fait à prouver ne soit dépourvu de
pertinence ou que la preuve apparaisse manifestement inapte à la révélation de
la vérité. Par ailleurs, le juge est autorisé à effectuer une appréciation
anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte
d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait
impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 131
I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 417 consid. 7b p.
430).
La Chambre des recours retient qu'au regard du droit cantonal de procédure, la
preuve consistant dans une deuxième expertise n'a pas été valablement offerte:
elle n'aurait pu entrer en considération qu'après un complément d'expertise
succédant à l'expertise initiale, de sorte que, en omettant de fournir l'avance
de frais nécessaire au complément d'expertise, le défendeur s'est privé de la
possibilité d'obtenir, éventuellement, la deuxième expertise. Ces
considérations, pourtant décisives, ne sont pas valablement critiquées devant
le Tribunal fédéral. Il eût incombé au défendeur d'invoquer l'art. 9 Cst. et de
mettre en évidence, le cas échéant, une application arbitraire des dispositions
cantonales pertinentes. Au regard de l'art. 106 al. 2 LTF, cela eût exigé une
argumentation topique (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid.
3.2 p. 400), alors que de simples protestations ou dénégations, telles que
celles élevées contre l'arrêt de la Chambre des recours, sont insuffisantes. Le
moyen tiré de l'art. 29 al. 2 Cst. devrait donc être rejeté aussi dans
l'hypothèse où la deuxième expertise semblerait réellement utile à
l'élucidation des faits.
Au demeurant, cette hypothèse n'est pas réalisée. Le défendeur souligne que
l'auteur de l'expertise initiale n'a pas pu consulter la comptabilité originale
de la société, de sorte que son étude est prétendument dépourvue de toute force
probante. La Cour civile, dans son jugement déjà, a établi l'inanité de cette
critique: le défendeur ne tente pas sérieusement de démontrer que la méthode
utilisée par l'expert, fondée sur des documents de substitution, ait pu
entraîner des lacunes ou erreurs importantes dans les conclusions de
l'expertise, et induire cette autorité en erreur quant à la nature de la
prétention comptabilisée par la société faillie. De toute évidence, l'expertise
initiale était donc suffisante au regard de l'art. 29 al. 2 Cst.
Enfin, le droit d'être entendu n'est d'aucune pertinence en ce qui concerne
l'appel en cause de la Banque B.________. La Constitution fédérale ne garantit
pas le droit d'attraire une tierce partie dans le procès en cours. Là encore,
en tant que le droit cantonal de procédure accorde une possibilité de ce genre,
il incombait au défendeur d'invoquer l'art. 9 Cst. et de démontrer, par une
argumentation spécifique, que les règles déterminantes ont été appliquées
arbitrairement.

3.
Les recours se révèlent privés de fondement, dans la mesure où les griefs
présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, leur auteur doit
acquitter les émoluments à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens
auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.

2.
Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 9'500 fr. pour le recours
dirigé contre le jugement de la Cour civile.

3.
Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 9'500 fr. pour le recours
dirigé contre l'arrêt de la Chambre des recours.

4.
Le défendeur versera, à titre de dépens, une indemnité de 21'000 fr. à la
demanderesse.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 22 décembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:

Corboz Thélin