Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.362/2007
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4A_362/2007

Arrêt du 13 novembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Pierre Christe,

contre

Y.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Hubert Theurillat.

vente internationale de marchandise

recours contre l'arrêt rendu le 26 juillet 2007 par la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Jura.

Faits:

A.
X. ________ exploite en Allemagne une entreprise active dans le secteur de la
métallurgie. En mai 2001, il commanda à Y.________ SA, constructrice de fours
industriels à Alle, un four destiné au traitement thermique de pièces
métalliques. Les caractéristiques et mensurations de l'appareil étaient
définies par divers documents techniques. Le prix était fixé à 208'810 fr.;
le client versa un acompte au montant de 78'000 francs.
Après que l'appareil destiné à la livraison eut subi des essais dans les
locaux de Y.________ SA, X.________ refusa de l'accepter au motif qu'il ne
présentait pas les caractéristiques et mensurations convenues; il déclara la
résolution du contrat.

B.
Le 6 avril 2004, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant le
Tribunal cantonal du canton du Jura. Sa demande tendait au remboursement de
l'acompte par 78'000 fr., avec intérêts au taux de 5% par an dès le 28 août
2001, et au versement de dommages-intérêts par 5'052 fr.20 et 14'180 fr.90,
ces deux sommes portant intérêts au taux précité, respectivement dès le 1er
juin 2002 et le 18 mars 2003.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
La Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée le 26 juillet 2007 après
qu'une expertise eut été accomplie; elle a donné gain de cause à la
défenderesse. Selon son jugement, l'appareil ne présente qu'un petit défaut,
réparable facilement et à peu de frais; il est exempt des défauts essentiels
allégués par le demandeur.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, X.________ saisit le
Tribunal fédéral de conclusions identiques à celles prises dans l'instance
précédente.
La défenderesse conclut au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est
recevable; le Tribunal cantonal présente des observations tendant également
au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75
al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art.
51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Il est formé par une partie qui a
pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76
al. 1 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral ou international
(art. 95 let. a et b LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office,
hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par
l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des
faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la
partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la
motivation du recours; il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art.
42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254). Le recours
n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits
constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions
sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut
compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se
révèlent manifestement inexactes ou établies en violation du droit (art. 105
al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations
de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer
sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Cette partie ne peut toutefois
pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres
allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; elle doit
plutôt indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont contraires au
droit ou entachées d'une erreur indiscutable; une critique qui ne satisfait
pas à cette exigence est irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254;
voir aussi ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p.
495). En règle générale, les preuves nouvelles ne sont pas admises (art. 99
al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat soumis à la
Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises (RS 0.221.211.1; ci-après la convention ou CVIM). Le demandeur
soutient que l'appareil commandé par lui et offert par la défenderesse
présente des défauts très graves, au point qu'ils constituent une
contravention essentielle, d'après les termes de l'art. 25 CVIM, aux
obligations contractuelles de cette partie, et qu'en raison de cette
contravention, le contrat a été valablement résolu en application de l'art.
49 al. 1 let. a CVIM. La prétention en remboursement de l'acompte est fondée
sur l'art. 81 al. 2 CVIM; les dommages-intérêts sont réclamés sur la base de
l'art. 74 CVIM. La contestation porte surtout sur les faits de la cause, en
ce qui concerne les qualités que la défenderesse a promises pour l'appareil
commandé et celles que l'appareil fourni présente effectivement.

3.
Selon l'arrêt de la Cour civile, « [le demandeur] n'a pu rapporter la preuve
que le four de la défenderesse n'était pas conforme au contrat ». Ce jugement
est tenu pour contraire à l'art. 8 CC qui régit le fardeau de la preuve dans
les contestations soumises au droit civil fédéral. Il est vrai que selon la
jurisprudence relative à la convention, lorsque l'acheteur a refusé la
marchandise au motif qu'elle ne correspond pas à ce que les parties avaient
convenu, il incombe alors au vendeur de prouver que cette marchandise est au
contraire conforme au contrat (ATF 130 III 258 consid. 5.3 p. 265).
Cependant, si le juge parvient à constater tous les faits déterminants pour
l'application du droit, il est dispensé de rechercher à quelle partie il
incombait de prouver quels faits (ATF 131 III 646 consid. 2.1 p. 649; 128 III
271 consid. 2b/aa in fine p. 277). En l'occurrence, la Cour a constaté
l'absence de chacun des défauts allégués, hormis l'un d'eux qu'elle a
considéré comme peu important. L'état des défauts respectivement avérés ou
inexistants se trouve ainsi établi, de sorte que l'arrêt se révèle conforme
tant à l'art. 8 CC qu'aux principes de la convention relatifs au fardeau de
la preuve.

4.
Le demandeur reproche à la Cour civile d'avoir violé l'art. 8 CVIM qui régit
l'interprétation des déclarations et manifestations de volonté des parties,
ou l'interprétation d'autres indices de leurs intentions, en ne retenant pas
que selon le contrat, l'appareil commandé devait présenter certaines
caractéristiques qui se révèlent absentes. Cela concerne surtout la
possibilité de mesurer la pression des gaz à l'intérieur, la classe de
qualité par rapport à l'homogénéité de la température et la compatibilité de
l'appareil avec un système informatique dit « demig ». Quant aux faits à la
base de cette argumentation juridique, le demandeur se réfère exclusivement à
un dossier de pièces qu'il produit plutôt qu'aux constatations de la Cour
énoncées dans l'arrêt attaqué. Bien que les pièces ainsi jointes au recours
semblent correspondre à celles déjà produites dans l'instance précédente, ce
procédé méconnaît que la constatation des faits et l'appréciation des preuves
ressortit à la juridiction cantonale; il est irrecevable au regard des art.
99 al. 1 et 105 al. 1 LTF.

5.
Par une décision incidente du 14 décembre 2006, la Cour civile a rejeté une
requête du demandeur tendant à l'audition d'un témoin. Elle a considéré que
selon le droit cantonal applicable à la procédure, les parties doivent
articuler tous leurs moyens de fait et de droit, y compris les offres de
preuve, au plus tard lors des premières plaidoiries. En l'occurrence, le
demandeur était forclos car la cause avait été plaidée à l'audience du 31
octobre précédent. A l'appui du recours en matière civile, le demandeur
reproche à la Cour d'avoir appliqué arbitrairement, donc en violation de
l'art. 9 Cst., les art. 88 et 92 al. 1 CPC jur.: ces dispositions autorisent
le juge à faire administrer d'office, en tout état de cause, les preuves qui
lui paraissent nécessaires.
Au regard des explications développées à l'appui de la requête et répétées
devant le Tribunal fédéral, il semble possible que le témoignage offert eût
pu influencer l'issue du procès. Cependant, les dispositions ici invoquées,
relatives au pouvoir discrétionnaire du juge, n'ont pas pour objet d'exonérer
les plaideurs des devoirs de célérité et de diligence qui leur sont imposés
par d'autres dispositions de la loi. La Cour jouissait donc d'un très large
pouvoir d'appréciation et, ainsi qu'elle l'a relevé, le demandeur se trouvait
en situation de présenter sa requête déjà à l'audience du 31 octobre 2006.
Dans ces conditions, le rejet de l'offre de preuve semble conforme aux règles
de la procédure cantonale, ce qui entraîne l'échec du grief fondé sur l'art.
9 Cst. (cf. ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p.
473/474). Le refus de la Cour est aussi compatible avec le droit d'être
entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. car celui-ci ne permet d'exiger, le
cas échéant, que l'administration des preuves valablement offertes selon le
droit de procédure applicable (cf. ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425
consid. 2.1 p. 428).

6.
Le demandeur critique l'expertise judiciaire et il reproche à la Cour civile
d'avoir violé l'art. 9 Cst. en se référant à cette étude nonobstant ses
défauts.
Selon la jurisprudence relative à cette disposition constitutionnelle, le
juge apprécie librement la force probante d'une expertise. Dans le domaine
des connaissances professionnelles particulières de l'expert, il ne peut
toutefois s'écarter de son opinion que pour des motifs importants qu'il lui
incombe d'indiquer; il est au contraire tenu de recueillir des preuves
complémentaires lorsque les conclusions de l'expertise judiciaire se révèlent
douteuses sur des points essentiels (ATF 130 I 337 consid. 5.4.2 p. 345/346;
128 I 81 consid. 2 p. 86; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146/147).
Sur la base du rapport d'expertise, le demandeur relève que dans
quelques-unes de ses opérations, l'expert s'est concerté avec la
défenderesse. Il met aussi en évidence que de nombreux contacts sont survenus
entre l'expert et cette partie, par le fait que l'appareil se trouvait dans
les locaux d'icelle. A son avis, l'expert est donc suspect de partialité. Or,
cette opinion et les commentaires qui l'accompagnent ne suffisent pas à
susciter un doute sérieux sur la validité du rapport et de ses conclusions.
L'expert a notamment étudié l'homogénéité de la température à l'intérieur du
four. A cette fin, il a réparti plusieurs thermocouples en divers points de
l'espace utile dans cet appareil. Il a préalablement fait un essai avec tous
les thermocouples placés au même endroit, en vue de tenir compte ensuite des
écarts de mesure apparaissant entre ces instruments. Le demandeur développe
une longue critique de la méthode ainsi employée et des erreurs qu'elle a pu
engendrer. Cette argumentation ne s'inscrit pas dans les moyens admissibles
selon l'art. 97 al. 1 LTF car dans l'instance précédente, le demandeur n'a
pas eu moins de trois occasions de poser des questions complémentaires à
l'expert, questions auxquelles celui-ci a chaque fois répondu de façon
détaillée. C'est dans ce cadre que le demandeur aurait pu et dû soulever la
critique présentement exposée, pour ensuite, à défaut de réponse
satisfaisante, dénoncer les faiblesses de la méthode devant la Cour civile;
l'instance fédérale n'est pas le lieu de continuer une discussion de
l'expertise.

7.
Le demandeur reproche encore à la Cour civile d'avoir violé l'art. 29 al. 2
Cst. en tant que cette disposition lui garantit une décision suffisamment
motivée (cf. ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 133 III 439
consid. 3.3 p. 445; 130 II 530 consid. 4.3 p. 540).
La Cour indique textuellement que le défaut constaté sur l'appareil destiné à
la livraison, réparable facilement et à peu de frais, ne justifie pas la
résolution du contrat par le demandeur, et que par conséquent, cette partie
ne peut réclamer ni la restitution de l'acompte reçu par l'autre partie ni le
versement de dommages-intérêts. L'action était donc entièrement rejetée et la
cause se trouvait ainsi terminée. Dans ces conditions, contrairement à
l'opinion soutenue devant le Tribunal fédéral, la Cour n'avait pas à émettre
un avis sur le point de savoir si « le contrat était maintenu ou non » et
elle n'avait pas non plus à se prononcer sur les prétentions en
dommages-intérêts que l'adverse partie élevait à fin de compensation et qui
constituaient une défense subsidiaire.

8.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs
présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit
acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens
auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 5'000 fr.

3.
Le demandeur versera une indemnité de 6'000 fr. à la défenderesse à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 13 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le greffier:

Corboz Thélin