Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.346/2007
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4A_346/2007 /ech

Arrêt du 16 novembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mmes les juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

AA.________,
AB.________,
AC.________,
AD.________,
AE.________,
AF.________,
AG.________,
AH.________,
AI.________,
AJ.________,
AK.________,
AL.________,
AM.________,
AN.________,
AO.________,
AP.________,
AQ.________,
AR.________,
AS.________,
AT.________,
AU.________,
AV.________,
AW.________,
AX.________,
AY.________,
BA.________,
BB.________,
BC.________,
BD.________,
BE.________,
BF.________,
BG.________,
BH.________,
BI.________,
BJ.________,
BK.________,
BL.________,
BM.________,
BN.________,
BO.________,
BP.________,
BQ.________,
BR.________,
BS.________,
BT.________,
BU.________,
BV.________,
BW.________,
BX.________,
BY.________,
BZ.________,
CA.________,
CB.________,
CC.________,
CD.________,
CE.________,
CF.________,
CG.________,
CH.________,
CI.________,
CJ.________,
CK.________,
tous représentés par Me Jean-Michel Dolivo,
demandeurs et recourants,

contre

X.________ SA en liquidation concordataire, représentée par Me Pierre-Alain
Killias,
Y.________ SA,
représentée par Mes Laurent Moreillon et Miriam Mazou,
défenderesses et intimées.

contrats de travail; licenciement collectif

recours en matière civile contre le jugement rendu le 31 janvier 2007 par la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A.
X. ________ SA, actuellement en liquidation concordataire, était auparavant
une société active dans l'industrie des denrées alimentaires; elle employait
de nombreux travailleurs dans plusieurs lieux de production, notamment à
Lucens et au Mont-sur-Lausanne.
Le 25 septembre 2002, la société a annoncé au Département de l'économie du
canton de Vaud le licenciement collectif de cent vingt-quatre travailleurs
employés dans ce canton. Le 30 du même mois, elle a notifié leur licenciement
à chacun de ces travailleurs. Les contrats ainsi résiliés devaient expirer à
la fin des mois d'octobre, novembre ou décembre 2002, ou janvier 2003. Les
travailleurs ont tous fait opposition à leur congé.
La société a par la suite conclu un contrat avec Y.________ SA, le 16
décembre 2002, selon lequel cette dernière, aux fins de ses propres activités
dans le même secteur d'industrie, reprendrait les sites de production de
Thoune, Lucens et Le Mont-sur-Lausanne, et se substituerait à la cédante dans
les contrats qui liaient celle-ci au personnel de ces sites. Par lettres du
27 décembre adressées à chacun des travailleurs du Mont-sur-Lausanne,
X.________ SA a informé les destinataires de leur prochain transfert à
Y.________ SA et elle a déclaré retirer le congé qu'elle leur avait notifié.
Tous ont poursuivi leur activité salariée au delà du 31 janvier 2003,
désormais au service de Y.________ SA; aucun ne s'est opposé à la poursuite
des rapports de travail ni au transfert desdits rapports à cet employeur-ci.

B.
Par jugement du 20 février 2003, le Tribunal de prud'hommes de
l'arrondissement de Lausanne a constaté que X.______ SA n'avait pas respecté
la procédure de consultation de la représentation des travailleurs qui doit
être observée préalablement à un licenciement collectif. Ce jugement fut
confirmé par le Tribunal cantonal puis, le 16 décembre 2003, par le Tribunal
fédéral (arrêt 4C.463/2003; ATF 130 III 102).

C.
Dès le 10 mars 2003, soixante-trois des travailleurs du Mont-sur-Lausanne ont
ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal de prud'hommes. Leurs
causes furent jointes et reportées devant la Cour civile du Tribunal
cantonal, désormais compétente à raison de la valeur litigieuse; de plus, les
actions furent intentées également à Y.________ SA, les deux défenderesses
devant être condamnées solidairement. Chaque demandeur réclamait une
indemnité pour licenciement abusif correspondant à deux mois de salaire, avec
intérêts au taux de 5% par an dès le 1er octobre 2002. Après que certains
d'entre eux eurent amplifié ou, au contraire, réduit leurs conclusions, la
Cour était saisie, en capital, des prétentions ci-après:
AA.________ 10'725 fr.
AB.________ 10'291 fr.65
AC.________ 12'809 fr.35
AD.________ 10'725 fr.
AE.________ 9'045 fr.85
AF.________ 9'858 fr.35
AG.________ 12'284 fr.65
AH.________ 15'166 fr.65
AI.________ 15'166 fr.65
AJ.________ 10'833 fr.35
AK.________ 9'132 fr.50
AL.________ 9'750 fr.
AM.________ 12'046 fr.65
AN.________ 8'883 fr.35
AO.________ 12'133 fr.35
AP.________ 9'912 fr.50
AQ.________ 9'425 fr.
AR.________ 10'400 fr.
AS.________ 10'183 fr.35
AT.________ 11'411 fr.85
AU.________ 11'468 fr.15
AV.________ 3'754 fr.85
AW.________ 16'250 fr.
AX.________ 6'825 fr.
AY.________ 9'100 fr.
AZ.________ 9'750 fr.
BA.________ 13'541 fr.65
BB.________ 12'209 fr.15
BC.________ 3'915 fr.15
BD.________ 10'833 fr.35
BE.________ 3'531 fr.65
BF.________ 10'963 fr.35
BG.________ 9'154 fr.15
BH.________ 8'125 fr.
BI.________ 9'533 fr.35
BJ.________ 10'616 fr.65
BK.________ 9'370 fr.85
BL.________ 11'973 fr.
BM.________ 11'004 fr.50
BN.________ 14'451 fr.65
BO.________ 7'540 fr.
BP.________ 5'611 fr.65
BQ.________ 8'341 fr.65
BR.________ 8'883 fr.35
BS.________ 8'120 fr.65
BT.________ 8'450 fr.
BU.________ 8'125 fr.
BV.________ 9'533 fr.35
BW.________ 10'400 fr.
BX.________ 10'725 fr.
BY.________ 11'223 fr.35
BZ.________ 9'221 fr.35
CA.________ 10'075 fr.
CB.________ 10'291 fr.65
CC.________ 9'960 fr.15
CD.________ 10'075 fr.
CE.________ 9'474 fr.85
CF.________ 12'133 fr.35
CG.________ 7'464 fr.20
CH.________ 10'941 fr.65
CI.________ 9'858 fr.35
CJ.________ 5'579 fr.15
CK.________ 10'725 fr.
Contestant toute obligation, les deux défenderesses ont conclu au rejet des
actions.
La Cour civile s'est prononcée le 31 janvier 2007; elle a donné gain de cause
aux défenderesses. Elle a retenu que les congés étaient certes abusifs, que
les demandeurs avaient toutefois, de manière tacite,  accepté leur retrait,
et que la poursuite des rapports de travail éteignait l'obligation de leur
verser des indemnités par suite de ces congés.

D.
Agissant conjointement par la voie du recours en matière civile, les
demandeurs saisissent le Tribunal fédéral de conclusions identiques à celles
prises finalement devant la Cour civile.
Les défenderesses concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le jugement de la Ire Cour civile étant postérieur à l'entrée en vigueur, au
1er janvier 2007, de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RO 2006 p. 1242), la cause est soumise à cette loi (art. 132 al. 1
LTF).

2.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75
al. 1 LTF). Déterminée conformément aux art. 51 al. 1 let. a et 52 LTF
(consid. 3 ci-dessous), la valeur litigieuse excède le minimum légal de
15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF).
Le recours est formé par des plaideurs qui ont pris part à l'instance
précédente et succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Déposé en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à
3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254). Il conduit
son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision
attaquée (art. 105 al. 1 LTF).

3.
Aux termes de l'art. 52 LTF, les divers chefs de conclusions formés dans une
affaire pécuniaire par la même partie ou par des consorts sont additionnés, à
moins qu'ils ne s'excluent. Cette règle correspond à l'art. 47 al. 1 de la
loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ), en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2006.
Selon la jurisprudence, il y a lieu d'additionner les conclusions prises par
plusieurs demandeurs lorsque, entre autres cas, elles portent sur des
prétentions de même nature et fondées sur une cause matérielle et juridique
essentiellement de même nature; il faut en outre que ces conclusions aient
été effectivement réunies en instance cantonale, même si les demandeurs n'ont
pas d'emblée agi conjointement, et qu'elles aient abouti à une décision
unique (ATF 103 II 41 consid. 1c p. 44; voir aussi ATF 122 III 229 consid. 2b
p. 231). Ces conditions sont satisfaites en l'espèce; le Tribunal fédéral
doit donc statuer sur toutes les prétentions en cause, y compris celles - en
forte majorité - qui n'atteignent pas le plancher de 15'000 francs.

4.
Il est constant que X.________ SA s'est liée aux demandeurs par des contrats
de travail et qu'elle a procédé à leur licenciement collectif sans respecter
les obligations qui lui incombaient selon l'art. 335f CO, concernant la
consultation préalable de la représentation des travailleurs.
Un contrat de travail de durée indéterminée peut être résilié conformément à
l'art. 335 al. 1 CO. La résiliation est cependant abusive lorsqu'elle
intervient dans l'une des situations énumérées à l'art. 336 al. 1 ou 2 CO,
soit notamment, selon l'art. 336 al. 2 let. c CO, lorsque l'employeur procède
à un licenciement collectif sans avoir consulté la représentation des
travailleurs.
Selon l'art. 336a al. 1 et 2 CO, la partie qui a résilié abusivement doit à
l'autre une indemnité à fixer par le juge et correspondant, en règle
générale, à six mois de salaire au plus. L'art. 336a al. 3 CO limite à deux
mois de salaire, au plus, l'indemnité due en cas de licenciement collectif
sans consultation préalable de la représentation des travailleurs. C'est
cette indemnité qui est présentement revendiquée par les demandeurs.

5.
D'après l'art. 336b al. 1 et 2 CO, la partie qui envisage de réclamer une
indemnité par suite d'un licenciement abusif doit faire opposition au congé
auprès de l'autre partie, par écrit et au plus tard à la fin du délai de
congé (al. 1). Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent
pas pour maintenir le rapport de travail, celle qui a reçu le congé peut
faire valoir sa prétention; au besoin, et sous peine de péremption, elle doit
agir en justice dans un délai de cent huitante jours (al. 2). Si, au
contraire, les parties s'accordent et conviennent de maintenir le rapport de
travail, la créance d'indemnité s'éteint. Dans les éventuelles négociations
qui suivent l'opposition au congé, le travailleur n'a aucun devoir d'accepter
une modification du contrat de travail; en revanche, le travailleur doit
accepter un retrait du congé, en ce sens que même s'il refuse le retrait,
celui-ci éteint la créance d'indemnité (ATF 123 III 246 consid. 4c p. 252).
La Cour civile retient que les demandeurs ont fait opposition aux congés, que
X.________ SA leur a déclaré retirer ces mêmes congés et que les demandeurs
ont tacitement accepté ce retrait en poursuivant les rapports de travail
comme si l'employeuse ne les avait pas licenciés. D'après la Cour, les
parties ont ainsi conclu des contrats ayant pour objet de tenir les congés
pour non avenus, et il résulte de cette situation que les indemnités
réclamées ne sont pas dues.
Ce jugement est exactement conforme à l'art. 336b al. 2 CO. Pour le
contester, les demandeurs soutiennent que dans le cas particulier du
licenciement abusif visé par les art. 336 al. 2 let. c CO et 336a al. 3 CO,
l'indemnité est due même si les congés ne prennent pas effet et que les
rapports de travail sont finalement poursuivis. Ils consacrent de longs
développements à la nature et au but des indemnités prévues par l'art. 336a
CO mais ces généralités n'apportent rien à l'appui de leur thèse. Celle-ci
méconnaît que d'après son texte et sa place dans le système de la loi, l'art.
336b CO régit en principe tous les cas de licenciement abusif. Le Tribunal
fédéral a d'ailleurs déjà admis, sans que cela ne prêtât à discussion, que le
délai de péremption de l'art. 336b al. 2 CO doit être respecté aussi après un
licenciement collectif sans consultation de la représentation des
travailleurs (ATF 132 III 406 consid. 2 p. 408).
La règle prévoyant l'opposition au congé a pour but de favoriser la
négociation entre les parties et, au delà, la continuation du rapport de
travail plutôt que le paiement d'une indemnité (Ullin Streiff et Adrian von
Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 6e éd., 2006, p. 713 ch. 4). Cela
coïncide avec l'objectif des art. 335f et 335g CO concernant la procédure
préalable aux licenciements collectifs, en tant que celle-ci est destinée à
favoriser la sauvegarde des emplois compromis (Streiff/von Kaenel, op. cit.,
p. 629 ch. 2). Dans ces conditions, on ne voit guère ce qui pourrait
justifier l'opinion ici défendue par les demandeurs. Ceux-ci soulignent
vainement qu'en l'espèce, le retrait des congés n'est pas le fruit de
négociations avec eux mais une échappatoire consécutive au contrat que
l'employeuse a pu conclure avec Y.________ SA alors qu'elle bénéficiait d'un
sursis concordataire. En effet, il est classique que des emplois menacés par
les difficultés financières de l'employeur soient sauvegardés, si possible,
au moyen d'un transfert de l'entreprise, ou d'une partie de l'entreprise, à
un autre employeur.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre
de parties qui succombent, les demandeurs doivent acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens à allouer aux défenderesses.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les demandeurs acquitteront un émolument judiciaire de 8'000 francs.

3.
Les demandeurs verseront à X.________ SA, solidairement entre eux, une
indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4.
Les demandeurs verseront à Y.________ SA, solidairement entre eux, une
indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 16 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: