Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.288/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_288/2007

Arrêt du 4 février 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les juges Corboz, président, Klett, Kolly, Kiss et Romy, juge
suppléante.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________ création SA,
X.________ international SA,
demanderesses et recourantes, représentées par
Me Philippe Azzola,

contre

Y.________ bijoux SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Jean-Franklin Woodtli,
Z.________ joaillerie Sàrl,
intervenante et intimée, représentée par Me Kamen Troller.

Objet
protection des designs

recours contre l'arrêt rendu le 8 juin 2007 par la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève.

Faits:
A.
Les sociétés X.________ international SA et X.________ création SA sont actives
dans la fabrication et la vente des articles de luxe, en particulier des
produits de bijouterie, joaillerie et horlogerie.
X.________ international SA est titulaire de deux enregistrements de modèles
auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, destinés à
protéger sa collection de bijoux X.________. L'enregistrement n° DM/045 361, du
4 juin 1998 et renouvelé jusqu'au 4 juin 2008, comprend vingt-deux modèles de
bagues et pendentifs; l'enregistrement n° DM/048 915, du 14 avril 1999 et
renouvelé jusqu'au 14 avril 2009, comprend nonante-quatre modèles. La Suisse
est l'un des Etats désignés pour ces enregistrements.
La titulaire a concédé à X.________ création SA le droit d'exploiter ses
modèles. Les bijoux X.________, réalisés selon lesdits modèles, se
reconnaissent à la présence de diamants ou d'autres pierres précieuses insérés
dans des douilles, lesquelles bougent librement entre deux parois parallèles et
transparentes.
En février 2005, dans les vitrines de trois magasins exploités sous l'enseigne
Y.________ bijoux à Genève, les sociétés X.________ ont découvert dix-huit
exemplaires de bijoux présentant, selon elles, les formes et caractéristiques
des modèles protégés. Ils étaient proposés à la vente à des prix sensiblement
inférieurs aux leurs.
B.
Le 8 juin 2005, après qu'elles eurent obtenu et fait exécuter des mesures
provisionnelles, les sociétés X.________ ont ouvert conjointement action contre
Y.________ bijoux SA devant la Cour de justice du canton de Genève. Selon leurs
conclusions ultérieurement modifiées, la Cour devait constater que les bijoux
proposés par la défenderesse constituaient une violation des enregistrements
n°s DM/045 361 et DM 048 915; elle devait interdire à cette partie d'exposer,
vendre, mettre en vente, mettre en circulation ou offrir de toute autre manière
les bijoux litigieux; elle devait condamner la défenderesse à remettre toutes
les pièces comptables, bulletins de livraison et factures relatifs à l'achat et
à la vente de ces bijoux; elle devait ordonner la destruction de trente-et-un
objets saisis dans le cadre des mesures provisionnelles; enfin, elle devait
condamner la défenderesse au paiement de 14'420 fr. à titre de restitution du
gain illicite, 17'000 fr. à titre de dommages-intérêts pour gain manqué et
5'000 fr. pour réparation morale.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Z.________ joaillerie Sàrl, également active dans le secteur des produits de
bijouterie, avait fourni les pièces offertes à la vente par la défenderesse;
elle est intervenue au procès. D'après les conclusions principales qu'elle
dirigeait contre les demanderesses, la Cour devait constater la nullité des
modèles n°s 1.1, 6.1 et 16 de l'enregistrement no DM/045 361 et la nullité du
modèle n° 85.1 de l'enregistrement no DM 048 915, et révoquer les mesures
provisionnelles; d'après ses conclusions subsidiaires, la Cour devait constater
que les bijoux litigieux ne contreviennent pas aux droits conférés aux
demanderesses par les modèles précités et que leur mise dans le commerce ne
constitue pas un acte de concurrence déloyale.
La Cour de justice a statué le 8 juin 2007; accueillant les conclusions
principales de l'intervenante, elle a constaté la nullité de ces quatre
modèles. Selon son jugement, ils ne satisfaisaient pas aux conditions légales
de nouveauté et d'originalité lors du dépôt à fin d'enregistrement. La Cour a
débouté les demanderesses de toutes leurs conclusions.
C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, les demanderesses ont requis
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de renvoyer la
cause à cette autorité pour nouvelle décision.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où celui-ci était
recevable.

Considérant en droit:
1.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours
doit comporter des conclusions portant sur le sort de la cause et la partie
recourante n'est en principe pas recevable à réclamer seulement l'annulation de
la décision attaquée. Ce procédé-ci n'est admis que dans l'hypothèse où le
Tribunal fédéral, en cas de succès du recours, ne pourrait de toute manière pas
rendre un jugement final et devrait, au contraire, renvoyer la cause à la
juridiction cantonale pour complètement de l'état de fait et nouvelle décision
selon l'art. 107 al. 2 LTF (ATF 133 III 489 consid. 3; voir aussi ATF 95 II 433
consid. 1 p. 436; 132 III 186 consid. 1.2 p. 188).
En l'occurrence, si le Tribunal fédéral venait à retenir que les modèles
litigieux ont été annulés à tort, il ne serait pas en mesure de déterminer si
les bijoux mis en vente par la défenderesse portent atteinte à ces mêmes
modèles car l'arrêt de la Cour de justice ne contient pas de constatations
suffisantes à cet égard. Les constatations de l'arrêt ne permettent pas non
plus d'évaluer le dommage éventuellement subi par les demanderesses. Il
s'imposerait donc de renvoyer la cause à la juridiction cantonale. Au regard de
cette situation et de la jurisprudence précitée, les conclusions soumises au
Tribunal fédéral sont conformes à l'art. 42 al. 1 LTF.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF),
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et à l'issue d'une instance
cantonale unique prescrite par le droit fédéral (consid. 3 ci-dessous). Le
recours n'est soumis à aucune exigence concernant la valeur litigieuse (art. 74
al. 2 let. b LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Introduit en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3
LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours
(art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254) et il ne se prononce
sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief
invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; même arrêt, consid.
1.4.2). En règle générale, il conduit son raisonnement juridique sur la base
des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).
2.
La protection de la propriété intellectuelle étant revendiquée en Suisse, la
cause est soumise au droit suisse selon l'art. 110 al. 1 de la loi fédérale sur
le droit international privé (LDIP).
3.
Les enregistrements internationaux n°s DM/045 361 et DM/048 915 ont été
effectués dans le cadre de l'Arrangement de La Haye concernant l'enregistrement
international des dessins et modèles industriels, actuellement régi, en ce qui
concerne la Suisse, par l'Acte de Genève conclu le 2 juillet 1999 (RS
0.232.121.4) et par la loi fédérale sur la protection des designs du 5 octobre
2001 (LDes; RS 232.12). En vertu de l'art. 52 al. 1 LDes, cette loi s'applique
aux dessins et modèles enregistrés avant son entrée en vigueur.
Aux termes de l'art. 9 al. 1 LDes, le droit à un modèle ou dessin industriel,
dit design, confère à son titulaire le droit d'interdire aux tiers
l'utilisation du design à des fins industrielles. Par utilisation, on entend
notamment la fabrication, l'entreposage, l'offre, la mise en circulation et la
possession à ces fins. Le droit prend naissance avec l'enregistrement du design
dans le registre suisse (art. 5 al. 1 LDes), ou, si la Suisse est désignée,
avec un enregistrement international effectué selon l'Arrangement de La Haye
(art. 29 LDes).
Outre l'enregistrement, la protection légale suppose que le design soit nouveau
et original (art. 2 al. 1 LDes). Dès le dépôt de la demande d'enregistrement,
le design est présumé nouveau et original (art. 21 LDes).
Sur la base de l'art. 33 LDes, celui qui y a un intérêt juridique peut agir en
justice afin de faire constater qu'un design enregistré ne bénéficie pas de la
protection légale (Robert Stutz, Stephan Beutler et Muriel Künzi, Designgesetz,
Berne 2006, ch. 14 ad art. 33 LDes). Le demandeur peut notamment faire valoir,
le cas échéant, que ce design n'est pas nouveau ou pas original; il lui incombe
de prouver le défaut de nouveauté ou d'originalité (Stutz et al., op. cit. ch.
18 et 19 ad art. 33 LDes). Il peut notamment présenter des objets au design
identique et prouver que ces objets étaient commercialisés en Suisse déjà avant
le dépôt de la demande d'enregistrement (cf. Stutz et al., op. cit., ch. 66 ad
art. 2 LDes; arrêt 4C.344/2006 du 8 janvier 2007, consid. 2.2.2).
L'action en nullité de l'enregistrement peut aussi être exercée par voie
d'exception contre une action fondée sur le design litigieux et tendant à
l'interdiction prévue par l'art. 9 al. 1 LDes. Dans le cas d'un enregistrement
international, l'action en nullité se rapporte exclusivement aux effets de cet
enregistrement en Suisse. En cas d'enregistrement multiple de plusieurs
designs, l'action peut tendre à l'annulation de certains d'entre eux seulement
(Stutz et al., op. cit., ch. 16, 17 et 20 ad art. 33 LDes; ATF 104 II 322
consid. 3 p. 326). Le droit cantonal de procédure doit prévoir une instance
unique (Stutz et al., op. cit., ch. 7 ad art. 37 LDes) devant un tribunal
supérieur (art. 75 al. 2 LTF).
En l'espèce, l'intervenante a exercé l'action en nullité et la Cour de justice
lui a donné gain de cause. Les demanderesses reprochent à la Cour d'avoir
retenu à tort que les designs litigieux ne sont ni nouveaux ni originaux.
4.
Les demanderesses reprochent d'abord à la Cour d'avoir fondé son appréciation
sur des descriptions insuffisamment détaillées de ces designs; à ce sujet,
elles invoquent l'art. 9 Cst. concernant la protection de toute personne contre
l'arbitraire des organes de l'Etat.
En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation des faits,
l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération,
sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou
encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des
constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).
La Cour a effectivement décrit de manière très sommaire ce qui est dessiné sur
les documents d'enregistrement. Elle a toutefois considéré, à juste titre, que
les illustrations accompagnant le dépôt sont seules déterminantes et que toute
représentation ou description supplémentaire est superflue (ATF 129 III 545
consid. 2.4 p. 551). Pour apprécier l'aptitude des designs à la protection
légale, elle s'est constamment référée aux dessins et jamais à sa propre
description. Le grief d'arbitraire est donc inconsistant.
Les demanderesses reprochent aussi à la Cour d'avoir retenu arbitrairement que
les designs ne sont ni nouveaux ni originaux. Le grief est ici dépourvu de
portée propre car la nouveauté et l'originalité s'examinent directement au
regard des dispositions fédérales pertinentes.
5.
Aux termes de l'art. 2 al. 2 LDes, un design n'est pas nouveau si un design
identique, qui pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné
en Suisse, a été divulgué au public avant la date du dépôt à fin
d'enregistrement; cependant, d'après l'art. 3 let. b LDes, la divulgation n'est
pas opposable à l'ayant droit si elle est le fait de celui-ci et qu'elle s'est
produite dans les douze mois précédents. Le Tribunal fédéral contrôle librement
l'appréciation de la nouveauté (ATF 84 II 653 consid. 1 p. 655).
5.1 D'après le Message du Conseil fédéral du 16 février 2000 relatif à l'Acte
de Genève et à la loi fédérale sur la protection des designs (FF 2000 p. 2587),
la nouveauté d'un design n'est exclue que par l'existence de designs antérieurs
identiques, tandis qu'une impression générale de ressemblance n'est pas
suffisante (p. 2597). La notion de l'identité s'interprète donc étroitement,
même si, conformément aux considérants de la Cour de justice, l'identité ayant
pour effet d'exclure la nouveauté n'est pas absolue; il faut faire abstraction,
en particulier, des éléments qui ne contribuent pas clairement à l'apparence
générale de l'objet aux yeux du public (Peter Heinrich, DesG/HMA: Kommentar zum
schweizerischen Designgesetz [...], Zurich 2002, ch. 46 ad art. 2 LDes). Ainsi,
lorsqu'un design ne diffère d'un autre que par des détails peu perceptibles, il
ne satisfait pas à l'exigence de la nouveauté (Stutz et al., op. cit., ch. 90
ad art. 2 LDes).
La nouveauté peut résulter de la combinaison concrète des caractéristiques qui,
ensemble, donnent au design son apparence, également dans l'hypothèse où,
considérées isolément, ces caractéristiques ne pourraient pas prétendre à la
nouveauté (Heinrich, op. cit., ch. 47 ad art. 2 LDes). Lors de la comparaison
avec un design préexistant, il faut se concentrer sur le produit dans son
ensemble, ce qui ne signifie pas, toutefois, que l'on puisse se référer au
critère de l'impression générale (opinion contraire: Stutz et al., loc. cit.,
ch. 91). La finesse des critères de comparaison est relative; elle dépend
notamment de la grandeur de l'objet et de l'attention qui lui est consacrée
(Heinrich, op. cit., ch. 53 ad art. 2 LDes). Enfin, pour juger de la nouveauté,
les facultés d'appréciation du public cible, soit celles des personnes
potentiellement intéressées à une acquisition, sont déterminantes (Heinrich,
op. cit., ch. 57 ad art. 2 LDes).
Conformément à l'argumentation des demanderesses, s'il s'agit de comparer des
bijoux qui sont le fruit d'un travail conjuguant esthétique et précision, les
critères de comparaison doivent être particulièrement subtils. On ne saurait
toutefois poser a priori que la comparaison doive s'effectuer « avec une
précision de l'ordre du millimètre ».
5.2 La Cour de justice constate que les demanderesses ont publié un catalogue
de leur collection X.________ en 1996 déjà; elle considère que certains
articles de ce catalogue présentent les mêmes caractéristiques principales que
les designs litigieux et produisent la même impression générale parce que sur
tous ces bijoux, soit des boucles d'oreilles, bagues ou pendentifs, on observe
un élément de base, carré, rond ou en forme de coeur, à bords assez larges,
avec une cavité en son centre dans laquelle sont placées une ou plusieurs
pierres précieuses; en raison de cette similitude, la Cour retient que les
designs contestés n'ont pas le caractère de nouveauté requis par la loi.
Ces considérations ne sont pas conformes au droit fédéral car une impression
générale de ressemblance ne suffit pas à exclure la nouveauté; celle-ci doit
être reconnue, au contraire, s'il y a absence d'identité entre les
caractéristiques principales des modèles comparés.
Le modèle n° 1.1 de l'enregistrement n° DM/045 361 présente une bague carrée.
Par rapport au catalogue de 1996, le cadre est plus étroit, la cavité est plus
grande et la pierre précieuse mobile a une taille plus importante. Le modèle n°
6.1 est une bague ronde au bord plat, tandis que le catalogue montre un bord
bombé. Le modèle n° 16 est un pendentif en forme de coeur; le bord est aussi
plat plutôt que bombé; de plus, ce bord est plus large et la cavité est plus
petite. Le modèle n° 85.1 de l'enregistrement n° DM/048 915 comporte une double
bélière qui surmonte un pendentif de forme ronde; il n'est pas non plus
identique à l'article visé dans le catalogue.
La comparaison entre les designs litigieux et les bijoux du catalogue,
reproduits ou décrits dans la décision de la Cour, révèle que ces designs ne
sont pas identiques; au contraire, ils se distinguent par des éléments qui ne
peuvent pas être qualifiés de détails peu perceptibles. Dans ces conditions,
les demanderesses sont fondées à critiquer la décision attaquée et soutenir que
les designs sont nouveaux selon l'art. 2 al. 2 LDes.
6.
Aux termes de l'art. 2 al. 3 LDes, un design n'est pas original si, par
l'impression générale qu'il dégage, il ne se distingue pas, sinon par des
caractéristiques mineures, d'un design qui pouvait être connu des milieux
spécialisés du secteur concerné en Suisse.
6.1 Dans une cause récente, le Tribunal fédéral a discuté la portée de cette
disposition au regard des principes consacrés en droit de l'Union européenne,
de la conception développée par le Conseil fédéral dans son message du 16
février 2000, de la jurisprudence relative à la législation fédérale antérieure
et des critiques de la doctrine (ATF 133 III 189 consid. 3 p. 190). Il n'y a
pas lieu de revenir sur ce débat dans la présente affaire; il convient plutôt
de s'en tenir aux critères dont le Tribunal fédéral a confirmé la pertinence.
L'art. 8 LDes prévoit que la protection d'un design enregistré s'étend aux
designs qui présentent les mêmes caractéristiques essentielles et qui, de ce
fait, produisent la même impression générale. Les critères de cette disposition
(ATF 129 III 545 consid. 2 p. 548) sont aussi valables pour apprécier le
caractère d'originalité exigé par l'art. 2 al. 3 LDes (ATF 133 III 189 consid.
5.1.1 p. 194).
L'impression générale ne résulte pas des détails du design à examiner mais de
ses caractéristiques essentielles. L'originalité est ainsi niée même si un
nombre significatif de détails diffèrent par rapport à un design antérieur,
quand les designs comparés produisent une impression générale de similitude; on
doit analyser les similitudes plutôt que les différences. Il ne s'agit pas
d'apprécier l'activité créatrice à l'origine du design censément original,
alors même qu'une forme produisant une impression générale de nouveauté est
nécessairement le résultat d'un acte créateur et d'un effort minimum
d'invention. Il faut se référer aux facultés d'appréciation des personnes
intéressées à une acquisition, qui examinent attentivement l'objet proposé;
l'impression générale est celle qui subsiste à court terme dans la mémoire
d'une telle personne (ATF 133 III 189 consid. 3.2 in fine p. 192, 3.3 et 3.4;
129 III 545 consid. 2.3 p. 551). En cas de contestation, le juge peut fonder
son appréciation sur une comparaison directe du design litigieux avec les
modèles préexistants (ATF 129 III 545 consid. 2.6 p. 553). Cette appréciation
relève de l'application du droit fédéral; sur recours, le Tribunal fédéral la
contrôle librement, selon ses propres conceptions et connaissances (ATF 133 III
189 consid. 5.1.2 p. 194).
Les demanderesses font valoir que dans l'industrie de la bijouterie, une
multitude de nouveaux objets sont développés et produits chaque année; à leur
avis, la possibilité de créer de nouveaux designs s'en trouve limitée et
l'appréciation de l'originalité doit tenir compte de cette situation. Il est
exact que dans un secteur où la possibilité de création est effectivement
restreinte, le destinataire du produit consacre plus d'attention aux détails.
Cette circonstance influence donc la faculté d'appréciation des personnes
intéressées à une éventuelle acquisition. Or, cette faculté est déterminante
selon la jurisprudence précitée; ladite circonstance est ainsi prise en
considération avec ce critère (Heinrich, op. cit., ch. 74 ad art. 2 LDes).
6.2 Selon la Cour de justice, les designs litigieux produisent la même
impression générale que les modèles présentés dans le catalogue de 1996, parce
que tous présentent une cavité centrale, en forme de carré, de rond ou de
coeur, dans laquelle sont placées, derrière une paroi transparente, une ou
plusieurs pierres précieuses. La Cour retient que les différences considérées
comme majeures par les demanderesses, soit la largeur de la bordure supérieure
des montures, son aspect plat et lisse, ainsi que la section carrée des bords
autour de la cavité, relèvent d'une simple nuance de style; ces différences ne
font pas passer au second plan la caractéristique première de l'objet, celle
que retient principalement l'observateur, à savoir l'existence de cette cavité
centrale. Les différences sont d'ailleurs difficiles à constater sur les desi
gns et le catalogue, ces documents n'offrant que des vues en plan. Enfin,
certaines de ces différences résultent de nécessités techniques, soit garantir
que la cavité possède un volume et une profondeur suffisant à permettre aux
pierres de se mouvoir librement.
A teneur de l'art. 4 let. c LDes, la protection légale est exclue lorsque les
caractéristiques du design découlent exclusivement de la fonction technique du
produit. La Cour de justice s'est référée à cette disposition pour retenir que
l'aspect large, lisse et plat des bords entourant la cavité des bijoux, ainsi
que la section carrée de ces bords, ne sont pas susceptibles de protection. Il
n'est pas nécessaire d'examiner les critiques que les demanderesses développent
sur ce point car, comme on le verra, l'originalité des designs litigieux doit
être niée même si l'on tient compte de ces particularités.
6.3 Le modèle n° 1.1 de l'enregistrement n° DM/045 361 est un élément carré
fixé sur un anneau; en son centre, il incorpore un objet rond. La Cour de
justice nie son originalité après comparaison avec des pendentifs présentés
dans le catalogue de 1996.
Les designs doivent-ils toujours être comparés avec des designs du même genre,
soit, par exemple, celui d'une bague avec celui d'une autre bague, ou est-il
admissible de comparer des designs de genres différents, tels celui d'une bague
avec celui d'un collier ? Conformément aux opinions développées en doctrine
(Heinrich, op. cit., ch. 82 ad art. 2 LDes, ch. 62 et 63 ad art. 8 LDes; Markus
Wang, Designrecht, Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol.
VI, Bâle 2007, p. 68/69), la comparaison peut dépasser les limites du genre de
produit et s'étendre à des objets qui ne se prêteraient pas à une substitution.
Si le design représentant une bague ne pouvait être comparé qu'avec des bagues,
cela permettrait à un concurrent de reprendre l'élément caractéristique de
cette bague pour le placer sur un collier, sans que le créateur de la bague ne
puisse s'y opposer. Cette solution ne serait pas conforme à l'art. 8 LDes qui
protège, outre le design enregistré, ceux qui présentent les mêmes traits
caractéristiques ou essentiels, et qui éveillent, de ce fait, la même
impression générale.
Avec plusieurs figures du catalogue, le modèle n° 1.1 a en commun la cavité
centrale contenant un ou plusieurs diamants. L'anneau auquel cet élément est
fixé est si simple qu'il doit être qualifié d'élément secondaire. Les chaînes
des pendentifs sont aussi des éléments secondaires. Partant, l'élément
caractéristique du design litigieux - un carré dans lequel se trouve une cavité
contenant un diamant mobile - est le même que celui des pendentifs. Les
différences avancées par les demanderesses, à savoir la largeur de la bordure,
le fait qu'elle n'est pas sertie de diamants et son aspect anguleux, relèvent
des caractéristiques secondaires. Au demeurant, la bordure des bijoux du
catalogue semble aussi anguleuse. Ainsi, ce que retient l'acheteur intéressé,
c'est cette cavité contenant des diamants mobiles.
Le modèle n° 6.1 est un élément rond posé sur un anneau; cet élément présente
une cavité et un objet rond est incorporé en son centre. Le bord de la cavité
est plat tandis que le catalogue montre un bord bombé. Cette variation
n'atténue pas l'impression générale de ressemblance qui découle de la forme
ronde et de la cavité centrale pourvue d'une pierre précieuse mobile. Le modèle
n° 16, pendentif en forme de coeur, appelle le même commentaire; la variation
porte sur le bord plat plutôt que bombé, plus large avec une cavité plus
petite. Le modèle n° 85.1 de l'enregistrement n° DM/048 915 possède une cavité
contenant un nombre différent de diamants - cinq au lieu de trois - avec la
même forme ronde et une bordure aussi large que divers bijoux du catalogue. Il
est vrai que la bordure de ces bijoux est bombée et, ça et là, ornée de
diamants, et que la bélière est simple alors que celle du modèle litigieux est
double. Toutefois, ces différences relèvent une fois encore des
caractéristiques secondaires et l'impression générale du modèle enregistré
reste la même par rapport aux bijoux du catalogue.
Il s'ensuit que, conformément à la décision attaquée, les designs litigieux ne
sont pas originaux aux termes de l'art. 2 al. 3 LDes; cela conduit à la
confirmation du jugement qui constate la nullité de leur enregistrement et
refuse aux demanderesses la protection de l'art. 9 al. 1 LDes.
7.
Les demanderesses n'ont pas agi seulement sur la base de cette disposition;
elles ont aussi invoqué la législation fédérale contre la concurrence déloyale.
Se référant à la jurisprudence, la Cour de justice considère que l'imitation de
la marchandise d'autrui, si elle n'est pas contraire aux règles sur la
protection des designs, ne constitue pas non plus une concurrence déloyale, à
moins que l'imitateur n'use de procédés astucieux ou incorrects, ou ne cherche
de manière systématique et raffinée à tirer profit de la réputation de son
concurrent.
La Cour rejette l'action au motif que les demanderesses n'ont prouvé aucun
procédé astucieux ou incorrect, ni aucune exploitation systématique de leur
réputation, qui puisse être reprochée à la défenderesse.
Les demanderesses se plaignent ici d'une constatation arbitraire des faits mais
elles se bornent à de simples affirmations, sans développer aucune
argumentation qui puisse éventuellement révéler une erreur certaine dans
l'appréciation des preuves soumises à la Cour de justice. Or, selon la
jurisprudence relative aux recours formés pour violation de droits
constitutionnels (art. 106 al. 2 ou 116 LTF), celui qui se plaint d'arbitraire
doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque est entachée
d'un vice grave et indiscutable; à défaut, comme en l'espèce, le grief est
irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p.
400).
8.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés
sont recevables. A titre de parties qui succombent, les demanderesses doivent
acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens
auxquels les autres parties peuvent prétendre. Les dépens seront alloués à la
défenderesse et aussi à l'intervenante qui a requis et obtenu l'annulation des
designs litigieux (cf. ATF 130 III 571 consid. 6 p. 578).

Le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les demanderesses acquitteront un émolument judiciaire de 5'000 fr.
3.
Les demanderesses verseront à la défenderesse, solidairement entre elles, une
indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Les demanderesses verseront à l'intervenante, solidairement entre elles, une
indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
justice du canton de Genève.
Lausanne, le 4 février 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:

Corboz Thélin