Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.280/2007
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


4A_280/2007

Arrêt du 15 octobre 2007
Ire Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________,
recourant, représenté par Me Charles Poupon,

contre

Commission paritaire jurassienne de la menuiserie, ébénisterie et
charpenterie,
intimée.

arbitrage concordataire; champ d'application d'une convention collective de
travail,

recours en matière civile et recours constitutionnel contre l'arrêt rendu le
25 juin 2007 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Faits :

A.
A.a X.________, tapissier-décorateur, exploite une entreprise de décoration,
à ..., en raison individuelle. Il y emploie deux personnes. La plus grande
part de l'activité déployée par cette entreprise consiste dans la pose de
parquets.

Par lettre recommandée du 29 septembre 2006, faisant suite à un précédent
courrier du 6 juillet 2006, la Commission paritaire jurassienne de la
menuiserie, ébénisterie et charpenterie (ci-après: la Commission) a invité
X.________ à respecter les dispositions de la convention collective de
travail romande du second oeuvre (ci-après: la CCT) qui avait fait l'objet
d'une décision d'extension valable jusqu'au 31 décembre 2006.

Le 25 octobre 2006, X.________ a recouru contre la décision de la Commission.
Il contestait l'assujettissement de son entreprise à la CCT au motif que
l'activité de parqueterie n'entrait pas dans le champ d'application de la CCT
étendue. L'employeur faisait notamment valoir que, pour le même motif,
l'association A.________ (ci-après: intérieursuisse), dont il est membre,
avait formé opposition à la demande visant à prolonger l'extension du champ
d'application de la CCT.

Par sentence du 12 mars 2007, l'arbitre unique a rejeté le recours et
confirmé l'assujettissement de l'entreprise du recourant à la CCT avec effet
au 1er janvier 2006. Selon lui, le fait que le texte de la CCT et celui de
l'arrêté d'extension mentionnent expressément la pose de parquets au nombre
des travaux de menuiserie, ébénisterie et charpenterie justifiait
l'assujettissement contesté. Quant à la demande d'intérieursuisse, l'arbitre
unique n'en a pas tenu compte, d'une part, parce qu'aucune décision n'avait
encore été prise à son sujet et, d'autre part, parce qu'elle était en
contradiction avec un arrêt rendu le 24 avril 2006 par le Tribunal fédéral
dans une cause similaire (4P 49/2006).

A.b Le 24 avril 2007, le Conseil fédéral a remis en vigueur, avec effet au
1er juin 2007 et jusqu'au 31 décembre 2007, ses précédents arrêtés étendant
le champ d'application de la CCT. Il les a toutefois modifiés, s'agissant de
la parqueterie, en ce sens que cette activité n'entrerait désormais dans les
prévisions de la CCT étendue que si elle était exercée à titre accessoire (FF
2007 p. 3185).

B.
X.________ a interjeté un recours en nullité contre la sentence arbitrale du
12 mars 2007.

Par arrêt du 25 juin 2007, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du
Jura a rejeté le recours. Après avoir rappelé les limites assignées à son
pouvoir d'examen dans le domaine de l'arbitrage concordataire ainsi que les
principes régissant l'extension d'une convention collective de travail, elle
a jugé que seules les entreprises dont l'unique activité est la parqueterie
(pose de parquets) ne sont plus soumises à la CCT depuis l'entrée en vigueur
de l'arrêté fédéral du 24 avril 2007. Partant, le recourant, qui a admis
lui-même que la pose de parquets ne représente que le 53% de l'activité de
son entreprise, ne tombe pas sous le coup de cette exception, de sorte que la
CCT étendue lui est applicable. Dès lors, de l'avis des juges cantonaux, la
sentence contestée ne saurait être taxée d'arbitraire, ni en ce qui concerne
l'appréciation des faits, ni pour ce qui est de l'application du droit.

C.
Le 27 juillet 2007, X.________ a formé un recours en matière civile et un
recours constitutionnel subsidiaire doublés d'une demande d'effet suspensif.
Dans le premier recours, il conclut principalement à la réforme de l'arrêt
cantonal en ce sens que la sentence arbitrale du 12 mars 2007 est annulée. A
titre subsidiaire, il requiert l'annulation dudit arrêt. Les conclusions
principales et subsidiaires sont assorties chacune d'une demande tendant au
renvoi de la cause à l'autorité compétente pour qu'elle statue dans le sens
des considérants. Le recourant prend les mêmes conclusions dans son recours
constitutionnel subsidiaire. Les moyens, identiques, qu'il soulève à l'appui
des deux recours seront indiqués à l'occasion de leur examen.

La Commission propose le rejet des deux recours.

Par ordonnance présidentielle du 31 juillet 2007, l'effet suspensif a été
accordé aux recours à titre superprovisoire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Le recourant s'en prend à une décision finale (art. 90 LTF) rendue en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire pécuniaire. Conformément à
l'art. 3 let. f du concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 août 1969
(ci-après: CIA), c'est l'autorité judiciaire compétente pour statuer sur les
recours en nullité dirigés contre les sentences émanant des tribunaux
arbitraux dont le siège se trouve dans son canton qui a pris cette décision.
La sentence arbitrale soumise à son examen avait trait à un différend
touchant le droit du travail. Le recours en matière civile n'est, dès lors,
recevable contre l'arrêt cantonal que si la valeur litigieuse atteint le
seuil de 15'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF ou que la contestation
soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF). Dans
son mémoire, le recourant évalue à plus de 60'000 fr. les conclusions restées
litigieuses devant l'autorité précédente. Il le fait en estimant, avec l'aide
de sa fiduciaire, le  supplément de charges salariales, pour l'année 2006
ainsi que pour la période future dont la durée est indéterminée (cf. art. 51
al. 4 LTF), que lui occasionnerait son assujettissement à la CCT. Quoi qu'en
dise l'intimée, le calcul effectué par le recourant apparaît correct, tant
sur le principe que dans ses modalités, de sorte que son résultat peut être
retenu. Il en découle la recevabilité ratione valoris du recours en matière
civile et, par voie de conséquence, l'irrecevabilité du recours
constitutionnel subsidiaire formé dans la même écriture.

Ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente, le recourant,
qui y a succombé, possède la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Comme
il a déposé son mémoire en temps utile (art. 100 LTF) et dans la forme prévue
par la loi (art. 42 LTF), rien ne s'oppose à l'entrée en matière.

2.2 Le recours en matière civile peut être interjeté, entre autres motifs,
pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), lequel inclut les
droits constitutionnels, et du droit intercantonal (art. 95 let. e LTF), tel
le CIA. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les moyens soulevés,
car il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première
instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne
sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la
violation d'un droit fondamental ou d'une disposition de droit intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

3.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 36 let. f CIA.

3.1 Selon cette disposition, la sentence arbitrale peut être attaquée en
nullité devant l'autorité judiciaire compétente lorsqu'elle est  arbitraire,
parce qu'elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits
résultant du dossier ou parce qu'elle constitue une violation évidente du
droit ou de l'équité. La notion concordataire de l'arbitraire  correspond à
celle développée par la jurisprudence relative aux art. 4 aCst. et 9 Cst.
(ATF 131 I 45 consid. 3.4). S'agissant des faits, l'art. 36 let. f CIA est
même plus restrictif, puisque le juge ne peut revoir la façon dont les
arbitres ont apprécié les preuves; il doit se limiter à vérifier que les
faits constatés ne sont pas manifestement contraires au dossier (cf. ATF 131
I 45 consid. 3.6). Par conséquent, l'autorité judiciaire saisie d'un recours
en nullité au sens des art. 36 ss CIA n'a pas à examiner quelle
interprétation correcte le tribunal arbitral aurait dû donner des
dispositions applicables; elle doit uniquement dire si l'interprétation qui a
été faite par lui aboutit à un résultat défendable, quels qu'en soient les
motifs, lors même qu'une autre solution serait également concevable, voire
préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 18 et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral vérifie librement
l'interprétation et l'application des dispositions du concordat faites par
l'autorité judiciaire cantonale (ATF 131 I 45 consid. 3.3 in fine). Depuis
qu'il a abandonné sa pratique connue sous l'appellation d'"arbitraire au
carré" ("Willkür im Quadrat" ou "doppelte Willkür"; cf. ATF 112 Ia 350
consid. 1), il examine, en particulier, avec une libre cognition si
l'autorité cantonale a admis ou rejeté à juste titre le grief d'arbitraire,
au sens de l'art. 36 let. f CIA, visant la sentence attaquée devant elle.
Cependant, comme la décision entreprise est celle qui a été rendue sur le
recours en nullité et non pas la sentence arbitrale, ce libre examen ne
saurait être opéré de manière plus approfondie que celui auquel l'autorité
cantonale de recours s'est elle-même livrée (ATF 112 Ia 166 consid. 3b p.
170).

3.2 En l'espèce, il convient donc de se demander, à la lumière de ces
principes et en fonction des seuls griefs valablement formulés dans le
recours, si l'arbitre unique a rendu une sentence insoutenable en confirmant
l'assujettissement du recourant à la CCT et, partant, si la cour cantonale a
violé l'art. 36 let. f CIA en ne sanctionnant pas un tel vice.

4.
4.1 Le recourant fonde la quasi-totalité de son argumentation sur les
considérations émises par le Conseil fédéral dans sa décision du 24 avril
2007 se rapportant à l'arrêté précité pris à la même date (cf. let. A.b
ci-dessus). Il se base, plus précisément, sur le passage suivant des motifs
énoncés dans cette décision:  "Les travaux de parqueterie (pose de parquets)
n'entrent [...] dans le champ d'application de l'extension que s'ils sont
exécutés par des entreprises de menuiserie, ébénisterie, charpenterie
soumises à la CCT du second oeuvre romand". Comme les autres activités qu'il
exerce à côté de la pose de parquets sont totalement étrangères à celles de
ces trois catégories d'entreprise, puisqu'elles relèvent de la décoration
d'intérieur, le recourant est d'avis que son assujettissement à la CCT,
entériné par la cour cantonale, est totalement insoutenable au regard de la
susdite décision du Conseil fédéral.

En argumentant ainsi, le recourant perd de vue un élément capital. Il s'agit
du fait que la décision et l'arrêté fédéral auxquels il se réfère sont tous
deux postérieurs au prononcé de la sentence arbitrale litigieuse, qui a été
rendue le 12 mars 2007. A cet égard, l'arbitre unique relève expressément, au
considérant 2.3, dernier paragraphe, de sa sentence, que la demande
d'interprétation de l'arrêté d'extension adressée par intérieursuisse au
Conseil fédéral "est en suspens et n'a pas été tranchée". Il va de soi, dans
ces conditions, que l'on ne saurait reprocher à l'arbitre unique de n'avoir
pas tenu compte d'une opinion qui n'avait pas encore été émise, non plus que
de la modification apportée ultérieurement par le Conseil fédéral à ses
précédents arrêtés étendant le champ d'application de la CCT. Peu importe
que, dans la décision attaquée, la cour cantonale ait signalé l'existence de
l'arrêté fédéral précité et qu'elle en ait donné sa propre interprétation, en
l'occurrence favorable à la thèse défendue par l'intimée. Elle n'avait pas à
prendre en considération ce novum pour dire si la sentence qui lui était
soumise revêtait ou non un caractère arbitraire, au sens de l'art. 36 let. f
CIA. Dès lors, même si cette interprétation ne devait pas résister à
l'examen, ce qu'il n'y a pas lieu de rechercher ici, il n'en demeure pas
moins que l'arrêt attaqué ne viole pas la disposition concordataire
susmentionnée, sinon dans ses motifs du moins dans son résultat, c'est-à-dire
en tant qu'il écarte les griefs du recourant fondés sur l'arrêté fédéral du
24 avril 2007 et sur la décision prise à la même date par le Conseil fédéral.

4.2 Dans l'arrêt 4P.49/2006, précité, auquel il peut être renvoyé, le
Tribunal fédéral a jugé qu'il n'y avait rien d'insoutenable à considérer
qu'une entreprise soi-disant de décoration, mais oeuvrant principalement dans
la pose de parquets, entrait dans le champ d'application de la CCT étendue.
L'arbitre unique a estimé qu'il n'existait pas de circonstances objectives
justifiant de s'écarter de cette jurisprudence dans le cas du recourant. Ce
dernier n'en cite aucune dans son recours, sauf à reprocher à la cour
cantonale, sans que l'on sache pour quelle raison, de n'avoir pas établi en
quoi consistaient ses activités autres que la pose de parquets.

En se fondant sur une jurisprudence récente, relative à un cas analogue, qui
émanait de la juridiction suprême du pays, l'arbitre unique a rendu une
sentence à tout le moins défendable. Aussi la cour cantonale n'a-t-elle pas
violé l'art. 36 let. f CIA en admettant que ladite sentence ne constituait
pas une violation évidente du droit.  Partant, le recourant se lance en vain
dans de longues explications de nature appellatoire visant à démontrer que
l'interprétation de la disposition topique de la CCT, telle qu'elle a été
faite par l'arbitre unique avec l'aval des juges cantonaux, ne peut pas être
retenue. Quoi qu'il en soit, d'après le texte de cette disposition dans sa
teneur à la date du prononcé de la sentence incriminée, la CCT s'appliquait à
"toutes les entreprises et aux secteurs d'entreprises qui exécutent ou font
exécuter, à titre principal ou accessoire, des travaux de menuiserie,
ébénisterie et charpenterie, y compris [la] parqueterie (pose)". Tel était le
cas de l'entreprise du recourant, dont le 53% des activités consistait dans
la pose de parquets. Le texte en question n'exigeait pas qu'elle fût une
entreprise de menuiserie, d'ébénisterie ou de charpenterie, mais uniquement
qu'elle exécutât ou fît exécuter des travaux caractérisant ce genre
d'entreprises, comme la pose de parquets. Cette condition était sans aucun
doute remplie en l'espèce. Au demeurant, le recourant conteste à tort
l'existence d'une quelconque parenté entre la pose de parquets  et la
menuiserie. Preuve en est la définition suivante que Le Grand Robert de la
langue française donne du parqueteur: "ouvrier, menuisier qui fabrique ou
pose des parquets" (2e éd., tome VII, p. 117). Il n'importe, enfin, que, dans
le cadre d'un libre examen et à la lumière de l'arrêté du Conseil fédéral du
24 avril 2007, le Tribunal fédéral pourrait être amené, le cas échéant, à
interpréter différemment  le texte en question. Pareille éventualité ne
suffit pas à établir le caractère arbitraire de la solution adoptée par
l'arbitre unique en fonction de la situation du moment et confirmée par la
cour cantonale.

5.
Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté. En conséquence, son
auteur devra payer l'émolument judiciaire afférent à la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF). Quant à l'intimée, qui agit seule et ne démontre pas
avoir dû consentir des frais particuliers pour la défense de ses intérêts,
elle n'a pas droit à des dépens (ATF 133 III 439 consid. 4).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est rejeté.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 15 octobre 2007.

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: