Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.279/2007
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4A_279/2007 /ech

Arrêt du 15 octobre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Nordmann,

contre

Assurance Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Daniel Pache.

contrat d'assurance; taux d'invalidité,

recours en matière civile contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal vaudois du 19 janvier 2007.

Faits :

A.
X. ________ était assuré contre les accidents auprès de l'assurance
Y.________ SA (ci-après: Y.________). Les conditions générales de la police
d'assurance prévoyaient le versement d'un capital assuré de 100'000 fr. en
fonction du degré d'invalidité.

Le 16 novembre 1983, X.________ a été victime d'un accident de la circulation
alors qu'il était passager dans une voiture automobile. Il a subi diverses
blessures, notamment à la tête, à la colonne cervico-dorsale, à la hanche
gauche et au genou gauche. En 1985 et 1986, l'expert médical désigné par la
CNA a relevé qu'un dommage permanent sous forme d'instabilité et d'une
limitation fonctionnelle du genou gauche étaient à craindre, et il a constaté
la présence d'une arthrose fémoro-patellaire débutante à ce genou.

Dans un rapport du 16 octobre 1987, le médecin d'arrondissement de la CNA a
apprécié l'atteinte à l'intégrité à 35 % (genou gauche 15 %; colonne
cervico-dorsale 10 %; hanche gauche 10 %). Il a ajouté qu'une future
aggravation de la coxarthrose ou de la gonarthorse n'était pas comprise dans
ce taux global de l'atteinte à l'intégrité, pas plus que l'aggravation
possible d'une cervicarthrose sur troubles statiques importants. La CNA a
versé à X.________ une indemnité pour atteinte à l'intégrité fixée à 35 %.

Par lettre du 14 avril 1988, Y.________ s'est ralliée aux taux d'invalidité
de 35 %. Suite à une transaction, elle a versé 55'000 fr. à son assuré. Le 19
avril 1988, le conseil de ce dernier a retourné à Y.________ la quittance
transactionnelle signée par son mandant.

Au cours des années suivantes, l'état de santé de X.________ s'est dégradé.
Une arthrose post-traumatique a influé sur sa capacité de travail.

Au mois de février 2002, X.________ est intervenu auprès de Y.________ pour
solliciter la révision du montant versé en 1988. Celle-ci a refusé d'entrer
en matière, estimant que la cause avait été définitivement liquidée par
transaction. Sur conseil de son mandataire d'alors, X.________ n'a pas
insisté.
Le 29 juin 2004, X.________ a de nouveau abordé Y.________, alléguant avoir
pâti à fin 2002 d'une aggravation de son état de santé attestée par un
certificat médical établi par le médecin d'un hôpital en Thaïlande, pays où
il réside; il invoquait l'erreur essentielle dans le but d'invalider la
convention de 1988. Y.________ a opposé un refus.

Dans une convention signée dans le courant du mois de septembre 2004, la CNA,
se fondant sur l'avis de l'expert qu'elle avait commis, a porté le taux de
l'atteinte à l'intégrité de X.________ à 65 %.

Le 8 avril 2005, X.________ a mis Y.________ en demeure de lui verser la
somme de 120'000 fr. d'ici au 20 avril 2005; ce montant correspondait au
capital dû selon le contrat d'assurance en cas d'une invalidité de 65 %, soit
175'000 fr., après déduction des 55'000 fr. payés en 1988.

B.
Le 6 juin 2005, X.________ a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois d'une demande tendant au paiement par Y.________ de 120'000 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 21 avril 2005.

Par ordonnance sur preuve et de disjonction du 24 mai 2006, le Juge
instructeur de la Cour civile cantonale a ordonné l'instruction séparée de la
question préjudicielle de savoir si la prétention de X.________ contre
Y.________, indépendamment de son bien-fondé quantitatif (degré d'invalidité
anatomique), se heurtait à la prescription, à la péremption, à la déchéance,
à l'irrégularité formelle de la déclaration d'invalidation de la transaction
passée précédemment entre les parties ou à la portée définitive (selon
Y.________) de cette transaction.

Par jugement préjudiciel du 19 janvier 2007, la Cour civile a prononcé que la
prétention de X.________ contre Y.________, indépendamment de son bien-fondé
quantitatif (degré d'invalidité anatomique), ne se heurtait pas à
l'irrégularité formelle de la déclaration d'invalidation de la transaction
passée en 1988 entre les parties, mais se heurtait à la portée définitive de
cette transaction ainsi qu'à la péremption, la question de la prescription,
respectivement de la déchéance, étant laissée indécise; elle a rejeté les
conclusions prises par X.________ dans sa demande du 6 juin 2005.

C.
X.________ (le recourant) interjette le présent recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme du jugement attaqué en ce sens
qu'il est répondu négativement à la question de savoir si son action se
heurte à la portée définitive de la convention de 1988 ou à la péremption, la
cause étant renvoyée aux premiers juges pour la poursuite du procès, avec
suite de dépens.

Y. ________ (l'intimée) propose le rejet du recours, sous suite de dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit
(art. 132 al. 1 LTF).

2.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre une décision finale - dans la mesure où elle rejette
l'action et met fin à la procédure - (art. 90 LTF) rendue en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75
al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de
30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le présent recours en matière civile
est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al.
1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

3.
L'autorité cantonale a retenu qu'en 1988, les parties avaient conclu une
transaction extrajudiciaire réglant définitivement et globalement leurs
rapports contractuels. Le recourant le conteste, soutenant que la transaction
réservait l'hypothèse d'une aggravation ultérieure de son état de santé.

3.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit
tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles
ont pu se servir; il s'agit d'une question de fait. Si la volonté réelle des
parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit
interpréter les déclarations faites selon la théorie de la confiance; il doit
donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise
de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. L'application du
principe de la confiance est une question de droit; pour la trancher, il faut
cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les
circonstances, lesquels relèvent du fait (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; 131
III 606 consid. 4.1 p. 611).

3.2 Selon les constatations de fait de l'autorité cantonale, qui lient le
Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), l'intimée a déclaré au recourant par
lettre du 14 avril 1988 que compte tenu de la décision de la CNA, elle
acceptait le taux d'invalidité de 35 %. Elle y joignait une convention de
règlement, que le mandataire du recourant a retournée après signature par son
client; cette convention n'a pas été produite en procédure, et son contenu
n'est pas établi. Dans sa demande, le recourant n'a pas allégué avoir émis,
lors de la signature, des réserves quant à une péjoration de son état de
santé. Au contraire, dans la demande, il invoque une erreur essentielle,
consistant à ne pas avoir envisagé une détérioration de son état de santé à
ce moment-là; à noter que si tel était le cas, cela exclurait qu'il ait
compris la transaction dans le sens qu'elle n'était pas définitive et
réservait le cas d'une détérioration de son état de santé.

Il n'est ainsi pas établi qu'une réserve expresse ait été stipulée pour
l'hypothèse d'une détérioration ultérieure de l'état de santé du recourant.
Un accord commun oral ou tacite dans ce sens n'est pas établi non plus.

3.3 La transaction est un contrat par lequel les parties terminent un
différend ou mettent fin à une incertitude touchant un rapport de droit grâce
à des concessions réciproques (ATF 130 III 49 consid. 1.2 p. 51); la nature
du contrat visant au règlement définitif d'un litige ne se concilie en
principe pas avec des réserves. Dans la lettre du 14 avril 1988, l'intimée a
simplement déclaré accepter le taux d'invalidité de 35 % retenu par la CNA;
la possibilité d'une évolution ultérieure de l'état de santé du recourant,
relevée dans la décision de la CNA, n'y est pas évoquée, et il n'est fait
aucune référence à la possibilité de prestations futures supplémentaires.
Dans ces circonstances, le recourant, assisté d'un avocat, ne pouvait pas
déduire de bonne foi de l'offre de l'intimée du 14 avril 1988 que des
prestations d'assurance supplémentaires restaient réservées pour le cas où sa
santé se détériorerait ultérieurement et que la transaction ne visait pas à
régler le cas une fois pour toutes.

4.
Dans sa demande, le recourant invoque une erreur essentielle (art. 24 al. 1
ch. 4 CO) lors de la conclusion de la transaction: les parties n'auraient pas
envisagé que son état de santé se péjorerait. Selon l'autorité cantonale, une
erreur essentielle est exclue en l'espèce et le recourant l'aurait de toute
façon invoquée tardivement.

4.1 Les règles en matière de vices du consentement s'appliquent aussi à la
transaction, dans la mesure où cela est compatible avec la nature de ce
contrat. Les parties ne peuvent donc pas invoquer une erreur portant sur les
points incertains, le « caput controversum », qu'ils entendaient régler
définitivement en transigeant; elles peuvent par contre se prévaloir, selon
les règles générales, d'une erreur sur un autre fait. Ainsi, les parties qui
se sont fondées sur les constatations d'un expert pour transiger sur les
conséquences en découlant peuvent, le cas échéant, se prévaloir d'une erreur
essentielle si les constatations de l'expert se révèlent par la suite avoir
été fausses (cf. ATF 132 III 737 consid. 1; 130 III 49 consid. 1).

En l'espèce, l'état de santé constaté en 1988 par l'expert commis par la CNA
et le taux d'invalidité estimé par le médecin conseil de la CNA, éléments sur
lesquels les parties se sont fondées pour transiger, ne sont pas remis en
cause; il n'y a pas eu erreur des parties sur l'état de santé et le taux
d'invalidité du recourant en 1988. L'erreur invoquée par le recourant est une
erreur sur l'évolution future de son état de santé et de son invalidité,
évolution postérieure à la conclusion de la transaction.

La question de savoir si l'erreur essentielle peut aussi porter sur des faits
futurs est controversée. La jurisprudence l'admet à condition que les faits
futurs aient objectivement pu être considérés comme certains au moment de la
conclusion du contrat; une erreur essentielle sur un fait futur expectatif ou
aléatoire est par contre exclue (cf. ATF 118 II 297 consid. 2).

En l'espèce, le recourant a subi des lésions importantes au niveau de la
hanche et du genou. En 1988, il était admis qu'il subsisterait un dommage
permanent, notamment sous forme d'une instabilité et d'une limitation de
mobilité du genou. Les rapport du médecin conseil de la CNA et la décision
rendue à sa suite par la CNA en 1988, connus des deux parties, évoquaient la
possibilité d'une aggravation future de l'état de santé pour cause
d'arthrose. Dans ces circonstances, on ne saurait retenir que par la suite,
au moment de la conclusion de la transaction, le recourant pouvait
objectivement considérer comme certain que son état de santé ne se
détériorerait pas à l'avenir; une telle détérioration devait au contraire
être sérieusement envisagée. Cela exclut une erreur essentielle sur ce point.

4.2 L'invalidation de la transaction pour cause d'erreur le 29 juin 2004, par
ailleurs contestée par l'intimée, serait au demeurant tardive. Elle devait
intervenir dans l'année qui suit la découverte de l'erreur (art. 31 al. 2
CO). Cette découverte se situe au moment où le recourant s'est rendu compte
du fait que son état de santé et son invalidité s'étaient définitivement
détériorés par rapport à ce qu'ils étaient au moment de la conclusion de la
transaction; selon les constatations de l'autorité cantonale, c'était le cas
au plus tard en février 2002. Dans l'année qui suivait, le recourant devait
donc invalider la transaction passée avec l'intimée, indépendamment du fait
que la CNA n'avait pas encore modifié le taux d'invalidité et que l'intimée
avait refusé de revoir le montant dû. Contrairement à ce que soutient le
recourant, le fait qu'il ait appris le nouveau taux d'invalidité fixé par la
CNA en septembre 2004 seulement n'est pas déterminant; il n'a à ce moment-là
pas découvert une seconde erreur commise en 1988, mais uniquement
l'importance de la première qu'il pouvait et devait invoquer plus tôt.

5.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 15 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: