Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.276/2007
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4A_276/2007

Arrêt du 24 octobre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________,
recourant, représenté par Me Pascal Marti,

contre

S.Y.________,
intimée, représentée par Me Jacques Roulet.

responsabilité du mandataire,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 juin 2007 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.
A.a S.Y.________, née en 1973, de nationalité allemande, a été victime d'un
accident de la circulation, dans la nuit du 24 au 25 juillet 1989, lors d'un
séjour de vacances en Espagne. Dans des circonstances qui n'ont pas été
élucidées, l'intervention de la police n'ayant pas été requise, elle a chuté
d'une moto dont le conducteur, domicilié en Espagne, avait perdu la maîtrise.
Il n'a pas été allégué qu'un tiers aurait été impliqué dans cet accident.
Conduite à l'hôpital local par des proches qui précédaient la moto dans un
autre véhicule, la victime a été transférée, quelques jours plus tard, par
avion, à Genève, où elle avait alors son domicile, pour y être hospitalisée
jusqu'au 11 août 1989.

Principale lésion causée par cet accident, la fracture de la colonne
vertébrale subie par S.Y.________ a eu des séquelles, sous la forme d'une
symptomatologie douloureuse et d'un état dépressif, lesquelles se sont
accentuées dès 1993 et ont persisté depuis lors, malgré une intervention
chirurgicale pratiquée en 1994 qui a apporté un soulagement passager mais
aussi des douleurs nouvelles attribuées à l'implantation du matériel
d'ostéosynthèse qu'il était question de retirer en 2003.

Lorsque l'accident s'est produit, S.Y.________ venait d'achever sa première
année à l'Ecole de culture générale avec de bons résultats. N'ayant pu
reprendre sa scolarité, elle a commencé, en novembre 1990, un apprentissage
d'employée de commerce qu'elle a poursuivi jusqu'en mai 1992. Elle a ensuite
travaillé dans l'entreprise de son père avant d'être licenciée en février
1994 au motif que ses problèmes de dos ne lui permettaient plus d'accomplir
les tâches qui lui étaient confiées.

S. Y.________ a touché différentes prestations des assurances sociales. Par
décision du 1er septembre 2000, l'Office cantonal AI l'a reconnue invalide à
50% dès le 1er août 1998, taux qui a été porté à 75% dès le 1er août 2000 par
une nouvelle décision du 1er février 2002.

A.b Le 29 juillet 1989, K.Y.________ a adressé une déclaration de sinistre
pour l'accident de sa fille mineure à W.________, son assurance de protection
juridique. Contestant que le sinistre fût couvert par la police d'assurance,
cette compagnie a néanmoins accepté d'entreprendre des démarches
extrajudiciaires à bien plaire. Celles-ci n'ont toutefois consisté qu'en des
interventions ponctuelles auprès d'une caisse-maladie, pour le règlement des
factures médicales, et auprès de V.________ Assurances, laquelle s'était
engagée à verser une somme de 100'000 fr. en cas d'invalidité totale présumée
définitive, à teneur d'un contrat d'assurance-accidents conclu par le
prénommé en faveur de sa fille. W.________ n'a, en revanche, rien entrepris à
l'encontre du responsable de l'accident ou de la compagnie couvrant la
responsabilité civile de cette personne en Espagne.

En juillet 1993, S.Y.________ a confié la défense de ses intérêts à un
premier avocat. Celui-ci a cherché, tout d'abord, à obtenir une indemnisation
de la part de V.________ Assurances. La négociation a abouti à la conclusion,
le 1er mai 1994, d'une convention en vertu de laquelle l'assurance versait à
l'assurée un capital d'invalidité de 20'000 fr. L'avocat a, par ailleurs,
tenté sans succès de prendre contact avec l'assureur espagnol couvrant la
responsabilité civile du conducteur de la moto et en a informé sa cliente en
automne 1994. Le mandat a alors pris fin.

A.c En janvier 1995, S.Y.________ a consulté un nouvel homme de loi en la
personne de Me X.________, avocat à Genève. Elle lui a confié la mission de
prendre des renseignements auprès de son précédent mandataire et de
W.________ pour savoir ce qui avait été accompli à l'égard de l'assureur
espagnol et examiner la possibilité d'entreprendre des démarches à l'encontre
de celui-ci. Me X.________ a délégué l'exécution du mandat à un collaborateur
de son étude.

Les deux hommes de loi ont été d'emblée conscients de la nécessité
d'interrompre la prescription des créances de leur mandante en Espagne. Ce
problème les inquiétait car il apparaissait, à la lecture du dossier, que ni
W.________ ni le précédent conseil n'avaient agi dans ce but. En dépit de ce
constat, fait à fin janvier 1995 déjà, ils n'ont, en définitive, entrepris
aucune démarche en vue d'interrompre la prescription dans des circonstances
et pour des motifs que les besoins de la cause ne nécessitent pas d'exposer
ici.

S. Y.________, représentée par l'étude de Me X.________, a assigné V.________
Assurances en paiement de 30'000 fr. le 17 novembre 1999. Par arrêt du 22
février 2002, confirmant le jugement de première instance, la Cour de justice
genevoise a rejeté la demande en raison de la prescription intervenue, selon
elle, le 15 septembre 1995 déjà.
En décembre 2001, S.Y.________ a mis fin au mandat qui la liait à Me
X.________. L'avocat lui a fait savoir qu'il renonçait à percevoir ses frais
et honoraires, estimés à plus de 15'000 fr., pour l'activité déployée par son
étude postérieurement au 11 avril 1997. Dans une lettre du 1er octobre 2002,
il a indiqué au nouveau mandataire de son ex-cliente qu'il contestait toute
responsabilité dans l'exécution du mandat.

B.
B.aLe 16 novembre 2004, S.Y.________ a ouvert action, à Genève, à l'encontre
de X.________ en vue d'obtenir le paiement de 1'939'695 fr. 60, avec intérêts
à 5% dès le 1er janvier 2006, à différents titres (perte de gain, dommage
ménager, tort moral, dommage de rente). Elle lui reproche d'avoir manqué
fautivement à son obligation de mandataire en n'interrompant pas la
prescription de ses droits envers l'assureur espagnol couvrant la
responsabilité civile du conducteur de la moto à l'origine de l'accident dont
elle a été victime.

Ecartant ce reproche, le défendeur a conclu au rejet de la demande. A sa
requête, le Tribunal de première instance a décidé, par ordonnance du 20 juin
2005, de ne statuer d'abord que sur le principe de la responsabilité et de
limiter en conséquence la procédure probatoire à cette seule question, tout
en réservant, au besoin, une éventuelle instruction ultérieure sur le dommage
allégué.

Par jugement du 6 septembre 2006, le Tribunal de première instance a rejeté
la demande. Sans trancher les questions litigieuses de la prescription et de
la violation de l'obligation de diligence incombant au mandataire, il a
considéré que la demanderesse n'avait pas prouvé l'existence d'un lien de
causalité naturelle entre la violation invoquée et le dommage subi. En
d'autres termes, la demanderesse n'avait pas établi avec une vraisemblance
suffisante qu'elle aurait pu obtenir gain de cause devant les tribunaux
espagnols si son mandataire avait réussi à empêcher la survenance de la
prescription.

B.b Saisie d'un appel de la demanderesse, la Cour de justice genevoise,
statuant par arrêt du 8 juin 2007, a annulé le jugement déféré et retourné la
cause au Tribunal de première instance pour instruction et nouvelle décision
dans le sens des considérants de son arrêt.

Appliquant le droit suisse en vertu de l'art. 117 al. 2 et 3 let. c LDIP, la
cour cantonale a qualifié de mandat, au sens des art. 394 ss CO, la relation
contractuelle qui avait uni les parties. Elle a considéré, conformément à
l'art. 101 CO, que le défendeur répondait des actes ou omissions imputables
au collaborateur de son étude à qui il avait délégué l'exécution du mandat.
Selon les juges cantonaux, le défendeur avait violé objectivement son devoir
de diligence en ne procédant pas aux démarches nécessaires à l'interruption
de la prescription, lesquelles n'auraient pas dû lui prendre plus de trois
mois, de sorte qu'il aurait pu théoriquement interrompre celle-ci à la
mi-avril 1995. L'intéressé n'avait, au demeurant, pas réussi à prouver le
caractère non fautif de cette violation, en invoquant l'insuffisance des
provisions versées et le retard avec lequel elles l'avaient été. Les juges
d'appel ont examiné ensuite si le préjudice allégué était en relation de
causalité avec ladite violation. Pour ce faire, ils ont commencé par
rechercher, à la lumière des dispositions pertinentes du droit espagnol et
des avis de droit produits à leur sujet, si le défendeur aurait pu
interrompre la prescription en temps utile. Ils ont répondu à cette question
par l'affirmative en retenant que le délai de prescription d'un an, qui avait
commencé à courir le 1er juillet 1994 - soit au moment où l'état de santé de
la demanderesse s'était suffisamment stabilisé pour permettre à celle-ci
d'ouvrir action en pleine connaissance de cause -, aurait pu être interrompu
par un simple courrier de réclamation adressé au conducteur responsable ou à
son assureur avant le 1er juillet 1995. Les juges cantonaux se sont demandé
ensuite si l'appelante aurait très probablement pu gagner son procès en
Espagne au cas où la prescription de ses droits aurait dûment été
interrompue. A cette question, que le Tribunal de première instance avait
tranchée par la négative, ils n'ont pas répondu eux-mêmes. Ils ont, en effet,
considéré que le premier juge, en statuant sur ce point, avait privé la
demanderesse de son droit de faire valoir ses preuves et ses moyens à ce
sujet alors que, à la lecture de l'ordonnance du 20 juin 2005, cette partie
pouvait légitimement considérer que le débat serait strictement limité au
principe de la responsabilité, c'est-à-dire essentiellement au problème
litigieux de l'exécution diligente du mandat en relation avec la survenance
de la prescription, à l'exclusion de la question du dommage, qu'il s'agisse
de son existence ou de son ampleur. Pour ce motif, la cour cantonale a annulé
le jugement entrepris et retourné le dossier au premier juge afin qu'il offre
aux parties la possibilité d'administrer des preuves pour établir,
respectivement infirmer, tant l'existence du dommage allégué (chances de
réussite des démarches qui auraient pu être entreprises contre les
responsables en Espagne, existence des divers postes du dommage exposés dans
la demande) que son ampleur (somme que le juge espagnol aurait pu allouer à
la demanderesse).

C.
Le défendeur a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il
conclut principalement à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que sa
responsabilité est définitivement écartée et la demande rejetée. A titre
subsidiaire, le recourant requiert le renvoi de la cause à l'autorité
précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt
fédéral.

Dans sa réponse, la demanderesse conclut au rejet du recours en tant qu'il
est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral ne vise pas une décision
finale (art. 90 LTF), ni une décision partielle (art. 91 LTF), mais une
décision préjudicielle ne portant ni sur la compétence ni sur une demande de
récusation (cf. art. 92 LTF), soit une autre décision préjudicielle au sens
de l'art. 93 LTF. Le recours est également ouvert contre de telles décisions
si son admission peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b
LTF). Cette règle est manifestement inspirée de celle posée par l'ancien art.
50 al. 1 OJ pour le recours en réforme, si bien qu'il y a lieu de se référer
à la jurisprudence relative à cette disposition (arrêt 4A_144/2007 du 29 août
2007 destiné à la publication, consid. 2.4 et les références).

La première des deux conditions cumulatives précitées est réalisée si le
Tribunal fédéral peut mettre fin une fois pour toutes à la procédure en
jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou
incidente (cf. ATF 132 III 785 consid. 4.1 et les arrêts cités).
Quant à la seconde condition, il appartient au recourant d'établir qu'une
décision finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire
longue et coûteuse, si cela n'est pas manifeste; il doit, en particulier,
indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont encore
litigieuses, quelles preuves - déjà offertes ou requises - devraient encore
être administrées et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure
probatoire longue et coûteuse (ATF 118 II 91 consid. 1a; 116 II 738 consid.
1b/aa et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, ces deux conditions cumulatives sont réalisées.

S'agissant de la première, si la Cour de céans devait admettre, avec le
premier juge et contrairement à l'avis de la juridiction d'appel, que la
responsabilité du recourant à l'égard de l'intimée ne saurait être engagée,
elle pourrait, en effet, rendre immédiatement une décision finale portant
rejet de la demande.

En ce qui concerne la seconde condition, le recourant démontre de manière
convaincante, et sans être contredit par l'intimée, en quoi les preuves à
administrer nécessiteraient une procédure longue et coûteuse en raison,
notamment, du caractère international du litige et de ses liens étroits avec
l'Espagne.

3.
La décision attaquée a été rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une
affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr.
fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF. Le recours a été déposé dans le délai
(art. 100 al. 1 LTF en liaison avec les art. 45 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF)
et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. La partie qui l'a interjeté a
pris part à la procédure cantonale et elle a un intérêt juridique à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1
LTF).

Il y a lieu, partant, d'entrer en matière. Demeure réservé l'examen de la
recevabilité des différents griefs articulés par le recourant.

4.
4.1 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard à l'exigence de motivation contenue à
l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b
LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

4.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

La notion de « manifestement inexacte » correspond à celle d'arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. Il convient de rappeler que le juge dispose d'un large
pouvoir lorsqu'il apprécie les preuves. La partie recourante doit ainsi
démontrer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir d'appréciation
et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison sérieuse, de
prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la décision
attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou encore
si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des constatations
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées; à ce
défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge
de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

5.
En premier lieu, le recourant reproche aux juges d'appel d'avoir procédé à
une appréciation arbitraire des preuves sur deux points.

5.1
5.1.1 Selon le recourant, l'intimée n'avait ni les moyens ni la volonté
d'introduire une procédure en Espagne contre le responsable de l'accident ou
contre l'assureur couvrant la responsabilité civile de cette personne. En
effet, comme cela ressort du jugement de première instance, elle n'était pas
en mesure d'assumer les frais d'une procédure en Espagne avant mars 1998,
soit avant que W.________ eût accepté de prendre en charge ces frais-là.
D'autre part, la procédure probatoire aurait révélé que, indépendamment de la
question du coût d'une telle procédure, l'intimée avait toujours refusé
d'envisager la possibilité d'agir en Espagne, préférant s'en prendre à
W.________. Dès lors, la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en
tenant pour établi que l'intimée était disposée à initier une procédure
judiciaire en Espagne. La constatation faite par elle sur ce point devrait,
en conséquence, être rectifiée, ce qui impliquerait l'interruption du lien de
causalité entre la violation du devoir de diligence commise par le mandataire
et le dommage allégué par la mandante.

5.1.2 Le recourant affirme que l'intimée n'avait ni les moyens ni la volonté
d'introduire une procédure en Espagne. Il allègue ainsi un fait dirimant pour
s'opposer à la demande de l'intimée qui lui réclame des dommages-intérêts en
faisant valoir que, par la violation fautive de son devoir de négligence, il
ne lui a pas permis d'agir en temps utile en Espagne afin d'obtenir
réparation de son préjudice consécutif à l'accident de la circulation dont
elle a été victime dans ce pays. Contrairement à ce que soutient l'intéressé
dans son mémoire de recours, c'était bien à lui, et non pas à l'intimée,
d'alléguer et de prouver ce fait dirimant (cf. Fabienne Hohl, Procédure
civile, tome I, n. 1190). Or, le recourant n'indique pas, dans son mémoire,
quand et où il aurait formulé pareille allégation devant les juridictions
cantonales. On est donc en présence d'un fait nouveau et, comme tel,
irrecevable en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF. La nouveauté, au sens de cette
disposition, du fait en question n'est pas infirmée par le motif que le
premier juge, contrairement à l'autorité d'appel, a examiné le problème
litigieux. Il se peut qu'il l'ait évoqué d'office, en violation de la maxime
des débats, ou qu'il ait découvert une allégation correspondante dans les
écritures du recourant. Dans la première hypothèse, la Cour de justice, qui
jouissait en l'espèce d'un plein pouvoir d'examen, s'est abstenue avec raison
de commettre la même violation. Dans la seconde, elle aurait dû se prononcer
sur l'existence du fait allégué. Toutefois, comme on vient de l'indiquer, le
recourant ne démontre pas avoir allégué le fait litigieux.

Quoi qu'il en soit, ce fait eût-il été allégué, les juges d'appel ne
sauraient se voir reprocher, sous l'angle de l'arbitraire, de ne pas l'avoir
retenu. Il ne ressort, en effet, nullement des pièces sur lesquelles le
recourant tente de fonder son argumentation (pces 101 à 105 intimée), sans
d'ailleurs indiquer en quoi elles seraient de nature à étayer celle-ci, que
l'intimée lui aurait donné des instructions afin qu'il n'introduise pas une
procédure judiciaire en Espagne. Sur ce point, la démonstration faite par
l'intimée, sous chiffres 11 et 12 de sa réponse, apparaît des plus
convaincantes, de sorte que la Cour de céans la fera sienne.

Pour le surplus, le recourant est malvenu de mettre en avant la question des
frais d'une procédure à introduire en Espagne pour conclure à l'interruption
du lien de causalité entre la violation de son devoir de diligence et le
dommage subi par l'intimée. Aussi bien, c'est lui qui a écarté la possibilité
de solliciter l'assistance juridique pour une telle procédure. En outre et
surtout, rien ne l'eût empêché d'interrompre la prescription, par un acte
aussi simple qu'une lettre à adresser au responsable ou à son assureur,
pendant qu'il négociait avec W.________ - avec succès d'ailleurs - la prise
en charge des démarches judiciaires de sa cliente en Espagne.

5.2 La cour cantonale se voit encore reprocher une appréciation arbitraire du
rapport d'expertise établi par le Dr A.________ en date du 15 septembre 1993.
Selon le recourant, ledit rapport confirmait le caractère définitif du
dommage subi par l'intimée, contrairement à l'opinion des juges d'appel. Par
conséquent, le délai de prescription annal avait commencé à courir à cette
date et était arrivé à échéance plus d'un an avant que l'intimée ne mandate
le recourant pour la défense de ses intérêts. Il y aurait là une autre
circonstance propre à interrompre la relation de cause à effet entre la
violation du mandat et le dommage subséquent.

Les juges précédents ont retenu que l'état de santé de l'intimée n'était pas
suffisamment stabilisé, à la mi-septembre 1993, pour que l'intéressée puisse
former, en pleine connaissance de cause, une demande en justice. De fait,
l'intimée devait attendre le résultat de l'opération pratiquée le 15 juin
1994 pour disposer de tous les éléments nécessaires. S'agissant de
l'expertise du Dr A.________, la cour cantonale note ceci dans son arrêt
(consid. 4.3.2.3 p. 18 in medio):

"... sur le plan médical, force est de reconnaître que toutes les
conséquences de l'accident étaient identifiées en 1993, lorsque le Dr
A.________ a rendu son rapport, quatre ans après l'accident. En revanche,
leur évolution à court terme était encore incertaine; en effet, le rapport
mentionnait que l'intéressée était toujours en incapacité de travail totale
et l'expert ne se prononçait pas sur la durée et le taux de celle-ci pour
l'avenir."

Selon le recourant, une telle affirmation serait clairement contredite par le
passage suivant extrait de la page 8 du rapport précité:

"De toute façon, il y aura un dommage permanent au niveau de la colonne
dorsale, sous forme d'une cyphose douloureuse centrée sur D7 et qui amènera
une I.P.P. [incapacité permanente partielle] de 20%."

La contradiction alléguée est inexistante. Le Dr A.________ a rendu son
rapport à la demande de l'assureur-accidents de l'intimée. Le passage précité
de ce rapport est la réponse à la question suivante, posée par l'assureur:
"Devons-nous craindre un dommage permanent anatomique?". Il s'agissait de
déterminer le montant du capital-invalidité que ledit assureur pourrait
devoir verser à l'assurée en fonction du taux de l'invalidité médicale
théorique constatée chez celle-ci. L'homme de l'art ne s'est donc pas
prononcé sur la durée et le taux de l'incapacité de travail future induite
par cette invalidité. La cour cantonale a cherché à déterminer, quant à elle,
le moment où l'intimée avait eu une connaissance suffisante de l'incidence du
taux de son invalidité médicale (ou théorique) sur la diminution de sa
capacité de gain future. C'est ce moment-là qu'elle a jugé déterminant, au
regard du droit espagnol, pour fixer le point de départ de l'action en
dommages-intérêts qui aurait pu être introduite par l'intimée, à supposer que
cette action n'eût pas été prescrite.

C'est en réalité le recourant qui se contredit en soutenant aujourd'hui que
l'état de santé de l'intimée était stabilisé et le dommage subi connu en 1993
déjà, alors qu'il écrivait ceci dans une lettre adressée le 30 juin 1998 à
W.________ (pce 102 intimée):

"Dès lors, et quand bien même, compte tenu de son état de santé, le dommage
de Mlle S.Y.________ n'est pas encore connu, pour la simple et bonne raison
que son état n'est pas encore stabilisé, je vous remercie de me confirmer,
par retour du courrier, que W.________ accepte de renoncer à la prescription
6 mois après droit connu, définitif et exécutoire en Espagne."

Le moyen pris de l'appréciation arbitraire des faits apparaît ainsi
manifestement infondé dans ses deux branches.

6.
Le recourant fait encore grief à la Cour de justice d'avoir violé son droit
d'être entendu en ne fournissant pas la moindre indication sur les raisons
qui l'ont amenée à s'écarter des conclusions "limpides" des avis émanant de
deux spécialistes reconnus du droit espagnol de la responsabilité civile.

6.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique
notamment l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que le
justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Il suffit cependant, selon
la jurisprudence, que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui
l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'est pas tenu
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués
par les parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité
ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes
pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236;
129 II 497 consid. 2.2 p. 505).

6.2 Quoi qu'en dise le recourant, l'arrêt attaqué satisfait à ces exigences.
En page 8, sous lettre E.d), la Cour de justice indique que chacune des
parties a produit deux avis de droit en première instance, avis établis par
l'Institut Suisse de Droit Comparé (ISDC) pour l'intimée (pces 117 et 118) et
par deux professeurs d'université espagnols pour le recourant (pces 26 et
28). Elle en donne ensuite un bref résumé relativement à la question de la
prescription de l'action en responsabilité civile automobile (durée du délai
et dies a quo). Plus loin, à la page 17 de son arrêt, la cour cantonale
signale, en renvoyant à deux avis de droit produits par chacune des parties
et aux références qui y sont faites, l'état de la jurisprudence quant au
critère décisif pour fixer le point de départ de la prescription (consid.
4.3.2.2, dernier §). Elle expose ensuite les opinions antagonistes des
parties à ce sujet, en ajoutant que celle du recourant s'appuie sur les avis
de droit qu'il a sollicités (même page, consid. 4.3.2.3). Enfin, les juges
d'appel indiquent pourquoi ils retiennent la thèse défendue par l'intimée et
précisent, en renvoyant à l'un des avis de droit produits par le recourant,
que la solution adoptée par eux s'impose d'autant plus qu'en matière
d'exception de prescription, le fardeau de la preuve incombe, en droit
espagnol comme en droit suisse, au débiteur (page 18).

Tout lecteur de l'arrêt cantonal peut constater immédiatement pour quel motif
les juges d'appel ont retenu la solution préconisée par l'intimée. A plus
forte raison devait-il en aller de même du recourant. Celui-ci ne pouvait, au
demeurant, pas exiger de l'autorité précédente qu'elle réfutât point par
point les arguments juridiques avancés dans les deux expertises privées qu'il
avait produites au sujet de l'interprétation des dispositions pertinentes du
code civil espagnol (CCE).
Ainsi, le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé, de sorte que
le grief correspondant tombe à faux.

7.
En dernier lieu, le recourant soutient que la solution retenue par la Cour de
justice résulte d'une application insoutenable du droit espagnol.

7.1 La présente cause étant de nature pécuniaire, le Tribunal fédéral ne peut
effectivement pas examiner si la cour cantonale a fait une application
erronée du droit étranger (art. 96 let. b LTF a contrario), mais uniquement
si elle en a fait une application qui viole la protection contre l'arbitraire
assurée par l'art. 9 Cst. (cf. art. 95 let. a LTF). Il ne procédera à un tel
examen que dans les limites des griefs invoqués et motivés par les recourants
(art. 106 al. 2 LTF).

7.2 La cour cantonale considère - à juste titre, selon les propres termes du
recourant - que le délai d'un an pour ouvrir action contre le conducteur et
contre l'assureur commence à courir quand la victime a pris connaissance du
dommage (art. 1968 al. 2 CCE) et dès que l'action judiciaire peut être
exercée (art. 1969 CEE). Seul est litigieux, en l'espèce, le point de savoir
quand l'intimée "a pris connaissance du dommage".

Les professeurs d'université consultés par le recourant évoquent divers
critères permettant de répondre à cette interrogation. Ils mentionnent
notamment celui de la reconnaissance de l'invalidité par la caisse-maladie
publique étatique ou régionale. A leur avis, même en appliquant ce critère,
utilisé par la Cour de cassation espagnole mais contesté par la doctrine, le
dies a quo aurait dû être fixé dans le cas concret au 15 septembre 1993, date
d'établissement du rapport du Dr A.________.

Si la cour cantonale avait appliqué tel quel le critère utilisé par la Cour
de cassation espagnole, fût-il contesté dans la doctrine, elle aurait sans
aucun doute émis un avis soutenable. En pareille hypothèse, elle aurait même
pu retenir sans arbitraire, comme date déterminante, celle à laquelle
l'Office cantonal AI avait reconnu pour la première fois l'invalidité de
l'intimée, soit le 1er septembre 2000. C'est dire qu'en fixant le point de
départ du délai de prescription à une date antérieure - le 1er juillet 1994
-, nettement moins favorable à la victime, les juges d'appel n'ont pas fait
une application arbitraire du droit espagnol.

Il est vrai qu'en se fondant sur le même critère, les professeurs de droit
espagnols arrivent à la conclusion que l'intimée avait une connaissance
complète de son dommage à la mi-septembre 1993. Cependant, leur avis repose
ici, non pas sur l'interprétation du droit espagnol, mais sur celle du
rapport d'expertise extrajudiciaire établi par le Dr A.________. Or, il a été
démontré plus haut que, nonobstant l'avis de cet expert privé, l'intimée
n'avait pas à l'époque une connaissance complète de son dommage (cf. consid.
5.2). Aussi le recourant ne saurait-il s'appuyer sur les deux avis de droit
qu'il a versés au dossier cantonal pour démontrer l'arbitraire de la solution
adoptée par les juges d'appel. Peu importe, à cet égard, que les
considérations émises par ceux-ci au sujet du fardeau de la preuve et de la
souplesse recommandée dans l'application des normes sur la prescription
soient soutenables ou non, dès lors qu'elles revêtent manifestement un
caractère subsidiaire.

Ce dernier moyen est, partant, lui aussi voué à l'échec.

8.
Dans ces conditions, le présent recours ne peut qu'être rejeté, ce qui
entraîne la mise à la charge de son auteur de l'émolument judiciaire (art. 66
al. 1 LTF) et de l'indemnité pour les dépens de l'intimée (art. 68 al. 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 17'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 19'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 24 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: