Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.272/2007
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


4A_272/2007

Arrêt du 21 novembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________ AG,
recourante, représentée par Me Christian Grosjean,

contre

B.________ SA,
intimée, représentée par Me Bernard Lachenal,
C.________ GmbH,
D.________ Limited,
E.________ mbH & Co. KG,
autres intimées,
toutes trois représentées par Me Daniel Richard.

acte illicite; compétence à raison du lieu,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 juin 2007 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.
Par contrat du 24 mai 2005, V.________ SA (ci-après: V.________), dont le
siège est à Cannes (France), a vendu un yacht à W.________, domicilié à
Libreville (Gabon), pour le prix de 6'900'000 euros. Selon ce contrat, les
risques ne devaient passer à l'acheteur qu'au moment de la livraison à
Libreville. La venderesse a assuré le yacht auprès de B.________ SA
(ci-après: B.________), société de droit français avec siège à Paris.

En juin 2005, V.________ et X.________ ont conclu un contrat ayant pour objet
le transport du yacht de Barcelone (Espagne) à Libreville. Pour organiser ce
transport, X.________ s'est adressée à E.________ mbH & Co., société avec
siège à Hambourg (Allemagne), propriétaire inscrit du navire Y, D.________
Limited, avec siège sur l'Ile de Man, armateur du navire, et C.________ GmbH,
avec siège à Hambourg, opérateur du navire (ces trois sociétés seront
désignées collectivement ci-après par le terme de "transporteurs").

Les opérations de chargement du yacht à bord du navire Y se sont déroulées le
20 juillet 2005 dans le port de Barcelone. Alors que le yacht se trouvait
suspendu à un mètre au-dessus du pont du navire, l'élingue de poupe, dont le
fabricant est la société de droit suisse A.________ AG, avec siège à Zoug,
s'est rompue, provoquant la chute du yacht sur le pont, puis dans l'eau et,
partant, un dommage total.
Le conseil de la société Z.________ Ltd (ci-après: Z.________), assureur des
transporteurs, et celui de B.________, de W.________ et de V.________
(ci-après: B.________ et consorts) ont négocié la conclusion d'une convention
de prorogation de for et se sont accordés sur la compétence des tribunaux
suisses pour connaître du litige relatif au sinistre subi par le yacht. Ils
ont également choisi le droit suisse comme droit applicable au fond.

Cet accord a été confirmé par une Letter of Undertaking (ci-après: LOU) du 20
mars 2006, faisant suite à une précédente LOU du 3 août 2005, que Z.________
a fait parvenir au conseil de B.________ et consorts, en demandant à ce
dernier de lui restituer la précédente LOU. Dans ce document, l'assureur,
agissant pour le compte des transporteurs, déclarait proroger le for en
faveur des tribunaux genevois, faire élection du droit suisse et vouloir
payer à B.________ et consorts toute somme, jusqu'à concurrence d'un maximum
de 7'800'000 US$, au paiement de laquelle ses assurés seraient condamnés par
un jugement exécutoire des tribunaux genevois rendu en application du droit
suisse.

B. ________ a indemnisé V.________ à hauteur de 6'800'000 euros.

B.
Le 19 juillet 2006, B.________ a ouvert action, à Genève, contre les
transporteurs et contre A.________ AG en concluant à ce que les quatre
défenderesses soient condamnées solidairement à lui payer les sommes de
6'900'000 et 242'455 euros, avec intérêts à 5% dès le 19 juillet 2006.
Soutenant être subrogée aux droits de V.________ à l'égard des responsables
du dommage consécutif à la destruction du yacht, la demanderesse reproche aux
transporteurs d'avoir violé leurs obligations contractuelles et d'avoir
commis des actes illicites. Quant à A.________ AG, elle est recherchée au
titre de la responsabilité du fait du produit pour avoir livré une élingue
prétendument défectueuse.

A l'audience d'introduction du 14 septembre 2006, A.________ AG a soulevé
l'exception d'incompétence à raison du lieu.

Le 10 octobre 2006, les transporteurs ont déposé une demande d'appel en cause
dirigée contre X.________.

Par jugement sur incident du 21 décembre 2006, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a rejeté l'exception d'incompétence ratione loci
et s'est déclaré compétent pour connaître de la demande formée par B.________
à l'encontre de A.________ AG.
Saisie d'un appel de cette partie, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève, statuant par arrêt du 8 juin 2007, a confirmé le jugement
de première instance. A son avis, l'art. 129 al. 3 LDIP, relatif au for des
codéfendeurs en matière d'actes illicites, est applicable en l'espèce, étant
donné, d'une part, que toutes les défenderesses peuvent être recherchées en
Suisse - l'une (A.________ AG), parce qu'elle a son siège dans ce pays, les
autres (les transporteurs), du fait qu'elles ont conclu une convention de
prorogation de for expresse, voire tacite - et, d'autre part, qu'il existe un
lien de connexité suffisant entre les différentes prétentions litigieuses.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, A.________ AG demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de constater l'incompétence
ratione loci des tribunaux genevois pour connaître de l'action en paiement
que B.________ a introduite à son encontre.

Par lettre du 14 septembre 2007 de leur conseil, les transporteurs (ci-après:
les intimées) ont proposé le rejet du recours.

Dans sa réponse du même jour, B.________ (ci-après: la demanderesse) a pris
une conclusion identique.
Sur requête de la recourante, le président de la Ire Cour de droit civil a
accordé l'effet suspensif au recours par ordonnance du 4 septembre 2007.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
Interjeté par la partie qui a contesté sans succès la validité de son
assignation devant les tribunaux genevois (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé
contre une décision incidente concernant la compétence (art. 92 al. 1 LTF)
rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur
litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le
présent recours en matière civile est recevable, puisqu'il a été déposé dans
le délai (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec les art. 45 al. 1 et 46 al. 1
let. b LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

3.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard à l'exigence de motivation contenue à
l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b
LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits
établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des
constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105
al. 2 LTF seraient réalisées; à ce défaut, il n'est pas possible de tenir
compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision
attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4). Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de
l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

4.
La cour cantonale a constaté le caractère international du litige qui lui
était soumis et conclu à l'applicabilité, en l'espèce, de la Convention de
Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions LOU en matière civile et commerciale (RS 0.275.11;
ci-après: Convention de Lugano ou CL). Les juges cantonaux ont également
indiqué pour quel motif l'art. 6 ch. 1 CL ne s'applique pas dans le cas
présent.

La recourante ne discutant pas ces différents points de l'arrêt attaqué, il
n'y a pas lieu de les examiner. Elle ne critique pas non plus la
jurisprudence du Tribunal fédéral voulant que la compétence exclusive prévue
par l'art. 129 al. 3 LDIP puisse découler d'une prorogation de for (ATF 117
II 204 consid. 2c). Point n'est donc besoin de soumettre cette jurisprudence
à un nouvel examen.

5.
Dans un premier moyen, la recourante reproche à la Chambre civile d'avoir
violé l'art. 17 CL en admettant que la demanderesse et les trois intimées
étaient liées par une convention de prorogation de for au sens de cette
disposition.

5.1 Selon l'art. 17 ch. 1 CL, si les parties, dont l'une au moins a son
domicile sur le territoire d'un Etat contractant, sont convenues d'un
tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différends
nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou
les tribunaux de cet Etat sont compétents. La convention attributive de
juridiction est conclue, entre autres possibilités, par écrit ou verbalement
avec confirmation écrite. La jurisprudence interprète restrictivement les
conditions posées par cette disposition, étant donné que la prorogation de
juridiction constitue une exception au principe général du for du défendeur,
posé à l'art. 2 al. 1 CL. Les conditions formelles sont rigoureuses, car
elles sont destinées à empêcher qu'un tel accord soit inclus dans le texte
d'un contrat à l'insu des intéressés. Il faut donc, pour que l'une d'entre
elles puisse se prévaloir d'une convention de prorogation de for, que les
parties soient effectivement convenues de proroger le for et, cumulativement,
que leur volonté commune ait été concrétisée dans l'une des formes
mentionnées à l'art. 17 ch. 1 CL (ATF 131 III 398 consid. 6 et les auteurs
cités).

S'agissant de la forme écrite (art. 17 ch. 1, let. a, 1ère hypothèse, CL), un
échange de lettres peut suffire. L'apposition d'une signature n'est pas
exigée. En revanche, il n'est pas possible de faire abstraction de l'exigence
selon laquelle la volonté d'accepter la clause de prorogation de for doit
être exprimée de manière claire et sous forme écrite, le support utilisé
important peu. L'absence de contestation d'un écrit de confirmation de
commandes contenant la clause de prorogation de for ne peut ainsi pas être
considérée comme une acceptation valable de cette clause. Au demeurant, la
confirmation de l'acceptation d'une convention attributive de juridiction
doit intervenir dans un délai raisonnable (ATF 131 III 398 consid. 7.1.1 et
les auteurs cités).

En cas d'accord verbal confirmé par écrit (art. 17 ch. 1, let. a, seconde
hypothèse, CL; forme désignée en langue allemande par l'expression "halbe
Schriftlichkeit"), la partie qui se prévaut de la prorogation de for doit
prouver que celle-ci a fait l'objet d'un accord verbal exprès, que la
confirmation écrite est parvenue à l'autre partie et que cette dernière n'a
pas élevé d'objection (Bernard Dutoit, La Convention de Lugano, II, Fiches
juridiques suisses [FJS] n° 157, p. 55 s., ch. 174 et la jurisprudence
européenne citée en notes 190 à 192). Selon la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes [CJCE] et la doctrine, la confirmation
écrite peut émaner de l'une quelconque des parties (arrêt de la CJCE du 11
juillet 1985 dans l'affaire 221/84, Berghoefer GmbH c. ASA SA, Rec. 1985 p.
2699; Yves Donzallaz, La Convention de Lugano, vol. III, n. 6905; Reinhold
Geimer/Rolf A. Schütze, Europäisches Zivilverfahrensrecht, 2e éd., n. 111 ad
art. 23 du Règlement n° 44/2001 dit "Bruxelles I", du 22 décembre 2000,
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale [ci-après: le Règlement]; Jan
Kropholler, Europäisches Zivilprozessrecht, Kommentar, 8e éd., n. 48 ad art.
23 du Règlement; Hélène Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des
jugements en Europe, 3e éd., n. 143; Laurent Killias, Die
Gerichtsstandsvereinbarungen nach dem Lugano-Übereinkommen, thèse Zurich
1993, p. 169 ss).

5.2 Pour la cour cantonale, la LOU émise le 20 mars 2006 par Z.________,
assureur des intimées, dont les pouvoirs de représentation à l'égard de
celles-ci ne sont pas contestés par la recourante, constitue la confirmation
écrite d'un accord verbal par lequel les intimées sont convenues, avec la
demanderesse et ses consorts, d'une prorogation de for en faveur des
tribunaux genevois. A son avis, le fait que la demanderesse ait assigné les
intimées à Genève témoigne de l'existence d'un tel accord. La garantie de
paiement de 7'800'000 US$ en faveur de la demanderesse et de ses consorts,
contenue dans la LOU précitée, démontre, elle aussi, que ce document visait à
confirmer un accord trouvé. Enfin, selon les juges cantonaux, dans la mesure
où la prorogation de for avait pour effet d'attraire les intimées hors du for
de leur domicile, c'était à elles, et non pas à la demanderesse, de confirmer
l'accord verbal antérieur, ce qu'elles ont fait au moyen de la susdite LOU
émise par Z.________, la réception de ce document n'appelant pas de
confirmation de la part de la demanderesse.

Sur la base de ce raisonnement, la cour cantonale arrive à la conclusion que
les conditions d'application de l'art. 17 CL sont réalisées en l'espèce.

5.3
5.3.1 Ecartant cette conclusion, la recourante, de manière assez confuse il
est vrai, semble vouloir soutenir que la LOU du 20 mars 2006, à l'instar de
la précédente, ne constituait pas la confirmation écrite d'un accord verbal,
mais une simple offre de contracter soumise à acceptation. Selon elle, les
constatations de fait de l'arrêt attaqué devraient être complétées sur ce
point, parce que la Chambre civile aurait omis de constater que ni
V.________, ni W.________, ni la demanderesse n'avaient accepté cette offre.

La recourante conteste, par ailleurs, que la convention de prorogation de for
ait pu être passée valablement sans le consentement de la demanderesse,
lequel ne saurait être déduit, à son avis, du seul fait que cette partie a
introduit son action en paiement à Genève.

Enfin, la relation établie par la cour cantonale entre la garantie de
paiement souscrite par Z.________ dans la LOU du 20 mars 2006 et l'existence
d'un accord n'appelant pas de confirmation de la part de la demanderesse au
sujet de la prorogation de for est critiquée par la recourante pour la
raison, notamment, que pareille concession visait à rendre l'offre de
prorogation de for plus intéressante aux yeux de la demanderesse et de ses
consorts.

5.3.2 La thèse soutenue par la recourante repose entièrement sur la prémisse
voulant qu'une convention attributive de juridiction n'ait pas été conclue
avant l'émission de la LOU du 20 mars 2006 ou, du moins, que la preuve de la
conclusion d'une telle convention n'ait pas été rapportée par la
demanderesse. Or, semblable prémisse est erronée. La cour cantonale constate,
en effet, sur le vu des pièces figurant dans son dossier, que les conseils de
Z.________, représentante des intimées, et de la demanderesse et consorts ont
passé un accord portant sur le choix des tribunaux genevois et qu'ils l'ont
fait avant l'émission de ladite LOU, celle-ci n'étant que la confirmation
écrite de cet accord. La constatation en question lie le Tribunal fédéral
(art. 105 al. 1 LTF), étant donné que la recourante n'explique pas, de
manière circonstanciée, en quoi les conditions d'une exception prévue par
l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, s'agissant de cette constatation.
Aussi la construction échafaudée par l'intéressée sur le fondement d'une
offre, non acceptée, de conclure une convention de prorogation de for
s'écroule-t-elle ipso facto.

De même, la référence, faite par la recourante à l'arrêt publié aux ATF 131
III 398 consid. 7 et traduit in SJ 2005 p. 473 ss, n'est pas topique. Dans
cet arrêt, il s'agissait de savoir si l'absence de contestation, par son
destinataire, d'une confirmation de commande écrite contenant une clause de
prorogation de for insérée dans les conditions générales figurant au verso de
cet écrit pouvait être considérée comme une acceptation valable de cette
clause. Le Tribunal fédéral a répondu par la négative en faisant observer que
la volonté du destinataire de la confirmation de commande d'accepter la
clause de prorogation de for n'avait pas été manifestée par écrit. Il a
formulé cette réponse au regard de l'art. 17 ch. 1, let. a, première
hypothèse, CL. Dans le cas présent, c'est la seconde hypothèse de la même
disposition qui est en jeu. Le problème à résoudre consiste, en effet, à
rechercher si la convention de prorogation de for, qui a fait l'objet d'un
accord verbal spécifique conclu par les intimées avec la demanderesse et ses
consorts, a été confirmée par écrit. Les circonstances de la cause soumise à
l'examen de la Cour de céans n'ont ainsi rien à voir avec celles de l'affaire
qui a été tranchée dans le précédent invoqué par la recourante.

Pour le reste, comme on l'a indiqué plus haut (consid. 5.1), la confirmation
écrite de l'accord verbal peut émaner de l'une ou l'autre des parties. Dès
lors, la LOU du 20 mars 2006, bien qu'elle n'ait été émise que par une seule
des parties à cet accord, à savoir les intimées, constituait effectivement
une confirmation écrite au sens de l'art. 17 ch. 1, let. a, seconde hyp LOU
othèse, CL. La situation n'eût pas été différente, au demeurant, si cette
confirmation écrite avait été le fait de la partie demanderesse,
contrairement à la thèse erronée soutenue par la cour cantonale pour qui la
confirmation écrite devait nécessairement provenir de la partie à qui la
clause serait opposée.

Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'art. 17 CL tombe à faux.

6.
Comme les conditions d'application de l'art. 17 CL sont réalisées en
l'espèce, il n'y a pas lieu de trancher ici la question, examinée à titre
surabondant par la cour cantonale, de savoir si une prorogation de for
tacite, au sens de l'art. 18 CL, peut fonder la compétence locale instituée
par l'art. 129 al. 3 LDIP.

7.
Dans un dernier moyen, la recourante fait valoir, "à titre superfétatoire",
que les conditions d'application de l'art. 129 al. 3 LDIP ne sont pas
réalisées in casu, en l'absence d'un lien de connexité entre les différentes
prétentions exercées contre elle et contre ses consorts.

7.1 Aux termes de l'art. 129 al. 3 LDIP, si plusieurs défendeurs peuvent être
recherchés en Suisse et si les prétentions sont essentiellement fondées sur
les mêmes faits et les mêmes motifs juridiques, l'action peut être intentée
contre tous devant le même juge compétent; le juge saisi en premier lieu a la
compétence exclusive.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la compétence du juge saisi, qui
peut résulter d'une prorogation de for (ATF 117 II 204, susmentionné, consid.
2c, auquel se réfère l'ATF 129 III 80 consid. 2.3.3), suppose que l'action
soit de nature délictuelle, vu la systématique de la loi (la disposition
citée figure dans la section 3 intitulée "Actes illicites"), sans qu'il
importe, sous cet angle, que le demandeur reproche au défendeur, en sus d'un
acte illicite, une violation de ses devoirs contractuels (arrêt 4C.477/1993
du 13 juin 1994, reproduit partiellement in SJ 1995 p. 57 ss, consid. 3; ATF
117 II 204 consid. 2a). En d'autres termes, ce qui est déterminant pour
l'application de l'art. 129 al. 3 LDIP, c'est le fait que l'action dirigée
contre chacun des défendeurs recherchés soit aussi, sinon exclusivement, de
nature délictuelle et que chacun de ces défendeurs puisse être actionné en
Suisse, fût-ce sur la base d'une convention d'élection de for (Danielle
Gauthey Ladner, Solidarité et consorité en matière délictuelle en droit
suisse et américain, en particulier new-yorkais, thèse Lausanne 2001, p.
148).

L'application de l'art. 129 al. 3 LDIP suppose, en outre, que les prétentions
soient "essentiellement fondées sur les mêmes faits et les mêmes motifs
juridiques" ("stützen sich die Ansprüche im wesentlichen auf die gleichen
Tatsachen und Rechtsgründe"; "se le pretese si fondano essenzialmente sugli
stessi fatti et sugli stessi titoli giuridici"). La recourante soutient, pour
sa part, que les prétentions devraient se fonder sur les mêmes "normes
juridiques". Cependant, les auteurs qu'elle cite à l'appui de sa thèse ne lui
sont d'aucun secours, car ils se bornent à reprendre les expressions de
"motifs juridiques" ou de "Rechtsgründe" utilisées dans le texte légal
(Robert P. Umbricht/Nicole Zeller, Commentaire bâlois, Internationales
Privatrecht, 2e éd., n. 30 ad art. 129 LDIP; Paul Volken, Commentaire
zurichois, 2e éd., n. 116 ad art. 129 LDIP; Bernard Dutoit, Droit
international privé suisse, 4e éd., n. 9 ad art. 129 LDIP). Seuls deux
auteurs emploient le terme de "Rechtsnormen", mais en précisant immédiatement
que l'existence d'un lien de connexité entre les différentes prétentions
exercées est suffisante (Paolo Michele Patocchi/Elliott Geisinger,
Internationales Privatrecht, p. 429, ch. 4.1). Il est vrai que, dans l'arrêt
4C.477/1993 précité, le Tribunal fédéral lui-même a utilisé l'expression de
"normes juridiques" (consid. 5). Toutefois, rien ne donne à penser qu'il
l'ait fait à dessein et pour opposer cette expression à celle de "motifs
juridiques". En réalité et selon toute vraisemblance, l'expression de "normes
juridiques" aura été reprise du résumé français de l'ATF 117 II 204 publié
dans la SJ 1992 p. 74 ss, où l'expression de "Rechtsgründe", employée dans le
texte original (consid. 1 p. 206), a été traduite par celle de "normes
juridiques" (p. 75, 1er §). Quoi qu'il en soit, cette dernière expression ne
saurait correspondre à ce qu'a voulu dire le Tribunal fédéral. Preuve en est,
notamment, la remarque faite au dernier paragraphe de l'ATF 117 II 204 où il
est précisé, avec référence à l'art. 140 LDIP, qu'il importe peu, pour régler
la question de la compétence locale, que le droit applicable - autrement dit
les normes juridiques - ne soit pas nécessairement le même lorsque plusieurs
personnes ont participé à un acte illicite.

Il n'est guère possible de définir de manière abstraite et une fois pour
toutes ce qu'il faut entendre par "prétentions essentiellement fondées sur
les mêmes faits et sur les mêmes motifs juridiques" (sur cette question, cf.,
parmi d'autres, Gauthey Ladner, op. cit., p. 148 ss et les références). Selon
la doctrine, il est nécessaire et suffisant qu'il y ait un rapport de
connexité entre les différentes prétentions (Umbricht/Zeller, ibid.; Dutoit,
ibid.; Patocchi/Geisinger, ibid.; Andreas Bucher/Andrea Bonomi, Droit
international privé, 2e éd., n. 1060; Simon Othenin-Girard, Droit
international privé, Les actes illicites [art. 129-142 LDIP], FJS n° 710, p.
6). Cependant, la connexité est une notion juridique indéterminée qui
recouvre différentes hypothèses et qui fait appel au pouvoir d'appréciation
du juge. La jurisprudence fédérale a tenté de cerner ladite notion en
s'inspirant de la définition qu'en donne l'art. 22 al. 3 CL (ATF 132 III 178
consid. 3.1, relatif à l'art. 36 LFors; ATF 129 III 80 consid. 2.2, relatif à
l'art. 7 Lfors). Cette disposition tient pour connexes les demandes liées
entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à
les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être
inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Ce motif pratique -
éviter des jugements contradictoires - est aussi celui qui a guidé le
législateur fédéral lorsqu'il a adopté l'art. 129 al. 3 LDIP (cf. ATF 117 II
204 consid. 2c p. 108 in limine). La notion conventionnelle de la connexité,
ainsi définie, paraît toutefois trop large pour être appliquée telle quelle à
cette disposition légale. En effet, contrairement à celle-ci, elle ne semble
pas exiger que les demandes reposent essentiellement sur les mêmes motifs
juridiques (cf. Geimer/Schütze, op. cit., n. 11 ad art. 28 du Règlement).
Quoi qu'il en soit, les conditions d'application de l'art 129 al. 3 LDIP
offrent déjà, à elles seules, des garanties suffisantes au défendeur
susceptible d'être attrait devant une autre juridiction suisse que celle de
son domicile contre une interprétation extensive de la notion de connexité.
Elles supposent, en effet, que les prétentions émises à l'encontre des divers
défendeurs pouvant être recherchés en Suisse reposent toutes sur un acte
illicite et que celui-ci résulte essentiellement des mêmes faits. En
revanche, comme l'utilisation de ce dernier adverbe le fait ressortir, la loi
ne subordonne pas l'application du for de la connexité (ou de la consorité) à
l'existence d'une identité factuelle complète. L'identité requise sera ainsi
réalisée à l'égard de prétentions relevant de la matière délictuelle et
découlant, par exemple, du même accident de la circulation, du même acte de
concurrence déloyale ou de la même immission (Volken, op. cit., n. 119 ad
art. 129 LDIP; Dutoit, ibid.). Dans la mesure où la systématique de la loi
limite déjà l'application de l'art. 129 al. 3 LDIP au domaine de la
responsabilité fondée sur un acte illicite, on peut se demander si
l'expression "les mêmes motifs juridiques", utilisée par le législateur,
n'est pas redondante. Aussi bien, de deux choses l'une: soit les faits
imputés au défendeur assigné au for de la connexité sont essentiellement les
mêmes que ceux qui sont reprochés à ses codéfendeurs comme constituant des
actes illicites, et l'art. 129 al. 3 LDIP est applicable; soit ils diffèrent
de ceux-ci et excluent l'application de cette disposition, même s'ils
relèvent eux aussi de la responsabilité délictuelle. Il est donc difficile
d'envisager l'hypothèse dans laquelle des prétentions découlant de ce type de
responsabilité et reposant, pour l'essentiel, sur les mêmes faits, ne
seraient pas fondées essentiellement sur les "mêmes motifs juridiques", pour
reprendre les termes de la disposition citée. En définitive, ce sont moins
des considérations dogmatiques que les circonstances du cas concret qui
s'avéreront décisives pour déterminer si les conditions d'application de
l'art. 129 al. 3 LDIP sont réalisées ou non dans la cause soumise au juge du
for des codéfendeurs.

7.2 La cour cantonale a estimé que ces conditions étaient réalisées en
l'espèce. Il convient de lui donner raison, quoi qu'en dise la recourante.

Soutenant être subrogée aux droits de son assurée - V.________, propriétaire
du yacht vendu et détruit avant sa livraison à l'acheteur -, la demanderesse
agit à l'encontre des intimées, les transporteurs, afin d'obtenir réparation
du dommage qu'elle leur reproche d'avoir causé par des actes illicites, outre
la violation de leurs obligations contractuelles, en provoquant la
destruction involontaire du yacht et en portant ainsi atteinte à la propriété
de son assurée. Quant à la recourante, elle est recherchée au titre de la
responsabilité du fait du produit, motif pris de la livraison d'une élingue
prétendument défectueuse utilisée pour soulever le yacht. Ce type de
responsabilité, que la loi fédérale sur le droit international privé classe
dans la section des "actes illicites" s'agissant du droit applicable (cf.
art. 135 LDIP), entre dans le champ d'application de l'art. 129 LDIP et
relève donc, lui aussi, de la responsabilité délictuelle au sens de cette
disposition (Gerhard Walter, Internationales Zivilprozessrecht der Schweiz,
4e éd., p. 160; Volken, op. cit., n. 29 ad art. 129 LDIP; Umbricht/Zeller,
op. cit., n. 5 ad art. 129 LDIP), comme c'est du reste également le cas sous
l'angle de l'art. 5 ch. 3 CL (Dutoit, FJS n° 157, ch. 68 in fine). Ainsi,
toutes les prétentions élevées contre les défendeurs sont fondées
essentiellement sur les mêmes motifs juridiques, à savoir une responsabilité
pour actes illicites lato sensu. Elles reposent également toutes, pour
l'essentiel, sur les mêmes faits, en l'occurrence le sinistre survenu le 20
juillet 2005 à Barcelone lors du chargement du yacht sur le pont du navire
qui devait le transporter au Gabon. Peu importe, à cet égard, que ce fait-là,
à l'origine de l'ensemble des prétentions de la demanderesse, soit la
conséquence d'autres faits qui ne sont pas les mêmes pour toutes les
défenderesses recherchées, c'est-à-dire la prétendue violation des règles et
usages en matière maritime pour ce qui est des intimées et la livraison d'un
produit apparemment défectueux en ce qui concerne la recourante. La présente
espèce fournit un bon exemple de l'intérêt qu'il peut y avoir à instruire et
à juger en même temps les prétentions dirigées contre chacune des
codéfenderesses. L'attraction de la compétence ratione loci permettra
d'éviter, par exemple, que les tribunaux genevois libèrent les intimées, au
motif que la recourante serait l'unique responsable du dommage subi par la
demanderesse, et que, de leur côté, les tribunaux zougois libèrent la
recourante pour la raison que la responsabilité de cette dernière ne serait
pas engagée selon eux. Elle offrira, en outre, à la recourante la possibilité
de faire valoir son point de vue en pleine connaissance de celui des autres
parties et de requérir ainsi l'administration de preuves de manière plus
ciblée. L'obligation de renoncer aux tribunaux de son domicile et de plaider
devant une juridiction de la Suisse francophone est une contrepartie
nécessaire et peu contraignante à de tels avantages, faut-il le souligner,
quand bien même pareille circonstance ne joue aucun rôle pour décider de
l'applicabilité de l'art. 129 al. 3 LDIP. Cette disposition est donc
applicable in casu, étant rappelé ici que toutes les défenderesses peuvent
être recherchées en Suisse, la recourante parce qu'elle y est domiciliée
(art. 2 al. 1 CL), les intimées parce qu'elles y ont élu un for (art. 17 ch.
1 CL).
Par conséquent, les juridictions genevoises ont admis à juste titre leur
compétence ratione loci à l'égard de toutes les défenderesses, la recourante
incluse. Le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral sera, dès lors,
rejeté.

8.
La recourante, qui succombe, devra payer l'émolument judiciaire afférent à la
procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et indemniser la demanderesse (art. 68
al. 2 LTF). Quant aux intimées, qui n'ont déposé qu'une simple lettre d'une
page ne constituant manifestement pas une réponse au recours, elles n'ont pas
droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 37'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à B.________ SA une indemnité de 42'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 21 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: