Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.260/2007
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4A_260/2007 /ech

Arrêt du 4 septembre 2007
Ire Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jérôme Fer,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Jean-Marie Allimann.

contrat de travail,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal
cantonal de la République et Canton du Jura du 4 juin 2007.

Faits :

A.
A.a En juin 2002, Y.________ a été engagé en qualité d'ouvrier de nettoyage
par X.________. Son taux d'occupation était de 22 heures par semaine pour un
salaire horaire brut de 20 fr., auquel s'ajoutait l'indemnité vacances, selon
contrat de travail écrit du 6 janvier 2003.

Lors de son engagement, Y.________ était au bénéfice d'une demi-rente
d'invalidité, en raison d'une affection dorsale et d'une faiblesse dans les
membres inférieurs.

A.b Y.________ est tombé malade le 1er mars 2005. Depuis cette date, il est
en incapacité totale de travailler.

A.c Le 11 avril 2005, A.________-assurances a informé l'employeur que
Y.________ ne pouvait être assuré par le biais de l'assurance-maladie
collective perte de gain, conclue auprès de leur compagnie.

B.
B.aLe 10 février 2006, Y.________ a saisi le Conseil de prud'hommes, Tribunal
de première instance du canton du Jura, d'une demande en paiement. Après
augmentation de ses conclusions initiales, il réclamait à X.________ le
paiement du montant net de 28'500 fr., comprenant l'indemnité pour perte de
gain due sur 720 jours, le remboursement de frais de déplacement et d'une
facture d'un médecin.

Par jugement du 22 mars 2007, la Présidente du Conseil de prud'hommes a
condamné le défendeur à payer au demandeur la somme nette de 28'243 fr.70,
avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2006, ainsi qu'une indemnité de
dépens de 6'000 francs.

B.b Le défendeur a interjeté appel contre ce jugement auprès de la Cour
civile du Tribunal cantonal jurassien. Par arrêt du 4 juin 2007, il a été
débouté de l'entier de ses conclusions.

C.
C.aAgissant par la voie du recours de droit civil au Tribunal fédéral, le
défendeur requiert l'octroi de l'effet suspensif et conclut, avec suite de
frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt entrepris. Il demande à ce que la
Cour de céans statue au fond ou renvoie l'affaire à la Cour civile du
Tribunal cantonal ou même au Conseil de prud'hommes pour compléter l'état de
fait et pour rendre un nouveau jugement dans le sens des considérants. À
l'appui de son recours, il se plaint d'un établissement inexact des faits et
d'une violation du droit fédéral, sous l'angle des art. 20, 97 et 42 à 44 CO.

Le demandeur conclut au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours.
La Présidente de la Cour civile s'en remet, quant à elle, à dire de justice
s'agissant de la requête d'effet suspensif, tout en concluant pour le reste
au rejet du recours.

C.b Par ordonnance présidentielle du 12 juillet 2007, l'effet suspensif au
recours « jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif » a été accordé,
à titre de mesures superprovisoires.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75
LTF) dans une affaire pécuniaire concernant le droit du travail dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 francs (art. 74 al. 1 let. a
LTF), le recours en matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

3.
3.1 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.
1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.3).
3.2 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).

4.
Le recourant critique tout d'abord l'appréciation des preuves à laquelle
s'est livrée la juridiction cantonale et les constatations de fait qui en
découle. Il soutient qu'il est établi que l'intimé n'était pas assurable et
que la cause essentielle expliquant le caractère durable de l'incapacité de
travail depuis mars 2005 réside dans l'aggravation de l'état physique de
l'employé préexistant à son engagement. Pour asseoir son argumentation, le
recourant prend appui sur la lettre de prise de position de
A.________-assurances du 12 décembre 2005, dans laquelle l'assurance prétend
qu'elle n'aurait pas assuré l'intimé lors de son entrée en service. Le
recourant reproche aussi à l'autorité cantonale de s'être fondée à tort sur
le seul certificat médical du médecin traitant de l'intimé, sans prendre
appui sur tous les éléments médicaux détaillés du dossier AI.

4.1 A teneur de l'art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral peut rectifier ou
compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits
ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF. Ce n'est que dans cette mesure que la partie
recourante est recevable à critiquer les constatations de fait, et cela
uniquement pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer
sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). La notion de
"manifestement inexacte" évoquée ci-dessus correspond à celle d'arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. (cf. Message du 28 février 2001 concernant la révision
totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135, ch. 4.1.4.2).

En matière d'appréciation des preuves et de constatations de fait, l'autorité
tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans aucune
raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore
lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des
constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).
4.2 Les juges cantonaux ont retenu qu'il revenait à l'employeur, d'une part,
d'annoncer correctement son employé à l'assurance pour que celui-ci puisse
être assuré convenablement et, d'autre part, de porter à la connaissance de
l'employé que l'assurance-maladie perte de gain - qui faisait partie du
contrat de travail - contenait des restrictions concernant les employés au
bénéfice d'une rente. L'existence de ces dernières restrictions n'ayant pas
été portée à la connaissance de l'intimé, les juges cantonaux ont estimé que
l'employé, qui pouvait de bonne foi considérer que l'assurance conclue par
l'employeur couvrait l'incapacité considérée, n'a pas été en mesure de
prendre les dispositions qui s'imposaient et qu'ainsi, le recourant a failli
à ses obligations contractuelles. Les magistrats ont donc considéré qu'en sus
de toute annonce faite en bonne et due forme, suivie ou non d'un refus
d'assurance, l'employeur se devait d'informer l'employé invalide, ce qui n'a
manifestement pas été fait, sans que cette omission ne soit présentement
remise en cause.

Dans ces circonstances, il est sans pertinence de déterminer quelle aurait
été la prise de position de l'assurance si l'employeur avait dûment transmis
à l'assurance une déclaration de santé concernant son employé. Force est donc
de constater que la lettre litigieuse du 12 décembre 2005 n'est d'aucun
secours au recourant. Au demeurant, contrairement à ce que soutient le
recourant, il ne ressort pas de la lettre en question que la cause
essentielle de l'incapacité de travail depuis mars 2005 réside dans
l'aggravation de l'état physique de l'employé préexistant à son engagement.
Le document litigieux n'est donc pas à même de contredire le certificat
médical établi par le médecin traitant de l'intimé, selon lequel le cas de
maladie actuel du patient n'a rien à voir avec son problème pris en charge
par l'assurance invalidité. En outre, l'affirmation selon laquelle les juges
ne se sont pas fondés « sur tous les éléments médicaux détaillés ressortant
pourtant clairement du dossier AI », sans autre précision, est manifestement
insuffisante à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, voire
une quelconque violation du droit dans l'établissement des faits. Enfin, on
peine à voir dans quelle mesure la prise en compte des éléments de preuve
invoqués serait à même d'influer sur le sort du litige.

Le premier moyen soulevé par le recourant tombe à faux. Partant, il n'y a pas
lieu de s'écarter des faits, tels que retenus par l'autorité cantonale.

5.
Le recourant invoque ensuite la nullité partielle du contrat, au sens de
l'art. 20 CO. Il soutient qu'au regard de la prise de position de
A.________-assurances dans sa lettre du 12 décembre 2005, il ne lui était pas
possible d'assurer initialement l'intimé. De son point de vue, si la
déclaration de santé avait été déposée à l'engagement de l'intimé ou peu
après, la compagnie d'assurances aurait déjà refusé à ce moment-là de couvrir
l'intimé comme elle l'a finalement décidé après la survenance du sinistre.
Cette impossibilité était par ailleurs objective, car elle ne dépendait pas
des démarches que le recourant devait ou pouvait accomplir, mais des
conditions générales et de la pratique de la compagnie d'assurances; elle
était également durable, puisque motivée par la situation de rentier AI de
l'intimé et son état de santé préexistant à l'engagement. Le recourant ajoute
que, si l'intimé avait su qu'il ne pouvait pas être assuré en perte de gain
maladie, il aurait poursuivi son activité et accepté de n'être indemnisé,
quoi qu'il arrive, que pour un temps limité.

Pour construire son raisonnement, le recourant prend appui sur des faits qui
n'ont pas été retenus par l'autorité cantonale, puisque celle-ci a
expressément mentionné qu'il n'est pas certain que A.________ n'aurait pas
assuré l'intimé. Il n'est de même pas établi que l'incapacité de travail de
l'intimé a pour cause essentielle l'aggravation de son état de santé physique
préexistant à son engagement. Aucune constatation n'a également été faite
s'agissant du comportement que l'intimé aurait adopté dans l'hypothèse d'un
refus de prise en charge de son cas par l'assurance. C'est dire que le moyen
est irrecevable, sans qu'il ne soit nécessaire de l'examiner plus avant.

6.
Le recourant fait également état de l'inexistence d'un rapport de causalité
adéquate entre l'inexécution contractuelle et le dommage, invoquant par là
une violation de l'art. 97 CO.

A l'appui de son grief, le recourant affirme que l'assurance aurait refusé de
couvrir le cas de l'intimé, si la déclaration de santé avait été présentée en
temps utile. Il prétend que, même en cas d'admission de l'intimé, l'assurance
n'aurait pu qu'émettre des réserves et, puisque l'incapacité de travail dès
le mois de mars 2005 était objectivement et essentiellement due à une
aggravation de l'état de santé préexistant à l'engagement, l'intimé n'aurait
pas été indemnisé par l'assurance. Sur cette base, le recourant conclut qu'il
n'y a pas de lien entre l'inexécution contractuelle et le dommage.

Comme au considérant précédent, le recourant fonde son argumentation sur des
faits qui n'ont pas été retenus par la cour. En cela, le grief est
irrecevable. Au demeurant, le recourant perd de vue que la cour cantonale a
relevé qu'il incombait au recourant, en sus d'annoncer correctement son
employé à l'assurance, de porter à sa connaissance que la police d'assurance
contenait des restrictions concernant les employés au bénéfice d'une rente.
Dès lors que le recourant ne critique pas le lien de causalité adéquate entre
la violation de cette dernière obligation, qui justifie les prétentions de
l'intimé, et le dommage subi, son grief tombe à faux.

7.
Le recourant reproche enfin aux magistrats d'avoir enfreint les art. 42 à 44
CO.

7.1 Il prétend que, sur la base des faits tels qu'établis par les premiers
juges, le montant exact du dommage ne peut pas être fixé, puisque la part des
deux causes d'incapacité de travail de l'intimé, à savoir, d'une part, la
sévère aggravation de son état de santé préexistant à l'engagement et,
d'autre part, la dépression réactionnelle consécutive à l'avertissement du 25
février 2005, n'a pas été définie.

Dans le cadre de ce grief, le recourant critique la quotité du dommage, qui
relève des faits. Or, il a été arrêté plus haut qu'il n'y avait pas matière à
rectifier les faits retenus par l'autorité cantonale. Par ailleurs, le
recourant ne démontre pas que le mode de calcul appliqué serait contraire au
droit, voire que les juges cantonaux auraient méconnu les règles sur le
fardeau de la preuve. De surcroît, sur le vu du résultat des considérants qui
précèdent, il est sans pertinence de connaître la part exacte de chacune des
deux causes d'incapacité de l'intimé. Par conséquent, le grief est une
nouvelle fois dénué de fondement, pour autant qu'il soit recevable.

7.2 Le recourant soutient qu'en tout état de cause, il aurait dû être mis au
bénéfice des facteurs de réduction légaux prévus aux art. 43 et 44 CO.

S'agissant d'une éventuelle application de l'art. 43 al. 1 CO, le recourant
voit dans l'engagement à temps partiel d'un rentier AI une prise de risques
importante, qui constitue une circonstance particulière au sens de la
disposition précitée. Il ajoute que son engagement social ne doit pas lui
valoir une condamnation pécuniaire exorbitante. Il va sans dire qu'une telle
argumentation est insuffisante au regard des exigences de motivation posées
par l'art. 42 LTF. Au reste, la description du comportement du recourant,
telle qu'elle ressort du jugement attaqué, ne permet pas de déduire que le
recourant n'a commis qu'une faute légère (ATF 96 II 172 consid. 3a; 92 II 234
consid. 3b) - ce qu'il n'affirme du reste même pas - et qu'ainsi, il puisse
prétendre à bénéficier de l'art. 43 CO.

Quant à une éventuelle faute concomitante de l'intimé, elle est inexistante.
Contrairement au recourant, qui avait l'obligation de porter à la
connaissance de l'intimé les conditions particulières et générales de la
police d'assurance, l'intimé n'assumait aucune obligation à cet égard. L'art.
17 let. d ch. 2 de la convention collective de travail du secteur du
nettoyage, cité par le recourant, est extrait de l'édition 2005/2008, qui
n'était pas en vigueur au moment de l'engagement de l'intimé. Or, le contenu
de cet article n'a pas d'équivalent dans la version 2002/2003 de la même
convention collective - produite sous pièce no 4 du bordereau de pièces
justificatives du 10 février 2006. Au demeurant, il ne ressort pas de
l'extrait en question que l'intimé avait l'obligation de se faire remettre un
exemplaire des conditions générales. Il est donc erroné de prétendre que
l'intimé a contribué à créer le dommage et que sa faute est au moins
équivalente à celle qui est reprochée au recourant. Par conséquent,
l'argument du recourant est infondé.

8.
Au terme de cet examen, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Par conséquent, l'effet suspensif accordé à celui-ci, à titre de
mesures superprovisoires, devient caduc dès ce jour.

9.
Conformément à l'art. 65 al. 4 let. c LTF, qui déroge sur ce point à l'art.
343 al. 3 CO, la présente procédure de recours n'est pas gratuite quand bien
même elle a trait à un différend résultant du contrat de travail dont la
valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 francs. Par conséquent, un émolument
judiciaire sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1
LTF). Celui-ci versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 68
al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.

Lausanne, le 4 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: