Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.255/2007
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4A_255/2007 /ech

Arrêt du 3 octobre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Reymond,

contre

B.________ et C.________,
D.________,
E.________,
intimés, tous trois représentés par Me Marc-Olivier Buffat,
F.________,
intimé, représenté par Me Denis Bettems.

appel en cause; arbitraire; droit d'être entendu,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois du 4 avril 2007.

Faits :

A.
Le 12 juillet 2002, A.________ (ci-après: le vendeur) a vendu à B.________,
C.________, D.________ et E.________ (ci-après: les acheteurs) un immeuble
dont il était propriétaire.

Le 25 janvier 2006, les acheteurs ont saisi la Cour civile du Tribunal
cantonal vaudois d'une action fondée sur les règles de la garantie pour les
défauts de la chose vendue, tendant à ce que le vendeur soit condamné à leur
payer la somme de 402'450 fr. Ils lui reprochaient le fait que l'immeuble
avait une surface brute des planchers encore disponible inférieure à
l'indication figurant dans l'acte de vente.

B.
Le 20 mars 2006, le vendeur a requis l'appel en cause de l'architecte
F.________ (ci-après: l'architecte), qui avait calculé la surface brute
figurant dans l'acte de vente, et de la Commune, qui aurait confirmé
l'exactitude des chiffres présentés par celui-ci. Il se proposait de conclure
à ce que les appelés en cause soient tenus de le relever de toute
condamnation qui pourrait être formulée contre lui du chef des conclusions
prises par les acheteurs, subsidiairement à ce que les appelés en cause
soient condamnés à lui verser immédiatement la somme de 402'450 francs.

Par jugement incident du 10 octobre 2006, le Juge instructeur de la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la requête d'appel en cause.

Saisie par le vendeur et statuant par arrêt du 4 avril 2007, la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours et confirmé la
décision incidente.

C.
Le vendeur (le recourant) interjette le présent recours en matière civile au
Tribunal fédéral, qu'il limite au refus d'appeler en cause l'architecte. Se
plaignant d'arbitraire dans l'application du droit cantonal de procédure et
de violation du droit d'être entendu pour défaut de motivation suffisante, il
conclut principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et à l'admission de
la requête d'appel en cause en ce qu'elle concerne l'architecte,
subsidiairement à l'annulation de l'arrêt et au renvoi du dossier à
l'autorité cantonale, avec suite de frais et dépens.
L'architecte propose le rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Les
acheteurs déclarent s'en remettre à justice, tout en estimant le recours
infondé. La Commune, hors de cause, s'en remet également à justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit
(art. 132 al. 1 LTF).

2.
2.1 L'arrêt entrepris ne met pas un terme à la procédure, puisqu'il ne fait
que liquider un incident survenu au cours de celle-ci relativement à l'appel
en cause d'un tiers (ATF 132 I 13 consid. 1.1 p. 15). Ne concernant ni la
compétence, ni une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF), il ne peut
faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que s'il est susceptible de
causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission
du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b
LTF), hypothèse non concernée en l'espèce.

La notion de préjudice irréparable a été reprise de l'art. 87 al. 2 aOJ, de
sorte que la jurisprudence relative à cette disposition peut être transposée
pour l'interprétation de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (Hohl, Le recours en
matière civile selon la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, Les
recours au Tribunal fédéral, Genève 2007, p. 71 ss, spéc. p. 88; Corboz,
Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral, SJ 2006 II 319 ss,
spéc. p. 326).

Selon la jurisprudence, les décisions concernant l'appel en cause
n'occasionnent pas de préjudice irréparable. Toutefois, le Tribunal fédéral a
admis que l'économie de la procédure justifiait de faire abstraction de
l'art. 87 aOJ en cas de décision refusant d'autoriser l'appel en cause. En
effet, l'appel en cause permet à une partie à une instance déjà introduite
d'obliger le tiers à participer à la même procédure et produit une jonction
des causes: sont jugées à la fois les prétentions du demandeur contre le
défendeur et celles de l'un d'eux contre l'appelé en cause, qui devient une
véritable partie au procès. Dès lors, si le refus d'autoriser l'appel en
cause ne pouvait être attaqué qu'en même temps que la décision finale et
qu'il soit, par hypothèse, annulé à ce moment-là avec ladite décision, le
procès devrait être recommencé ab initio avec l'appelé, ce qui serait
contraire au principe de l'économie de la procédure (ATF 132 I 13 consid. 1.1
p. 15 s.).

L'arrêt querellé est donc susceptible de recours au Tribunal fédéral.

2.2 En outre, la recevabilité du recours découle également de ce que la
décision attaquée met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts,
en l'occurrence l'architecte (art. 91 let. b LTF).

2.3 Pour le surplus, interjeté par la partie qui a succombé (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre un arrêt rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF)
par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une
affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al.
1 let. b LTF), le présent recours en matière civile est en principe
recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et 100 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il convient donc d'entrer
en matière.

3.
Le recourant se plaint principalement d'une violation de l'interdiction
constitutionnelle de l'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application des
dispositions cantonales de procédure relatives à l'appel en cause.

3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1).

En matière d'application du droit cantonal, l'arbitraire et la violation de
la loi ne sauraient être confondus; une violation de la loi doit être
manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le
Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte
que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il
doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable
(ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 18).

3.2 A teneur de l'art. 83 du Code de procédure civile du canton de Vaud du 14
décembre 1966 (ci-après: CPC/VD), il y a lieu à appel en cause lorsqu'une
partie a un intérêt direct à contraindre un tiers à intervenir au procès,
soit qu'elle ait contre lui, si elle succombe, une prétention récursoire ou
en dommages-intérêts, soit qu'elle entende lui opposer le jugement, soit
enfin qu'elle fasse valoir contre lui des prétentions connexes à celles qui
sont en cause; le juge peut refuser l'appel en cause s'il en résulte une
complication excessive du procès.

Selon la jurisprudence cantonale rendue au sujet de l'art. 83 CPC/VD,
l'intérêt direct du requérant à contraindre un tiers à intervenir doit être
suffisamment caractérisé pour que l'alourdissement du procès puisse être
légitimement imposé à l'autre partie. La notion d'intérêt direct doit dès
lors être comprise de manière restrictive, afin que l'institution de l'appel
en cause ne soit pas détournée de son but, qui est de joindre des causes
issues d'un même ensemble de faits et intéressant toutes les parties; à
l'intérêt d'une solution simultanée d'un complexe de prétentions litigieuses
s'oppose le risque d'une extension du procès à des faits et à de tierces
personnes qui ne sont qu'en relation indirecte avec le litige. Si l'appelant
envisage une action récursoire ou en dommages-intérêts contre le tiers appelé
au cas où il succomberait, il faut que cette action soit fondée sur le même
ensemble de faits que l'action principale dirigée contre lui (JT 2002 III 150
consid. 3a).

Le juge peut refuser l'appel en cause s'il en résulte une complication
excessive du procès (art. 83 al. 2 CPC/VD). A ce sujet, la jurisprudence
cantonale distingue les cas de connexité parfaite et ceux de connexité simple
ou imparfaite. Lorsque les droits ou obligations objet des deux procès
dérivent de la même cause juridique ou du même fait dommageable (connexité
parfaite au sens de l'art. 74 let. b CPC/VD), le risque de jugement
contradictoires l'emporte sur les difficultés de l'instruction. Lorsque les
deux actions ont pour objet des prétentions de même nature dérivant de causes
connexes (connexité simple ou imparfaite au sens de l'art. 74 let. c CPC/VD),
la mise en balance des deux risques se justifie (JT 2001 III 9 consid. 3b).

3.3 Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu que si les
prétentions des parties se référaient à un même ensemble de faits, il n'y
avait pas consorité parfaite, les prétentions ne relevant pas de la même
cause juridique ni du même fait dommageable. Il est d'avis qu'il n'existerait
qu'un seul et même fait dommageable - le faux calcul de la surface
constructible résiduelle - à l'origine tant de l'action des acheteurs contre
lui que de celle qu'il entend intenter contre l'architecte.

Les acheteurs de l'immeuble ont ouvert contre le recourant, vendeur de la
parcelle, une action en réduction du prix de vente pour cause de défauts de
la chose vendue; ils font valoir qu'une qualité promise, la possibilité de
construire une surface de plancher déterminée, fait défaut. Le recourant
répond de ce défaut, sauf si les acheteurs le connaissaient au moment de la
vente; le fait que le vendeur se soit, le cas échéant, fondé sur un avis
d'expert pour donner les assurances erronées est sans pertinence, de même que
le point de savoir pour quel motif l'architecte, le cas échéant, s'est trompé
(cf. art. 197 et 205 CO). L'objet du procès sera de déterminer si le défaut
existe, si les acheteurs le connaissaient au moment de conclure l'acte de
vente et, le cas échéant, quelle moins-value de l'immeuble, calculée selon la
méthode relative, en découle.

Pour sa part, le recourant entend intenter action en paiement contre
l'architecte au motif qu'il aurait mal calculé la surface constructible. Il
s'agit d'une action pour mauvaise exécution d'une prestation personnelle; que
le rapport contractuel doive être qualifié de mandat ou de contrat
d'entreprise ne joue en l'état pas de rôle. Il s'agira dans cette procédure
de déterminer si l'architecte a fait une erreur, si une autre personne en
partage la responsabilité et quelles conséquences pécuniaires en découlent;
ces dernières pourraient notamment concerner sa rétribution ou le
remboursement de frais de procédure causés au vendeur ensuite de l'action en
garantie des acheteurs. Par contre, une éventuelle mauvaise exécution des
calculs par l'architecte n'a pas causé de dommage à l'immeuble; la
moins-value de l'immeuble consécutive au défaut de la qualité promise est
uniquement due au fait que l'immeuble n'avait, le cas échéant, pas la qualité
promise et que le prix de vente était en conséquence surfait.

Selon toute probabilité, sans les chiffres fournis par l'architecte, à
supposer qu'ils soient faux, le contrat de vente n'aurait pas été conclu ou
ne l'aurait pas été aux mêmes conditions, et il n'y aurait pas d'action en
garantie pour défaut de la chose vendue. Ce lien entre l'erreur de
l'architecte et le défaut d'une qualité promise de l'immeuble vendu est de
fait. Ce lien de fait ne signifie pas que l'action en garantie pour défaut de
la chose vendue des acheteurs et l'action en dommages-intérêts du vendeur
contre l'architecte dérivent de la même cause juridique ou du même fait
dommageable. En ne retenant pas la connexité parfaite, la cour cantonale n'a
pas fait une application arbitraire des art. 74 let. b et 83 CPC/VD.

3.4 A titre subsidiaire, le recourant fait grief à la cour cantonale de ne
pas avoir procédé à une balance des intérêts. Il allègue que son intérêt à
l'appel en cause pour éviter des jugements contradictoires et pour s'épargner
d'avoir à supporter deux procès au lieu d'un seul l'emportant manifestement
sur les complications du procès en garantie, lesquelles ne seraient pas
réelles puisque les relations à examiner dans le procès en dommages-intérêts
contre l'architecte devraient de toute manière l'être dans le procès en
garantie.

Dans le cadre des deux actions, il y aura lieu de déterminer si la surface
constructible restante calculée par l'architecte et reprise dans l'acte de
vente était correcte ou erronée; le risque de décisions contradictoires sur
cette question de fait paraît très limité. Pour le surplus, les questions de
fait et de droit se posant dans les deux actions sont différentes; un risque
de décisions contradictoires semble exclu, et on ne discerne pas non plus
l'économie qui résulterait d'une réunion des deux procédures. En outre, le
sort de l'action du recourant contre l'architecte est sans pertinence pour le
sort de l'action en garantie des acheteurs contre le recourant; la procédure
relative à cette dernière action serait par contre compliquée et prolongée en
cas d'appel en cause. Dans ces circonstances, en refusant l'appel en cause,
la cour cantonale n'a pas fait une application insoutenable de l'art. 83
CPC/VD qui lui laisse un large pouvoir d'appréciation. Le grief d'arbitraire
est ainsi infondé.

4.
Le recourant se plaint aussi d'une violation du droit d'être entendu (art. 29
al. 2 Cst.) pour défaut de motivation suffisante de l'arrêt attaqué sur
certains points.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu l'obligation pour
l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse la comprendre,
l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse
exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 15 c. 2a/aa p.
17).

L'arrêt attaqué est certes succinct sur certains points; mais les motifs
retenus étant assez évidentes, il n'y avait pas lieu d'en dire plus. Cela
vaut en particulier pour la question des liens entre l'architecte, le vendeur
et les acheteurs, qui sont sans pertinence pour le sort de l'action en
garantie. L'arrêt satisfait aux exigences constitutionnelles: à sa lecture,
on saisit sans difficulté les motifs de fait et de droit de l'autorité
cantonale, et le recourant a d'ailleurs été en mesure de motiver son recours.
Le grief de violation du droit d'être entendu est donc également infondé.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens de l'architecte, qui a
déposé une réponse circonstanciée, sont mis à la charge du recourant, lequel
succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il ne se justifie par
contre pas d'allouer des dépens aux acheteurs, qui se sont brièvement
déterminés et s'en sont remis à justice.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé F.________ une indemnité de 4'500 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 3 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: