Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.249/2007
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4A_249/2007

Arrêt du 16 novembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Crittin.

X. ________,
recourante, représentée par Me Jean-Bernard Waeber,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Guy Stanislas.

contrat de travail; licenciement abusif; discrimination,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes
du canton de Genève du 7 juin 2007.

Faits:

A.
A.a Le 30 avril 2001, X.________ a été engagée par A.Y________ SA, de siège à
..., en qualité de « responsable administration des ventes ». Elle avait pour
mission de fournir un support administratif et de gestion pour l'unité des
ventes, ainsi que pour la direction générale selon les demandes, et de mener
des projets liés à la gestion administrative des ventes.

Le contrat de travail prévoyait un salaire mensuel de 7'100 fr. bruts, versé
treize fois l'an, ainsi qu'une rémunération variable représentant 10% du
salaire annuel.

Lors de son engagement, X.________ disposait d'une formation en sciences
économiques de l'Université de Z.________, avait suivi et achevé plusieurs
formations professionnelles en techniques de communication de vente, et
bénéficiait d'une expérience professionnelle de onze ans dans l'industrie
pharmaceutique.

A.b Le 25 septembre 2002, X.________ a été nommée « sales administrator
manager » avec effet au 1er septembre 2002. En plus des tâches initialement
confiées, elle s'est vue attribuer celles de fournir le support de gestion
pour différents acteurs commerciaux et le service de marketing, ainsi que la
formation administrative et le coaching de certains collaborateurs.

Dès le 1er janvier 2004, le salaire mensuel brut de l'employée a été porté à
9'550 francs.

Par avenant du 15 avril 2004, la société a confié à X.________, sans prévoir
une augmentation salariale, la responsabilité de correspondante en charge
pour la filiale du programme « sales force excellence ». Dans le cadre de sa
nouvelle fonction, l'employée a organisé et participé à plusieurs réunions
internationales.

A.c A la suite de la fusion des sociétés A.Y________et C.Y________,
l'organisation de l'entreprise a été restructurée et un nouveau poste a été
proposé à l'employée, qui ne l'a pas accepté. Malgré le refus de l'employée,
la direction générale de Y________lui a annoncé ses nouvelles conditions de
travail à compter du 1er janvier 2005, en qualité de « SFE specialist ». Ses
conditions salariales restaient inchangées.

X. ________ est tombée en incapacité de travail à compter du 24 janvier 2005.
Elle a été hospitalisée à la Clinique ... du 24 février au 16 mars 2005.

A.d Le 12 mai 2005, Y________a licencié X.________ avec effet au 31 juillet
2005. Celle-ci s'est opposée à son congé, en faisant notamment valoir qu'elle
avait été licenciée alors qu'elle invoquait le principe d'égalité entre
hommes et femmes, et qu'elle avait été harcelée durant plusieurs mois.

B.
B.aLe 26 janvier 2006, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant
le Tribunal des prud'hommes de Genève. Elle concluait au paiement de 418'914
fr.50, plus intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 31 juillet 2005, à
titre de différence de salaire, d'indemnité pour licenciement abusif et
discriminatoire, d'indemnité pour tort moral et de remboursement de frais de
déplacement.

Par jugement du 6 octobre 2006, le Tribunal a déclaré irrecevable la demande
dans la mesure où elle tend à la condamnation de la défenderesse au paiement
d'une indemnité pour la discrimination directe dans la promotion et la
formation, dont le montant devait être précisé au cours de la procédure. Sur
le fond, le Tribunal a donné acte à la défenderesse de son engagement à
verser à la demanderesse le montant de 181 fr. nets, en l'y condamnant en
tant que de besoin. Il a débouté la demanderesse des fins de sa demande pour
le surplus. Toute autre conclusion a été rejetée.

B.b X.________ a appelé de ce jugement devant la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes de Genève. Elle demandait l'annulation du
jugement entrepris, à l'exception de la condamnation de la partie adverse à
lui verser 181 fr. nets. Préalablement, elle sollicitait l'audition de trois
témoins et la mise en oeuvre d'une expertise. Principalement, elle concluait
à la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme brute de 320'000
fr. et les sommes nettes de 68'734 fr., 30'000 fr. et 10'000 fr., avec
intérêts à 5% dès le 31 juillet 2005.

L'administration de l'expertise était destinée à dire « si le fait que Madame
X.________ a été écartée de la sélection du poste de chef du département
Business Support est fondé sur des raisons objectives suffisantes autres que
le sexe; si les activités de Madame X.________ et de ses collègues masculins
avant la fusion étaient de valeur égale ou non, cas échéant dire dans quelle
proportion elles différaient; quelle rémunération non discriminatoire par
rapport à ses collègues masculins Madame X.________ aurait dû recevoir pour
son activité ».

Par arrêt du 7 juin 2007, la Cour d'appel a confirmé le jugement du Tribunal
des prud'hommes, sans avoir donné suite à la requête d'expertise de la
demanderesse. Considérant qu'il n'existait aucun indice de discrimination
dans la fixation du salaire et dans la promotion de la demanderesse, les
magistrats ont jugé qu'ils n'avaient pas à ordonner d'expertise pour élucider
ces questions. La cour cantonale a par ailleurs nié le caractère abusif du
licenciement, tout en estimant que le comportement de l'employeur n'était pas
gravement attentatoire à la personnalité de l'employé, au sens de l'art. 328
CO.

C.
La demanderesse interjette contre ce prononcé un recours en matière civile,
en demandant l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à
l'autorité cantonale.

La défenderesse propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al.
1 LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire concernant le droit du travail dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 francs (art. 74 al. 1 let. a
LTF), le recours en matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.
1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.2;
133 III 395 consid. 6).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).

2.
Dans l'un de ses griefs, la recourante dénonce la violation, par l'autorité
cantonale, des principes applicables pour l'établissement des faits en
matière de discrimination salariale. Elle fait notamment état d'une
violation, par l'autorité cantonale, de son obligation d'ordonner une
expertise, découlant des art. 12 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur
l'égalité entre femmes et hommes (LEg; RS 151.1) et 343 al. 4 CO.

2.1 Conformément au principe constitutionnel de l'égalité salariale entre
l'homme et la femme (cf. art. 8 al. 3, dernière phrase, Cst.), la
travailleuse a droit à un salaire égal à celui que touche le travailleur
s'ils accomplissent tous deux, dans des conditions égales, des tâches
semblables ou des travaux, certes de nature différente, mais ayant une valeur
identique (arrêt 4A_12/2007 du 3 juillet 2007, destiné à publication, consid.
4.3; ATF 130 III 145 consid. 3.1.2).

Au terme de l'art. 12 al. 2 LEg, dans sa nouvelle teneur selon le ch. 1 de
l'annexe à la LTF, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, l'art. 343 du code
des obligations est applicable indépendamment de la valeur litigieuse devant
les tribunaux cantonaux.
Par ce renvoi à l'art. 343 CO, et singulièrement à l'al. 4 de cette
disposition, le droit fédéral impose notamment aux tribunaux cantonaux un
devoir d'examen étendu (cf. ATF 130 III 145 consid. 3.1.2 et les références).
Ils doivent ainsi veiller, en collaboration avec les parties, à ce que les
moyens de preuve soient mentionnés et les preuves administrées (Sabine
Steiger-Sackmann, Commentaire de la loi sur l'égalité, n. 12 ad art. 12 LEg).
Si l'équivalence entre les diverses fonctions d'une même entreprise ne saute
pas aux yeux ou si elle n'est pas établie par d'autres modes de preuve, les
tribunaux cantonaux doivent ordonner des expertises. Les experts doivent
alors décider si ces fonctions sont comparables les unes aux autres et
déterminer les critères permettant de mettre à jour un cas de discrimination
(sur ces points, ATF 130 III 145 ibidem). Le juge qui refuse d'ordonner une
expertise requise par une partie consacre une violation de l'art. 12 al. 2
LEg, à moins que l'expertise apparaisse d'emblée inutile, parce que, par
exemple, le juge dispose lui-même des connaissances scientifiques nécessaires
pour élucider une possible discrimination liée au sexe (arrêt 4A_12/2007 du 3
juillet 2007, destiné à publication, consid. 4.2 et les références, en
particulier, Kathrin Klett, Richterliche Prüfungspflicht und
Beweiserleichterung, AJP/PJA 2001 1293 ss, ch. 3 p. 1295; Monique Cossali
Sauvain, Egalité entre femmes et hommes II, FJS n° 545, ch. V p. 21 in fine).

2.2 En l'espèce, la cour cantonale n'a pas donné suite à la requête
d'expertise judiciaire formulée par la recourante. Selon l'autorité, dès lors
que le bien-fondé du reproche de discrimination, tant salariale que dans la
promotion, n'a pas été rendu vraisemblable par la recourante, il n'y avait
pas lieu d'ordonner une expertise.

S'agissant de la discrimination salariale, la cour cantonale a tout d'abord
comparé le salaire de la recourante à celui de ses collègues D.________,
E.________ et F.________, tous trois cités à titre de comparaison par la
recourante. Ayant constaté qu'une différence salariale existait entre
l'intéressée et les deux derniers nommés, l'autorité cantonale a examiné si
cette différence était objectivement justifiée. Pour ce faire, elle a pris en
considération la formation, l'expérience professionnelle, les connaissances
linguistiques, le type d'activité exercée, les responsabilités hiérarchiques
et commerciales et les prestations fournies par ces employés. Sur cette base,
l'autorité cantonale est arrivée à la conclusion que E.________ et F.________
effectuaient un travail ni identique ni de valeur égale à celui de la
recourante. Quant à l'employé D.________, il a été relevé que sa rémunération
était moins élevée que celle de la recourante et que, dès lors, il ne pouvait
pas y avoir de discrimination salariale au détriment de celle-ci. Au
demeurant, leur formation et le type d'activité exercée au sein de la société
n'étaient pas comparables.

L'autorité cantonale a donc contesté l'équivalence des tâches effectuées par
quatre employés - dont la recourante - de la société intimée, en se fondant
sur des critères objectifs qu'elle a elle-même déterminés. Les magistrats en
charge du dossier n'ont toutefois jamais prétendu avoir des compétences
techniques spécifiques pour comparer les activités de ces quatre employés.
Leur raisonnement ne s'apparente du reste pas à une approche scientifique de
la discrimination invoquée. Par ailleurs, il n'est pas patent que les
diverses fonctions exercées par les employés de la société intimée étaient
équivalentes. Dans ces circonstances, l'autorité cantonale n'était pas en
mesure de refuser d'ordonner une expertise, sans violer l'art. 12 al. 2 LEg.

De même, l'administration d'une expertise n'apparaît pas d'emblée inutile
pour élucider une éventuelle discrimination dans la promotion.

Cela étant, il convient d'admettre le recours et d'annuler le prononcé
attaqué, conformément aux conclusions de la recourante, sans qu'il n'y ait
lieu d'entrer en matière sur les autres griefs soulevés.

Conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral renvoie l'affaire à
l'autorité précédente pour qu'elle ordonne l'expertise sollicitée par la
recourante.

3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires, calculés par
application de l'art. 65 al. 4 let. b LTF, seront mis à la charge de
l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera à la recourante
une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est
mise à la charge de l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 16 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin