Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.214/2007
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4A_214/2007

Arrêt du 12 novembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mmes les juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Thélin.

X. ________,
Y.________,
défendeurs et recourants,
représentés par Me Daniel Perren,

contre

A.________ et B.________,
demandeurs et intimés, représentés par Me Philippe Gobet.

bail à loyer; contestation du loyer initial

recours contre l'arrêt rendu le 7 mai 2007 par la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du canton de Genève.

Faits:

A.
Le 23 septembre 2003, A.________ et B.________ ont conclu avec X.________ un
contrat par lequel ils prenaient à bail un appartement de cinq pièces avec
cave et garage dans un bâtiment sis à Bernex, chemin de Saules 116. Le loyer
s'élèverait à 2'650 fr. par mois, charges comprises. Le contrat commençait le
1er novembre 2003 et prenait fin le 31 octobre 2004; une clause de tacite
reconduction prévoyait son renouvellement d'année en année.
Le 17 novembre, X.________ a notifié aux locataires, sur formule officielle,
un avis de fixation du loyer initial au montant de 2'250 fr. par mois. L'avis
indiquait l'identité du précédent locataire. La rubrique « dernier loyer
annuel » portait la mention « aucun ».
De fait, le précédent locataire avait payé 2'250 fr. par mois, charges
comprises, dès le 1er mai 2003.

B.
Le 27 novembre 2003, A.________ et B.________ ont saisi la commission de
conciliation compétente d'une requête en contestation du loyer initial. La
conciliation n'ayant pas abouti, ils ont ensuite saisi le Tribunal des baux
et loyers du canton de Genève. Leur demande tendait à ce que le loyer fût
fixé à 1'800 fr. par mois; ils réclamaient en outre le remboursement de ce
qu'ils avaient versé au-dessus de ce montant. X.________ a pris des
conclusions par lesquelles il prétendait à un loyer mensuel de 2'300 francs.
Le tribunal s'est prononcé le 20 avril 2005; il a fixé le loyer à 1'850 fr.
par mois et il a condamné le défendeur à rembourser « le trop-perçu de loyer
depuis le 1er novembre 2003 ».
Saisie par le défendeur, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a
statué le 7 mai 2007; elle a confirmé ce jugement. Le défendeur était
entre-temps décédé; X.________ et Y.________ lui avaient succédé dans le
procès.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, ceux-ci requièrent le
Tribunal fédéral, à titre principal, de réformer l'arrêt de la Chambre
d'appel et de fixer le loyer à 2'300 fr. par mois; subsidiairement, ils
demandent l'annulation de l'arrêt et le renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.
Les demandeurs concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75
al. 1 LTF). La valeur litigieuse est égale à la différence, sur vingt ans,
entre les loyers respectivement réclamé par les défendeurs et admis par les
demandeurs dans la dernière instance cantonale (art. 51 al. 1 let. a LTF; ATF
118 II 422 consid. 1 p. 424); elle excède donc le minimum légal de 15'000 fr.
prévu en matière de droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le
recours est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et
succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Saisi en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le
Tribunal fédéral doit entrer en matière.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du
recours; il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que si le
grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 42 al. 2 et 106 al. 2
LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254). En règle générale, il conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision
attaquée (art. 105 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties sont liées par un contrat de bail à loyer
pour des locaux d'habitation et que les demandeurs peuvent, s'il y a lieu,
revendiquer la protection des art. 269 et 269a CO concernant les loyers
abusifs.
Le loyer réclamé par le bailleur n'est pas abusif, en principe, lorsqu'il se
situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le
quartier, ou, lorsqu'il s'agit de constructions récentes, dans les limites du
rendement brut permettant de couvrir les frais (art. 269a let. a et c CO). Le
loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif
de la chose louée ou lorsqu'il résulte d'un prix d'achat manifestement
exagéré (art. 269 CO).

3.
En règle générale, selon l'art. 270 al. 1 let. a et b CO, le loyer initial
doit être contesté dans le délai de trente jours dès réception des locaux
loués; il faut en outre que l'une ou l'autre des conditions particulières
prévues par cette disposition, relatives au contexte de la conclusion du
contrat (let. a) ou à une différence sensible entre le loyer litigieux et
celui antérieurement perçu pour les mêmes locaux (let. b), soit réalisée.
Dans le canton de Genève, en vertu de l'art. 270 al. 2 CO et de la
législation cantonale fondée sur cette règle-ci, le bailleur a l'obligation
de communiquer au locataire le montant du loyer antérieurement perçu; à cette
fin, il doit user d'une formule agréée par l'autorité.
S'il advient que cette communication soit omise entièrement, différée plus de
trente jours après la délivrance des locaux ou entachée d'un vice de forme,
le contrat est nul en tant qu'il détermine le loyer (ATF 121 III 56 consid.
2c p. 58; 120 II 341 consid. 5b à 5d p. 348; voir aussi ATF 124 III 62 p. 64
in initio). En pareille situation, même si aucune des conditions
particulières de l'art. 270 al. 1 let. a ou b CO n'est réalisée, le locataire
peut saisir d'abord l'autorité de conciliation, puis le juge en vue de faire
fixer le loyer (arrêt 4C.428/2004 du 1er avril 2005 in SJ 2006 I 19, consid.
3.1).
En l'espèce, lors de la conclusion du contrat, le bailleur a stipulé un loyer
mensuel, charges comprises, de 2'650 fr. Par la suite, il a réduit ses
prétentions en notifiant aux locataires un avis de fixation du loyer initial
au montant de 2'250 fr. par mois, lequel correspondait à la prestation de
l'ancien locataire dès le 1er mai 2003; cette circonstance était,
semble-t-il, connue des nouveaux locataires car ils en ont fait état à
l'appui de leur requête en contestation du loyer initial. Néanmoins, l'avis
n'indiquait pas le loyer versé par l'ancien locataire. Or, dans un avis de ce
genre, avec l'indication des motifs d'une éventuelle hausse, l'indication du
loyer antérieur est essentielle pour permettre au nouveau locataire de se
déterminer en toute connaissance de cause et de choisir entre contester le
loyer convenu ou, au contraire, s'en accommoder. Par conséquent, même si le
locataire reçoit l'information manquante par une autre voie, l'absence de
l'indication du loyer antérieur, dans l'avis de fixation du loyer initial,
constitue un vice dirimant de la communication régie par l'art. 270 al. 2 CO
(cf. ATF 120 II 341 consid. 5b p. 348). En raison de ce vice de forme, les
précédents juges se sont dispensés à juste titre de rechercher si la
contestation des demandeurs satisfaisait à l'une des conditions particulières
prévues à l'art. 270 al. 1 CO.

4.
Le juge appelé à fixer le loyer initial doit fonder sa décision sur toutes
les circonstances du cas. Les facteurs à prendre en considération comprennent
notamment le montant admissible selon l'art. 269 CO, les loyers non abusifs
pratiqués dans le quartier et le loyer payé par le précédent locataire. Le
juge exerce un pouvoir d'appréciation plus étendu que dans la procédure en
contestation d'un loyer communiqué selon les formes prescrites; il n'a pas à
limiter son intervention au cas où le loyer convenu par les parties est
abusif. Le loyer convenu constitue la limite supérieure du loyer à fixer.
Conformément aux règles de la bonne foi, le bailleur ne peut en effet pas
réclamer plus que la contre-prestation pour laquelle il était prêt à louer
les locaux à l'origine. Il ne doit pas non plus tirer un bénéfice du vice qui
lui est imputable et se trouver dans une situation plus favorable que s'il
avait observé les formes requises. De ce point de vue, il incombe au juge
d'examiner si le bailleur n'a pas omis de recourir à la forme prescrite de
manière abusive, afin d'empêcher toute contestation de la part du locataire.
Face à un tel procédé, il peut alors se justifier, en cas de différence
sensible entre le loyer convenu et celui antérieurement perçu, de fixer le
loyer initial à la hauteur de ce dernier, par application analogique de
l'art. 269d CO (ATF 120 II 341 consid. 6c p. 351; voir aussi ATF 124 III 62
consid. 2b p. 64).

5.
Aux termes de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits et les
parties sont tenues de lui soumettre toutes les pièces nécessaires. Selon la
jurisprudence relative à cette disposition, le juge ne doit pas instruire
d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position mais il
doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à
l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le
conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie
sont lacunaires, il doit inviter cette partie à compléter ses moyens (ATF 125
III 231 consid. 4a p. 238). Les défendeurs reprochent au Tribunal des baux et
loyers d'avoir méconnu cette règle de droit fédéral, et à la Chambre d'appel
d'avoir néanmoins confirmé sa décision.
Le loyer initial de 1'850 fr. par mois est fixé sur la base des loyers usuels
dans le quartier. La Chambre d'appel se réfère cependant à une statistique
officielle dont le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'elle ne fournit pas de
données suffisamment différenciées sur les éléments essentiels nécessaires à
des comparaisons concluantes (ATF 123 III 317 consid. 4c/cc p. 324). Elle ne
tient, semble-t-il, aucun compte du loyer payé par le précédent locataire.
Elle retient que le défendeur n'a produit que des pièces lacunaires et
inutilisables, qui concernaient cinq autres logements dans le quartier mais
ne permettaient la comparaison qu'avec un seul d'entre eux; elle retient
aussi que le défendeur a « renoncé » à produire les documents nécessaires à
un calcul du rendement de l'appartement loué. Elle discute la portée de
l'art. 274d al. 3 CO et elle conclut que, compte tenu que le défendeur était
assisté d'un mandataire, le tribunal n'était pas tenu de l'interpeller « à
nouveau » pour l'inviter à compléter une offre de preuves très insuffisante.
Or, il n'apparaît nullement que le défendeur ait été averti de l'insuffisance
des documents produits. Lors des plaidoiries intervenues le 10 novembre 2004,
il a sollicité la faculté de produire des pièces supplémentaires. Sa requête
n'a reçu aucune suite; les juges auraient pourtant dû l'inviter à compléter
sa documentation concernant des logements censément comparables dans le
quartier, ou, sinon, à produire les pièces permettant un calcul du rendement
de l'appartement loué. Cette interpellation a été omise, de sorte que l'arrêt
présentement attaqué consacre une violation de l'art. 274d al. 3 CO et doit
être annulé pour ce motif. Il appartiendra à la Chambre d'appel de statuer à
nouveau sur la base des pièces que les défendeurs auront produites, ou de
renvoyer la cause au Tribunal des baux et loyers.

6.
Lorsque l'instance fédérale aboutit à un arrêt de renvoi à la juridiction
cantonale et que l'issue de la cause demeure ainsi indéterminée, l'émolument
judiciaire est réparti par moitié entre les parties et les dépens sont
compensés.

Le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt de la Chambre d'appel est annulé
et la cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision.

2.
Les parties acquitteront un émolument judiciaire de 4'000 fr., à raison de
2'000 fr. à la charge des demandeurs, solidairement entre eux, et de 2'000
fr. à la charge des défendeurs.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 12 novembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier:

Corboz  Thélin