Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.177/2007
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4A_177/2007 /fzc

Arrêt du 11 septembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

Bureau national suisse d'assurance (BNA),
recourant, représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat.

responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile; perte de gain,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois du 28 février 2007.

Faits :

A.
Né en 1962, X.________ a obtenu en 1985 un diplôme d'avocat en Australie. Dès
avril 1994, il a exercé l'activité de "Trust Manager" pour une société à
Genève. En dernier lieu, son salaire annuel était de 125'000 francs.

Le 24 novembre 1995 à 20h30, X.________ a été victime d'un accident de la
circulation. Alors qu'elle était à l'arrêt, la voiture qu'il conduisait a été
emboutie par l'arrière par un véhicule dont le détenteur étranger était
assuré en responsabilité civile auprès d'une compagnie d'assurance française.
Suite au choc, la voiture de X.________ a été poussée en avant et a elle-même
heurté la voiture arrêtée devant elle.

X. ________ s'est rendu par ses propres moyens à l'Hôpital cantonal. Le
médecin qui l'a examiné a diagnostiqué un traumatisme de la colonne cervicale
et a prescrit une minerve antalgique, du repos et un contrôle une semaine
plus tard. X.________ a pu rapidement regagner son domicile.

X. ________ n'a pas repris le travail et son employeuse l'a licencié avec
effet au 30 juin 1996 pour cause d'incapacité de travail. Ultérieurement,
X.________ a exercé une activité de professeur d'anglais à temps partiel. Par
décision du 8 janvier 1998, une rente d'invalidité entière lui a été allouée
compte tenu d'un taux d'invalidité de 85 %.

B.
Par demande du 25 août 1999, X.________ a ouvert action devant la Cour civile
du Tribunal cantonal vaudois contre la société A.________ en sa qualité
d'autorité de règlement pour les dommages causés par un véhicule étranger.
Par convention de substitution de parties intervenue en 2003, le Bureau
national suisse d'assurance (ci-après: le BNA) s'est substitué à A.________.
En dernier lieu, les conclusions de X.________ tendaient au paiement de
205'000 fr. (perte de gain du 24 novembre 1995 au 30 avril 1999), 4'194'356
fr. (perte de gain dès le 1er mai 1999) et 100'000 fr. (tort moral), le tout
avec intérêt.

Par jugement du 24 novembre 2004, la Cour civile a admis l'exception de
prescription soulevée par le BNA et rejeté l'action. Par arrêt du
20 septembre 2005, le Tribunal fédéral a annulé ce jugement et renvoyé la
cause à l'autorité cantonale.
Par nouveau jugement du 18 avril 2006, la Cour civile a condamné le BNA à
payer à X.________ les montants de 430'685 fr. 70 (perte de gain du 24
novembre 1995 au 31 mars 2006) avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er janvier
2001, 3'275'859 fr. 25 (perte de gain du 1er avril 2006 au jour de la
retraite) avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er avril 2006, 285'195 fr. 05
(dommage de rente dès l'âge de soixante-cinq ans) avec intérêt à 5 % l'an dès
le 1er avril 2006 et 30'000 fr. (indemnité pour tort moral) avec intérêt à
5 % l'an dès le 24 novembre 1995 (I), arrêté les frais (II), fixé les dépens
(III) et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (IV).

Par arrêt du 28 février 2007, la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours en nullité déposé par le BNA qui, invoquant la
violation d'une règle de procédure cantonale (art. 444 al. 1 ch. 3 du code de
procédure civile vaudois du 14 décembre 1966, ci-après: CPC/VD), à savoir de
l'art. 4 CPC/VD relatif aux allégations des parties, remettait seulement en
cause sa condamnation au paiement de 285'195 fr. 05 pour dommage de rente. En
résumé, il soutenait que X.________ ne pouvait pas se voir accorder un
dommage de rente, dès lors qu'il n'en avait pas allégué l'existence.

C.
Parallèlement à un recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du
18 avril 2006, le BNA (le recourant) interjette le présent recours en matière
civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre des recours du 28
février 2007. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants, avec suite de frais et dépens.

X. ________ (l'intimé) propose le rejet du recours dans la mesure où il est
recevable, sous suite de dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
La Cour civile du Tribunal cantonal a rendu le jugement au fond le 18 avril
2006. Ce jugement pouvait faire l'objet d'un recours en nullité cantonal pour
des motifs de nullité énumérés limitativement, notamment pour violation des
règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD); le recours
en nullité était toutefois exclu pour les griefs pouvant faire l'objet d'un
recours en réforme au Tribunal fédéral (art. 444 al. 2 CPC/VD). Ainsi, même
si la réparation du dommage de rente est contestée tant dans le recours en
réforme contre le jugement du 18 avril 2006 que dans le recours en matière
civile contre l'arrêt du 28 février 2007, les griefs invoqués dans ces deux
recours ne peuvent être et ne sont en l'espèce pas les mêmes; le premier
porte sur des questions de droit fédéral (au sens de l'art. 43 aOJ), le
second sur une question de droit cantonal, respectivement de violation de
droits constitutionnels du citoyen lors de l'application du droit cantonal.
Cette dernière question ne pouvait pas être soulevée dans un recours de droit
public déposé en parallèle avec le recours en réforme, dès lors que la voie
de recours en nullité cantonal était ouverte et qu'il n'y avait donc, sur
cette question, pas épuisement des voies de recours cantonales. Contrairement
à ce que soutient l'intimé, les deux recours déposés par le recourant ne font
pas double emploi et le recours en matière civile interjeté contre l'arrêt du
28 février 2007 ne saurait être irrecevable du simple fait qu'un recours en
réforme a été déposé contre le jugement du 18 avril 2006 (cf. au demeurant
art. 100 al. 6 LTF).

Pour le surplus, exercé par le recourant qui a succombé dans ses conclusions
libératoires (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale
(art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF),
le présent recours en matière civile est en principe recevable, puisqu'il a
été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art.
42 LTF) prévus par la loi.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral,
du droit international, de droits constitutionnels cantonaux, de dispositions
cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et
votations populaires, et du droit intercantonal (art. 95 LTF); sous réserve
des hypothèses précitées, il ne peut pas porter sur l'application du droit
cantonal (cf. Corboz, Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral,
SJ 2006 II 319 ss, spéc. p. 331). La violation de droits fondamentaux ainsi
que celle de dispositions de droit cantonal et international n'est examinée
que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2
LTF).

3.
En premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 4 CPC/VD.
Cette disposition de droit cantonal prévoit que le juge ne peut fonder son
jugement sur d'autres faits que ceux qui ont été allégués dans l'instance et
qui ont été soit admis par les parties, soit établis au cours de
l'instruction selon les formes légales (al. 1). Toutefois, il peut tenir
compte de faits notoires, non particuliers à la cause, ainsi que de faits
patents, implicitement admis par les parties et non allégués par une
inadvertance manifeste. En outre, il peut tenir compte de faits relevés par
une expertise écrite (al. 2). Selon le recourant, l'intimé n'aurait allégué
un dommage de rente ni dans ses mémoires de demande et de réplique, ni dans
le cadre des novas introduits par mémoire ultérieur, ni dans sa surduplique;
il ne l'aurait fait que dans son mémoire de droit du 30 juin 2004, ce qui
serait tardif.

Le recourant se plaint en outre d'une violation de l'art. 2 CPC/VD, selon
lequel il ne peut être rendu de jugement sans que les parties aient été
entendues ou régulièrement appelées.

Ces deux griefs portent sur l'application du droit cantonal de procédure. Ils
sont irrecevables.

4.
Le recourant reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 29
al. 2 Cst., selon lequel les parties ont le droit d'être entendues. Il
allègue que l'intimé aurait choisi de n'alléguer l'existence d'un dommage de
rente que tardivement, dans le cadre du mémoire de droit, le privant ainsi de
la possibilité de se déterminer sur ce nouvel élément.

Le droit d'être entendu en procédure, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2
Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les
éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation
juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné
suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration
des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497
consid. 2.2 p. 504 s.).

A teneur de l'art. 317a al. 1 CPC/VD, dès que la cause est en état d'être
plaidée, le juge instructeur fixe simultanément aux parties un même délai non
prolongeable, cas de force majeure exceptés, pour le dépôt d'un bref mémoire
exposant leurs moyens de droit.

En l'espèce, suite à l'annulation du jugement du 24 novembre 2004 et du
renvoi de la cause à la cour cantonale, cette dernière a donné aux parties la
possibilité de déposer un mémoire complémentaire, ce que le recourant a fait
le 30 novembre 2005. Il s'y réfère expressément au dommage de rente invoqué
par l'intimé dans le mémoire de droit du 30 juin 2004, et se détermine à ce
sujet, sans toutefois demander la réouverture de la procédure probatoire (cf.
art. 317b et 153 CPC/VD). En outre, lors de l'audience du 24 mars 2006, à
l'occasion de laquelle des pièces ont encore pu être produites par l'intimé,
les mandataires des parties ont plaidé. Le recourant a donc pu largement se
déterminer. Le grief est manifestement infondé.

5.
Le recourant se plaint enfin d'une violation de l'interdiction
constitutionnelle de l'arbitraire dans l'établissement des faits, au sens de
l'art. 9 Cst.

L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution que celle
retenue par l'autorité cantonale pourrait entrer en considération ou même
serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée
que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, se trouve en
contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une norme ou
un principe juridique indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. En outre, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1; 132 I 13
consid. 5.1). Lorsque le recourant s'en prend plus particulièrement à
l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est
arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée
d'un moyen de preuve, si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des
déductions insoutenables, ou encore s'il a omis, sans raison sérieuse, de
tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée (ATF
129 I 8 consid. 2.1).
L'arrêt attaqué constate que les éléments de fait pour établir le dommage de
rente ressortent d'une expertise judiciaire et d'un document produit par
l'intimé. Le recourant ne démontre pas où résiderait l'arbitraire; il n'en
dit mot. En réalité, le recourant ne critique pas les faits établis. Ce qu'il
reproche à l'autorité cantonale, c'est d'avoir retenu des faits qui, à son
avis, n'avaient pas été allégués régulièrement. Il ne tente toutefois pas de
démontrer que, ce faisant, celle-ci aurait appliqué l'art. 4 CPC/VD de
manière arbitraire; il n'y a donc pas à entrer en matière, faute de
motivation. Au demeurant, l'art. 4 al. 2 CPC/VD prévoit que le juge peut
retenir des faits ressortant d'une expertise écrite même s'ils n'ont pas été
formellement allégués. Par ailleurs, la production du document de l'intimé a
été admise par le recourant. On ne voit pas pour quel motif il serait
inconciliable avec l'art. 4 CPC/VD de tenir compte de faits qui ressortent de
ce document, ni quel intérêt légitime exigerait de les ignorer.

Le recourant soutient en outre d'une part que certains faits retenus ne sont
pas pertinents pour déterminer le dommage de rente, d'autre part que des
faits nécessaires pour sa détermination n'ont pas été constatés. Il ne s'agit
pas d'une critique des faits, mais de l'application du droit matériel, qui ne
se rapporte pas à l'arrêt attaqué, mais au jugement au fond rendu le 18 avril
2006.

6.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité.

7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
du recourant, qui succombe (art. 66 al.1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 11 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: