Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.174/2007
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4A_174/2007 /ech

Arrêt du 13 septembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

Y. ________ ,
défendeur et recourant, représenté par Me Antoine E. Böhler,

contre

X.________ Ltd.,
demanderesse et intimée, représentée par Me Nicolas Golovtchiner.

société anonyme; responsabilité des administrateurs,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 20 avril 2007.

Faits :

A.
A.a  X.________ Ltd. (ci-après: X.________ ) est une société thaïlandaise
avec siège à Bangkok, qui est spécialisée dans la fabrication et le commerce
de bijoux. En 1988, elle est entrée en contact avec A.________ et B.________
en vue de développer la distribution de ses collections de bijoux en Europe.
À cette fin a été fondée en 1989 la société W.________ SA (ci-après:
W.________), avec siège à Genève, dont A.________ et B.________ sont devenus
actionnaires à parts égales. Y.________ a été l'administrateur unique de
W.________ durant toute l'existence de la société.

A. ________ et B.________ ont été mis chacun au bénéfice d'un contrat de
travail avec W.________, d'une teneur très succincte et ne prévoyant qu'un
salaire fixe de CHF 5'000.- par mois. En réalité, leur rémunération n'était
pas uniquement celle figurant dans leur contrat de travail, mais une partie
supplémentaire et nettement plus importante dépendait du chiffre d'affaires
réalisé grâce à leurs efforts.

A.b  X.________ était dès le début et jusqu'à la fin de W.________ son unique
fournisseur. Elle s'abstenait pour sa part de livrer directement de la
marchandise sur les marchés approvisionnés par W.________, soit la Suisse, la
France, le Benelux et l'Espagne. En pratique, W.________ transmettait les
commandes de ses clients à X.________ , qui lui adressait la marchandise et
la facture correspondante au port franc à Genève, d'où W.________ réexpédiait
les colis à leurs destinataires finaux avec sa propre facture, comprenant sa
commission.

INC disposait d'un délai de 60 à 90 jours pour régler les factures qui lui
étaient adressées par X.________ . Celle-ci acceptait en général qu'INC la
paie à réception du règlement de ses propres clients. Cette ligne de crédit
accordée par X.________ permettait à W.________ de développer rapidement un
grand volume d'affaires malgré sa faible capitalisation (CHF 50'000.-).
A.c  Au début de l'année 1992, X.________ a conclu un contrat de
représentation exclusive pour l'Espagne avec un autre distributeur. Elle a
informé W.________ de la fin de l'approvisionnement exclusif du marché
espagnol par celle-ci et s'est déclarée prête à l'indemniser de ce fait.
Au printemps 1992, X.________ a pris contact avec des clients de W.________
sur d'autres marchés, notamment en France, pour leur proposer de les
approvisionner directement et à moindres frais. W.________ a rapidement perdu
ses clients, dont plusieurs, ayant eu connaissance des marges réalisées par
W.________, ont refusé le paiement de factures établies par celle-ci.

Au mois de juin 1992, X.________ a cessé toute livraison de marchandise à
W.________. Celle-ci a alors mis fin à ses activités commerciales, remis ses
locaux à des repreneurs et licencié l'ensemble de son personnel pour fin
juillet 1992, étant précisé que A.________ et B.________ n'ont reçu leurs
indemnités de licenciement que le 30 septembre 1992.

Au mois d'août 1992, W.________ a soumis à l'Administration fiscale un bilan
de liquidation, établi à une date inconnue et introuvable aujourd'hui, qui
faisait état d'un excédent de liquidation de CHF 476'057.-. Cet excédent
affiché a donné lieu à la perception d'un impôt de CHF 166'619.-, acquitté
par W.________.

A.d  Le 14 septembre 1992, X.________ a mis W.________ en demeure de lui
payer immédiatement l'intégralité du solde de ses différentes factures, soit
USD 1'682'436.02. W.________ n'y ayant donné aucune suite, X.________ lui a
fait notifier le 10 novembre 1992 un commandement de payer la somme de CHF
2'094'632.85, auquel W.________ a fait opposition.

Le 11 novembre 1993, X.________ a actionné W.________ devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève en paiement de CHF 2'273'073.- plus
intérêts. W.________ s'est opposée à la demande, en invoquant notamment en
compensation une créance à titre de dommages et intérêts de CHF 2'774'650.-.

Par jugement du 10 avril 1997, le Tribunal de première instance a condamné
W.________ à payer à X.________ la somme de USD 1'648'059.99 et a prononcé la
mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de CHF 2'051'834.69.
W.________ a renoncé à faire appel, en raison de l'épuisement complet de ses
liquidités, et a décidé d'aviser le juge de son surendettement.

A.e  Par jugement du 6 octobre 1997, le Tribunal de première instance a
prononcé la faillite de W.________, dans laquelle X.________ a reçu un acte
de défaut de biens pour CHF 2'422'648.19. Par décision du 11 août 1999,
l'assemblée des créanciers a cédé à X.________ , qui en avait fait la
demande, les droits de la masse contre l'administrateur de W.________; elle
l'a autorisée à en poursuivre la réalisation en son propre nom, pour son
compte et à ses risques et périls.

B.
B.a Par demande déposée le 9 mai 2001, X.________ a actionné Y.________
devant le Tribunal de première instance en paiement de CHF 2'468'171.09 -
montant correspondant au total des créances produites dans la faillite et
restées complètement découvertes - plus intérêts à 5% l'an dès le 9 mai 2001.
Le défendeur s'est opposé à la demande.

B.b  Une expertise judiciaire a été ordonnée, notamment pour déterminer si le
défendeur avait versé des rémunérations excessives aux deux actionnaires.
Dans son rapport du 31 octobre 2001, l'expert est parvenu à la conclusion,
sur la base des pièces disponibles, que la société était surendettée au 31
décembre 1992 à concurrence de CHF 1'922'569.- et qu'au regard des comptes à
cette date, il était difficilement concevable que la société ait pu montrer
un excédent de liquidation à l'administration fiscale, en été 1992, autrement
qu'en ne tenant pas compte des créances de son fournisseur. L'expert a en
outre qualifié d'excessives les indemnités de licenciement versées aux deux
actionnaires. Considérant que des indemnités équivalentes à six mois de
rémunération auraient déjà été plus que généreuses, il a estimé à CHF
434'000.- le montant perçu en trop en 1992 par les deux actionnaires et a
qualifié ce surplus de dividendes versés indûment, au regard de la situation
comptable de la société.

B.c  Par jugement du 23 juin 2006, le Tribunal de première instance a
condamné le défendeur, avec suite de dépens, à verser à la demanderesse la
somme de CHF 907'720.- plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 1992.

Pour fonder sa décision, le Tribunal a retenu des rémunérations excessives en
1992 à concurrence de CHF 741'100.-; s'écartant de l'avis de l'expert, il a
estimé que le minimum légal en matière de contrat de travail, arrêté à deux
mois de salaire, suffisait comme indemnités de licenciement. Il y a ajouté un
autre poste de dommage, de CHF 166'620.-, pour les impôts payés en août 1992
sur le (prétendu) excédent de liquidation de la société.

B.d  Statuant par arrêt du 20 avril 2007 sur appel du défendeur et sur appel
incident de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a réformé le jugement de première instance, en ce sens que
le défendeur a été condamné à verser à la demanderesse la somme de CHF
434'000.- plus intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 1992, et a compensé les
dépens de première instance et d'appel.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, le
défendeur conclut avec suite de dépens principalement à la réforme de cet
arrêt en ce sens que la demanderesse soit déboutée des fins de sa demande, et
subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour instruction complémentaire. Il a en outre présenté
une requête d'effet suspensif, que le Président de la Cour de céans, après
avoir recueilli les déterminations de l'autorité intimée et de la
demanderesse, a rejetée par ordonnance du 20 juin 2007.

La demanderesse conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens de
toutes instances. Elle a au surplus elle-même formé contre l'arrêt de la Cour
de justice un recours en matière civile, qui fait l'objet d'un arrêt connexe
(4A_188/2007).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

1.2  Interjeté par la partie défenderesse qui a partiellement succombé dans
ses conclusions libératoires prises devant l'autorité précédente et a donc
qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; arrêt 4A_28/2007 du 30 mai 2007,
destiné à publication, consid. 1.1), le recours est dirigé contre une
décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF)
par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF). Portant sur
une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000
francs (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est donc en principe recevable,
puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
prévues par la loi (art. 42 LTF).

1.3  Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du
droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sauf l'exception
prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits fondamentaux ou
de dispositions de droit cantonal et intercantonal, le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); il n'est donc limité ni par
les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par
l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que
ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III
136 consid. 1.4 in fine). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à
l'art. 42 al. 1 et 2 LTF - sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont
la motivation est manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF) -,
le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est
pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance,
toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus
discutées devant lui.

2.
2.1 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.2  En l'espèce, le défendeur reproche à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 8 CC ainsi que l'art. 9 Cst. en appréciant de manière erronée les
circonstances dans lesquelles l'expertise effectuée en première instance
s'est déroulée. Il fait valoir que la dernière instance cantonale n'a pas
mentionné le fait que l'expert s'est prononcé, dans son rapport du 31 octobre
2005, sur le caractère excessif des indemnités versées aux actionnaires alors
même que lors de l'audience du 28 janvier 2005, il avait déclaré qu'il
n'était pas en possession des pièces comptables indispensables pour se
prononcer sur cette question, soit principalement les grands livres 1991 et
1992. En outre, l'expert aurait également reconnu, lors de son audition du
10 mars 2006, que, compte tenu du délai de paiement de 60 à 90 jours accordés
par la demanderesse à W.________, il y avait un décalage entre les opérations
de démarchage débouchant sur les commandes des clients et la rémunération des
représentants qui n'étaient versées qu'une fois les commandes honorées et
payées. L'expert aurait de plus admis qu'il était tout à fait acceptable
d'estimer la rémunération due aux commerciaux en 1992 à douze mois et non pas
sept, compte tenu de la cessation des activités à fin juillet et des
commandes prises du 1er janvier au 31 juillet 1992. Dès lors, selon le
défendeur, en fondant sa décision sur la seule expertise effectuée le 31
octobre 2005, sans tenir compte des circonstances ayant entouré cette
expertise, la Cour de justice aurait violé les art. 8 CC et 9 Cst.

2.3  Il est certes incontesté que, comme l'expose le défendeur, l'expert
avait déclaré ce qui suit lors de l'audience de comparution du 28 janvier
2005 : « J'aimerais préciser qu'il ne m'est pas possible de répondre aux
questions nos 3 [i.e. « 3. Dire si les rémunérations que se sont versées les
actionnaires de la société durant les exercices comptables de 1989 à 1992 y
compris étaient excessives au vu de la situation financière de la société
W.________ SA, soit de ses actifs et passifs, notamment à l'égard de
X.________  »], 4 et 7 sans être en possession des grands livres 1991-1992
ainsi que des pièces comptables y afférentes ».

Toutefois, comme le relève à raison la demanderesse, il apparaît clairement
que, nonobstant l'avis exprimé prima facie par l'expert le 28 janvier 2005
avant l'examen complet du dossier et la rédaction de son rapport, l'expert
est finalement parvenu, sur la base d'un examen complet des pièces à sa
disposition, à chiffrer les rémunérations versées aux actionnaires et à
déterminer quelle part de ces rémunérations devait être considérée comme
excessive au regard de la situation comptable de la société lors de sa
liquidation économique en été 1992. Le défendeur ne démontre pas que les
pièces prises en compte par l'expert ne pouvaient fonder ses constatations,
et le simple fait que l'expert se soit finalement écarté de l'opinion qu'il
avait émise prima facie lors de l'audience du 28 janvier 2005 ne permet pas
de tenir pour arbitraires les constatations qu'il a opérées dans son rapport
du 31 octobre 2005 et qui ont été reprises par la Cour de justice.

2.4  Le défendeur se borne par ailleurs à invoquer les réponses données par
l'expert aux questions qui lui ont été posées lors de son audition du 10 mars
2006, sans cependant démontrer en quoi ces éléments feraient apparaître comme
manifestement inexactes ou comme arbitraires les conclusions du rapport
d'expertise que la cour cantonale a prises pour base de sa décision.
Ainsi, en invoquant le décalage entre les opérations de démarchage et la
rémunération des représentants, le défendeur semble se référer à la réponse
affirmative que l'expert a donnée à la question 3 (« D'après votre
expérience, dans un tel commerce, le décalage de temps entre la commande, la
fabrication, la livraison et le paiement peut-il varier entre 5 et 6
mois? »). Il n'explique toutefois pas, comme il lui incomberait de le faire
de manière circonstanciée (cf. consid. 2.1 supra), en quoi cette réponse
remettrait en cause les calculs opérés par l'expert dans son rapport du 31
octobre 2005.

Le défendeur n'explique pas davantage en quoi le fait que l'expert, à la
question 7 qui lui a été posée lors de son audition du 10 mars 2006 (« Est-il
imaginable d'estimer la rémunération due aux commerciaux en 1992 à 12 mois
compte tenu de la cessation des activités à fin juillet et des commandes
prises du 1er janvier au 31 juillet 1992? »), ait répondu « Oui, c'est
imaginable », remettrait en cause les calculs qu'il avait opérés dans son
rapport.

2.5  Le défendeur n'ayant ainsi pas démontré que les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, le Tribunal
fédéral conduira son raisonnement juridique sur la base des faits établis par
l'autorité précédente, conformément à l'art. 105 al. 1 LTF (cf. consid. 2.1
supra).

3.
3.1 Après avoir rappelé la jurisprudence relative aux distinctions devant
être opérées, dans le cadre de la responsabilité des administrateurs dans la
faillite d'une société (art. 757 CO), entre le dommage direct et le dommage
indirect des créanciers sociaux, le défendeur soutient que la demanderesse,
quoique déclarant agir sur la base d'un mandat procédural selon l'art. 260 LP
en tant que cessionnaire des droits de la masse, ne réclame en réalité pas la
réparation d'un dommage indirect découlant d'un dommage qui aurait été causé
à la société, mais la réparation du dommage direct provoqué par une
répartition de l'actif au préjudice de X.________ , unique créancier de
W.________ en juillet 1992. Selon le défendeur, la meilleure preuve que la
demanderesse entendait réclamer la réparation de son dommage direct et que
l'autorité précédente a méconnu cette notion tiendrait au fait que la
demanderesse a conclu au paiement à elle-même par le défendeur de la somme de
CHF 2'468'171.09 et que le défendeur a été condamné à payer à la demanderesse
directement la somme de CHF 434'000.-. Le défendeur soutient en outre à cet
égard que le créancier cessionnaire des droits de la masse qui fait valoir,
par l'action en responsabilité, les intérêts de la société à l'encontre d'un
ancien administrateur devrait conclure, sous peine d'irrecevabilité, au
paiement de dommages-intérêts à la société faillie, et non à lui-même.

3.2  Selon la jurisprudence, l'action dont dispose un créancier social envers
les organes d'une société dépend du type de dommage subi; à cet égard, trois
situations sont envisageables (ATF 132 III 564 consid. 3.1):
3.2.1 Premièrement, le créancier peut être lésé à titre personnel par le
comportement des organes, à l'exclusion de tout dommage causé à la société;
il subit alors un dommage direct (ATF 132 III 564 consid. 3.1.1). Dans un tel
cas, le créancier lésé peut agir à titre individuel pour réclamer des
dommages-intérêts au responsable (ATF 132 III 564 consid. 3.2.1).
3.2.2  Deuxièmement, le créancier peut encourir une perte, car le
comportement d'un administrateur a appauvri la société, de sorte qu'il ne
parvient pas à récupérer, ou seulement de manière incomplète, ses prétentions
envers celle-ci; son dommage n'est alors qu'indirect, car il découle de
l'insolvabilité de la société (ATF 132 III 564 consid. 3.1.2).

Dans un tel cas, la qualité de lésé appartient à la société qui se trouve
directement appauvrie par le comportement de l'organe. En vertu des principes
généraux de la responsabilité, c'est la société qui est en première ligne
légitimée à réclamer des dommages-intérêts à l'organe responsable; le
créancier social ne dispose lui-même d'aucune action individuelle pour
obtenir réparation du dommage qu'il a subi par ricochet. Lorsque la société
tombe en faillite, la créance que celle-ci pouvait faire valoir contre
l'organe responsable est remplacée par une créance de la communauté des
créanciers, qu'il appartient en priorité à l'administration de la faillite de
faire valoir (cf. art. 757 al. 1 CO). Toutefois, si l'administration de la
faillite renonce à exercer l'action sociale (art. 757 al. 2 CO), un créancier
social peut réclamer la réparation du dommage subi directement par la
société; il exerce alors l'action de la communauté des créanciers, mais le
produit éventuel de l'action servira d'abord à couvrir ses propres
prétentions telles que colloquées. En matière de poursuite et faillite, ce
mécanisme est réglé à l'art. 260 LP. Le créancier social qui a obtenu la
cession des droits de la masse en application de l'art. 260 LP agit alors sur
la base d'un mandat procédural; il est ainsi légitimé à actionner l'organe
responsable pour réclamer la réparation du dommage subi par la société (ATF
132 III 564 consid. 3.2.2 et les arrêts cités).

3.2.3  En troisième lieu, il existe encore des situations, plus rares, dans
lesquelles on discerne à la fois un dommage direct pour le créancier et un
dommage direct pour la société, le comportement de l'organe portant
directement atteinte au patrimoine de la société et du créancier social, sans
que le préjudice causé à ce dernier ne dépende de la faillite de la société
(ATF 132 III 564 consid. 3.1.3).

Dans ce cas, pour parer au risque d'une compétition entre les actions en
responsabilité exercées respectivement par la société ou l'administration de
la faillite et par les créanciers directement touchés, la jurisprudence a
limité le droit d'agir de ces derniers, afin de donner une priorité à
l'action sociale; ainsi, lorsque la société est aussi lésée, un créancier
social peut agir à titre individuel contre un organe en réparation du dommage
direct qu'il a subi seulement s'il peut fonder son action sur un acte
illicite (art. 41 CO), une culpa in contrahendo ou une norme du droit des
sociétés conçue exclusivement pour protéger les créanciers (ATF 132 III 564
consid. 3.2.3 et les arrêts cités).

3.3  Dans la faillite de la société lésée, les créanciers sociaux ont aussi
le droit de demander le paiement à la société - c'est-à-dire à la masse
(Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite
pour dettes et la faillite, 2001, n. 36 ad art. 260 LP) - de
dommages-intérêts (art. 757 al. 1, 1re phrase, CO). Toutefois, les droits des
actionnaires et des créanciers sociaux sont exercés en premier lieu par
l'administration de la faillite (art. 757 al. 1, 2e phrase, CO). Les actions
des créanciers sociaux et des actionnaires ne peuvent dès lors être exercées
que si l'administration de la faillite a renoncé à exercer ces droits (art.
757 al. 2 CO).

Si un créancier social a obtenu la cession des droits de la masse contre
l'organe responsable en application de l'art. 260 LP, il agit « en lieu et
place de la masse, en son propre nom, pour son compte et à ses risques et
périls », selon le texte de la formule obligatoire 7F (cf. art. 2 ch. 6 et 80
OAOF; RS 281.32). Cette formule 7F précise notamment, parmi les conditions
auxquelles le créancier cessionnaire est autorisé à poursuivre la réalisation
des droits faisant l'objet de la cession, que « [l]e créancier cessionnaire
devra aviser l'administration de la faillite du résultat obtenu
judiciairement ou à l'amiable, et cela sans retard et en y joignant les
pièces justificatives », et que « [l]a somme d'argent obtenue judiciairement
ou à l'amiable peut être employée par le créancier cessionnaire, après
paiement des frais, à couvrir sa créance; l'excédent éventuel sera remis à la
masse » (cf. art. 757 al. 2, 2e et 3e phrases, CO). Si le créancier
cessionnaire a ainsi un devoir d'information et des devoirs quant à
l'utilisation du gain du procès (Vincent Jeanneret/Vincent Carron,
Commentaire romand, poursuite et faillite, 2005, n. 30 et 31 ad art. 260 LP),
rien ne l'empêche de conclure à la condamnation du défendeur de payer
directement en ses mains, comme cela est d'ailleurs usuel dans la pratique
(cf. entre autres ATF 132 III 564 lettre C p. 567; 122 III 195 lettre B p.
197; 117 II 432 lettre C p. 434).

Il résulte de ce qui précède que le grief du défendeur relatif à la prétendue
irrecevabilité des conclusions de la demanderesse tendant au paiement de
dommages-intérêts en ses mains est mal fondé.

3.4  Le défendeur fait valoir que la demanderesse ne pourrait réclamer que la
réparation d'un dommage direct. Il perd de vue que la demanderesse agit en
tant que cessionnaire des droits de la masse (art. 20 LP) et qu'elle exerce
donc l'action sociale (art. 757 al. 2 et 3 CO). Elle est ainsi habilitée à
invoquer en justice le dommage subi par la société faillie. Encore faut-il
que le défendeur ait engagé sa responsabilité envers la société dans les
conditions de l'art. 754 CO, ce qu'il convient maintenant d'examiner.

4.
4.1 La cour cantonale a considéré en substance que selon la jurisprudence
(ATF 117 IV 259 consid. 5a), l'administrateur viole ses devoirs découlant de
l'art. 678 al. 2 CO et cause un dommage à la société lorsqu'il entame le
capital-actions, augmenté des réserves légales, pour verser aux actionnaires
des dividendes cachés. Lorsque la société W.________ était entrée en
liquidation de fait en juillet 1992 ensuite de la fin des livraisons par son
fournisseur unique, le défendeur avait versé des rémunérations aux
commerciaux travaillant pour la société, dont ses deux actionnaires. Suivant
le raisonnement, qualifié de convaincant, de l'expert judiciaire, la cour
cantonale a retenu que des indemnités de six mois de rémunération, à verser
en sus des mois effectivement travaillés en 1992, auraient déjà été très
généreuses, si bien que le montant versé en plus, soit CHF 434'000.- au
total, devait être qualifié de dividendes cachés. Ceux-ci avaient été versés
aux actionnaires alors que la société était entrée en liquidation et que la
dette globale envers la demanderesse (CHF 2'136'497.- au 31 décembre 1992,
étant rappelé que les livraisons s'étaient arrêtées déjà en juin 1992)
dépassait largement les actifs (d'un solde de CHF 240'243.- au 31 décembre
1992). Les juges cantonaux en ont conclu que le capital-actions et les
réserves légales (soit au total CHF 100'000.- selon le bilan au 31 décembre
1992) avaient dû être entamés lors du versement de ces prestations indues aux
actionnaires et que, par ce versement, le défendeur avait lésé la société et
lui avait causé un dommage à hauteur des dividendes cachés.

4.2  Le défendeur reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 754 CO
en tenant les conditions de cette disposition pour réunies.

4.2.1  Le défendeur conteste d'abord tout manquement à ses devoirs, en
contestant avoir versé des indemnités de licenciement excessives aux
animateurs de W.________. Il soutient qu'il était tout à fait raisonnable et
acceptable de calculer la rémunération versée aux animateurs en 1992 sur une
base annuelle et non sur une base de sept mois, en raison du délai de
paiement oscillant entre 60 et 90 jours et du fait que la rémunération était
versée à l'encaissement des commandes. En outre, les rémunérations versées
lors de la liquidation économique de la société l'auraient été parce que la
demanderesse, qui était la seule fautive dans la faillite de W.________,
avait accepté de verser une indemnité pour la captation de divers marchés et
de la clientèle de cette société.

4.2.2  Le défendeur soutient ensuite qu'aucune faute ne pourrait lui être
reprochée dans la gestion de la société W.________. Il allègue que lors de la
cessation des activités commerciales de cette société en été 1992, la
demanderesse n'avait jamais réclamé le remboursement de la ligne de crédit
qu'elle avait accordée à W.________ et s'était même engagée à la dédommager
pour la captation de divers marchés; ainsi, lors de la liquidation économique
de la société, le défendeur aurait légitimement considéré que la demanderesse
avait renoncé au remboursement de sa créance, et il pensait même obtenir un
dédommagement financier.

4.2.3  Selon le défendeur, les juges cantonaux auraient méconnu la notion de
dommage indirect en considérant qu'en versant des indemnités aux animateurs
de W.________, il avait diminué la fortune sociale de la société, sans aucune
contre-prestation et au détriment de cette dernière; celle-ci n'aurait en
réalité subi aucun dommage du fait de la gestion du défendeur, puisqu'elle a
été liquidée économiquement et n'avait plus d'activité commerciale à la fin
du mois de juillet 1992. Le défendeur affirme en outre que, bien que cela ne
ressorte pas du bilan au 31 décembre 1992, il estimait à juste titre qu'INC
bénéficiait d'une créance à l'encontre de la demanderesse de plus de CHF
2'700'000.-, de sorte qu'il n'existait au 31 décembre 1992 aucun
surendettement, la créance de X.________ étant compensée par celle de
W.________.

4.2.4  Le défendeur conteste enfin l'existence d'un lien de causalité entre
le manquement au devoir et le dommage. Il allègue que selon le rapport
d'expertise, « la cause première de la faillite de W.________ SA est la
rupture des relations commerciales avec X.________ [...]. Ainsi,
indépendamment des actions entreprises par la défenderesse (recte: le
défendeur) lors de la liquidation économique de la société en 1992,
X.________ allait subir une perte significative sur sa créance ». Le
défendeur fait valoir que ce n'est donc pas le manquement qui lui est
reproché qui serait la cause de la faillite de W.________; comme, en
application de l'art. 332b al. 1 CO, la rémunération du personnel commercial
de W.________ était due dès la conclusion du contrat avec le tiers et non au
paiement par ce dernier de la facture relative aux bijoux commandés, il
n'aurait fait que ce que la société devait en versant notamment une indemnité
pour résiliation immédiate des rapports de travail.

4.3  La responsabilité des administrateurs envers la société, fondée sur
l'art. 754 CO, est subordonnée à la réunion des quatre conditions générales
suivantes, à savoir un manquement par l'organe à ses devoirs, une faute
(intentionnelle ou par négligence), un dommage et un lien de causalité
naturelle et adéquate entre le manquement et le dommage; il appartient au
demandeur à l'action en responsabilité de prouver la réalisation de ces
conditions (art. 8 CC), qui sont cumulatives (arrêt 4C.281/2004 du 9 novembre
2004, reproduit in SJ 2005 I p. 221, consid. 2.3).
4.3.1  Parmi les devoirs de l'administrateur figure notamment son devoir de
fidélité envers la société, qui lui impose de veiller fidèlement aux intérêts
de celle-ci (art. 717 al. 1 CO). Le droit de la société anonyme tend à
garantir, par toute une série de dispositions impératives, que la société
conserve un patrimoine net (actif diminué du passif) qui corresponde au moins
au capital-actions augmenté des réserves légales (ATF 117 IV 259 consid. 5a
et les références citées). Ainsi, le législateur protège le capital-actions
en interdisant son remboursement (art. 680 al. 2 CO), tout comme le paiement
d'intérêts sur le capital-actions (art. 675 al. 1 CO) ou encore son
utilisation pour le versement de dividendes, lesquels ne peuvent être
prélevés que sur le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves
constituées à cet effet (art. 675 al. 2 CO; cf. aussi art. 671 al. 3 CO pour
l'utilisation de la réserve générale). Est également interdit le versement de
dividendes cachés, soit de prestations de la société à l'actionnaire
lorsqu'elles sont en disproportion évidente avec leur contre-prestation et la
situation économique de la société (art. 678 al. 2 CO). Toutes ces
dispositions visent à protéger non seulement les créanciers, mais aussi la
société elle-même (ATF 117 IV 259 consid. 5a; 97 IV 10 consid. 2; Peter
Kurer, Basler Kommentar, Obligationenrecht II, 2e éd. 2002, n. 2 et 6 ad art.
675 CO). Le versement de dividendes ou de dividendes cachés peut constituer
un manquement de l'administrateur à ses devoirs, pouvant donner lieu à une
action en responsabilité selon l'art. 754 CO, lorsqu'un tel versement
n'apparaissait objectivement pas admissible au regard de la situation
économique de la société au moment où il a été effectué (Peter Widmer/Oliver
Banz, Basler Kommentar, Obligationenrecht II, 2e éd. 2002, n. 30 ad art. 754
CO).

En l'espèce, il ressort de l'état de fait de l'arrêt attaqué, qui lie le
Tribunal fédéral, que le défendeur a versé aux actionnaires de W.________,
alors que cette société était entrée en liquidation de fait en juillet 1992
ensuite de la fin des livraisons par son fournisseur unique, des montants qui
dépassaient largement la somme qui aurait correspondu à la rémunération du
travail effectué en 1992, augmentée d'indemnités de licenciement équivalant à
six mois de rémunération. Le montant versé en plus, soit CHF 434'000.- au
total selon les calculs de l'expert repris par la cour cantonale, doit être
qualifié de dividendes cachés. Ce montant a été versé aux actionnaires alors
que la société était entrée en liquidation et que la dette globale envers la
demanderesse (CHF 2'136'497.- au 31 décembre 1992) dépassait largement les
actifs (d'un solde de CHF 240'243.- au 31 décembre 1992). Il est ainsi
incontestable que le capital-actions et les réserves légales (soit au total
CHF 100'000.- selon le bilan au 31 décembre 1992) ont été entamés lors du
versement de ces dividendes cachés, qui constitue un manquement du défendeur
à ses devoirs d'administrateur, tels qu'ils ont été rappelés plus haut.

Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire d'examiner si, par les
versements litigieux, le défendeur a également contrevenu à ses devoirs
découlant de l'art. 745 CO, comme l'a retenu la cour cantonale, dans la
mesure où il résulte de cette disposition qu'en cas de liquidation, l'actif
de la société ne peut être distribué aux actionnaires qu'après le paiement
intégral des dettes sociales. Il n'y a donc pas lieu de répondre aux griefs
du défendeur relatifs à l'art. 745 CO.

En ce qui concerne la question de savoir si et dans quelle mesure la
rémunération versée aux deux animateurs et actionnaires de W.________ après
la cessation des activités commerciales de cette société était excessive au
regard de la situation économique de la société (cf. art. 678 al. 2 CO),
l'argumentation du défendeur (cf. consid. 4.2.1 supra) repose tout entière
sur des présupposés de fait qui divergent de l'état de fait contenu dans la
décision attaquée, sans qu'il soit démontré que les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, en particulier
en ce qui concerne l'établissement de la rémunération afférente au travail
effectué par les animateurs de W.________ en 1992 (cf. consid. 2.4 supra).

4.3.2  Pour qu'il y ait responsabilité selon l'art. 754 CO, la violation des
devoirs doit être fautive; une négligence, même légère, suffit (Bernard
Corboz, La responsabilité des organes en droit des sociétés, 2005, n. 36-39
ad art. 754 CO; Widmer/Banz, op. cit., n. 32 ad art. 754 CO). La faute
s'apprécie selon des critères objectifs, et elle est toujours donnée lorsque
le défendeur n'a pas agi comme un organe ayant les compétences requises
l'aurait fait dans les mêmes circonstances (Widmer/Banz, op. cit., n. 32 ad
art. 754 CO). Dès lors, seules des circonstances exceptionnelles pourraient
conduire à la conclusion que celui qui a failli à ses devoirs est exempt de
faute (Corboz, op. cit., n. 40 ad art. 754 CO).

En l'occurrence, le défendeur ne saurait se disculper en faisant valoir qu'il
croyait que la demanderesse avait renoncé définitivement au remboursement de
sa créance envers W.________ ou qu'elle s'était engagée à dédommager cette
société à concurrence d'un montant au moins équivalent (cf. consid. 4.2.2
supra). Il ressort en effet des constatations de l'arrêt attaqué, qui lient
le Tribunal fédéral, que la demanderesse avait déjà refusé toute
indemnisation pour la perte du marché espagnol, en mai 1992, et qu'elle
n'avait jamais renoncé à ses prétentions découlant de ses livraisons, ayant
au contraire expressément réclamé le paiement de ses créances par courrier du
14 septembre 1992, alors que le versement des dividendes cachés aux deux
actionnaires n'est intervenu que le 30 septembre 1992.

4.3.3  Lorsqu'un créancier social ayant obtenu la cession des droits de la
masse en application de l'art. 260 LP agit en réparation du dommage subi par
la société, il faut que la violation fautive d'un devoir ait causé un dommage
à la société (cf. consid. 3.2.2 supra). Le dommage juridiquement reconnu
réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à
la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant
qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas
produit (ATF 132 III 564 consid. 6.2 et le arrêts cités).
En l'espèce, il est manifeste qu'en versant aux deux actionnaires de
W.________, en violation fautive de ses devoirs, des prestations indues à
concurrence de CHF 434'000.-, le défendeur a causé à la société un dommage du
même montant, puisqu'il a diminué le patrimoine de la société de ce montant.
Les griefs du défendeur à cet égard (cf. consid. 4.2.3 supra) tombent donc à
faux.

4.3.4  La responsabilité prévue par l'art. 754 CO suppose un rapport de
causalité naturelle et un rapport de causalité adéquate entre, d'une part, la
violation fautive du devoir et, d'autre part, le dommage invoqué (Corboz, op.
cit., n. 48 ad art. 754 CO; Widmer/Banz, op. cit., n. 43 ad art. 754 CO). La
constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait; il y a
toutefois violation du droit fédéral si le juge méconnaît l'exigence ou la
notion de causalité naturelle (ATF 128 III 22 consid. 2d, 174 consid. 2b, 180
consid. 2d).

En l'espèce, le défendeur conteste en vain l'existence d'un lien de causalité
entre le manquement au devoir et le dommage, en faisant valoir que ce n'est
pas le manquement qui lui est reproché qui serait la cause de la faillite de
W.________ (cf. consid. 4.2.4 supra). En effet, le dommage causé à la société
par la diminution de son patrimoine à concurrence de CHF 434'000.- résulte
directement du versement indu opéré le 30 septembre 1992 à concurrence de ce
montant et existait bien avant la faillite de la société, prononcée le 6
octobre 1997.

5.
5.1 Après avoir rappelé que, selon la jurisprudence, en cas d'action en
responsabilité intentée par un créancier ayant obtenu la cession des droits
de la masse, le délai de prescription ordinaire de cinq ans prévu par l'art.
760 al. 1 CO ne commence pas à courir avant la faillite, l'autorité
précédente a constaté qu'en l'espèce, moins de cinq ans s'étaient écoulés
entre l'ouverture de la faillite le 6 octobre 1997 et l'ouverture de l'action
en responsabilité le 9 mai 2001, de sorte que l'action n'était pas prescrite.

5.2  En ce qui concerne la prescription de l'action en responsabilité déduite
de l'art. 754 CO, l'art. 760 al. 1 CO instaure un délai de cinq ans à partir
du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de la personne
responsable (délai relatif) et un délai de dix ans dès le jour où le fait
dommageable s'est produit (délai absolu). Lorsqu'un créancier social qui a
obtenu la cession des droits de la masse en application de l'art. 260 LP
actionne l'organe responsable pour réclamer la réparation du dommage subi
directement par la société, il exerce l'action de la communauté des
créanciers (cf. consid. 3.2.2 supra). En pareil cas, le délai relatif de cinq
ans ne commence pas à courir avant que la société soit déclarée en faillite
(ATF 122 III 195 consid. 9c; 102 II 353 consid. 2a; 87 II 293 consid. 4 p.
298), puisque la prescription relative suppose la possibilité d'agir et que
la créance de la communauté des créanciers ne peut pas être invoquée en
justice avant la faillite de la société (Corboz, op. cit., n. 21 ad art. 760
CO).

5.3  En l'espèce, le délai relatif de cinq ans ne peut ainsi pas avoir
commencé à courir avant que la faillite de W.________ n'eût été prononcée, le
6 octobre 1997, si bien que l'action en responsabilité ouverte le 9 mai 2001,
soit moins de cinq ans après le prononcé de la faillite et moins de dix ans
après que le fait dommageable se fut produit, n'est pas prescrite. C'est en
vain que le défendeur prétend que la demanderesse était en mesure de chiffrer
son dommage dès le 14 septembre 1992 et qu'elle aurait dû agir au plus tard
le 14 septembre 1997. En effet, la demanderesse exerce l'action de la
communauté des créanciers en réparation du dommage indirect découlant de la
faillite de W.________, et cette action ne pouvait pas être exercée avant la
faillite de la société.

6.
6.1 Le défendeur fait enfin grief à la cour cantonale d'avoir violé les art.
102 ss CO, ainsi que le principe ne eat judex ultra petita partium, pour
l'avoir condamné à verser à la demanderesse, qui réclamait le paiement de la
somme de CHF 2'468'171.09 plus intérêts à 5% l'an dès le 9 mai 2001, la somme
de CHF 434'000.- plus intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 1992, soit à
compter du versement des indemnités de licenciement à A.________ et à
B.________. Selon le défendeur, la Cour de justice ne pouvait pas prendre
comme date de départ des intérêts le 30 septembre 1992 et comme date de
départ du délai de prescription la date de la faillite de la société.

6.2  Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du
droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Si le recours peut
être formé pour violation de droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let.
c LTF), pour violation de dispositions cantonales sur le droit de vote des
citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires (art. 95 let. d
LTF) et pour violation du droit intercantonal (art. 95 let. e LTF), la
violation d'autres règles de droit cantonal n'est pas un motif de recours; le
recourant peut alors uniquement invoquer la violation de l'interdiction de
l'arbitraire selon l'art. 9 Cst. (Bernard Corboz, Introduction à la nouvelle
loi sur le Tribunal fédéral, in SJ 2006 II 319 ss, p. 331; Fabienne Hohl, Le
recours en matière civile selon la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin
2005, in Les recours au Tribunal fédéral, 2007, p. 71 ss, 97), grief que le
Tribunal fédéral n'examine que s'il a été dûment invoqué et motivé par le
recourant (art. 106 al. 2 LTF).
En l'espèce, le Tribunal fédéral ne saurait ainsi examiner si la cour
cantonale a violé le principe ne eat judex ultra petita partium, lequel
ressortit ici au droit cantonal de procédure (ATF 111 II 358 consid. 1; 109
II 452 consid. 5d; 89 II 56 consid. 3; 81 II 145 consid. 1b et les arrêts
cités), ou si, comme le soutient la demanderesse, ce principe n'a pas été
violé dès lors que la somme totale allouée en capital et intérêts est
inférieure aux conclusions prises.

6.3  C'est par ailleurs à tort que le défendeur soutient que les intérêts ne
pourraient pas courir avant que le délai relatif de prescription de l'action
en responsabilité selon l'art. 760 al. 1 CO n'ait commencé à courir. Il
convient en effet de rappeler encore une fois que la demanderesse fait valoir
le dommage subi par la société W.________. Or ce dommage découle du versement
opéré indûment à concurrence de CHF 434'000.- le 30 septembre 1992, date à
laquelle la société a subi un dommage par la diminution de son patrimoine
(cf. consid. 4.3.3 supra). Selon la jurisprudence constante, le dommage
comprend l'intérêt compensatoire (Schadenszins) qui est dû à partir du moment
où l'événement dommageable engendre des conséquences pécuniaires et court
jusqu'au moment du paiement des dommages-intérêts; cet intérêt vise à placer
l'ayant droit dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait obtenu
réparation au jour de la survenance du dommage, respectivement de la
réalisation de ses conséquences économiques (ATF 130 III 591 consid. 4; 122
III 53 consid. 4a et les arrêts cités). Le fait que l'action de la communauté
des créanciers ne pouvait pas être exercée avant la faillite de la société,
et donc que le délai relatif de prescription ne pouvait pas commencer à
courir avant le prononcé de la faillite (cf. consid. 5.2 supra), est sans
incidence sur le point de départ de l'intérêt compensatoire.

7.
Il résulte de ce qui précède que le recours du défendeur doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable. Le défendeur, qui succombe, supportera
les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et versera à la demanderesse
une indemnité pour ses dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours du défendeur est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du défendeur.

3.
Le défendeur versera à la demanderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 13 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: