Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.162/2007
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4A_162/2007 /ech

Arrêt du 27 septembre 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
recourante, représentée par Me Irène Buche,

contre

B.________,
C.________,
D.________,
intimés, tous trois représentés par Me Bertrand R. Reich.

contrat de bail; résiliation,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et loyers du canton de Genève du 2 avril 2007.

Faits :

A.
Depuis 1972, B.________, C.________ et D.________ louent à A.________ un
appartement de trois pièces sis dans un immeuble dont ils sont propriétaires.
Le contrat se renouvelle tacitement d'année en année. En dernier lieu, le
loyer mensuel a été fixé à 793 francs.

En cours de bail, la locataire a fait l'objet à différentes reprises de
plaintes de voisins, notamment pour des problèmes d'odeurs. Entre le 21
juillet et le 15 septembre 2003, les bailleurs ont mis la locataire en
demeure de faire nettoyer son appartement et de le faire traiter contre les
cafards, avec menace de résiliation. La locataire, qui n'a d'abord pas été
atteinte à cause d'une absence prolongée, n'a pas donné suite à cette
injonction, n'en voyant pas l'utilité.

Par avis officiel du 10 novembre 2003, les bailleurs ont résilié le bail pour
le 31 décembre 2003. Ils se prévalaient de la violation du devoir de
diligence (art. 257f CO).

B.
Le 19 décembre 2003, la locataire a saisi la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers du canton de Genève en vue de faire constater
l'inefficacité de la résiliation, subsidiairement de la faire annuler. Le
16 janvier 2004, les bailleurs ont déposé une requête en évacuation auprès de
la même autorité.

Suite à une première séance de conciliation du 22 mars 2004, les bailleurs
ont mandaté plusieurs entreprises pour procéder à la désinsectisation du
logement litigieux et poser un filet anti-pigeons sur le balcon. Lors d'une
deuxième audience de conciliation du 10 mai 2004, les parties ont signé la
convention suivante: "Mme A.________ s'engage, en cas d'absence, à remettre
la clé de l'appartement au concierge de l'immeuble et, lorsqu'elle est à
Genève, à permettre à l'entreprise de désinsectiser son appartement. Elle
s'engage en outre à maintenir la chose louée, y compris le balcon, en bon
état et à veiller à ce que le fil anti-pigeons reste en place. Un délai
d'épreuve est prévu pour une durée de 9 mois, les parties seront convoquées
en février et le congé du 10 novembre 2003 et la requête en évacuation du 16
janvier 2004 seront retirés pour autant que les conditions précitées aient
été respectées. A cet effet, Mme A.________laissera visiter son appartement à
la régie en janvier 2005".
Le 1er février 2005, la régie a procédé à une visite des lieux et a constaté
que l'appartement était dans un état d'insalubrité total.

La nouvelle tentative de conciliation du 3 février 2005 s'étant soldée par un
échec, la locataire a porté sa requête devant le Tribunal des baux et loyers
du canton de Genève qui, par jugement du 22 mai 2006, a déclaré le congé
valable et débouté les parties de toutes autres conclusions.

Statuant sur appel de la locataire par arrêt du 2 avril 2007, la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève confirmé le jugement
attaqué.

C.
La locataire (la recourante) interjette le présent recours en matière civile
au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement au constat de l'inefficacité
du congé litigieux, subsidiairement à l'annulation de la résiliation, plus
subsidiairement à la condamnation des bailleurs à retirer le congé
conformément à l'engagement pris le 10 mai 2004, le tout avec suite de
dépens.

Les bailleurs (les intimés) proposent le rejet du recours, sous suite de
dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature
pécuniaire (arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in SJ 2001 I p. 17,
consid. 1a), de sorte qu'elles ne peuvent être soumises au Tribunal fédéral,
par la voie du recours en matière civile, que si elles atteignent la valeur
litigieuse prescrite par la loi. En matière de droit du bail à loyer, elle
doit s'élever à au moins 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). C'est le
montant encore litigieux devant la dernière instance cantonale qui la
détermine (art. 51 al. 1 let. a LTF).

Dans la présente cause, la cour cantonale, au vu des conclusions prises
devant elle, a retenu que la valeur litigieuse s'élevait au montant du loyer
dû jusqu'à la prochaine échéance contractuelle, que donné le 10 novembre
2003, le congé ne pouvait déployer d'effets avant le 31 octobre 2004, et que
la période déterminante était donc de douze mois, ce qui correspondait à une
valeur litigieuse de 9'516 fr. La recourante conteste ce calcul et soutient
que la valeur litigieuse correspond à trois ans de loyer. Les intimés s'en
remettent à justice.

En cas de litige portant sur la résiliation d'un bail, la valeur litigieuse
se détermine selon le loyer dû pour la période durant laquelle le contrat
subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et
qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné
ou l'a été effectivement (arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in SJ
2001 I p. 17, consid. 1a; 4C.310/1996 du 16 avril 1997, publié in SJ 1997 p.
493, consid. 2a; 119 II 147 consid. 1 p. 149; 111 II 385 consid. 1 p. 386).
Pour déterminer la prochaine échéance possible, il faut donc supposer que
l'on admette la contestation, c'est-à-dire que le congé litigieux ne soit pas
valable. Lorsque, comme en l'espèce (art. 255 al. 3 CO), le bail bénéficie de
la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf
exceptions, de prendre en considération la période de trois ans prévue à
l'art. 271a al. 1 let. e CO (cf. arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in
SJ 2001 I p. 17, consid. 1a; 4C.310/1996 du 16 avril 1997, publié in SJ 1997
p. 493, consid. 2a).

En l'occurrence, le loyer mensuel est de 793 fr., ce qui donne une valeur
litigieuse de 28'548 fr. (36 x 793 fr.), de sorte que la voie du recours en
matière civile est ouverte.

2.2 Par ailleurs exercé par la recourante qui a succombé dans ses conclusions
(art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF)
rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le présent recours en matière civile
est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai, compte tenu
des féries (art. 45 al. 1, 46 al. 1 let. a LTF et 100 al. 1 LTF), et la forme
(art. 42 LTF) prévus par la loi.

3.
Bien que déclarant se référer aux constatations de fait figurant dans l'arrêt
attaqué, la recourante critique l'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée la cour cantonale. Se fondant en particulier sur des déclarations de
témoins relatées dans la partie "en fait" de l'arrêt attaqué, elle argumente
à partir d'un état de fait différent de celui retenu par l'autorité
cantonale.

3.1 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

La notion de « manifestement inexacte » correspond à celle d'arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. (Message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss,
spéc. p. 4135). D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire
lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou
un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre
solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit
annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses
motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 133 I 149 consid, 3.1; 132 III 209
consid. 2.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des
faits, il n'y a arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le
sens et la portée d'un moyen de preuve, si, sur la base des éléments
recueillis, il a fait des déductions insoutenables, ou encore s'il a omis,
sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier
la décision attaquée (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4).

En l'espèce, le recours ne satisfait pas à ces exigences. La recourante se
limite à donner la version des faits qu'elle tire de divers témoignages, sans
aborder l'état de fait retenu par l'autorité cantonale ni tenter de démontrer
en quoi il serait insoutenable.

3.2 L'état de fait retenu par l'autorité cantonale, qui lie donc le Tribunal
fédéral, est le suivant:

Depuis plusieurs années et notamment en 2001, la locataire a fait obstacle à
l'accomplissement dans son appartement de travaux d'entretien et de
prévention contre l'invasion d'insectes nuisibles. Durant l'année 2003, le
logement, y compris le balcon, était dans un état d'insalubrité caractérisé;
il était dans un très mauvais état, ne faisant apparemment pas l'objet de
l'entretien minimum que l'on peut attendre d'un locataire diligent. Ces
problèmes d'insalubrité ont atteint un degré tel qu'ils ont engendré des
désagréments aux voisins directs, consistant en des gênes olfactives et des
invasions de cafards.

De surcroît, en particulier en 2003, lorsque la représentante des bailleurs a
voulu remédier à ces dommages, mandatant les entreprises spécialisées pour le
traitement de ces problèmes, elle s'est trouvée empêchée d'agir efficacement,
la locataire refusant l'accès à son appartement, soit délibérément, soit en
se comportant de manière très négligente en ne prenant pas les mesures en vue
d'être atteinte par les communications de la régie. Les bailleurs ont à deux
reprises mis la locataire en demeure de procéder au nettoyage de son
appartement et de le faire traiter contre les cafards.

Les 8 avril et 18 mai 2004, la locataire a permis à des entreprises d'accéder
à son appartement, pour procéder à la désinsectisation, en particulier au
traitement de prévention anti-cafards, et pour installer un filet
anti-pigeons autour du balcon.

Par la suite, la locataire a persisté à maintenir son logement dans un très
mauvais état. Ce n'est que sur l'insistance des bailleurs, qui souhaitaient
vérifier le respect des engagements pris le 10 mai 2003 par la locataire à
l'approche de la fin du délai d'épreuve, que celle-ci s'est décidée à
procéder au nettoyage des locaux, sans toutefois les maintenir ou les
remettre en bon état.

4.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 257f al. 3 CO, qui permet
au bailleur de résilier les baux d'habitations, moyennant un délai de congé
de trente jours pour la fin d'un mois, lorsque le maintien du bail est devenu
insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que
le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, a persisté à
enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins.

4.1 La résiliation prévue à l'art. 257f al. 3 CO suppose ainsi une violation
du devoir de diligence du locataire, un avertissement écrit préalable du
bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en
relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le
caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, le
respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt 4C.306/2003
du 20 février 2004, reproduit in SJ 2004 I p. 439, consid. 3.1, et les
références citées).

En vertu de son devoir de diligence, le locataire doit avoir pour les voisins
les égards qui leur sont dus (art. 257f al. 2 CO); cela lui interdit
notamment de créer des odeurs nauséabondes (cf. Lachat/Stoll/Brunner,
Mietrecht für die Praxis, 5e éd., Zurich 2005, n. 27.3.1.3 et 2.1.3.8). Le
locataire est aussi tenu de tolérer les travaux destinés à remédier aux
défauts de la chose ainsi qu'à réparer ou à prévenir des dommages (art. 257h
al. 1 CO); la nécessité s'apprécie de manière objective, sans égard à
l'opinion du locataire, à l'aune de l'obligation d'entretien du bailleur qui
n'entend pas laisser les locaux se dégrader (arrêt 4C.306/2003 du 20 février
2004, reproduit in SJ 2004 I p. 439, consid. 3.3 p. 441, et les références
citées).

Pour justifier une résiliation anticipée, la violation persistante par le
locataire de son devoir de diligence doit rendre le maintien du contrat
insupportable, ce qui suppose une certaine gravité du manquement reproché au
locataire. La question de savoir si le maintien du bail est devenue
insupportable ne se détermine pas selon des critères abstraits, mais en
fonction de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce. Cet
examen relève ainsi du pouvoir d'appréciation du juge (arrêt 4C.306/2003 du
20 février 2004, reproduit in SJ 2004 I p. 439, consid. 3.5, et les
références citées). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral ne
substitue alors sa propre appréciation à celle de l'instance inférieure
qu'avec une certaine retenue et n'intervient que si celle-ci a abusé de son
pouvoir d'appréciation, c'est-à-dire si elle a retenu des critères
inappropriés, si la décision rendue aboutit à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (ATF 132 III 758 consid. 3.3 p. 762 et
les arrêts cités).

4.2 En premier lieu, la recourante estime que la résiliation prononcée le 10
novembre n'était pas justifiée.
Selon les constatations de l'autorité cantonale, dans les mois précédant la
résiliation, l'appartement et le balcon étaient dans un état d'insalubrité
caractérisé et les voisins ont été incommodés par des odeurs; en outre, la
recourante n'a pas donné suite à l'injonction de traiter ces problèmes, et
les entreprises mandatées par la régie pour le faire n'ont, de la faute de la
locataire, pas pu accéder à l'appartement pour y procéder. Dans ces
circonstances, l'autorité cantonale n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en estimant qu'une résiliation dans les trente jours était
justifiée. Le respect des exigences de forme ne sont, à juste titre, pas
contestées. La résiliation prononcée le 10 novembre 2003 était valable.

4.3 La recourante objecte ensuite que, par la signature du procès-verbal de
conciliation du 10 mai 2004, les intimés ont renoncé à leur mise en demeure
initiale, qui a ainsi perdu toute valeur juridique.

Rien de tel ne ressort toutefois de la convention. Les bailleurs ont
uniquement accordé un délai d'épreuve à la locataire, et ils se sont engagés
à retirer la résiliation ainsi que la requête d'évacuation si elle respectait
les engagements pris. Ils ont simplement consenti à une suspension de la
procédure d'évacuation et se sont engagés à y renoncer ultérieurement si
certaines conditions étaient remplies par la locataire. La mise en demeure de
2003 n'était pas remise en cause; elle subsistait et gardait toute sa valeur.

4.4 La recourante objecte finalement que les intimés devaient respecter
l'engagement pris le 10 mai 2004 et retirer la résiliation.

Selon les constatations de la cour cantonale, la locataire a persisté à
maintenir son logement dans un très mauvais état et ne s'est décidée à
procéder au nettoyage des locaux sans toutefois les maintenir ou les remettre
en bon état uniquement sur l'insistance des bailleurs qui, à l'approche de
l'échéance du délai d'épreuve, souhaitaient vérifier le respect des
engagements pris dans la convention du 10 mai 2004. C'est à bon droit que
l'autorité cantonale en a déduit que la locataire n'avait pas respecté ces
engagements et que les bailleurs n'avaient donc pas à retirer la résiliation
ni à renoncer à l'évacuation.

5.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de
2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 27 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: