Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.142/2007
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4A_142/2007 /ech

Arrêt du 26 septembre 2007
Ire Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Maîtres Shelby du Pasquier et Fedor Poskriakov,

contre

Y.________ AG,
intimée, représentée par Me Philippe Neyroud.

droit d'auteur; acte illicite,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 16 mars 2007.

Faits :

A.
Y. ________ AG (ci-après: Y.________), de siège à ..., a pour but l'achat, la
vente, la location et la distribution de films cinématographiques en Suisse.

X. ________ SA (ci-après: X.________), de siège à ..., a pour but le commerce
et la location de cassettes vidéo. Elle exploite quatre magasins à Genève
sous l'enseigne X.________.

B.
B.aPar contrat de licence conclu le 16 janvier 2004 avec A.________ LTD,
Y.________ a acquis, pour la Suisse et sur une période de dix ans, tous les
droits d'exploitation cinématographique et vidéo, en allemand uniquement, du
film « V.________ ».

B.b Le 28 mai 2004, Y.________ a conclu un contrat de distribution avec
B.________ et a acquis tous les droits d'exploitation du film « W.________ »,
en anglais doublé et sous-titré en allemand, français et italien pour les
droits cinématographiques et en anglais doublé et sous-titré en français pour
les droits vidéos. Ces droits ont été obtenus pour la Suisse et le
Liechtenstein, pour une période de dix ans.

B.c Par courriers des 20 et 22 juin 2005, B.________ et A.________ LTD ont
confirmé que les droits conférés par les contrats signés avec Y.________
autorisaient celle-ci à introduire et conduire toute procédure civile ou
pénale contre tout tiers violant les droits cédés selon le contrat.

C.
Le film « W.________ » a été projeté dans les salles de cinéma genevoises du
23 mars au 26 juillet 2005. Le film « V.________ », quant à lui, a fait
l'objet à Genève d'une exploitation en salles du 25 mai au 28 juin 2005.

Après avoir constaté, le 16 mai 2005, que X.________ offrait à la location ou
à la vente ces deux films, Y.________ a sommé X.________ de cesser
immédiatement leur exploitation commerciale, se référant à l'art. 12 al. 1bis
de la loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 9 octobre
1992 [LDA; RS 231.1]. Le 4 juillet 2005, cent septante-sept copies du film
« W.________ » et trois du film « V.________ » ont été saisies par huissier
judiciaire à la suite d'une décision de saisie provisionnelle rendue le 29
juin 2005 par la Cour de justice du canton de Genève.

Le 1er septembre 2005, Y.________ a déposé une demande en validation de
mesures provisionnelles. A titre principale, elle demandait, entre autres
conclusions, à ce que X.________ soit condamnée à lui payer la somme de
11'091 fr.25, plus intérêts à 5% à compter du 28 juin 2005, à ce que
X.________ soit condamnée à lui restituer les profits réalisés par la
location et la vente de ces films et à ce qu'il lui soit donné acte de ce
qu'elle était d'accord d'imputer de son dommage les profits réalisés par la
location et la vente de ces films. Après enquêtes, Y.________ concluait au
paiement de la somme de 23'293 fr 35, avec intérêts à 5% dès le 28 juin 2005
à titre de dommage. Sur demande reconventionnelle, X.________ a conclu à la
remise des profits réalisés par Y.________ avec les films litigieux, soit à
concurrence de 10'808 fr. avec intérêts à 5% dès le 28 juin 2005.

D.
D.aPar arrêt interlocutoire du 14 septembre 2006, la Cour de justice a jugé
que X.________ a violé l'art. 12 al. 1bis LDA en proposant à la vente ou à la
location des DVD des films « W.________ » et « V.________ » avant et pendant
qu'ils étaient projetés au cinéma à Genève.

Le 16 mars 2007, la Cour de justice a statué sur l'existence et le montant du
dommage allégué par la demanderesse, ainsi que sur la réalisation des autres
conditions relatives à la réparation du dommage. Elle a condamné la
défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 16'192 fr.75 avec
intérêts à 5% dès le 28 juin 2005, sous suite de dépens. Toutes autres
conclusions ont été rejetées.

D.b A l'encontre de ces décisions, la défenderesse exerce un recours en
matière civile. Elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que
la demande en paiement de la partie adverse soit rejetée et que la cause soit
renvoyée à l'autorité précédente pour instruction et décision sur la demande
reconventionnelle.

La demanderesse requiert le rejet du recours. Quant à l'autorité cantonale,
elle se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il est constant que la décision du 14 septembre 2006, par laquelle les
magistrats se sont prononcés sur la violation par la défenderesse de l'art.
12 al. 1bis LDA, ne constitue qu'une étape vers la décision finale rendue le
16 mars 2007. Dans la mesure où la première décision - préjudicielle - influe
sur le contenu de la seconde, les deux décisions peuvent être attaquées par
le biais d'un seul recours dirigé contre la décision finale (art. 93 al. 3
LTF).

Comme cette décision a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF; RS
173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) en instance cantonale unique par un tribunal supérieur
(art. 75 al. 2 let. a LTF; art. 64 al. 3 LDA; art. 31 al. 1 let. b ch. 2
LOJ/GE), le recours en matière civile est en principe recevable sans égard à
la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Il a par ailleurs été déposé
dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la
loi, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.

3.
3.1 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.
1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.3).
3.2 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).

4.
La recourante soutient que l'intimée, en tant que preneur de licence, n'avait
pas la qualité pour agir au sens de l'art. 12 al. 1bis LDA. A titre
subsidiaire, elle prétend que si l'on devait suivre le raisonnement de la
cour cantonale et se référer, pour juger de la qualité pour agir de
l'intimée, au contenu des contrats de licence signés par celle-ci, le droit
suisse ne serait pas applicable.

Il n'est pas contesté que, par contrats des 16 janvier 2004 et 28 mai 2004,
l'intimée a acquis tous les droits d'exploitation des films « V.________ » et
« W.________ », et que les conditions générales de C.________ font partie
intégrante des contrats. Or, il ressort de ces conditions générales que les
droits sont accordés au distributeur à titre exclusif et que le distributeur
doit prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher que le film soit
piraté dans le territoire concédé. Il en découle que tous les droits
nécessaires pour se défendre contre les atteintes aux droits cédés selon le
contrat ont été transférés à l'intimée, ce qui a du reste été confirmé par
les cocontractantes de l'intimée, dans deux courriers séparés. Par
conséquent, il est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral d'avoir
considéré, comme l'a fait l'autorité cantonale, que l'intimée - preneur de
licence - jouissait du droit d'intenter action en son propre nom (ATF 113 II
190 consid. 1; plus récemment arrêt 4A_55/2007 du 29 août 2007, consid.
5.1.2).

Par ailleurs, pour répondre au grief subsidiaire soulevé par la recourante,
c'est bien le droit suisse qui régit le présent litige. Celui-ci a pour objet
la protection, sur le territoire suisse, de droits d'auteur transférés au
preneur de licence; il oppose le preneur de licence à une société de location
et de vente de cassettes vidéo; ces deux parties sont deux sociétés anonymes
de droit suisse ayant leur siège social à Zurich pour l'une et à Genève pour
l'autre; elles ne sont pas contractuellement liées; le résultat de
l'événement dommageable, qui a eu lieu en Suisse (la mise à disposition, dans
les magasins de Genève de la recourante, des DVD des deux films litigieux
avant ou pendant qu'ils étaient exploités dans des salles de cinéma de
Genève), s'est également produit en Suisse (la perte de spectateurs de cinéma
à Genève, impliquant une perte des redevances encaissées par les exploitants
de salle, puis reversées au distributeur national). A défaut de tout élément
d'extranéité, il ne se justifie pas de faire application du droit
international privé suisse en tant que lex fori (cf. ATF 133 III 37 consid.
2; 132 III 609 consid. 4). A cet égard, il est sans pertinence que la
question - de droit matériel - de la légitimation active de l'intimée doit
s'examiner sur la base des contrats de licence signés par celle-ci et un
tiers, non partie au litige, lesquels contrats prévoient l'application de
droit étranger (ATF 113 II 190 consid. 1). Au demeurant, en matière de
propriété intellectuelle, il ressort de l'art. 110 al. 1 LDIP que les droits
de la propriété intellectuelle sont régis par le droit de l'Etat pour lequel
la protection de la propriété intellectuelle est revendiquée, soit, à
supposer l'existence d'un élément d'extranéité, le droit suisse en
l'occurrence.

5.
La recourante dénonce encore une application erronée de l'art. 12 al. 1bis
LDA.

5.1 Elle estime tout d'abord que, pour apprécier l'existence d'une violation
de l'art. 12 al. 1bis LDA, l'instance cantonale s'est à tort bornée dans la
décision finale à se référer aux considérants de l'arrêt du 14 septembre
2006, « sans tenir compte des faits établis dans le cadre des enquêtes, ainsi
que d'autres faits pertinents et régulièrement allégués ». Afin de fonder son
argumentation, elle énumère, de manière purement appellatoire, un certain
nombre de faits qu'elle dit être pertinents et que l'autorité n'aurait pas
retenus par inadvertance manifeste ou en violation du droit fédéral.

Dans la mesure où la question de la violation de l'art. 12 al. 1bis LDA a été
tranchée par décision - incidente - du 14 septembre 2006, l'autorité
cantonale n'avait plus à l'examiner dans le cadre de la décision finale. Il
est donc erroné de prétendre que, pour apprécier l'existence d'une violation
de l'art. 12 al. 1bis LDA, l'instance cantonale s'est bornée dans la décision
finale à se référer aux considérants de l'arrêt du 14 septembre 2006. Par
ailleurs, les faits sur lesquels revient la recourante ne sont pas pertinents
pour l'examen des conditions d'application de l'art. 12 al. 1bis LDA,
puisqu'ils concernent le lien entre la mise à disposition des DVD et la
baisse de fréquentation en salles, soit à l'une des conditions nécessaires à
la réparation du dommage. En tout état de cause, il n'y a pas lieu d'examiner
plus avant cette critique de l'état de fait, qui est manifestement
irrecevable, dès lors qu'il ne suffit pas pour démontrer que les faits ont
été établis de manière arbitraire, ou contraire au droit fédéral, de les
énumérer en faisant référence à une pièce du dossier, à un témoignage ou à un
autre élément de preuve.

5.2 La recourante revient ensuite sur la condition de l'entrave à l'exercice
du droit de représentation de l'auteur au sens de l'art. 12 al. 1bis LDA.

5.2.1 L'art. 12 al. 1bis LDA prévoit, dans sa teneur actuelle - en vigueur
depuis le 1er avril 2004 -, que « les exemplaires d'une oeuvre audiovisuelle
ne peuvent être revendus ou loués qu'à partir du moment où l'exercice du
droit de représentation de l'auteur n'en est plus entravé ».

La version révisée de l'art. 12 al. 1bis LDA, qui met en oeuvre
l'exploitation en cascade de films - les nouveaux films doivent sortir au
cinéma, avant d'être vendus et/ou loués en DVD, puis diffusés sur les chaînes
de télévision -, protège le premier passage au cinéma d'un nouveau film. Elle
interdit, sous peine de porter atteinte au droit de représentation de
l'auteur, d'offrir à la vente ou à la location (en DVD, vidéo ou dans tout
autre format audio-visuel) ces nouveaux films avant ou pendant leur première
exploitation cinématographique (BOCN 2003 p. 833; BOCE 2003 p. 497).

5.2.2 Il a été dûment établi que la recourante a mis en location, voire en
vente, dans ses magasins de Genève, des DVD des deux films litigieux avant ou
pendant qu'ils étaient exploités dans des salles de cinéma de cette ville. La
condition de l'entrave à l'exercice du droit de représentation de l'auteur
est donc, en l'état, pleinement réalisée. Le grief consistant à soutenir que
la preuve de l'existence d'une telle entrave n'a pas été apportée est, par
conséquent, sans consistance.

6.
Dans la mesure où les griefs se rapportant à l'art. 12 al. 1bis LDA tombent à
faux, il convient d'entrer en matière sur les moyens relatifs au dommage et à
la réalisation des conditions nécessaires à sa réparation.

6.1 En lien avec l'établissement du dommage, la recourante fait état d'une
application arbitraire de l'art. 186 al. 2 LPC/GE.

Aux termes de l'art. 186 al. 2 LPC/GE, le juge peut ordonner à la partie qui
détient une pièce utile à la solution du litige de la produire, même si le
fardeau de la preuve ne lui incombe pas. En cas de refus sans motif légitime,
le fait allégué par la partie adverse peut être tenu pour avéré.

Pour pouvoir quantifier le dommage subi, qui a fait l'objet d'allégués
détaillés, l'intimée a requis la production, par la partie adverse, de sa
comptabilité relative aux deux films litigieux, ainsi que toute pièce utile.
Interpellée sur ce point lors de la séance du 18 octobre 2006, la recourante,
par l'intermédiaire de son mandataire, a fait savoir que son organisation
interne ne lui permettait pas de connaître la fréquence des locations de
titres déterminés de films et que, de toute manière, elle ne souhaitait pas
communiquer ces informations. Une telle prise de position - préalable à
l'ouverture des enquêtes - rendait superflu que les juges ordonnent la
production de ces pièces. Sur ce point, la critique de la recourante doit
donc être écartée. Par ailleurs, il ne saurait être reproché à l'autorité
cantonale d'avoir considéré que c'est sans motif légitime que la recourante
ne voulait pas divulguer une information qu'elle détenait et qui était utile
pour la solution du litige, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'une
organisation rationnelle de l'entreprise de la recourante devait lui
permettre de connaître en tout temps le nombre et le titre des DVD mis en
location et que le système de code barre utilisé sur les DVD avait pour but
de faciliter ce traitement de l'information.

Il en découle que l'autorité cantonale n'a pas fait une application
arbitraire de l'art. 186 LPC/GE et qu'elle n'a, encore moins, pas violé le
droit d'être entendu de la recourante - grief, au demeurant, insuffisamment
motivé.

6.2 A titre subsidiaire, la recourante dénonce une constatation arbitraire,
ou contraire au droit, du nombre de spectateurs perdus par film DVD loué et
de la part de redevance versée à l'intimée. S'agissant de la fréquence de
location des DVD et de la perte de spectateurs en salle, la cour a indiqué
qu'aucune preuve chiffrée des allégués de l'intimée n'a été apportée; elle a
toutefois estimé que, compte tenu de l'instruction de la cause, il pouvait
être tenu pour avéré que la location d'un DVD a entraîné une perte de deux
spectateurs en salles. Le taux de la redevance perçue par l'intimée a été
fixé à 43% du prix du billet de cinéma, la cour ayant considéré que ce taux
pouvait être retenu, dès lors qu'il résultait de statistiques suffisamment
fiables.

La recourante fait valoir que la moyenne retenue de deux spectateurs perdus
par DVD est contraire au résultat - retenu en fait - du sondage effectué par
ses soins, qui indique que seuls 3% de ses clients étaient susceptibles de
représenter des spectateurs perdus. Dans la mesure où, contrairement à ce que
prétend la recourante, ce fait n'a pas été retenu, sa critique est infondée.

Le même résultat s'impose pour la part de redevance revenant à l'intimée,
arrêtée à 43%. Non seulement la recourante ne démontre pas dans quelle mesure
ce pourcentage aurait été retenu de manière arbitraire ou en violation du
droit, mais en sus elle fonde son argumentation sur des pourcentages qui ne
correspondent pas à ceux ressortant des moyens de preuve invoqués. De plus,
les titres auxquels renvoie la recourante ne concernent que certaines des
salles de cinéma qui ont projeté, à Genève, les films litigieux. C'est par
ailleurs sans compter que la redevance varie au cours des semaines et selon
les cinémas et qu'il est impossible de savoir quand et dans quel cinéma se
seraient rendus les spectateurs qui ont loué des DVD, ce qui a été justement
relevé par l'intimée. Cela étant, l'autorité cantonale n'a pas erré en se
référant à une moyenne statistique issue d'une étude éditée par l'Office
fédéral de la statistique, dont le caractère fiable n'est au demeurant pas
remis en cause par la recourante.

6.3 Cela étant, il n'y a pas lieu de s'écarter des circonstances de fait sur
lesquelles l'instance cantonale s'est fondée pour évaluer le dommage.

7.
Sous l'intitulé « violation des art. 41 et 42 CO et de l'art. 8 CC », la
recourante nie la réalisation de tous les éléments constitutifs de l'art. 41
CO et dénonce une méconnaissance de la notion juridique du dommage.

Comme la recourante ne se livre pas à un début de démonstration s'agissant de
la violation de l'art. 8 CC, le volet du grief s'y rapportant est d'ores et
déjà irrecevable.

8.
8.1 Pour le surplus, force est de constater que le comportement de la
recourante est clairement illicite au sens de l'art. 41 CO, puisque, par ses
actes, la recourante a enfreint l'art. 12 al. 1bis LDA, en tant que norme
destinée à protéger le lésé contre le type de dommage qu'il a subi.

8.2 S'agissant de la faute, la recourante fonde son argumentation sur des
faits, qui n'ont pas été retenus par l'instance cantonale, ce qui est
irrecevable. En outre, la décision de mettre sur le marché les DVD des films
litigieux ne pouvait qu'émaner de l'un des organes de la société anonyme
recourante, qui, en qualité de professionnel du monde du cinéma, n'était pas
sans savoir que ce comportement contrevenait aux règles de propriété
intellectuelle. Ces éléments de fait découlent des allégués de la demande
relatifs à la faute intentionnelle de la recourante. A cet égard, le grief de
la recourante tombe à faux.

8.3 En ce qui concerne le lien de causalité, la recourante reproche à la cour
cantonale d'avoir retenu l'existence d'un lien de causalité entre les actes à
elle reprochés et le dommage allégué par la partie adverse, consistant en la
non-perception de redevances d'exploitants de salle. De son point de vue, il
n'y a pas de « substituabilité » entre le nombre de transactions vidéo et la
fréquentation cinématographique.

La cour cantonale s'est livrée à une appréciation critique des différents
éléments de preuve de la cause pour arriver à la conclusion que la mise à
disposition des DVD litigieux durant leur exploitation en salles se trouve en
lien de causalité adéquate avec le préjudice invoqué. Elle a d'abord
mentionné qu'il est conforme au cours ordinaire des choses et à l'expérience
générale de la vie que, sur l'ensemble des clients louant les DVD litigieux,
certains d'entre eux seraient allés au cinéma si ces DVD n'avaient pas été
disponibles auprès de la recourante. Elle s'est ensuite référée, pour appuyer
son raisonnement, au sondage effectué par la recourante, qui indiquait que 6%
- et non pas 3%, tel qu'allégué par la recourante - de ses clients seraient
allés voir les films au cinéma si ceux-ci n'avaient pas été disponibles sous
forme de DVD, ainsi qu'aux témoignages recueillis en cours de procédure, qui
ont donné des éléments démontrant une corrélation entre l'activité de la
recourante et la baisse des recettes en salles.

Les arguments développés par la recourante, qui consistent en de simples
affirmations fondées pour l'essentiel sur des faits non retenus par la cour,
ne sont pas de nature à infirmer le bien-fondé de la conclusion à laquelle a
abouti la cour cantonale. Ce résultat s'impose d'autant plus que la
recourante ne formule, à l'appui de ce grief, aucune critique, conforme aux
exigences de motivation prévues à l'art. 42 LTF, au sujet des constatations
de fait et de l'appréciation des preuves faite par l'autorité cantonale. Sur
ce point, le seul extrait des propos - isolés - tenus par le témoin
J.________, lors d'une émission télévisée, ne lui est d'aucun secours. De
toute façon, il est parfaitement évident que, selon le cours ordinaire des
choses et l'expérience générale de la vie, le comportement de la recourante
ne pouvait que causer un dommage à l'intimée, ce qui est confirmé par
l'interdiction de principe prévue à l'art. 12 al. 1bis LDA.

8.4 La recourante fait enfin grief à l'instance cantonale d'avoir méconnu la
notion juridique du dommage en ayant admis la réparation d'un dommage
indirect ou réfléchi et en ayant accordé à l'intimée un dédommagement que
celle-ci reversera aux titulaires des droits d'auteur.

8.4.1 En droit suisse de la responsabilité civile, l'action en
dommages-intérêts n'appartient en principe qu'à la personne qui est
directement atteinte par l'acte illicite, et non aux tiers qui étaient en
relation personnelle ou contractuelle avec la victime et sont lésés
indirectement par l'acte dommageable. Il est dérogé au principe de la
non-indemnisation du préjudice réfléchi lorsque la loi prévoit expressément
une indemnisation ou lorsqu'une règle de comportement protège spécifiquement
les intérêts des tiers lésés par ricochet.

8.4.2 En l'occurrence, la recourante tente de démontrer que l'intimée ne
serait qu'une victime par ricochet de l'acte illicite retenu par la cour
cantonale. Sa démonstration est toutefois vaine, dès lors qu'il a été jugé
que l'intimée bénéficie de la protection de l'art. 12 al. 1bis LDA, qui a
pour but de protéger les intérêts des titulaires de droit d'auteur - même par
licence -, notamment en empêchant toute entrave à l'exercice de leur droit de
représentation. La question de savoir si l'intimée est lésée directement ou
indirectement se recoupe ainsi avec celle de l'illicéité du comportement
incriminé.

Quant à la considération de la cour cantonale selon laquelle le montant des
gains manqués doit être entièrement versé à l'intimée, elle ne prête pas le
flanc à la critique. Dans la mesure où les droits pour se défendre contre
toute atteinte aux droits d'exploitation cédés selon le(s) contrat(s) ont été
transférés à l'intimée, les titulaires des droits d'auteur ne sauraient
directement faire valoir leur prétention en réparation du dommage. Sur ce
point, le raisonnement de la recourante est erroné. Pour le reste, c'est à
bon droit que la cour cantonale a retenu que l'intimée ne sera pas enrichie
lors de l'allocation du dommage, puisqu'elle sera tenue contractuellement de
reverser aux producteurs des films la redevance qui leur revient.

9.
Sur le vu du résultat des considérants qui précèdent, le recours ne peut
qu'être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

10.
Compte tenu de l'issue du litige, la recourante, qui succombe, doit acquitter
l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à l'intimée (art. 66 al. 1 et
68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 septembre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: