Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.136/2007
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4A_136/2007 /ech

Arrêt du 15 août 2007
Ire Cour de droit civil

Mmes et M. les Juges Klett, juge présidant,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Michel Muhlstein,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Gabriel Benezrap.

protection des marques,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 16 mars 2007.

Faits :

A.
Y. ________ SA est une société chaux-de-fonnière spécialisée notamment dans
le développement, la fabrication et le commerce de montres de haut de gamme,
de composants de montres et d'articles d'horlogerie. Le 3 avril 2002, elle a
effectué un dépôt international de design n° 1 pour deux modèles de
montre-bracelet, qui sont caractérisés par le fait que le cadran comporte
deux sous-cadrans de forme ronde qui se chevauchent, le sous-cadran supérieur
étant plus petit que le sous-cadran inférieur. Sur le dessin y relatif, l'on
voit que les deux sous-cadrans sont entourés d'un cerclage vissé par trois
vis apparentes placées à midi et au milieu des côtés du cercle inférieur. Le
sous-cadran supérieur indique les heures en chiffres romains, sauf entre cinq
et sept heures, soit dans le segment avec le sous-cadran inférieur, qui
indique les secondes en chiffres arabes. Le 6 avril 2004, Y.________ SA a par
ailleurs effectué un dépôt international de design n° 2 utilisant aussi la
technique du cerclage vissé apparent. Le dessin y relatif montre deux
sous-cadrans se recoupant, basculés de 90 degrés vers la gauche, entourés
d'un cerclage fixé par trois vis apparentes, placées de même manière que sur
le dessin susmentionné du design n° 1. Il n'y a de chiffres, arabes, que dans
le petit sous-cadran indiquant les secondes. Le grand sous-cadran ne comporte
pas d'indications autres que le nom de l'horloger. Les heures sont indiquées
par des points se trouvant à l'extérieur du double cerclage.

X. ________ est un horloger genevois actif dans la production de
montres-bracelets de luxe. Il est titulaire de deux marques suisses n°s A et
B pour des produits en classe 14 (métaux précieux et leurs alliages;
joaillerie, bijouterie, pierres précieuses; horlogerie et instruments
chronométriques), pour lesquelles il a déposé une demande d'enregistrement le
21 juin 2002. La marque n° B représente une forme, soit le cerclage de deux
cercles se chevauchant, le cercle inférieur, plus petit, étant coupé à sa
moitié. Trois vis apparentes sont posées dans de petites excroissances, à
midi et à l'endroit où les deux cercles se chevauchent.

B.
Le 30 août 2005, Y.________ SA a ouvert action contre X.________ devant la
Cour de justice du canton de Genève, concluant à ce que cette autorité
constate principalement que les marques suisses n°s A et B étaient nulles,
subsidiairement qu'elle ne violait aucun droit relatif à ces deux marques.

X. ________ a conclu à l'irrecevabilité de la conclusion relative à la
nullité de la marque n° A et au rejet de la demande pour le surplus. A titre
reconventionnel, il a conclu à ce qu'il soit ordonné à Y.________ SA de
cesser « tout usage en relation avec des montres, d'un élément figuratif
représentant deux arcs de cercle, de rayons identiques ou non, se rejoignant
à leurs extrémités, auxquels des protubérances sont intégrées, à l'intérieur
de chacune desquelles la tête d'un élément de fixation apparaît, ledit
élément figuratif étant seul ou combiné avec d'autres éléments figuratifs ou
verbaux ». Il a en outre conclu à ce que la nullité de divers dessins de
designs de Y.________ SA soit constatée.

Y. ________ SA a conclu au rejet des conclusions reconventionnelles prises
par son adverse partie.

Par arrêt du 16 mars 2007, la Cour de justice a constaté que Y.________ SA ne
violait pas la marque n° B de X.________, donné acte à X.________ de ce qu'il
reconnaissait que Y.________ SA ne violait pas sa marque n° A et débouté les
parties de toutes autres conclusions.

C.
X.________ (le recourant) interjette le présent recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Il conclut à ce que l'arrêt du 16 mars 2007 soit réformé
dans la mesure où il constate que Y.________ SA ne viole pas sa marque suisse
n° B et à ce qu'il soit ordonné à son adverse partie de cesser « tout usage
en relation avec des montres (notamment l'offre, la mise dans le commerce en
Suisse, l'exportation de Suisse et l'utilisation à des fins publicitaires)
d'un élément figuratif représentant deux arcs de cercle, de rayons identiques
ou non, se rejoignant à leurs extrémités, auxquels des protubérances sont
intégrées, à l'intérieur de chacune desquelles la tête d'un élément de
fixation apparaît, ledit élément figuratif étant seul ou combiné avec tous
autres éléments figuratifs ou verbaux, cela sous la menace de la peine de
l'art. 292 CP, soit l'amende », avec suite de dépens.

Y. ________ SA propose le déboutement de son adverse partie de toutes ses
conclusions, dans la mesure où elles sont recevables, sous suite de frais et
dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit
(art. 132 al. 1 LTF).

2.
2.1 Exercé par le recourant, qui a succombé, et dirigé contre un arrêt final
(art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) en instance
cantonale unique par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al.
2 let. a LTF, 58 al. 3 de la loi fédérale sur la protection des marques et
des indications de provenance du 28 août 1992 [LPM; RS 232.11], 37 de la loi
fédérale sur la protection des designs du 5 octobre 2001 [Loi sur les
designs, LDes; RS 232.12] et 31 al. 1 let. b ch. 2 de la loi genevoise
d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 [LOJ/GE; RSG E 2 05]), le
présent recours est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al.
2 let. b. LTF; cf. arrêt 4A_68/2007 du 4 juin 2007, destiné à la publication
aux ATF, consid. 2.2.2.2). Il a par ailleurs été déposé dans le délai, compte
tenu des féries (art. 45 al. 1, 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en
matière.

2.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs
invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière
sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du
droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de
manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La notion de « manifestement inexacte » correspond à celle d'arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. (Message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001 - ci-après: Message -,
FF 2001 p. 4000 ss, spéc. p. 4135). La partie recourante qui entend s'écarter
des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105
al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir
compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision
attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4). Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de
l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

3.
En instance cantonale, le recourant avait conclu à titre reconventionnel à ce
qu'il soit constaté que les designs nos 1 et 2 de l'intimée étaient nuls
faute d'être nouveaux et originaux, au motif qu'ils ne se distinguaient pas
d'un design qu'il avait lui-même déposé en 2000 déjà pour des montres
commercialisées dès 1999. L'autorité cantonale a rejeté cette conclusion. Le
recourant ne la reprend pas dans son recours ni n'en discute le rejet dans
les motifs. Ce point est donc définitivement tranché et n'est partant plus
litigieux.

Pour sa part, l'intimée avait conclu à ce que la nullité de la marque n° B
soit constatée. L'autorité cantonale a également rejeté cette conclusion,
constatant dans les attendus de l'arrêt que la marque est valable. L'intimée
n'a pas déposé de recours, bien que nonobstant l'admission de sa conclusion
subsidiaire, elle avait qualité pour recourir dès lors qu'elle avait un
intérêt juridique à contester le rejet de sa conclusion principale. Par
contre, dans sa réponse au recours, elle conteste le bien-fondé de la
décision admettant la validité de la marque. A défaut de recours joint, que
la LTF ne connaît pas (cf. Message, FF 2001 p. 4139), cette critique est
toutefois tardive. En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). En l'espèce, il n'est saisi
d'aucune conclusion en constatation de la nullité de la marque n° B. Sur ce
point, le prononcé de l'autorité cantonale est donc également définitif.

En conséquence, le seul point encore litigieux est celui de la violation par
l'intimée des droits du recourant découlant de la marque n° B.

4.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale de s'être arbitrairement fondée
sur des pièces produites par l'intimée pour apprécier une pure question de
droit. Il s'agit de diverses attestations portant sur l'originalité des
designs de l'intimée. Il se plaint ainsi d'une violation de l'interdiction
constitutionnelle de l'arbitraire (art. 9 Cst.).

Les pièces en question se rapportent, comme le recourant le relève lui-même,
à la nouveauté et originalité des designs nos 1 et 2. L'intimée a produit ces
pièces en réponse à la demande reconventionnelle par laquelle le recourant
avait conclu à la constatation de la nullité des designs. La validité des
designs n'est toutefois plus litigieuse, pas plus que celle de la marque du
recourant. La critique est dès lors sans objet.

Le recourant relève en passant le fait que l'intimée a déposé une pièce avec
son dernier mémoire, parce qu'elle savait qu'il l'aurait contestée dans sa
propre écriture si elle l'avait produite plus tôt. Ce faisant, le recourant
ne soutient pas ne pas avoir eu la possibilité de se déterminer sur cette
pièce, ce qu'il aurait notamment pu faire en audience. Quoi qu'il en soit, le
recourant ne se plaint pas d'une violation de son droit d'être entendu (art.
29 al. 2 Cst.). Or, le Tribunal fédéral peut uniquement se saisir de griefs
constitutionnels expressément invoqués et motivés (art. 106 al. 2 LTF; cf.
consid. 2.2). Il n'y a donc pas à entrer en matière sur cette remarque du
recourant.

5.
Le droit à la marque confère au titulaire le droit exclusif de faire usage de
la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés (art. 13
al. 1 LPM). Le titulaire peut interdire à des tiers l'usage des signes dont
la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM (art. 13 al. 2 LPM;
ATF 128 III 146 consid. 2b), soit notamment les signes similaires à une
marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques ou
similaires, lorsqu'il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 let. c
LPM).

De son côté, le droit sur un design confère à son titulaire le droit
d'interdire à des tiers d'utiliser le design à des fins industrielles
(art. 9 al. 1 LDes) et donc le droit exclusif de l'exploiter industriellement
(cf. Troller, Précis du droit suisse des biens immatériels, 2e éd., Bâle
2006, p. 337; von Büren/Marbach, Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, 2e
éd., Berne 2002, n. 471 p. 94).

En l'espèce, le dépôt du design n° 1 de l'intimée a été effectué le 3 avril
2002 (cf. art. 19 LDes) et le dépôt de la marque n° B du recourant le 21 juin
2002 (cf. art. 29 LPM). Le dépôt de la marque étant postérieur au dépôt du
design, dont la validité n'est plus contestée, le recourant ne saurait se
fonder sur son droit à la marque pour interdire à l'intimée d'utiliser la
forme du design.

Les conclusions du recourant tendent à interdire à l'intimée d'utiliser toute
forme représentant deux cercles qui se chevauchent partiellement et qui ont
des protubérances intégrant des vis. Or, cette forme correspond au design n°
1. Les conclusions, telles que formulées, ne peuvent qu'être rejetées.

Le recourant n'a pas pris de conclusions plus spécifiques, par exemple
relatives à un ou des modèles déterminés de montres de l'intimée. Une telle
spécification ne se trouve pas non plus dans les motifs du recours. Il n'y a
donc pas à examiner plus précisément quelles formes précises, conformes à la
marque du recourant, sont couvertes par le design de l'intimée et lesquelles
ne le sont pas.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens sont mis à la charge du
recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 15 août 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  La greffière: