Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.90/2007
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2C_90/2007

Arrêt du 27 août 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Roberto Izzo, avocat,

contre

Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Révocation d'une autorisation de séjour CE/AELE,

recours en matière de droit public et recours constitutionnel subsidiaire
contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du
23 février 2007.

Faits:

A.
Ressortissant tunisien né le 8 janvier 1981, A.X.________ est arrivé en
Suisse le 4 novembre 2002 pour y effectuer des études et a obtenu à cette fin
une autorisation de séjour valable jusqu'au 3 novembre 2003; il a interrompu
ses études le 16 juillet 2003. Le 4 septembre 2003, il a épousé une
Portugaise née le 15 juin 1984 et titulaire d'une autorisation
d'établissement en Suisse. Il s'est donc vu octroyer, au titre du
regroupement familial, une autorisation de séjour CE/AELE valable pour toute
la Suisse jusqu'au 14 septembre 2004, qui a été renouvelée jusqu'au 14
septembre 2009.

Les époux X.________ se sont séparés en février ou en juin 2005. Le 26 mai
2005, A.X.________ a été condamné à 30 jours d'emprisonnement, avec sursis
pendant 2 ans, et à 500 fr. d'amende, avec délai d'épreuve en vue de la
radiation anticipée de 2 ans, pour conduite d'un véhicule sans être
accompagné et faux dans les certificats. Durant la période allant du 18
juillet 2005 au 17 mai 2006, il a fait l'objet de 14 poursuites pour un
montant total de 31'175,75 fr. Le 4 décembre 2006, le Service de la
population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a révoqué
l'autorisation de séjour CE/AELE de A.X.________ et imparti à l'intéressé un
délai d'un mois dès la notification de cette décision pour quitter le pays.
Il s'est référé aux faits mentionnés ci-dessus et a considéré en particulier
que A.X.________ commettait un abus de droit dans la mesure où il se
prévalait d'un mariage vidé de sa substance et n'existant plus que
formellement dans l'unique but de conserver le bénéfice d'une autorisation de
séjour.

B.
Par arrêt du 23 février 2007, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de A.X.________
contre la décision du Service cantonal du 4 décembre 2006 et confirmé ladite
décision. Il a repris, en la développant, l'argumentation du Service
cantonal; en outre, il a estimé que le lien de l'intéressé avec sa nouvelle
compagne suisse ne pouvait pas bénéficier de la protection de l'art. 8 CEDH.

Le 7 mars 2007, le Service cantonal a imparti à A.X.________ un délai de
départ échéant le 23 avril 2007.

C.
A. X.________ a déposé au Tribunal fédéral un recours en matière de droit
public et un recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt du Tribunal
administratif du 23 février 2007. Il demande, sous suite de frais et dépens -
de première, deuxième et dernière instances -, principalement, que l'arrêt
attaqué soit réformé et qu'il ait droit au maintien de son autorisation de
séjour CE/AELE; subsidiairement, il demande que l'arrêt entrepris soit annulé
et que la cause soit renvoyée au Tribunal administratif pour qu'il prononce
le maintien d'une autorisation de séjour CE/AELE en sa faveur ou, plus
subsidiairement, pour qu'il la transmette au Service cantonal avec
instruction de lui accorder une autorisation de séjour CE/AELE. Le recourant
fait valoir une violation de l'art. 3 annexe I de l'accord du 21 juin 1999
entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses
Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(ci-après: l'Accord ou ALCP; RS 0.142.112.681), de l'art. 8 CEDH ainsi que de
droits constitutionnels et de principes généraux régissant l'activité
administrative (art. 5 et 9 Cst.). Il requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service cantonal a
renoncé à se déterminer sur le recours.

L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 17 avril 2007, le Président de la IIe Cour de droit public
a admis la demande d'effet suspensif contenue dans le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis.

1.1 Le recourant a formé, en un seul acte (art. 119 de la loi du 17 juin 2005
sur le Tribunal fédéral [LTF; RS 173.110]), un recours en matière de droit
public et un recours constitutionnel subsidiaire. Le second étant irrecevable
en cas de recevabilité du premier (art. 113 LTF), il convient d'examiner en
priorité si la voie du recours en matière de droit public est ouverte.

1.2 D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit
public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers
qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit. Par conséquent, il est recevable contre la
révocation d'une autorisation de séjour qui ne tombe pas sous le coup de
l'exception précitée et déploierait encore ses effets s'il n'y avait pas eu
de révocation.

1.2.1 Le recourant est marié à une ressortissante portugaise titulaire d'une
autorisation d'établissement. En principe, il dispose donc, en vertu des art.
7 lettre d ALCP et 3 par. 1 et 2 annexe I ALCP, d'un droit (dérivé) à une
autorisation de séjour en Suisse pendant toute la durée formelle de son
mariage, à l'image de ce que prévoit l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 26
mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20)
pour le conjoint étranger d'un ressortissant suisse (ATF 130 II 113 consid.
8.3 p. 129). Il s'est ainsi vu délivrer une autorisation de séjour CE/AELE
valable pour toute la Suisse jusqu'au 14 septembre 2009, au titre du
regroupement familial. Son recours est dès lors recevable en tant qu'il s'en
prend à la révocation de l'autorisation de séjour obtenue à la suite de son
mariage et en demande le maintien.

1.2.2 En revanche, dans la mesure où l'intéressé demande une autorisation de
séjour dans le cadre de la libre appréciation de l'autorité cantonale (art. 4
LSEE), son recours est irrecevable comme recours en matière de droit public,
au regard de l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF. Il est également irrecevable, à
cet égard, comme recours constitutionnel subsidiaire, car le recourant, qui
se plaint d'arbitraire, n'a pas qualité pour recourir au sens de l'art. 115
lettre b LTF, faute de droit à l'octroi d'une autorisation de séjour. En
effet, dans un arrêt du 30 avril 2007 (ATF 133 I 185), le Tribunal fédéral a
décidé que la jurisprudence rendue sous l'empire de la loi fédérale du 16
décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ) à propos de la qualité pour
recourir dans le recours de droit public selon l'art. 88 OJ (ATF 126 I 81 et
121 I 267) restait valable pour définir la qualité pour recourir selon l'art.
115 lettre b LTF. Dès lors, l'interdiction générale de l'arbitraire découlant
de l'art. 9 Cst. ne confère pas, à elle seule, une position juridique
protégée au sens de l'art. 115 lettre b LTF, lorsque l'intéressé se plaint du
refus d'une autorisation de séjour dont la délivrance dépend de la libre
appréciation de l'autorité cantonale.

1.3 Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
prescrites par la loi (art. 42 LTF), le présent recours est en principe
recevable en vertu des art. 82 ss LTF.

2.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut cependant rectifier ou compléter
d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF; cf. aussi art. 97 al. 1 LTF).

3.
Le recourant invoque son mariage avec une Portugaise et se plaint d'une
violation de l'art. 3 annexe I ALCP.

3.1 D'après la jurisprudence (ATF 130 II 113 consid. 4, 8, 9 et 10 p. 116/117
et 127 ss) relative à l'art. 3 par. 1 et 2 lettre a annexe I ALCP, le
conjoint étranger d'un travailleur communautaire disposant d'une autorisation
de séjour ou d'établissement en Suisse peut se prévaloir de droits d'une
portée analogue à ceux dont bénéficie le conjoint étranger d'un citoyen
suisse en vertu de l'art. 7 al. 1 LSEE.

Par conséquent, à l'instar des étrangers mariés à un citoyen suisse, les
étrangers mariés à un travailleur communautaire jouissent, en principe, d'un
droit de séjour en Suisse pendant toute la durée formelle du mariage, attendu
qu'ils n'ont pas à vivre "en permanence" sous le même toit que leur époux
pour être titulaire d'un tel droit. Ce droit n'est cependant pas absolu.
D'une part, l'art. 3 annexe I ALCP ne protège pas les mariages fictifs.
D'autre part, en cas de séparation des époux, il y a abus de droit à invoquer
cette disposition lorsque le lien conjugal est vidé de toute substance et que
la demande de regroupement familial vise seulement à obtenir une autorisation
de séjour pour l'époux du travailleur communautaire. A cet égard, les
critères élaborés par la jurisprudence rendue à propos de l'art. 7 al. 1 LSEE
s'appliquent mutatis mutandis afin de garantir le respect du principe de
non-discrimination inscrit à l'art. 2 ALCP et d'assurer une certaine cohésion
d'ensemble au système.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 7 al. 1 LSEE, le mariage n'existe
plus que formellement lorsque l'union conjugale est rompue définitivement,
c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus d'espoir de réconciliation; les causes et
les motifs de la rupture ne jouent pas de rôle (ATF 130 II 113 consid. 4.2 p.
117 et la jurisprudence citée). Des indices clairs doivent démontrer que la
poursuite de la vie conjugale n'est plus envisagée et qu'il n'existe plus de
perspective à cet égard (cf. ATF 130 II 113 consid. 10.2 p. 135; 128 II 145
consid. 2.2 p. 151).

L'arrêt attaqué confirme la décision du Service cantonal du 4 décembre 2006
fondée en particulier sur l'art. 9 al. 2 LSEE d'après lequel l'autorisation
de séjour peut être révoquée lorsque l'une des conditions qui y sont
attachées n'est pas remplie ou que la conduite de l'étranger donne lieu à des
plaintes graves (lettre b).

3.2 Le Tribunal administratif a retenu que les époux X.________ vivaient
séparés depuis le mois de juin 2005 selon le recourant, voire depuis le 13
février 2005 selon sa femme, de sorte que leur vie commune n'avait même pas
duré deux ans. En outre, une réconciliation n'était sérieusement envisagée
par aucun des deux époux. Le recourant avait certes déclaré, le 2 juin 2006,
qu'il comptait faire le nécessaire pour améliorer la situation et tenter une
réconciliation. Toutefois, même si une démarche avait été faite en ce sens,
elle n'avait pas abouti, puisque l'intéressé se prévalait désormais d'une
nouvelle relation affective avec une Suissesse dont il partageait la vie
depuis le 1er septembre 2006. Les faits pertinents ainsi constatés par le
Tribunal administratif n'ont pas été établis de façon manifestement inexacte,
de sorte qu'ils lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 et 2 LTF). Au
moment où l'arrêt attaqué est intervenu, les époux X.________ étaient déjà
séparés depuis quelque 20 à 24 mois, alors que leur vie commune n'avait duré
que 18 à 22 mois environ. Le recourant n'invoque aucun élément concret et
vraisemblable permettant d'admettre une volonté réelle d'une reprise
prochaine de la vie commune. La femme du recourant a d'ailleurs déclaré, le
24 mai 2006, qu'elle comptait entamer une procédure de divorce dès que
possible. Quant au recourant, il affirme (mémoire de recours p. 6) que la
relation avec sa nouvelle compagne suisse dure depuis le mois de septembre
2005 et que, s'il n'a pas encore ouvert action en divorce, c'est par
méconnaissance des procédures; en outre, il pensait que sa femme en prendrait
l'initiative. En réalité, la séparation des époux X.________ est durable et
il n'y a pas d'espoir tangible de reprise de la vie commune. En se prévalant
d'un mariage purement formel pour conserver son autorisation de séjour, le
recourant a commis un abus de droit. En confirmant la révocation de
l'autorisation de séjour CE/AELE octroyée au titre du regroupement familial,
le Tribunal administratif a donc respecté le droit, en particulier l'Accord
et la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.

4.
Après avoir invoqué son mariage, le recourant se réclame, non sans ambiguïté,
de l'art. 8 CEDH, en raison de la relation qu'il entretient avec sa nouvelle
compagne suisse.

4.1 Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au
respect de sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour
s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une
autorisation de séjour. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette
disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille
ayant le droit de résider durablement en Suisse (c'est-à-dire au moins un
droit certain à une autorisation de séjour: ATF 130 II 281 consid. 3.1 p.
285) soit étroite et effective (ATF 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211). D'après
la jurisprudence, les relations familiales qui peuvent fonder, en vertu de
l'art. 8 par. 1 CEDH, un droit à une autorisation de police des étrangers
sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants
mineurs vivant ensemble (ATF 120 Ib 257 consid. 1d p. 261).

Sous réserve de circonstances particulières, les fiancés ou les concubins ne
sont pas habilités à invoquer l'art. 8 CEDH; ainsi, l'étranger fiancé à une
personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut, en principe, pas
prétendre à une autorisation de séjour, à moins que le couple n'entretienne
depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues et qu'il
n'existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent,
comme par exemple la publication des bans du mariage (cf. arrêts 2A.362/2002
du 4 octobre 2002, consid. 2.2, et 2A.274/1996 du 7 novembre 1996, consid.
1b; Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière
de police des étrangers, in RDAF 1997 I 267, p. 284; Luzius Wildhaber,
Interationaler Kommentar zur Europäischen Menschenrechtskonvention, n. 350 ad
art. 8; Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention,
Zurich 1999, n. 571, p. 365/366).

4.2 On ne saurait considérer que le recourant soit sur le point d'épouser sa
nouvelle compagne suisse. D'ailleurs, son divorce n'a apparemment pas encore
été prononcé. En effet, il affirme, dans son mémoire de recours (p. 6), qu'il
est en train de réunir l'ensemble des pièces nécessaires au dépôt d'une
demande en divorce. En outre, le 2 juin 2006, il déclarait encore qu'il
voulait tenter une réconciliation avec sa femme et c'est seulement le 1er
septembre 2006 qu'il s'est mis en ménage avec son amie suisse. Ainsi, il
vivait depuis moins de six mois avec cette dernière, quand l'arrêt attaqué
est intervenu. C'est donc sans arbitraire que le Tribunal administratif a
considéré que la relation qu'il entretenait avec sa nouvelle compagne suisse
ne durait pas depuis suffisamment longtemps pour pouvoir bénéficier de la
protection de l'art. 8 par. 1 CEDH.

5.
Vu ce qui précède, le recours en matière de droit public doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable et le recours constitutionnel subsidiaire
doit être déclaré irrecevable.

Les conclusions du recourant étaient dépourvues de toute chance de succès, de
sorte qu'il convient de lui refuser l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1
LTF).

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, qui seront
fixés compte tenu de sa situation financière (art. 65 et 66 al. 1 LTF), et
n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi
qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 27 août 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: