Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.757/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

2C_757/2007
{T 0/2}

Arrêt du 8 avril 2008
IIe Cour de droit public

Composition
M. et Mme les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry Girardin.
Greffier: M. Dubey.

Parties
A.X.________, recourante,

contre

Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014
Lausanne.

Objet
Autorisation de séjour CE/AELE,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 10
décembre 2007.

Faits:

A.
A.X.________ (ci-après: l'intéressée), ressortissante brésilienne, née en 1966,
est mère de trois enfants d'un mariage précédent au Brésil. Elle est entrée en
Suisse le 15 novembre 2001. Le 14 décembre 2001, elle a épousé B.X.________, un
ressortissant espagnol titulaire d'une autorisation d'établissement et obtenu
une autorisation de séjour CE/AELE valable jusqu'au 13 décembre 2007.

Le 7 novembre 2005, le Service du contrôle des habitants de Lausanne a informé
le Service de la population du canton de Vaud que l'intéressée était séparée de
son époux et qu'elle exerçait à titre indépendant la profession
d'esthéticienne-coiffeuse depuis un mois. D'après l'enquête administrative
effectuée par la police sur requête du Service de la population, l'intéressée,
qui a été entendue, exerçait à l'insu de son époux une activité dans le domaine
de la prostitution. La découverte de cette activité par l'époux était la cause
des problèmes puis de la séparation du couple. Le 7 octobre 2004, lorsque les
difficultés étaient apparues, les enfants brésiliens de l'intéressée, venus en
Suisse au moment du mariage avec B.X.________ pour faire ménage commun avec le
couple, étaient retournés au Brésil. Cette dernière avait quitté le domicile
conjugal le 1er octobre 2005. Des mesures protectrices de l'union conjugale
avaient été prononcées le 8 novembre 2005 autorisant le couple, qui n'avait pas
d'enfant, à vivre séparé pour une durée indéterminée.

Par décision du 22 mars 2007, le service de la population a révoqué
l'autorisation de séjour CE/AELE de l'intéressée, parce que la poursuite de son
séjour en Suisse ne se justifiait plus. L'intéressée commettait un abus de
droit en se prévalant d'un mariage vidé de sa substance dans le seul but de
conserver son autorisation de séjour. Un délai d'un mois lui a été imparti pour
quitter le territoire suisse.

Par mémoire du 18 mai 2007, l'intéressée a recouru contre cette décision auprès
du Tribunal administratif. Elle a reproché au Service cantonale de n'avoir pas
pris en compte l'ensemble de sa situation personnelle et professionnelle. Elle
avait ouvert un salon de coiffure et de soins esthétiques depuis le 1er
décembre 2006. Elle vivrait en outre depuis 2006 avec un ressortissant suisse.
Un renvoi au Brésil constituerait dans sa situation un cas de rigueur.

L'effet suspensif au recours a été accordé le 25 mai 2007.

B.
Par arrêt du 10 décembre 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours.
Séparée depuis novembre 2005, le mariage de l'intéressée était vidé de sa
substance, ce qu'elle ne contestait pas. L'âge de l'intéressée, ses activités
liées à la prostitution et l'absence d'enfant en Suisse ne permettaient pas de
retenir un cas de rigueur. Il n'était pas nécessaire d'entendre le témoignage
de son époux, du moment que ses activités de prostitution ne constituaient
qu'un des éléments pris en considération dans l'appréciation de la situation.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public subsidiairement par
la voie du recours constitutionnel subsidiaire, l'intéressée demande au
Tribunal fédéral, sous suite frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 10
décembre 2007 par le Tribunal administratif ainsi que la décision rendue le 22
mars 2007 par le Service de la population et de dire que son autorisation de
séjour est renouvelée. Subsidiairement, elle demande d'être mise au bénéfice
d'une autorisation provisoire tant que le Tribunal civil n'aura pas rendu une
décision de jugement de divorce. Elle se plaint de la violation de son droit
d'être entendue, de l'interdiction de l'arbitraire et du principe de la
proportionnalité.

La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal et le Service de
la population ont produit le dossier de la cause.

Le Tribunal fédéral a renoncé à demander des déterminations.

D.
Par ordonnance du 9 janvier 2008, le Président de la IIe Cour de droit public a
admis la requête d'effet suspensif déposée par l'intéressée.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 1 p. 113) a été abrogée lors de l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2008, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS
142.20; cf. ch. I de l'annexe à l'art. 125 LEtr). Selon l'art. 126 al. 1 LEtr,
les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont régies
par l'ancien droit.

Trois jours après que le Tribunal administratif a rendu l'arrêt attaqué,
l'autorisation de séjour de la recourante est arrivée à échéance (le 13
décembre 2007), de sorte que la présente procédure ne peut plus concerner sa
révocation, mais uniquement son renouvellement, ce qui ne modifie pas l'objet
du litige, dès lors que le renouvellement de l'autorisation peut aussi être
refusé lorsque le lien conjugal est vidé de sa substance (cf. ci-dessous
consid. 4.1). Le litige actuel portant sur la révocation, respectivement sur le
renouvellement d'une autorisation de séjour venue à échéance avant le 1er
janvier 2008, il y a lieu d'appliquer l'ancienne loi en l'espèce (art. 126 LEtr
par analogie).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (art. 29 al. 1 LTF).

2.1 La recourante a déposé un recours en matière de droit public, dont elle
demande qu'il soit traité subsidiairement comme un recours constitutionnel
subsidiaire. Le second étant irrecevable en cas de recevabilité du premier
(art. 113 LTF), il convient d'examiner en priorité si la voie du recours en
matière de droit public est ouverte.

2.2 Selon l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public
est irrecevable contre les décisions relatives à une autorisation de droit des
étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent
droit.
En l'espèce, la recourante est mariée à un ressortissant espagnol titulaire
d'une autorisation d'établissement. Dans ces conditions, elle dispose en
principe, en vertu des art. 7 lettre d de l'Accord du 21 juin 1999 entre la
Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après: Accord
sur la libre circulation des personnes ou Accord ou ALCP; RS 0.142.112.681) et
3 par. 1 et 2 annexe I ALCP, d'un droit (dérivé) à une autorisation de séjour
en Suisse pendant toute la durée formelle de son mariage, à l'image de ce que
prévoit l'art. 7 al. 1 LSEE pour le conjoint étranger d'un ressortissant suisse
(ATF 130 II 113 consid. 8.3 p. 129), de sorte que la voie du recours en matière
de droit public est ouverte.

2.3 Bien que la recourante attaque la décision du Tribunal administratif du 10
décembre 2007 et développe une argumentation dirigée contre celle-ci, elle
conclut formellement à la modification de la décision du Service de la
population du 22 mars 2007. Or, ce service n'est pas une autorité cantonale de
dernière instance au sens de l'art. 86 al. 1 lettre d LTF. Dès lors, le présent
recours est irrecevable, dans la mesure où il s'en prend à la décision du
Service de la population du 22 mars 2007.

2.4 Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 45 LTF) et dans les
formes prescrites par la loi (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt
attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa
modification (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable
en vertu des art. 82 ss LTF.

3.
La recourante demande au Tribunal fédéral de lui indiquer les pièces et
renseignements qui seraient encore utiles à l'appui de son recours. Elle lui
demande de procéder à l'audition de son époux ou de faire procéder à son
audition par le Tribunal cantonal. Elle ne présente toutefois pas de
réquisitions d'instruction motivées. Le Tribunal cantonal et le Service de la
population ont produit le dossier complet de la cause. L'autorité de céans
s'estime suffisamment renseignée pour statuer en l'état du dossier. Dès lors,
il y a lieu d'écarter les réquisitions d'instruction de l'intéressée, pour
autant qu'elle ait voulu en présenter et qu'elles n'aient pas été satisfaites.

4.
4.1 D'après la jurisprudence (ATF 130 II 113 consid. 4, 8, 9 et 10 p. 116/117
et 127 ss) relative à l'art. 3 par. 1 et 2 lettre a annexe I ALCP, le conjoint
étranger d'un travailleur communautaire disposant d'une autorisation de séjour
ou d'établissement en Suisse peut se prévaloir de droits d'une portée analogue
à ceux dont bénéficie le conjoint étranger d'un citoyen suisse en vertu de
l'art. 7 al. 1 LSEE.

Par conséquent, à l'instar des étrangers mariés à un citoyen suisse, les
étrangers mariés à un travailleur communautaire jouissent, en principe, d'un
droit de séjour en Suisse pendant toute la durée formelle du mariage, attendu
qu'ils n'ont pas à vivre "en permanence" sous le même toit que leur époux pour
être titulaire d'un tel droit. Ce droit n'est cependant pas absolu. D'une part,
l'art. 3 annexe I ALCP ne protège pas les mariages fictifs (cf. arrêt 2A.725/
2006 du 23 mars 2007). D'autre part, en cas de séparation des époux, il y a
abus de droit à invoquer cette disposition lorsque le lien conjugal est vidé de
toute substance et que la demande de regroupement familial vise seulement à
obtenir une autorisation de séjour pour l'époux du travailleur communautaire. A
cet égard, les critères élaborés par la jurisprudence rendue à propos de l'art.
7 al. 1 LSEE s'appliquent mutatis mutandis afin de garantir le respect du
principe de non-discrimination inscrit à l'art. 2 ALCP et d'assurer une
certaine cohésion d'ensemble au système (cf. arrêt 2A.379/2003 du 6 avril 2004,
consid. 3.2.2).

Selon la jurisprudence relative à l'art. 7 al. 1 LSEE, le mariage n'existe plus
que formellement lorsque l'union conjugale est rompue définitivement,
c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus d'espoir de réconciliation; les causes et les
motifs de la rupture ne jouent pas de rôle (ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117
et la jurisprudence citée). Des indices clairs doivent démontrer que la
poursuite de la vie conjugale n'est plus envisagée et qu'il n'existe plus de
perspective à cet égard (cf. ATF 130 II 113 consid. 10.2 p. 135; 128 II 145
consid. 2.2 p. 151).

4.2 Le Tribunal administratif a retenu que les époux vivaient séparés depuis le
1er octobre 2005 au plus tard voire depuis le mois d'août 2005 selon les
déclarations de la recourante, que des mesures protectrices de l'union
conjugales avaient été prononcées le 8 novembre 2005, que l'époux reprochait à
la recourante son activité dans la prostitution et que la recourante avait
tissé une nouvelle relation stable dès le mois de février 2006. Il en a conclu
que le mariage de la recourante était vidé de sa substance et qu'elle ne
pouvait plus s'en prévaloir pour obtenir le renouvellement de son autorisation
de séjour CE/AELE.

La recourante soutient que seule est déterminante l'existence du mariage au
sens formel. Ce faisant, elle s'en prend à la jurisprudence telle qu'exposée
ci-dessus, sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir en l'espèce. Elle affirme
ensuite que les liens de l'union matrimoniale ne sont pas encore rompus et que
la dissolution du mariage n'a pas encore été prononcée en l'état. Elle
n'invoque cependant aucun élément concret et vraisemblable permettant
d'admettre une volonté réelle de reprise de la vie commune. Au contraire, elle
rapporte elle-même avoir tissé une nouvelle relation avec un autre homme, de
sorte que c'est en vain qu'elle soutient que son époux n'aurait pas clarifié
l'avenir qu'il réservait à leur mariage. A cet égard, il ressort du dossier
que, lors de son audition par la police municipale du 5 septembre 2006, ce
dernier avait précisé qu'il "ne pensait pas reprendre la vie commune compte
tenu du nombre de dissimulations et de men-songes". Dans ces conditions,
contrairement à ce qu'affirme la recourante, le Tribunal administratif pouvait,
sans violer son droit d'être entendue, renoncer à entendre l'époux, qui s'était
exprimé clairement sur la réalité de son mariage. Il pouvait aussi renoncer à
l'entendre sur les motifs qui auraient conduit la recourante à s'adonner à la
prostitution. Tous les éléments retenus par le Tribunal administratif montrent
que la séparation intervenue au mois d'août 2005 est durable et qu'il n'y a pas
d'espoir tangible de reprise de la vie commune. En se prévalant d'un mariage
purement formel pour conserver voire renouveler son autorisation de séjour CE/
AELE, la recourante a commis un abus de droit, ce que le Tribunal administratif
a dûment constaté sans violer le droit fédéral.

5.
Les considérants qui précédent conduisent à rejeter, dans la mesure où il est
recevable, le recours en matière de droit public dans ses conclusions
principales et subsidiaires, ces dernières n'ayant pas d'ailleurs pas fait
l'objet d'une motivation propre. Le recours constitutionnel subsidiaire est
irrecevable.

Succombant, la recourante, qui n'a pas établi être sans ressources suffisantes,
doit supporter un émolument judiciaire (art. 65 et 66 LTF). Elle n'a pas droit
à des dépens (art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 1'200 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Service de la population et
au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral des
migrations.
Lausanne, le 8 avril 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Merkli Dubey