Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.721/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_721/2007

Arrêt du 15 avril 2008
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler et Aubry Girardin.
Greffier: M. Addy.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat,

contre

Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, Les
Portes-de-Fribourg, route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,
intimé.

Objet
Révocation d'un permis d'établissement,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Ière Cour administrative, du 6 novembre 2007.

Faits:

A.
X.________, ressortissante du Cap-Vert née le 6 juin 1972, a obtenu dès le 28
février 2001 différentes autorisations de séjour en Suisse en se légitimant
avec un faux passeport portugais. Le 24 avril 2006, elle a reçu sur la base de
ce document un permis d'établissement CE/AELE valable jusqu'au 7 mai 2011. Le
30 juillet 2006, elle a donné naissance à un fils dont le père présumé est
A.________, un ressortissant cap-verdien avec lequel elle vit dans le canton de
Fribourg; ce dernier est apparemment au bénéfice d'une autorisation de séjour
annuelle (permis B).

B.
A la suite de certaines informations, le Service de la population et des
migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a nourri des
doutes sur l'authenticité du passeport présenté par X.________. Il a fait
examiner ce document à l'Ambassade du Portugal à Berne, qui a confirmé les
soupçons et établi qu'il s'agissait d'un faux (lettre du Chef de la Section
consulaire du 29 janvier 2007).

Le Service cantonal a dénoncé X.________ à la justice pénale, en l'informant
qu'il envisageait de révoquer son permis d'établissement CE/AELE. L'intéressée
s'est opposée à ce projet, en alléguant qu'elle ignorait que le passeport
litigieux était faux; elle précisait qu'elle l'avait obtenu grâce à son père
qui avait recouru au service d'un avocat alors qu'elle séjournait encore au
Portugal.

Par décision du 22 juin 2007, le Service de la population et des migrants du
canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a révoqué le permis
d'établissement précité et ordonné le renvoi de X.________ et de son fils. En
bref, le Service cantonal a retenu que l'intéressée avait obtenu l'autorisation
litigieuse "par surprise, en faisant de fausses déclarations", ce qui
justifiait la décision de révocation prise à son encontre; par ailleurs, sa
situation personnelle ne permettait pas d'arriver à une autre conclusion: son
intégration socio-professionnelle en Suisse n'avait rien d'extraordinaire et
son fils, encore jeune, pouvait aisément la suivre dans son pays d'origine.

C.
X.________ a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Fribourg
(ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision précitée du 22 juin
2007 révoquant son autorisation d'établissement. Elle a prétexté son ignorance
du fait que le passeport qu'elle avait présenté à l'autorité de police des
étrangers était un faux; à ce sujet, elle a renvoyé à une ordonnance du 7 août
2007, par laquelle le juge d'instruction en charge de son dossier a classé,
faute de preuves suffisantes, la procédure pénale ouverte à son encontre pour
infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.

Par arrêt du 6 novembre 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours. Il
a confirmé l'existence d'un motif de révocation et a également retenu que
l'autorisation d'établissement avait quoi qu'il en soit pris fin du seul fait
que X.________ avait cessé de posséder le passeport portugais qu'elle avait
présenté pour obtenir le permis litigieux. Enfin, il a constaté que sa
situation ne constituait pas un cas de rigueur et qu'elle ne pouvait pas
exciper du principe d'égalité des avantages, au demeurant non établis, que le
Service cantonal aurait prétendument accordés à d'autres ressortissants du
Cap-Vert placés dans une situation analogue à la sienne.

D.
X.________ forme un "recours de droit administratif" contre l'arrêt précité du
Tribunal administratif dont elle requiert l'annulation, sous suite de frais et
dépens. Elle se plaint de la violation des principes de l'égalité et de la
proportionnalité et conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. A l'appui de son recours, elle
dépose certaines pièces nouvelles. A titre subsidiaire, elle demande le
bénéfice de l'assistance judiciaire.

Le Tribunal administratif renonce à présenter des observations et se réfère à
son arrêt. Le Service cantonal fait de même et renvoie par ailleurs aux
observations qu'il avait précédemment déposées en procédure cantonale.

Considérant en droit:

1.
Le 1er janvier 2008 est entrée en vigueur la loi fédérale du 16 décembre 2005
sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) qui a remplacé la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1 113). Le
présent cas reste cependant régi par l'ancien droit qui était seul applicable
lorsque les autorités cantonales ont statué et défini l'objet de la
contestation pouvant être porté devant la Cour de céans. Au demeurant, le
nouveau droit ne prévoit aucune disposition transitoire (cf. art. 126 LEtr) en
cas, comme en l'espèce, de révocation d'un permis d'établissement ou - comme
l'a également jugé le Tribunal administratif - de constatation que ce permis
n'existe plus (sur l'application du droit dans le temps, cf. ATF 127 V 466
consid. 1 p. 467; 123 V 70 consid. 2 p. 71 et les références citées).

2.
2.1 La recourante a formé un recours de droit administratif. Cette voie de
droit n'existe cependant plus depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007,
de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Cette
méprise ne doit néanmoins pas être préjudiciable à la recourante si les
conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté sont réunies
(cf. ATF 131 I 291 consid. 1.3 p. 296; 126 II 506 consid. 1b p. 509 in fine et
les arrêts cités). Il convient dès lors d'examiner si, nonobstant son intitulé,
le recours est recevable comme recours en matière de droit public au sens des
art. 82 ss LTF.

2.2 D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public
est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui
concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit. Il est cependant recevable contre la révocation
d'une autorisation qui déploierait encore ses effets s'il n'y avait pas eu de
révocation. Dans un tel cas, la recevabilité du recours en matière de droit
public se fonde sur la confiance légitime que l'autorisation qui a été accordée
durera jusqu'à l'échéance de sa validité et qu'en principe, aucune atteinte ne
sera portée à la situation juridique correspondante (cf. arrêt 2C_21/2007 du 16
avril 2007, consid. 1.2).

En l'espèce, il est constant que la recourante jouit de la seule nationalité
cap-verdienne, à l'exception de la nationalité portugaise, et qu'elle ne peut
dès lors tirer aucun droit à une autorisation de séjour de l'Accord du 21 juin
1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et
ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP;
RS 0.142.112.681). En revanche, du moment que le permis d'établissement CE/AELE
litigieux était formellement valable jusqu'au 7 mai 2011, sa révocation ou - ce
qui, dans le résultat, revient au même - la constatation qu'il n'existe plus
constitue une atteinte à la situation juridique de la recourante qui justifie
d'entrer en matière sur son écriture (art. 83 let. c ch. 2 LTF a contrario).

2.3 Pour le surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 LTF) contre un jugement rendu dans une cause de droit
public (art. 82 let. a LTF) par l'autorité cantonale compétente de dernière
instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), le présent recours est recevable comme
recours en matière de droit public.

3.
3.1 Les pièces nouvelles et les faits nouveaux présentés par la recourante à
l'appui de son écriture ne sont pas recevables dès lors qu'ils ne résultent pas
de la décision de l'autorité précédente (cf. art. 99 al. 1 LTF). De toute
façon, leur prise en compte ne changerait rien à l'issue du recours, car ils
n'apportent pas un éclairage nouveau décisif sur l'affaire. En particulier, la
recourante ne parvient pas à démontrer, même en tenant compte de ses nouveaux
allégués, que le Service cantonal aurait violé le principe d'égalité, en ce
sens qu'il n'aurait pas révoqué l'autorisation d'établissement de certains
ressortissants cap-verdiens ayant, comme elle, obtenu leur permis sur la base
d'un faux passeport portugais. La recourante se contente en effet de citer deux
exemples non pertinents à l'appui de sa démonstration, soit celui du père
présumé de son enfant, A.________, et celui d'un dénommé B.________: dans le
premier cas, elle relève, d'une manière qui contredit son argument, que
l'autorité a ouvert une procédure de révocation du permis de séjour à
l'encontre de l'intéressé; dans le second cas, elle ne fait que supputer que
l'intéressé a effectivement obtenu une autorisation d'établissement sur la base
d'un faux passeport et qu'il a pu, malgré cela, conserver son permis; au
demeurant, à supposer même que tel soit bien le cas, la recourante ne fournit
pas le moindre élément permettant de se convaincre que le ressortissant
cap-verdien en cause serait dans la même situation qu'elle (nombre d'années de
présence en Suisse; situation familiale et socio-professionnelle; etc.).

Au surplus, il n'y a en principe pas d'égalité dans l'illégalité, si bien que
l'un ou l'autre cas isolés dans lesquels l'autorité n'aurait pas révoqué des
permis d'établissement obtenus grâce à de faux passeports ne seraient, en toute
hypothèse, pas de nature à établir la preuve d'une véritable pratique
(illégale) qui obligerait l'autorité à faire droit à la demande de la
recourante. Il faudrait au contraire des indices concrets montrant que
l'autorité, bien que consciente du problème, refuse de revenir sur sa pratique
et décide de persévérer dans l'inobservation de la loi (cf. ATF 127 II 113
consid. 9b p. 121; 125 II 152 consid. 5 p. 166; 122 II 446 consid. 4a p. 451 s.
et les références citées). La recourante n'établit cependant rien de tel.

3.2 Par ailleurs, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits retenus par
le Tribunal administratif, ceux-ci n'ayant, en l'espèce, pas été établis de
façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(cf. art. 105 al. 1 et 2 LTF). Il appartient au demeurant à la recourante, si
elle entend s'écarter des constatations de fait du Tribunal administratif,
d'expliquer précisément en quoi celles-ci mériteraient d'être modifiées ou
complétées en vertu de l'art. 97 al. 1 LTF (en liaison, s'agissant du grief
d'arbitraire dans la constatation des faits, avec l'art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF
133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). Or, la recourante ne développe aucune
critique répondant à ces exigences, mais se borne, comme on le verra (infra
consid. 4.3), à opposer sa version des faits à celle du Tribunal administratif
concernant sa prétendue bonne foi.

4.
4.1 Le litige porte sur la révocation du permis d'établissement octroyé à la
recourante en application de l'art. 9 al. 4 let. a LSEE voire sur la
constatation que ce permis a pris fin au sens de l'art. 9 al. 3 let. d LSEE.

4.2 Aux termes de l'art. 9 al. 3 let. d LSEE, l'autorisation d'établissement
prend fin lorsque l'étranger qui avait obtenu l'établissement sur la production
d'une pièce de légitimation nationale reconnue et valable cesse de posséder une
telle pièce; dans ce cas, l'établissement peut lui être accordé à nouveau et
l'art. 6 al. 2 est applicable (possibilité de demander une garantie assurant
l'exécution de toutes les obligations de droit public).

L'art. 9 al. 4 let. a LSEE prévoit que l'autorisation d'établissement est
révoquée lorsque l'étranger l'a obtenue par surprise, en faisant de fausses
déclarations ou en dissimulant des faits essentiels. Selon la jurisprudence,
une simple négligence ne suffit pas; il faut que l'étranger ait
intentionnellement donné de fausses indications ou dissimulé des faits
essentiels dans l'intention d'obtenir l'autorisation d'établissement (ATF 112
Ib 473 consid. 3b p. 475). Même lorsque ces conditions sont remplies,
l'autorité n'est cependant pas tenue de prononcer la révocation; elle doit
examiner les circonstances du cas particulier et dispose d'une certaine marge
d'appréciation (ATF 112 Ib 473 consid. 4 p. 478).

4.3 Le Tribunal administratif a constaté que la recourante avait obtenu le
permis d'établissement litigieux sur la base d'indications fausses relatives à
sa nationalité. Il a réfuté les explications fournies par l'intéressée pour
établir sa bonne foi au motif que celles-ci n'étaient étayées par aucun
argument ou document convaincants. La recourante se borne à affirmer, comme
elle l'a fait en procédure cantonale, qu'elle ne pouvait pas se rendre compte
que le passeport portugais qu'elle possédait était une contrefaçon, car elle
l'avait obtenu avec l'aide de son père et par l'intermédiaire d'un avocat
portugais. La justice pénale a certes classé la procédure pénale ouverte à son
encontre. Cette décision, notamment motivée par le fait que le doute doit
profiter à l'accusé, ne saurait toutefois lier le juge administratif. La
procédure et le contentieux administratifs obéissent en effet à d'autres règles
que celles valables en droit pénal. En particulier, l'administré est tenu de
collaborer à l'instruction du cas, sous peine de supporter les conséquences de
l'absence de preuves (cf. ATF 130 I 180 consid. 3.2 p. 183 s.; 128 II 139
consid. 2b p. 142 s.; 125 V 193 consid. 2 p. 195 et les arrêts cités). Or, on
ne saurait donner foi à la recourante lorsqu'elle soutient, selon les pièces du
dossier pénal produites en cause devant le Tribunal administratif, que ni elle
ni son père ne se souviennent des coordonnées de l'avocat portugais qui aurait
prétendument servi d'intermédiaire pour obtenir le passeport litigieux (cf.
procès-verbal d'audition du 28 mars 2007). Par ailleurs, si elle ignorait que
son passeport portugais était faux, on s'étonne qu'elle ait, en 2003,
soudainement cherché à obtenir pour l'avenir, comme cela ressort du dossier
administratif, ses autorisations de séjour sur la base de sa nationalité
cap-verdienne.

4.4 Dans ces conditions, force est d'admettre, avec les premiers juges, que la
recourante a intentionnellement donné de fausses indications concernant sa
nationalité, ce qui justifie la révocation de son autorisation d'établissement
au sens de l'art. 9 al. 4 let. a LSEE. Par ailleurs, cette mesure paraît
proportionnée aux circonstances du cas: selon les constatations du Tribunal
administratif, la recourante a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans dans son pays
d'origine, puis apparemment au Portugal avant de rejoindre la Suisse en 2001;
au moment de la révocation, elle y séjournait depuis environ six ans et son
intégration socio-professionnelle n'avait rien de remarquable; en outre, son
fils, né en juillet 2006, est encore très jeune et peut donc facilement la
suivre à l'étranger; la même conclusion s'impose à l'égard du père présumé de
l'enfant qui, en sa qualité de ressortissant cap-verdien, ne devrait pas avoir
de peine à rentrer dans son pays d'origine; du reste, ce dernier fait
apparemment l'objet, selon les allégués de la recourante, d'une mesure de
révocation de son permis de séjour pour les mêmes raisons que sa compagne.

4.5 Au demeurant, indépendamment même de la bonne ou de la mauvaise foi de la
recourante et des répercussions d'une éventuelle révocation de son autorisation
d'établissement sur sa situation, il faut constater que le permis litigieux a
en toute hypothèse pris fin, comme l'a constaté le Tribunal administratif, du
seul fait que l'intéressée a cessé de disposer d'un passeport portugais
valable. Ce résultat découle de l'art. 9 al. 3 let. d LSEE.

5.
En conséquence, le recours s'avère mal fondé.

Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 65 al.
1 à 3 5 LTF) et n'a pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF). Le recours
apparaissant d'emblée dénué de toute chance de succès, la requête d'assistance
judiciaire doit également être rejetée (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais de justice, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Service de
la population et des migrants et à la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral des
migrations.
Lausanne, le 15 avril 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Merkli Addy