Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.702/2007
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


2C_702/2007

Arrêt du 22 janvier 2008
IIe Cour de droit public

M. et Mmes les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry Girardin.
Greffière: Mme Mabillard.

X. ________,
recourant,

contre

Service de l'état civil et des habitants du canton du Jura, rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont.

Révocation d'une autorisation d'établissement,

recours contre l'arrêt de la Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura du 2 novembre 2007.
Faits :

A.
En 1973, X.________, ressortissant algérien, a obtenu une autorisation de
séjour à la suite de son mariage avec une Suissesse. De cette union sont nées
deux filles, actuellement majeures. A partir de juin 1986, l'intéressé a été
mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement qui a pris fin le 1er
avril 2001, du fait qu'il séjournait en Algérie depuis septembre 2000.

A partir d'août 2002, X.________ a obtenu à nouveau une autorisation
d'établissement. Son épouse a expliqué qu'ils vivaient séparés mais qu'aucune
procédure de divorce n'avait été introduite; elle s'engageait à héberger
l'intéressé et à l'entretenir financièrement jusqu'à ce qu'il retrouve un
emploi. Le divorce des époux X.________ a été prononcé par jugement du 10
février 2006.

Le 2 août 2006, Y.________, ressortissante algérienne, a demandé à pouvoir
rejoindre en Suisse son conjoint X.________, qu'elle avait épousé le 21
décembre 1998.

B.
Par décisions des 20 mars et 30 mai 2007, le Service de l'état civil et des
habitants du canton du Jura a révoqué l'autorisation d'établissement de
l'intéressé en lui impartissant un délai pour quitter le territoire cantonal.
Il a en outre refusé la demande d'autorisation de séjour en faveur de
l'épouse de celui-ci.

C.
Par arrêt du 2 novembre 2007, le Tribunal cantonal du canton du Jura
(ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de X.________ contre la
décision précitée et lui a imparti un délai au 31 décembre 2007 pour quitter
le territoire cantonal. Il a considéré en bref que l'intéressé avait
sciemment dissimulé des faits essentiels afin d'obtenir une autorisation
d'établissement. En effet, si les autorités avaient eu connaissance de
l'existence du second mariage du prénommé en 1998 (bigamie), elles ne lui
auraient pas délivré l'autorisation litigieuse. Par ailleurs, la juridiction
cantonale a estimé que la décision contestée tenait correctement compte des
circonstances particulières du cas. L'art. 8 CEDH n'était en outre pas
applicable en l'espèce étant donné que l'intéressé n'avait plus de droit de
présence en Suisse.

D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________
conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
cantonal du 2 novembre 2007 et à l'octroi d'une autorisation d'établissement
et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il se plaint pour l'essentiel que
l'autorité intimée a mal appliqué l'art. 9 al. 4 lettre a de la loi fédérale
du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1
113 et les modifications ultérieures) et a violé son droit d'être entendu. Le
recourant demande aussi que l'effet suspensif soit attribué à son recours et
qu'il soit mis au bénéfice de l'"assistance judiciaire gratuite". Il requiert
la production des dossiers cantonaux.

Le Tribunal fédéral a renoncé à procéder à un échange d'écritures et à
demander la production des dossiers cantonaux.

Par ordonnance du 19 décembre 2007, le Président de la IIe Cour de droit
public a admis la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5487). En vertu de l'art. 126
al. 1 LEtr, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la loi sont
régies par l'ancien droit. Par conséquent, la présente affaire doit être
examinée sous l'angle de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers.

2.
D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public
est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui
concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit. La révocation d'une autorisation
d'établissement ne relève pas de la libre appréciation des autorités mais ne
peut être prononcée que si l'une des conditions de l'art. 9 al. 4 LSEE est
remplie (cf. ATF 112 Ib 161 consid. 3 p. 162 s., 473 consid. 2 p. 475).
L'étranger a ainsi en principe droit au maintien de son autorisation
d'établissement. Par conséquent, le recours en matière de droit public est
ouvert contre les décisions de révocation (arrêt 2C_106/2007 du 24 juillet
2007, consid. 1.2).

De plus, le mariage du recourant avec une ressortissante suisse a été dissous
par jugement de divorce du 10 février 2006. L'intéressé ayant toutefois
séjourné en Suisse plus de cinq ans en tant que conjoint étranger d'une
Suissesse, il a en principe droit à une autorisation d'établissement fondée
sur l'art. 7 al. 1 deuxième phrase LSEE (cf. ATF 122 II 145 consid. 3b p. 147
et les références) et au maintien de celle-ci. Partant, interjeté en temps
utile (art. 100 LTF) et dans les formes requises par la loi (art. 42 LTF),
par le destinataire de la décision attaquée qui a un intérêt à son annulation
ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF), le recours est recevable.

3.
Selon l'art. 109 al. 3 LTF, lorsqu'un recours est manifestement infondé,
l'arrêt est motivé sommairement et peut, le cas échéant, renvoyer
partiellement ou entièrement à la décision attaquée (art. 109 al. 3 LTF).
Cette procédure simplifiée permet au Tribunal fédéral de statuer à réception
du recours sans même avoir à requérir la production du dossier de la cause
(cf. a contrario art. 102 LTF). En l'espèce, constatant que le recours était
manifestement mal fondé (cf. consid. 6 ci-dessous), l'autorité de céans a
renoncé à toute mesure d'instruction supplémentaire (appréciation anticipée
des preuves, cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429 et les arrêts cités).

4.
Le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu. Il
reproche à autorité intimée de ne pas s'être prononcée sur certains points
qu'il avait relevés dans son recours, comme le fait qu'il vivait en Suisse
depuis plus de trente ans et que sa famille et la plupart de ses
connaissances habitaient ici.

4.1 Le droit d'être entendu implique notamment pour l'autorité l'obligation
de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, la motivation d'une décision
est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs
qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce
que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et
l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité ne doit toutefois pas se
prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions
décisives (ATF 130 II 473 consid. 4.1 p. 477, 530 consid. 4.3 p. 540 et les
arrêts cités).

4.2 En l'espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, l'autorité
intimée a tenu compte de la longue durée de son séjour en Suisse lors de la
pesée des intérêts. Elle a toutefois considéré que cet élément était
contrebalancé par le fait que l'intéressé était retourné en Algérie en 2000,
où il avait passé près de deux ans, et qu'il avait épousé une compatriote qui
vivait toujours dans leur pays d'origine. Certes, le Tribunal cantonal n'a
pas relevé textuellement que le recourant avait de nombreuses relations en
Suisse. On peut toutefois considérer que cet élément est déjà implicitement
compris dans le fait que l'intéressé avait séjourné longtemps en Suisse, où
il n'est pas contesté que vivent son ex-épouse, ses filles et ses
petits-enfants. Au surplus, l'autorité intimée n'était pas tenue de répondre
à tous les arguments présentés par le recourant et il apparaît par ailleurs
qu'elle a exposé de façon suffisante dans son arrêt les motifs qui ont
emporté sa conviction. Le présent grief est dès lors infondé.

5.
5.1 L'art. 9 al. 4 lettre a LSEE dispose que l'autorisation d'établissement
est révoquée lorsque l'étranger l'a obtenue en faisant de fausses
déclarations ou en dissimulant des faits essentiels. Il faut que le requérant
ait intentionnellement donné de fausses indications ou dissimulé des faits
essentiels dans l'intention d'obtenir l'autorisation d'établissement (ATF 112
Ib 473 consid. 3 p. 475). Ne sont pas seulement essentiels les faits au sujet
desquels l'autorité administrative pose expressément des questions au
requérant, mais aussi ceux dont il doit savoir qu'ils sont déterminants pour
l'octroi de l'autorisation. L'autorité doit dès lors examiner si, en
connaissance de cause, elle aurait pris une autre décision au moment de la
délivrance de l'autorisation.

5.2 Le Tribunal cantonal a considéré que, lorsqu'il avait demandé une
nouvelle autorisation d'établissement, le recourant avait caché qu'il était
bigame et avait dissimulé par là un fait essentiel au sens de l'art. 9 al. 4
lettre a LSEE. Le recourant ne conteste pas sa bigamie, mais soutient que,
s'il n'avait point révélé son nouveau mariage contracté en Algérie, "c'est
pour la simple et bonne raison qu'[il] n'y [avait] tout bonnement pas pensé";
il avait par ailleurs répondu de bonne foi aux questions posées par les
autorités, lesquelles ne lui avaient pas demandé s'il avait eu "une
quelconque relation plus ou moins durable avec une autre femme". Or, comme
l'a relevé l'autorité intimée, le recourant a vécu de nombreuses années en
Suisse. Il ne pouvait dès lors ignorer que la bigamie y est considérée comme
une attitude contraire à l'ordre public et y est interdite (art. 215 CP).
D'ailleurs, la bigamie constitue également un motif d'expulsion au sens de
l'art. 10 al. 1 lettre b LSEE, même lorsqu'elle n'est pas sanctionnée par le
code pénal (en cas de mariage coutumier, par exemple; cf. arrêt 2A.364/1999
du 6 janvier 2000, consid. 5d). L'intéressé devait donc savoir qu'une telle
information était déterminante quant au sort de son autorisation
d'établissement, ce d'autant qu'il avait formulé sa demande par l'entremise
de son épouse suisse, en 2002, en indiquant que son but était de rejoindre sa
famille en Suisse (cf. lettre A, 4ème paragraphe, et ch. 3.2, 2ème
paragraphe, de l'arrêt attaqué). Ainsi, il était tenu de renseigner les
autorités sur l'existence du mariage conclu en Algérie, même en l'absence de
questions expresses (devoir de collaboration, cf. arrêt 2A.364/1999 précité,
consid. 3a; cf. également art. 3 al. 2 LSEE). Par conséquent, il ne s'agit
pas d'une négligence, mais bien d'une dissimulation intentionnelle, comme l'a
retenu le Tribunal cantonal. Partant, l'autorité administrative était fondée
à révoquer l'autorisation d'établissement du recourant. Cette mesure
n'apparaît au demeurant pas disproportionnée, si l'on tient compte des
circonstances du cas: le recourant a décidé de rentrer en Algérie en 2000 où
il a passé près de deux ans; son épouse actuelle vit dans ce pays dont elle
est aussi originaire; l'intéressé touche depuis plusieurs mois des
prestations d'aide sociale et la venue de son épouse en Suisse ferait naître
un danger concret que le couple ne tombe de manière continue et dans une
large mesure à la charge de l'assistance publique et, finalement, le
recourant pourra continuer à garder des contacts avec ses enfants et
petits-enfants par le biais de visites réciproques.

6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté selon la procédure
simplifiée de l'art. 109 LTF. Comme les conclusions du recourant paraissaient
d'emblée vouées à l'échec, la demande d'assistance judiciaire doit être
rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les
frais judiciaires, qui seront fixés compte tenu de sa situation financière
(art. 65 et 66 al. 1 LTF), et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Service de l'état
civil et des habitants et à la Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 22 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: