Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.688/2007
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2C_688/2007

Arrêt du 11 février 2008
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler et Aubry Girardin.
Greffier: M. Addy.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jacques Barillon, avocat,

contre

Vétérinaire cantonal, Service de la consommation et des affaires
vétérinaires, rue César-Roux 37,
1014 Lausanne.

Chien dangereux - examen comportemental
(décision incidente).

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 1er novembre 2007.

Faits:

A.
X. ________ est détenteur d'un chien nommé "Sultan".
A la suite d'un signalement de morsure transmis par son homologue valaisan,
le Vétérinaire cantonal vaudois (ci-après cité: le Vétérinaire cantonal) a
ordonné à X.________, par décision du 13 juillet 2007, de soumettre son chien
à un examen comportemental avant le 10 août 2007, sous la menace des peines
prévues en cas d'insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP).
Selon les éléments au dossier, en particulier un rapport non daté de la
police municipale de W.________, le chien "Sultan", bien que tenu en laisse,
avait échappé à son maître lors d'une promenade le 25 juin 2007 et avait
mordu au coude droit un ouvrier agricole dans la commune; le rapport de
police précisait que l'animal présentait une attitude "très agressive" au
moment des faits, qu'il s'en était pris à la victime "sans raison apparente"
et que la dénommée T.________, domiciliée à W.________, avait assisté à la
scène et pouvait témoigner.

B.
X.________ a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision précitée du
Vétérinaire cantonal. Il a notamment réfuté la description des faits contenue
dans le rapport de police au dossier et, en particulier, a contesté que son
chien fût l'auteur de la morsure litigieuse.
Dans le cadre de l'échange d'écritures ordonné par le Tribunal administratif,
le Vétérinaire cantonal a produit une nouvelle pièce à l'appui de sa seconde
détermination déposée le 11 septembre 2007. Il s'agissait d'une déclaration
écrite du 29 août 2007, par laquelle T.________ certifiait qu'elle avait vu
le chien de X.________ mordre un ouvrier agricole le 25 juin 2007; le témoin
précisait notamment qu'elle avait assisté à la scène depuis le siège arrière
d'un véhicule qui était en train de dépasser à faible allure les différents
protagonistes de l'incident lorsque celui-ci s'était produit.
Le 18 septembre 2007, le juge instructeur a transmis au mandataire de
X.________ la détermination précitée du Vétérinaire cantonal et son annexe
avec la lettre d'accompagnement suivante:
1. Les observations de l'autorité intimée du 11 septembre 2007, assorties de
leur annexe, sont communiquées au recourant pour information.

2.  L'instruction est close, sous réserve des mesures que la délibération
pourrait susciter.

3.  Il sera statué dès que l'état du rôle le permettra.
Par arrêt du 1er novembre 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours
de X.________ et confirmé la décision attaquée du Vétérinaire cantonal. Les
juges ont notamment estimé qu'au vu des éléments au dossier, en particulier
du témoignage de T.________, il existait suffisamment d'indices pour retenir,
selon un degré de vraisemblance prépondérante, que le chien "Sultan" était
l'auteur de la morsure litigieuse et présentait les signes "d'un comportement
excessivement agressif" de nature à justifier un examen comportemental en
application du droit fédéral et cantonal pertinent en matière de protection
des animaux.

C.
X.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité
du Tribunal administratif. Il se plaint d'arbitraire dans la constatation des
faits et l'appréciation des preuves. Il invoque également la violation de son
droit d'être entendu, au motif que le Tribunal administratif ne lui a pas
donné l'occasion de se déterminer sur le témoignage écrit produit en cause
par le Vétérinaire cantonal. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de l'arrêt attaqué, subsidiairement au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A
titre préalable, il requiert l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
Le Tribunal administratif ne s'oppose pas à la requête d'effet suspensif et
conclut au rejet du recours; il souligne que X.________ était assisté d'un
avocat et qu'il a eu connaissance du témoignage écrit litigieux en même temps
qu'il a reçu l'avis prononçant la clôture de l'instruction, si bien qu'il
"apparaît peu conforme au principe de la bonne foi" qu'il n'ait pas
immédiatement demandé, à réception de l'avis, à pouvoir s'exprimer sur la
nouvelle pièce, mais ait attendu que le Tribunal administratif statue pour
"déférer [son] jugement devant la Haute Cour". Le Vétérinaire cantonal ne se
prononce pas sur le fond de la cause et déclare ne pas s'opposer à l'octroi
de l'effet suspensif sous réserve de certaines conditions.

Considérant en droit:

1.
1.1 Formé contre une décision de police vétérinaire prise en dernière
instance cantonale sur la base du droit public cantonal et fédéral, le
présent recours est en principe recevable comme recours en matière de droit
public au sens des art. 82 ss LTF (cf., en particulier, les art. 82 let. a et
86 al. 1 let. d LTF), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant
réalisée. Par ailleurs, en tant que détenteur du chien "Sultan" et
destinataire de l'ordre de soumettre cet animal à un examen comportemental,
le recourant est directement touché par la décision attaquée et a un intérêt
digne de protection à en obtenir l'annulation ou la modification; il a dès
lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.

1.2 Hormis les cas - non pertinents en l'espèce - visés à l'art. 92 LTF, le
recours en matière de droit public formé contre une décision incidente n'est
recevable que si celle-ci peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1
let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une
décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et
coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Est incidente une décision qui n'est pas
finale, soit qui ne met pas fin à la procédure (cf. art. 90 LTF a contrario).
En l'espèce, l'examen litigieux ordonné par le Vétérinaire cantonal a pour
but de déterminer si le chien du recourant présente une anomalie dans son
comportement, notamment une agressivité excessive de nature à justifier des
mesures au sens de l'art. 34b de l'ordonnance du 27 mai 1981 sur la
protection des animaux (OPAn; RS 455.1). On peut dès lors convenir, avec le
Tribunal administratif, que cette mesure s'apparente à une décision incidente
en matière d'administration des preuves, en ce sens qu'elle ne constitue
qu'une étape destinée à évaluer la dangerosité du chien en vue de décider de
la nécessité de prendre, ou non, des dispositions pour corriger la situation.
Le Tribunal administratif ayant confirmé le bien-fondé de l'examen litigieux,
il y a également lieu de considérer que son arrêt ne met pas fin à la
procédure, mais revêt lui-même un caractère incident (cf. arrêt du 23 janvier
2008, 1C_295/2007, consid. 1.2).
D'après la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (cf. ATF 133 IV 139
consid. 4 p. 141, 335 consid. consid. 4 p. 338), la notion de préjudice
irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF correspond à celle
développée sous l'empire de l'art. 87 al. 2 de l'ancienne loi d'organisation
judiciaire (OJ; RO 3 521). ll doit donc s'agir d'un dommage de nature
juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final
ou une autre décision favorable au recourant (cf., parmi de nombreuses
références, ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59; 127 I 92 consid. 1c p. 94 et les
arrêts cités). Tel n'est, en principe, pas le cas d'une décision relative à
l'administration des preuves (cf. ATF 99 Ia 437 consid. 1 p. 438 s.; 97 I 1
consid. 1a p. 2; 96 I 462 consid. 3 p. 364 ss), à moins que celle-ci ne soit,
comme en l'espèce, assortie de la menace des sanctions prévues à l'art. 292
CP (cf. arrêts du 16 février 2006, 1P.15/2006, consid. 1; du 10 mai 2005,
5P.350/2004, consid. 2.3; du 10 octobre 2003, 2P.244/2003, consid. 1.3 et les
arrêts cités). Dans cette mesure, l'arrêt attaqué peut, nonobstant son
caractère incident, faire l'objet d'un recours en matière de droit public.

1.3 Au surplus, déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF en relation
avec les art. 44 et 45 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42
LTF), le recours est recevable.

2.
Le recourant voit une violation de son droit d'être entendu garanti à l'art.
29 al. 2 Cst. dans le fait que le Tribunal administratif a clôturé
l'instruction sans lui donner préalablement l'occasion de s'exprimer sur le
témoignage écrit produit par le Vétérinaire cantonal le 11 septembre 2007 à
l'issue du second échange d'écritures.

2.1 Il s'impose d'examiner en premier lieu ce grief de nature formelle, car
son admission pourrait entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi
de la cause à l'autorité cantonale sans examen de l'affaire au fond (cf. ATF
126 V 130 consid. 2b. p. 132; 124 V 90 consid. 2 p. 92).

2.2 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable
au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. aussi l'art. 6 par. 1 CEDH), le droit
d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit
pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute observation ou
pièce soumise au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci
contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou
non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il
appartient en effet d'abord aux parties, et non au juge, de décider si une
prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des
éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Elles
doivent à cette fin pouvoir s'exprimer dans le cadre de la procédure, ce qui
suppose que la possibilité leur soit concrètement offerte de faire entendre
leur point de vue. En ce sens, il existe un véritable droit à la réplique qui
vaut pour toutes les procédures judiciaires, y compris celles qui ne tombent
pas dans le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH, l'art. 29 al. 2 Cst.
offrant, en la matière, la même protection que la disposition conventionnelle
précitée (cf. ATF 133 I 98 consid. 2.1 p. 99, 100 consid. 4.3 - 4.6 p. 102
ss).
La jurisprudence récente a précisé que les exigences liées au droit à la
réplique ne sont notamment pas respectées lorsque le tribunal communique
certes une prise de position (ou une pièce nouvelle) à une partie, mais lui
signifie dans le même temps que l'échange d'écritures est terminé, privant
ainsi la partie de toute possibilité de présenter ses observations (cf. ATF
132 I 42 consid. 3.3.2 p. 46 et les références citées). Que le tribunal, tout
en annonçant la clôture de l'échange d'écritures, réserve néanmoins la
possibilité d'actes d'instruction supplémentaires, n'a pas pour effet de
sauvegarder le droit de réplique de la partie, quand bien même celle-ci
serait assistée d'un avocat (cf. les arrêts de la Cour européenne des droits
de l'homme dans les causes Contardi c./Suisse, du 12 juillet 2005, requête no
7020/02, par. 16, 23, 35 et 45 et Spang c./Suisse, du 11 octobre 2005,
requête no 45228/99, par. 24 et 33, partiellement reproduits respectivement
in: VPB 2005 no 131 p. 1582 et Plädoyer 2005/6 p. 82). Si le droit de
procédure applicable prévoit qu'il n'y a en principe qu'un seul échange
d'écritures - comme c'est le cas devant le Tribunal fédéral (cf. art. 102 al.
1 et 3 LTF) -, l'autorité peut se limiter, dans un premier temps, à
communiquer la prise de position à titre d'information, sans avis formel de
la possibilité de répliquer; pour autant que le juge n'ait pas clôturé
l'échange d'écritures, la partie est ainsi mise en situation de faire ou non
usage de son droit de réplique; si elle s'en abstient, elle est sensée y
avoir renoncé après l'écoulement d'un certain délai (cf. ATF 133 I 98 consid.
2.2 p. 99 s.; 132 I 42 consid. 3.3.3 - 3.3.4 p. 46 s. et les références
citées; voir également Regina Kiener, in: ZBJV 2007, Die staatsrechtliche
Rechtsprechung des Bundesgerichts 2006 und 2007, p. 704 ss; Stéphane
Grodecki, Strasbourg et le droit à la réplique, in: Plädoyer 2/2007, p. 52
ss).

2.3 En l'espèce, il est constant que le Tribunal administratif a formellement
clôturé l'instruction en même temps qu'il communiquait au recourant, à
l'issue d'un second échange d'écritures, une nouvelle détermination du
Vétérinaire cantonal accompagnée de son annexe. La procédure cantonale
vaudoise prévoit que "la procédure ne comporte normalement qu'un échange
d'écritures" et qu'un second échange n'a lieu "[qu']exceptionnellement" (cf.
art. 44 al. 1 et 3 de la loi cantonale du 18 décembre 1989 sur la juridiction
et la procédure administratives [LPJA; RS-VD 173.36]). A fortiori le juge
instructeur n'était-il donc, dans le cas présent, pas tenu d'organiser un
troisième échange d'écritures, mais pouvait se contenter, conformément à la
pratique du Tribunal fédéral (cf. ATF 133 I 98, consid. 2.2 p. 100, 132 I 42
consid. 3.3.2 p. 47), de communiquer au recourant "pour information" la
détermination du Service cantonal et son annexe; de même n'avait-il pas
l'obligation d'informer expressément l'intéressé de la possibilité de se
déterminer sur les pièces litigieuses. Dès l'instant, cependant, où le
magistrat déclarait simultanément à sa communication qu'il mettait fin à
l'instruction, il privait le recourant de toute possibilité de présenter des
observations. A cet égard, il importe peu, comme on l'a vu, que l'avis de
clôture réservât en l'espèce d'éventuelles "mesures que la délibération
pourrait susciter".
Dans ces conditions, il s'impose de constater que le Tribunal administratif a
violé le droit d'être entendu du recourant. Dans la mesure où le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral est plus restreint que celui du Tribunal
administratif en matière d'établissement des faits (comp. l'art. 53 LPJA avec
les art. 97 et 105 LTF), une éventuelle guérison de la violation constatée
n'entre pas en ligne de compte (cf. ATF 129 I 129 consid. 2.2.3 p. 135; 127 V
431 consid. 3d/aa p. 437 s.; 126 V 130 consid. 2b p. 132).

3.
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être admis, sans
qu'il y ait lieu d'examiner les griefs du recourant sur le fond. L'arrêt
attaqué doit être annulé et l'affaire renvoyée au Tribunal administratif pour
nouvelle décision prise à l'issue d'une procédure respectant les garanties de
l'art. 29 al. 2 Cst. Avec ce prononcé, la requête tendant à l'octroi de
l'effet suspensif au recours (cf. art. 103 al. 3 LTF) devient sans objet. Il
n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le
recourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat
de Vaud (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Tribunal administratif du canton de Vaud pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à la
charge de l'Etat de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Vétérinaire
cantonal et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 février 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:
Merkli Addy