Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.664/2007
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2C_664/2007

Arrêt du 6 mars 2008
IIe Cour de droit public

M. et Mme les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry-Girardin.
Greffier: M. Dubey.

Fondation X.________,
recourante, représentée par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat,

contre

Administration fiscale cantonale genevoise, rue du Stand 26, 1204 Genève,

exonération fiscale, impôt cantonal et communal

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du
9 octobre 2007.

Faits:

A.
La Fondation X.________ (ci-après: la Fondation ou l'intéressée) est une
fondation de droit suisse constituée le 3 juillet 2000 avec un capital de
dotation de 500'000 fr., dont le siège est à Genève.

Aux termes de l'art. 5 de ses statuts, elle "a pour but philanthropique
d'apporter de l'espoir aux plus démunis. Sa mission est de venir en aide à
ceux qui sont dans le besoin, en Suisse ou ailleurs dans le monde, à savoir
par exemple: nourrir les affamés, loger les sans-abris, soigner les malades,
aider les personnes âgées et les orphelins. A cette fin, la fondation pourra
utiliser sa fortune pour apporter le soutien financier qu'elle jugera
approprié à tout projet humanitaire dont les objectifs lui paraissent
conformes à ce but, et en particulier des projets patronnés par
l'organisation non gouvernementale sans but lucratif Y.________ (actuellement
à Los Angeles) ainsi qu'à toute organisations nationales associées à
celle-ci."

De 2002 à 2004, la Fondation a adressé tous ses versements de soutien à
l'association Y.________ Switzerland, dont le siège est à Genève; cette
dernière les a ensuite attribués à la fondation A.________ et à l'association
B.________ ainsi qu'à des organismes Y.________ Philippines et Y.________
Roumanie, également actifs dans le domaine humanitaire.

Le 10 novembre 1999, la Fondation a sollicité de l'Administration fiscale du
canton de Genève un préavis sur l'octroi d'une exonération des impôts
cantonaux et communaux sur le bénéfice et le capital, des droits
d'enregistrement ainsi que la possibilité de déduire les dons. Le 14 mars
2000, l'Administration fiscale préavisait favorablement cette requête, mais
soumettait la décision définitive à l'examen de l'activité de la Fondation
sur une année comptable. Le 22 avril 2002, la Fondation a sollicité une
décision d'exonération totale.

Par décision du 2 avril 2003, la Conseillère d'Etat en charge du Département
des finances a refusé d'exonérer l'intéressée. Selon cette décision, la
Fondation servait à promouvoir les dérives sectaires de Z.________ et de sa
filiale genevoise, Z.________ de Genève, en effectuant des dons à Y.________
Inc., qui en était l'émanation humanitaire dans le monde. Son but ne
correspondait par conséquent pas aux critères d'intérêt général et de
désintérêt au sens de la législation fiscale.

Cette décision a été confirmée par la décision sur réclamation du 1er
septembre 2003 et par la décision sur recours rendue le 27 février 2006 par
la Commission cantonale de recours en matière d'impôts.

La Fondation a déposé un recours contre la décision du 27 février 2006 auprès
du Tribunal administratif, concluant à l'octroi de l'exonération. Elle y
décrivait Y.________ Inc., ses activités, ses multiples implantations dans le
monde, ses actions et la reconnaissance obtenue par de nombreuses
institutions, notamment de grandes entreprises, des gouvernements et des
organismes des Nations Unies. Il fallait distinguer les liens entre
Z.________, Y.________ Switzerland et la Fondation X.________ et constater
que les activités de ces deux dernières institutions étaient effectives et
concernaient bien des programmes humanitaires. Elle a enfin démontré par
pièces l'origine et la destination des fonds qu'elle a remis à Y.________
Switzerland.

Le Tribunal administratif a procédé à l'audition des membres du conseil de
fondation de l'intéressée, d'un ancien président de Y.________ Switzerland,
d'un membre du conseil de fondation de la Fondation A.________ ainsi que de
la directrice du Centre intercantonal d'information sur les croyances et sur
les activités des groupements à caractère spirituel, religieux ou ésotérique.
Il a en revanche renoncé à entendre un membre du conseil de fondation de
Y.________ Inc. sur les activités de cette dernière à l'étranger.

B.
Par arrêt du 9 octobre 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours.
Parmi les conditions pour obtenir l'exonération figurait la poursuite d'un
but d'utilité publique. A cet égard, il importait que le cercle des
destinataires soit ouvert, c'est-à-dire qu'il ne soit pas limité à des
personnes définies. Or, bien que certains buts énumérés par l'art. 5 al. 1
des statuts de la Fondation aient été de nature philanthropique et
humanitaire notamment, il n'en demeurait pas moins qu'aux termes de l'art. 5
al. 2 des statuts la Fondation apportait son soutien financier "en
particulier " - dans les faits intégralement - à des projets patronnés par
Y.________ Switzerland. Au surplus, il était établi qu'Y.________ Inc et ses
filiales constituaient la vitrine humanitaire de Z.________, dont les dérives
sectaires étaient confirmées par de nombreuses sources.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Fondation
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt
rendu le 9 octobre 2007 par le Tribunal administratif et de lui octroyer
l'exonération des impôts cantonaux et communaux sur le bénéfice et le
capital. Elle reproche en substance au Tribunal administratif d'avoir établi
un état de fait inexact et incomplet, d'avoir violé son droit d'être entendue
et d'avoir interprété de manière arbitraire l'art. 9 al. 1 lettre f de la loi
genevoise du 23 septembre 1994 sur l'imposition des personnes morales (LIPM;
RSGE D 3 15).

Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et le dispositif de
son arrêt. L'Administration fiscale cantonale conclut au rejet du recours
sous suite de dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile et dans les formes prévues par la loi (art. 100 al.
1 et 106 al. 2 LTF) par le destinataire de la décision attaquée (art. 89 al.
1 LTF) contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, qui
ne peut pas être attaquée devant le Tribunal administratif fédéral (art. 86
al. 1 lettre d LTF; art. 33 lettre i LTAF), le présent recours pour violation
du droit fédéral (cf. art. 95 lettres a et c LTF) en matière d'impôt cantonal
et communal est en principe recevable (art. 73 de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'harmonisation fiscale des cantons et des communes [LHID;
loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14]).

2.
La recourante affirme que le Tribunal administratif aurait violé son droit
d'être entendue, en refusant l'audition complémentaire d'un témoin. Comme
elle ne se réfère pas aux règles du droit cantonal régissant le droit d'être
entendu, c'est à la lumière de la garantie minimale de procédure découlant de
l'art. 29 al. 2 Cst. qu'il convient d'examiner son grief (ATF 131 I 91
consid. 3.1 p. 95; 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités)
2.1 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu comprend pour les
justiciables notamment le droit d'obtenir l'administration des preuves
pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des
preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de
nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16
et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les
éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est
ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes
lorsque le fait à établir est sans importance pour la solution du cas, qu'il
résulte déjà de constatations ressortant du dossier ou lorsque le moyen de
preuve avancé est impropre à fournir les éclaircissements nécessaires.
L'appréciation anticipée des preuves ne constitue pas une atteinte au droit
d'être entendu directement déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 125 I 127
consid. 6c/cc p. 135 et les arrêts cités). Au même titre que toute
appréciation des preuves, l'appréciation anticipée de celles-ci est soumise à
l'interdiction de l'arbitraire (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285 et les
références citées).

2.2 La recourante reproche au Tribunal administratif de n'avoir pas donné
suite à son offre de preuve tendant à l'audition en qualité de témoin d'un
membre du conseil d'administration de Y.________ Inc. Cette audition aurait
permis, selon elle, de donner toutes les précisions utiles quant au
cheminement des fonds qu'elle avait versés à Y.________ Switzerland et de
contrer les accusations contenues dans le rapport n° 1687 présenté à
l'Assemblée nationale française au nom de la Commission d'enquête sur la
situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs
activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et
financiers (ci-après: le rapport n° 1687).

Ce moyen doit être rejeté. Il ressort en effet du dossier que le Tribunal
administratif disposait des pièces 53 et suivantes du bordereau produit par
la recourante à l'appui de son recours; ces pièces montraient le cheminement
des fonds qu'elle avait versés à Y.________ Switzerland et leur destination
finale. Le Tribunal administratif disposait également d'autres pièces,
notamment des pièces 15 et suivantes du bordereau précité, qui établissaient
la position d'autres gouvernements et de l'Organisation des Nations Unies à
l'égard de Y.________ Inc. Sur ce point, il convient d'ailleurs de noter que
le rapport n° 1687 mentionne déjà ce que le témoignage écarté devait
notamment démontrer, soit le fait notoire que Y.________ Inc. bénéficie d'un
statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l'ONU (p. 87).
Sur ce dernier point, la recourante ne précise pas quelles accusations
mensongères contenues dans le rapport n °1687 le témoin aurait pu contredire
qu'elle n'ait elle-même tenues pour vraies, ainsi le fait que "le réseau
Y.________ Inc. n'a jamais caché qu'il est issu, à l'origine, de Z.________,
mais en est formellement distinct" (cf. mémoire de recours du 23 novembre
2007, ch. III, B, p. 5). Il n'était par conséquent ni nécessaire ni utile
d'entendre un témoignage oral sur ces faits, qui ne sont au surplus pas
pertinents pour la solution du litige (cf. ci-dessous consid. 3). Il est
ainsi inutile d'examiner les griefs de constatation inexacte et incomplète
des faits soulevés par la recourante, puisque ceux-ci sont relatifs à la
qualification des activités de Z.________ ou de celles de Y.________ Inc. et
ses institutions affiliées.

En refusant par une appréciation anticipée dénuée d'arbitraire le témoignage
offert d'un membre du conseil de Y.________ Inc., le Tribunal administratif
n'a par conséquent pas violé le droit d'être entendue de la recourante.

3.
La recourante soutient que le Tribunal administratif a appliqué de manière
arbitraire l'art. 9 al. 1 lettre f LIPM et violé les art. 5, 8 et 9 Cst.

3.1 D'après l'art. 9 al. 1 lettre f LIPM, qui a la même teneur que les art.
23 al. 1 lettre f LHID et 56 lettre g de la loi fédérale du 14 décembre 1990
sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), sont exonérées les personnes
morales qui poursuivent des buts d'utilité publique, sur le bénéfice et le
capital exclusivement et irrévocablement affectés à ces buts. Dans ces
conditions, l'interprétation de l'art. 9 al. 1 lettre f LIPM peut s'appuyer
sur celle du droit fédéral et les griefs de violation du principe de la
légalité, du droit à l'égalité et de l'interdiction de l'arbitraire se
confondent avec celui de la violation du droit fédéral.

3.2 Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de but d'utilité
publique suppose la poursuite d'une activité d'intérêt général, un cercle de
destinataires illimité, le désintéressement de l'institution et de ses
membres, l'affectation irrévocable et exclusive des fonds ainsi que l'absence
d'activité économique avec but lucratif ou d'assistance mutuelle (cf. Nicolas
Urech, Commentaire LIFD, Yersin/Noël éd., Bâle 2008, n° 60 ss ad art. 56 LIFD
et les références citées).

Il est vrai que le cercle des destinataires varie nécessairement en fonction
de la précision avec laquelle est décrit le but d'utilité publique. En ce
sens, le nombre des destinataires peut être limité. Il faut toutefois que le
cercle des destinataires potentiels soit illimité et que la limitation
résulte de critères objectifs et non subjectifs. Il s'agit d'éviter que l'on
ne favorise des groupes d'intérêts, ces derniers ne pouvant prétendre servir
à eux seuls l'intérêt général (Marco Greter, Kommentar zum schweizerischen
Steuerrecht, I/1, 2e éd., Bâle 2002, n° 32a ad art. 23 LHID; Peter Locher,
Kommentar zum DBG, IIe partie, Therwil/Bâle 2004, n° 87 ad art. 56 LIFD;
Georges Mettrau, L'exonération fiscale des institutions d'utilité publique,
Thèse Lausanne 1992, p. 115 ss; Markus Reich, Gemeinnützigkeit als
Steuerbefreiungsgrund, Archives 58, p. 465 ss, p. 469 s. et la jurisprudence
citée). La circulaire n° 12 du 7 juillet 1994 de l'Administration fédérale
des contributions précise ainsi à bon droit que d'ordinaire, l'intérêt
général n'est admis que si le cercle des destinataires des prestations est
ouvert et qu'il n'y a pas d'intérêt général lorsque ce cercle est trop
étroitement limité (Archives 63, p. 137 ss, p. 139).

En outre, l'octroi de l'exonération fiscale ne dépend pas seulement du
contenu des statuts de la personne morale, mais encore de son comportement et
de ses activités effectives (Nicolas Urech, op. cit., n° 59 ad art. 56 LIFD;
Peter Locher, op. cit., n° 4 ad art. 56 LIFD et la jurisprudence citée,
notamment Archives 70, p. 294, p. 297 s.). Le simple fait de prétendre
exercer statutairement une activité exonérée de l'impôt n'est pas suffisant
(Circulaire n° 12, loc. cit.).
3.3 En l'espèce, la recourante soutient à bon droit que les buts généraux
mentionnés dans ses statuts constituent des activités à caractère caritatif
et humanitaire. Cela ne suffit cependant pas encore à lui octroyer
l'exonération de l'impôt cantonal et communal sur le bénéfice et le capital.
En effet, il ressort des pièces bancaires produites ainsi que des procès
verbaux du conseil de fondation de la recourante que, durant les années 2002
à 2004, la recourante n'a volontairement eu qu'un seul bénéficiaire direct,
l'association Y.________ Switzerland, qui se chargeait elle-même de répartir
sous son nom les fonds ainsi reçus. Dans les faits par conséquent, le cercle
des bénéficiaires effectifs de la recourante se réduit à sa plus simple
expression, ce qui n'est pas conforme aux exigences des art. 23 LHID et 9 al.
1 lettre f LIPM.

En refusant l'exonération pour ce motif déjà, le Tribunal administratif a
correctement fait application de l'art. 9 al. 1 lettre f LIPM. Les autres
conditions d'exonération pour but d'utilité publique n'ont par conséquent pas
besoin d'être examinées.

3.4 Il est également inutile de se demander si le Tribunal administratif
pouvait, ou non, qualifier les activités de Z.________ et celles de
Y.________ Inc. et ses institutions affiliées de dérives sectaires. Au
demeurant, quand bien même leurs activités seraient de nature humanitaire,
elles revêtiraient également un caractère prosélytique en faveur
d'organisations sectaires, équivalentes en ce sens à des groupes d'intérêts
ou d'assistance mutuelle (cf. consid. 3.2 ci-dessus), ce qui exclut la
poursuite de buts d'utilité publique au sens des art. 23 al. 1 lettre f LHID
et 9 al. 1 lettre f LPM.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Succombant, la recourante doit supporter un émolument judiciaire (art. 65 et
66 LTF). ElIe n'a pas droit à des dépens (art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif du
canton de Genève.

Lausanne, le 6 mars 2008

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Merkli Dubey