Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.319/2007
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2C_319/2007 /viz

Arrêt du 2 octobre 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Hungerbühler, Juge présidant,
Wurzburger et Karlen.
Greffière: Mme Dupraz.

B. A.________, C.A.________, D.A.________
et leur mère A.A.________, recourants,
tous les quatre représentés par
Me Stéphanie Cacciatore, avocate,

contre

Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Regroupement familial,

recours en matière de droit public contre l'arrêt
du Tribunal administratif du canton de Vaud
du 31 mai 2007.

Faits:

A.
Ressortissante brésilienne née le 1er juillet 1961, A.A.________ est arrivée
en Suisse sans visa le 10 septembre 2001. Elle voulait vivre avec son futur
conjoint, un Suisse, qu'elle a épousé le 7 décembre 2001. Elle s'est alors vu
octroyer, au titre du regroupement familial, une autorisation de séjour
valable jusqu'au 6 décembre 2002, qui a été régulièrement prolongée. Depuis
le 25 janvier 2007, elle bénéficie d'une autorisation d'établissement.
D'un mariage antérieur avec un Brésilien, dissous par le divorce en juillet
2001, A.A.________ a eu quatre enfants dont la garde a été attribuée au père.
Les trois plus jeunes sont arrivés en  Suisse sans visa le 1er février 2006;
il s'agit de B.A.________ née le 22 août 1988, C.A.________ née le 16
décembre 1990 et D.A.________ né le 19 novembre 1991. Le 18 août 2006,
A.A.________ a déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses
trois enfants précités, en invoquant notamment que son ex-mari avait décidé
de ne pas les reprendre et lui en avait confié la garde. Ces trois enfants
ont déclaré leur arrivée aux autorités communales compétentes le 13 novembre
2006. Le 2 février 2007, le Service de la population du canton de Vaud
(ci-après: le Service cantonal) a refusé les autorisations de séjour
sollicitées et imparti aux intéressés un délai de départ de deux mois dès la
notification de cette décision. Il a considéré en particulier que les
demandes d'autorisations de séjour reposaient apparemment sur des raisons
économiques.

B.
Par arrêt du 31 mai 2007, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de B.A.________,
C.A.________, D.A.________ et leur mère A.A.________ contre la décision du
Service cantonal du 2 février 2007 et confirmé ladite décision. Il a
notamment relevé que les enfants prénommés n'avaient pas une relation
prépondérante avec leur mère et qu'ils avaient tissé des attaches importantes
sur les plans familial, social et culturel avec leur patrie.
Le 5 juin 2007, le Service cantonal a fixé un délai de départ échéant le 31
juillet 2007 à B.A.________, C.A.________ et D.A.________.

C.
B.A.________, C.A.________, D.A.________ et leur mère A.A.________ ont formé
un recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal
administratif du 31 mai 2007. Ils demandent au Tribunal fédéral, sous suite
de frais et dépens, qu'une autorisation de séjour au titre du regroupement
familial soit accordée à B.A.________, C.A.________ et D.A.________.
Subsidiairement, ils demandent que l'arrêt attaqué soit annulé et que le
dossier de la cause soit renvoyé au Service cantonal, voire au Tribunal
administratif, pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils se
plaignent de violation du droit fédéral, en particulier des art. 17 de la loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20) et 8 CEDH. Ils requièrent l'assistance judiciaire.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service cantonal a
renoncé à se déterminer sur le recours.
L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 5 juillet 2007, le Président de la IIe Cour de droit public
a admis la demande d'effet suspensif contenue dans le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral (LTF; RS 173.110), le recours en matière de droit public est
irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui
concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit.

1.1 Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants célibataires
de moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation
d'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès d'eux.
En l'espèce, la demande de regroupement familial date du 18 août 2006. A ce
moment, les trois enfants de A.A.________ en cause ici avaient certes moins
de dix-huit ans, mais leur mère ne bénéficiait pas encore d'une autorisation
d'établissement, de sorte que l'art. 17 al. 2 3ème phrase n'était pas
applicable à leur cas. C'est le 25 janvier 2007 que A.A.________ s'est vu
octroyer une autorisation d'établissement. A cette date, C.A.________ et
D.A.________ avaient moins de dix-huit ans, si bien qu'ils remplissaient la
condition d'âge de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE contrairement à leur
soeur, B.A.________, qui avait eu dix-huit ans le 22 août 2006. Dès lors, le
présent recours est recevable au regard de l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, en
tant que l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE est invoqué en faveur des enfants
C.A.________ et D.A.________, mais pas dans la mesure où il l'est en faveur
de B.A.________.

1.2 L'art. 8 CEDH peut également conférer un droit à une autorisation de
séjour en faveur des enfants mineurs d'étrangers bénéficiant d'un droit de
présence assuré en Suisse (cf. à ce sujet ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285)
si les liens noués entre les intéressés sont étroits et si le regroupement
vise à assurer une vie familiale commune effective (cf. ATF 129 II 193
consid. 5.3.1 p. 211; 127 II 60 consid. 1d p. 64 ss).

B. A.________ est aujourd'hui - moment déterminant pour se prononcer sur la
recevabilité du recours sous l'angle de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 129 II 11
consid. 2 p. 13) - âgée de plus de dix-huit ans et ne se trouve pas dans un
état de dépendance particulière par rapport à sa mère, en raison par exemple
d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 120 Ib 257 consid. 1d et 1e p.
261), de sorte qu'elle ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Son recours
est donc aussi irrecevable à cet égard, par rapport à l'art. 83 lettre c ch.
2 LTF.

1.3 Au demeurant, les dispositions de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant
le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21) - notamment les art. 38 et 39 OLE
sur le regroupement familial -, ne créent aucun droit à l'obtention d'une
autorisation de séjour. Sinon, ladite ordonnance ne serait pas compatible
avec l'art. 4 LSEE, qui accorde à l'autorité cantonale compétente un pouvoir
de libre appréciation, le refus d'autorisation étant définitif (art. 18 al. 1
LSEE). Dès lors, même si B.A.________ se réclamait d'une disposition de
l'ordonnance précitée, son recours ne serait pas recevable au regard de
l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF.

1.4 Ainsi, le présent recours n'est recevable qu'en tant qu'il concerne la
régularisation de la situation des enfants C.A.________ et D.A.________. Il
est irrecevable au surplus.

2.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut cependant rectifier ou compléter
d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF; cf. aussi art. 97 al. 1 LTF).
Les recourants produisent six documents postérieurs à l'arrêt attaqué. Il
s'agit de pièces nouvelles que l'autorité de céans ne peut pas prendre en
considération (art. 105 al. 1 LTF).

3.
Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; 126 II 329
consid. 2a p. 330 et la jurisprudence citée), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE
est de permettre le maintien ou la reconstitution d'une communauté familiale
complète entre les deux parents et leurs enfants communs encore mineurs (la
famille nucléaire). Ce but ne peut être entièrement atteint lorsque les
parents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en Suisse depuis
plusieurs années et l'autre à l'étranger avec les enfants. Le regroupement
familial ne peut alors être que partiel et le droit de faire venir les
enfants auprès du parent établi en Suisse est soumis à des conditions plus
restrictives que lorsque les parents font ménage commun: tandis que, dans ce
dernier cas, le droit peut, en principe, être exercé en tout temps sans
restriction sous réserve de l'abus de droit (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.2
p. 14; 126 II 329 consid. 3b p. 332/333), il n'existe, en revanche, pas un
droit inconditionnel de faire venir auprès du parent établi en Suisse des
enfants qui ont grandi à l'étranger dans le giron de leur autre parent. La
reconnaissance d'un tel droit suppose alors que le parent concerné ait avec
ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation
ainsi que de la distance et qu'un changement important des circonstances,
notamment d'ordre familial, se soit produit, rendant nécessaire le
déplacement des enfants en Suisse, comme par exemple une modification des
possibilités de leur prise en charge éducative à l'étranger (cf. ATF 129 II
11 consid. 3.1.3 p. 14/15, 249 consid. 2.1 p. 252, et la jurisprudence
citée). Ces restrictions sont pareillement valables lorsqu'il s'agit
d'examiner sous l'angle de l'art. 8 CEDH la question du droit au regroupement
familial (partiel) d'enfants de parents séparés ou divorcés (cf. ATF 129 II
249 consid. 2.4 p. 256; 124 II 361 consid. 3a p. 366).
Dans un arrêt du 19 décembre 2006 (ATF 133 II 6), le Tribunal fédéral a
maintenu et explicité sa jurisprudence. Il a indiqué que, dans certains cas
et sous réserve de l'abus de droit, un droit au regroupement familial partiel
ne doit pas être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs années après
la séparation de l'enfant avec le parent établi en Suisse et si l'âge de
l'enfant est alors déjà relativement avancé. Il s'agit de mettre en balance,
d'une part, l'intérêt privé de l'enfant et du parent concerné à pouvoir vivre
ensemble en Suisse et, d'autre part, l'intérêt public de ce pays à poursuivre
une politique restrictive en matière d'immigration. L'examen du cas doit être
global et tenir particulièrement compte de la situation personnelle et
familiale de l'enfant et de ses réelles chances de s'intégrer en Suisse. A
cet égard, le nombre d'années qu'il a vécues à l'étranger et la force des
attaches familiales, sociales et culturelles qu'il s'y est créées, de même
que l'intensité de ses liens avec son autre parent établi en Suisse, son âge,
son niveau scolaire ou encore ses connaissances linguistiques sont des
éléments primordiaux dans la pesée des intérêts. Un soudain déplacement de
son cadre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui
et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans un nouveau pays
d'accueil. De plus, une longue durée de séparation d'avec son parent établi
en Suisse a normalement pour effet de distendre ses liens affectifs avec ce
dernier, en même temps que de resserrer ces mêmes liens avec le parent et/ou
les proches ayant pris soin de lui à l'étranger, dans une mesure pouvant
rendre délicat un changement de sa prise en charge éducative. C'est pourquoi
il faut continuer autant que possible à privilégier la venue en Suisse de
jeunes enfants, mieux à même de s'adapter à un nouvel environnement
(familial, social, éducatif, linguistique, scolaire, ...) que des adolescents
ou des enfants proches de l'adolescence.
D'une manière générale, plus un enfant a vécu longtemps à l'étranger et se
trouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs justifiant le
déplacement de son centre de vie doivent apparaître impérieux et solidement
étayés. Le cas échéant, il y aura lieu d'examiner s'il existe sur place des
alternatives concernant sa prise en charge éducative qui correspondent mieux
à sa situation et à ses besoins spécifiques, surtout si son intégration en
Suisse s'annonce difficile au vu des circonstances (âge, niveau scolaire,
connaissances linguistiques, ...) et si ses liens affectifs avec le parent
établi dans ce pays n'apparaissent pas particulièrement étroits. Pour
apprécier l'intensité de ceux-ci, il faut notamment tenir compte du temps que
l'enfant et le parent concerné ont passé ensemble avant d'être séparés l'un
de l'autre et examiner dans quelle mesure ce parent a réussi pratiquement
depuis lors à maintenir avec son enfant des relations privilégiées malgré la
distance et l'écoulement du temps, en particulier s'il a eu des contacts
réguliers avec lui (au moyen de visites, d'appels téléphoniques, de lettres,
...), s'il a gardé la haute main sur son éducation et s'il a subvenu à son
entretien. Il y a également lieu, dans la pesée des intérêts, de prendre en
considération les raisons qui ont conduit le parent établi en Suisse à
différer le regroupement familial, ainsi que sa situation personnelle et
familiale et ses possibilités concrètes de prise en charge de l'enfant (cf.
ATF 133 II 6 consid. 3 et 5 p. 9 ss et 14 ss).

4.
Dans l'examen du cas d'espèce, on ne saurait prendre en considération le
séjour que C.A.________ et D.A.________ font en Suisse depuis le 1er mai
2006. Ces enfants sont entrés en Suisse illégalement, puisque sans visa, le
1er février 2006 et ils pouvaient y rester pour un séjour touristique de
trois mois au maximum. Leur séjour n'est donc plus régulier au sens de la
jurisprudence (ATF 120 Ib 360 consid. 3b p. 367) depuis le 1er mai 2006. Les
enfants précités bénéficient simplement d'une tolérance depuis qu'ils tentent
de régulariser leur situation en Suisse. Tenir compte du séjour qu'ils y
effectuent depuis le 1er mai 2006 reviendrait à encourager la politique du
fait accompli et, par conséquent, à porter atteinte au principe de l'égalité
par rapport aux nombreux étrangers qui respectent les procédures établies
pour obtenir un titre de séjour en Suisse.

A. A.________ a rencontré son époux actuel en 1997 et a dès lors partagé sa
vie entre sa patrie et la Suisse où elle a fait des séjours touristiques - de
trois mois au maximum, selon ses dires - jusqu'à ce qu'elle se marie, le 7
décembre 2001. Elle vit en Suisse depuis le 10 septembre 2001. Ainsi, elle a
souvent délaissé ses enfants C.A.________ et D.A.________ une fois que
ceux-ci ont eu environ sept ans, respectivement six ans, et elle ne vit plus
avec eux depuis qu'ils ont un peu moins de onze ans, respectivement dix ans.
Ainsi, au moment où ces enfants atteignaient l'adolescence, ils ont passé
environ quatre ans et demi loin de leur mère. Dans le dossier, on ne trouve
aucune pièce permettant de penser que, durant cette période, ces deux enfants
avaient avec leur mère une relation prépondérante qui reléguait à
l'arrière-plan celle qu'ils entretenaient avec leur père dont ils
partageaient la vie. En outre, C.A.________ et D.A.________ ont vécu au
Brésil jusqu'à leur arrivée en Suisse, le 1er février 2006. C'est là qu'ils
ont été scolarisés et ont passé les premières années de leur adolescence.
C'est donc avec leur patrie qu'ils ont leurs principales attaches familiales,
sociales et culturelles. Le regroupement familial aurait pu avoir un sens
s'il avait été demandé peu après l'arrivée en Suisse de A.A.________. On ne
saurait en revanche l'admettre quelque quatre ans et demi après, alors que
les enfants concernés arrivent au bout de la scolarité obligatoire et doivent
entrer dans la vie professionnelle. Dans ces conditions, la demande de
regroupement familial apparaît être avant tout d'ordre économique. C'est donc
à juste titre que le Tribunal administratif a confirmé le refus de
regroupement familial. Ce faisant, il a respecté le droit fédéral, en
particulier les art. 17 LSEE et 8 CEDH.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.
Les conclusions des recourants étaient dépourvues de toute chance de succès
au regard de la motivation de l'arrêt attaqué, de sorte qu'il convient de
leur refuser l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF).
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires, qui
seront fixés compte tenu de leur situation financière (art. 65 et 66
al. 1 LTF), et n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire des recourants, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi
qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 2 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  La greffière: