Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.295/2007
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2C_295/2007 /svc

Arrêt du 11 septembre 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

X. ________,
recourant, représenté par Me Nicolas Droz, avocat,

contre

Département des institutions du canton de Genève,
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
rue Ami-Lullin 4,
case postale 3888, 1211 Genève 3.

Expulsion administrative,

recours en matière de droit public contre la décision
de la Commission cantonale de recours de police
des étrangers du canton de Genève du 26 avril 2007.

Faits :

A.
X. ________, ressortissant du Kosovo, né le 30 mai 1977, est entré en Suisse
le 29 mai 1995. Il y a rejoint son père, titulaire d'une autorisation
d'établissement dans le canton de Genève, et a été mis au bénéfice d'une
autorisation de séjour annuelle. Le 21 septembre 1998, l'intéressé a épousé
au Kosovo une compatriote, Y.________, née le 8 avril 1982. Entrée en Suisse
le 10 juillet 1999, celle-ci a pu bénéficier d'une autorisation de séjour par
regroupement familial. De cette union est née une fille, prénommée
Z.________, le 16 avril 2000. Depuis le 28 août 2000, X.________ et sa fille
sont titulaires d'une autorisation d'établissement.

X. ________ a fait l'objet des condamnations pénales suivantes:
- le  14  mars  2000,  à  une  amende  de  300 fr.,  par   le
Procureur  général du canton de Genève, pour lésions corporelles
simples;
- le  26  février  2004,  à  cinq  ans de  réclusion  et  à
l'expulsion  du  territoire suisse pour dix ans,  avec sursis  pendant
cinq ans,  par la  Cour  d'Assises  du  canton  de  Genève,  pour
infraction   à  la  loi  fédérale  sur  les  stupéfiants  et  les
substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup; RS 812.121).
L'intéressé est sorti de prison le 15 mars 2006, date correspondant aux deux
tiers de l'exécution de sa peine.

B.
Par décision du 28 juillet 2006, le Département des institutions du canton de
Genève (ci-après: le Département) a prononcé l'expulsion administrative de
X.________ pour une durée de quinze ans.

Saisie d'un recours dirigé contre ce prononcé, la Commission cantonale de
recours de police des étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission
cantonale de recours) l'a rejeté, par décision du 26 avril 2007. Elle a
considéré en substance que X.________, qui s'était livré à un trafic de
drogue dans un pur dessein de lucre, avait fait preuve d'un comportement
particulièrement grave sous l'angle de la sauvegarde de l'intérêt public, que
le sursis dont l'expulsion pénale était assortie n'était pas déterminant pour
l'autorité de police des étrangers et que l'intérêt public à l'éloignement de
l'intéressé l'emportait sur l'intérêt privé de celui-ci, de son épouse et de
sa fille à pouvoir vivre leur vie de famille en Suisse.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________
conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision de la
Commission cantonale de recours du 26 avril 2007 et demande au Tribunal
fédéral de dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer une expulsion
administrative à son encontre, subsidiairement de prononcer une menace
d'expulsion, très subsidiairement de réduire l'expulsion à une durée maximale
de trois ans ou de renvoyer l'affaire à la Commission cantonale de recours
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il se plaint de la
violation des art. 10 et 11 de la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE; RS 142.20), de l'art. 16
du règlement d'exécution de cette loi du 1er mars 1949 (RSEE: RS 142.201), de
la violation du principe de la proportionnalité, ainsi que d'une violation de
l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101).

La Commission cantonale de recours et le Département renoncent à formuler des
observations. L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 21 juin 2007, le Président de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif présentée par le
recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée ayant été rendue le 26 avril 2007, il y a lieu
d'appliquer la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110),
entrée en vigueur le 1er janvier 2007, au présent recours (art. 132 al. 1
LTF).

1.2 Formé contre une décision prise en dernière instance cantonale et fondée
sur le droit public fédéral, le présent recours est en principe recevable
comme recours en matière de droit public, en vertu des art. 82 ss LTF. Il
échappe en particulier à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 lettre c ch.
4 LTF, dans la mesure où l'expulsion litigieuse ne se fonde pas sur l'art.
121 al. 2 Cst., mais sur l'art. 10 al. 1 LSEE (ATF 114 Ib p. 1 consid. 2.1 p.
2).

2.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut cependant rectifier ou compléter
d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

Le Tribunal fédéral applique le droit fédéral d'office (art. 106 al. 1 LTF).
Il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été
invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF).

3.
3.1 Selon l'art. 10 al. 1 LSEE, l'étranger peut être expulsé de Suisse si,
notamment, il a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit
(lettre a) ou si sa conduite, dans son ensemble, et ses actes permettent de
conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le pays qui lui
offre l'hospitalité ou qu'il n'en est pas capable (lettre b). L'expulsion ne
peut être prononcée que si elle paraît appropriée à l'ensemble des
circonstances (art. 11 al. 3 LSEE) et qu'elle respecte le principe de la
proportionnalité. Pour juger de ce caractère approprié, l'autorité tiendra
notamment compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la
durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa
famille du fait de l'expulsion (art. 16 al. 3 RSEE).

Bien qu'il ne puisse pas revoir la décision du point de vue de l'opportunité,
le Tribunal fédéral contrôle néanmoins librement, sous l'angle de la
violation du droit fédéral, si les autorités cantonales ont correctement mis
en oeuvre les critères prévus par les dispositions du droit fédéral
susmentionnées et en particulier si, à la lumière desdits critères,
l'expulsion s'avère ou non proportionnée. Le Tribunal fédéral s'abstient
cependant de substituer sa propre appréciation à celle des autorités
cantonales (ATF 125 II 521 consid. 2a p. 523; 105 consid. 2a p. 107; 122 II
433 consid. 2a p. 435).
Lorsque le motif de l'expulsion est la commission d'un délit ou d'un crime,
la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer
la gravité de la faute et à peser les intérêts. La durée de présence en
Suisse d'un étranger constitue un autre critère important. Plus la durée de
ce séjour aura été longue, plus les conditions pour prononcer l'expulsion
administrative doivent être appréciées restrictivement.

3.2
3.2.1 En l'espèce, il est établi que le motif d'expulsion au sens de l'art. 10
al. 1 lettre a LSEE est réalisé, puisque le recourant a été condamné à une
peine de cinq ans de réclusion pour infraction à la loi fédérale sur les
stupéfiants. Alors qu'il n'était pas lui-même consommateur de produits
stupéfiants, le recourant s'est livré au transport, à l'importation et à la
revente partielle d'une quantité de dix kilos d'héroïne d'une pureté
d'environ 23%. Ce trafic a été qualifié d'extrêmement grave par le juge
pénal. Le recourant a agi dans un pur dessein de lucre, au mépris total de la
santé de nombreux consommateurs. Bien qu'il ait collaboré positivement à
l'instruction de la cause pénale, sa faute, au plan pénal, a été jugée comme
très importante et explique la quotité de la peine infligée. Les infractions
à la loi fédérale sur les stupéfiants constituent une atteinte grave à
l'ordre et à la sécurité publics, qui justifient un traitement rigoureux à
l'égard des ressortissants étrangers s'étant rendus coupables de telles
infractions. A cet égard, seules des circonstances exceptionnelles pourraient
amener les autorités de police des étrangers à renoncer à une mesure
d'éloignement (ATF 125 II 521 consid. 4a p. 527 et les références citées).
Le recourant fait certes valoir que le trafic de drogue auquel il s'est livré
s'est déroulé sur une brève période et résulte d'une décision unique. Cette
explication n'est cependant pas décisive, dans la mesure où il a été
interpellé le 14 novembre 2002, soit quatre à cinq semaines seulement après
s'être rendu au Kosovo pour transporter la drogue avec une voiture qu'il
venait d'acheter à cette fin. En outre, c'est par appât du gain que le
recourant est tombé dans la délinquance, témoignant ainsi d'une certaine
faiblesse de caractère. Dans ces conditions, il n'est pas exclu qu'il
succombe à nouveau à la tentation de se procurer facilement l'argent dont il
aurait besoin. Par ailleurs, le recourant, qui a été condamné pour lésions
corporelles simples le 14 mars 2000 et a été impliqué dans une rixe devant
l'entrée d'une discothèque le 12 mai 2001, peut faire preuve d'un
comportement violent; les armes et les munitions saisies à son domicile
démontrent aussi qu'il peut présenter un danger pour la sécurité publique.
Pour le surplus, l'invocation de la bonne conduite en prison et l'absence de
comportement répréhensible depuis son élargissement ne sont pas déterminants.
Ce d'autant que le recourant est encore soumis au régime de la libération
conditionnelle jusqu'au 15 novembre 2007. Quant aux références
jurisprudentielles citées par le recourant pour justifier la possibilité de
renoncer à une mesure de renvoi en cas d'infraction à la LStup, elles ne lui
sont d'aucune utilité. L'une (ATF 2A.512/2000 du 22 mai 2001) concerne un
étranger condamné à dix-huit mois de réclusion pour attentats à la pudeur des
enfants qualifiés, affaire où le Tribunal fédéral a d'ailleurs jugé que
l'intérêt public à éloigner le recourant de Suisse l'emportait sur l'intérêt
privé de ce dernier et de sa femme, Suissesse d'origine, à pouvoir vivre dans
ce pays; l'autre (ATF 2A.19/2000 du 28 février 2000) a trait à une
condamnation de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans
pour une tentative de meurtre passionnel, qui avait suffit pour admettre le
renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine, compte tenu de son
comportement général. Enfin, le recourant ne saurait se prévaloir du sursis à
l'expulsion pénale prononcé par la Cour d'Assises du canton de Genève. En
effet, le souci prioritaire de l'autorité de police des étrangers est le
maintien de l'ordre et de la sécurité publics. En matière d'expulsion, son
appréciation peut s'avérer plus rigoureuse que celle de l'autorité pénale qui
fonde essentiellement son appréciation sur des considérations tirées des
perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 124 II 289 consid. 3a p.
291; 122 II 433 consid. 2b p. 435). Ainsi, le sursis à l'expulsion d'un
étranger ayant commis un crime ou un délit, comme peine accessoire à une
condamnation pénale, n'empêche pas son expulsion administrative.

3.2.2 La prise en considération de la durée du séjour en Suisse se justifie
par le fait que l'intégration dans le pays d'accueil est généralement
d'autant plus forte que le séjour y a été long. En l'espèce, le recourant vit
en Suisse depuis douze ans. Bien qu'il ait passé plus du quart de ces années
en détention, la durée de son séjour reste relativement longue. Malgré ce
laps de temps, le recourant ne peut pas se prévaloir d'une intégration
socio-professionnelle élevée. Certes, le recourant exerce régulièrement une
activité lucrative depuis sa sortie de prison. Tel n'a toutefois pas toujours
été le cas. Entendu le 15 novembre 2002, le recourant a exposé qu'il se
trouvait au chômage depuis le mois de mai 2001. En cas de renvoi dans son
pays d'origine, le recourant ne perdrait aucun acquis professionnel
particulier ni aucun statut social qu'il aurait réussi à construire depuis
son arrivée en Suisse. Sur le plan personnel, le recourant n'établit pas
qu'il serait particulièrement bien intégré au tissu social de son lieu de
domicile. Il ressort plutôt du dossier que le cercle de ses amis se limite à
des compatriotes, dont la fréquentation de certains d'entre eux l'a
d'ailleurs amené à enfreindre la loi. L'affirmation du recourant selon
laquelle il maîtrise parfaitement la langue française peut être mise en doute
à la lecture du formulaire de demande d'attestation qu'il a complété le 10
mai 2007, en indiquant comme motif de sa requête: "Imatrecle une vetur". Par
ailleurs, la durée totale du séjour en Suisse du recourant est inférieure à
celle qu'il a passée dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de
18 ans. Un retour au Kosovo, où il a grandi, où il s'est marié et où il
construit une maison familiale, ne constituerait pas un dépaysement
insurmontable.

3.2.3 Quant au préjudice que la famille du recourant aurait à subir du fait
de l'expulsion, il faut relever que l'épouse du recourant, âgée de 25 ans, a
également passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo. Elle ne
maîtrise pas la langue française et ne se prévaut d'aucune intégration
particulière dans le canton de Genève. Un départ à destination du Kosovo ne
saurait donc être vécu comme un déracinement. La fille du recourant, née en
2000, peut, compte tenu de son âge, suivre ses parents en cas de retour au
Kosovo, même si elle n'y a pas vécu. Un enfant de sept ans et demi est en
effet encore largement dépendant de ses parents et n'a pas pu acquérir un
degré d'autonomie pouvant rendre traumatisant un départ forcé de Suisse,
comme cela peut être le cas à l'adolescence. Pour le surplus, la présence des
parents et des frères et soeurs n'est pas déterminante pour un mari et père
de famille âgé de 30 ans. Au demeurant, même si les proches du recourant
résident actuellement à Genève, ils séjournaient encore au Kosovo à fin 2002
et ce n'est qu'à la fin de l'année 2006 que la famille s'est reconstituée à
Genève. C'est dire que les liens avec le pays d'origine sont restés étroits.
Compte tenu de la gravité du comportement du recourant, sanctionné par une
peine de cinq ans de réclusion, ni la durée du séjour en Suisse de
l'intéressé, ni sa situation personnelle et familiale ne sauraient faire
obstacle à l'expulsion prononcée par les autorités cantonales de police des
étrangers. Celles-ci ont procédé à une application correcte des dispositions
légales applicables et n'ont pas violé le principe de la proportionnalité.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de réduire la durée de la mesure
d'expulsion ordonnée ni de lui substituer une simple menace d'expulsion.

4.
Le recourant invoque également l'art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse. Un
étranger peut, suivant les circonstances, se prévaloir de cette disposition
pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Cette protection de
la vie familiale peut cependant être restreinte, au sens de l'art. 8 § 2
CEDH, si l'ingérence de l'Etat dans la vie familiale est nécessaire,
notamment, à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales. Or, dans le cas particulier, le recourant a
gravement contrevenu à l'ordre public, pour des motifs purement égoïstes. La
faiblesse de caractère dont il a fait preuve, associée à un tempérament
violent, ne permet pas d'écarter le risque de récidive. De plus, la détention
d'armes et de munitions est particulièrement inquiétante dans l'optique de la
sauvegarde de la sécurité publique.

L'intérêt public à l'éloignement du recourant l'emporte ainsi manifestement
sur l'intérêt privé de celui-ci à demeurer en Suisse, les critères dégagés au
considérant 3.2 ci-dessus pouvant être transposés à l'application de l'art. 8
CEDH.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66
al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département des institutions du canton de Genève, soit à l'Office cantonal de
la population, à la Commission cantonale de recours de police des étrangers
du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 11 septembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: