Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.287/2007
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2C_287/2007 /viz

Arrêt du 10 septembre 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

X. ________ SA,
recourante,
représentée par Me François Membrez, avocat,

contre

Direction des travaux publics, des transports
et de l'énergie du canton de Berne,
Reiterstrasse 11, 3011 Berne,
Tribunal administratif du canton de Berne,
Cour des affaires de langue française,
Speichergasse 12, 3011 Berne.

Marchés publics (recevabilité),

recours en matière de droit public contre la décision
du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour
des affaires de langue française, du 11 mai 2007.

Faits :

A.
Le 13 mars 2006, l'Office des ponts et chaussées du canton de Berne
(ci-après: OPC) a mis en soumission la pose d'une conduite d'eau potable
destinée à équiper les tunnels de la Roche Saint-Jean et du Raimeux, situés
sur la route nationale N16. Parmi les six entreprises invitées à présenter
une offre figuraient les sociétés Y.________ SA, (ci-après: la Société 1) et
X.________ SA, (ci-après: la Société 2). L'OPC a remis aux soumissionnaires
plusieurs documents à compléter, dont une formule comprenant une série de
prix, qui, selon le chiffre 2.1 des "Conditions particulières" de
l'invitation, devait être remplie "entièrement et sans modification".
Le Société 1 et la Société 2 ont déposé des offres d'un montant
respectivement de 158'208 fr. 20 et 153'885 fr. 20. Afin de pouvoir les
comparer, l'OPC a procédé à un nouveau calcul du montant des soumissions sur
la base de critères homogènes. Après corrections, l'offre de la Société 1 se
montait à 137'718 fr. 85, celle de la Société 2 à 145'965 fr. 85. Le 9 mai
2006, l'OPC a adjugé les travaux à la Société 1; sa décision précisait
qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'un recours auprès de la Direction des
travaux publics, des transports et de l'énergie du canton de Berne (ci-après:
la Direction des travaux publics).

B.
La Société 2 a contesté la décision précitée auprès de la Direction des
travaux publics. Par décision du 8 janvier 2007, cette autorité a déclaré le
recours irrecevable. Elle a estimé, d'une part, que la décision attaquée
n'était pas susceptible de recours et, d'autre part, que l'offre de la
Société 2 aurait de toute manière dû être exclue de la procédure, car elle
était incomplète. En effet, selon le chiffre 2.1. des "Conditions
particulières" jointes à l'invitation, la série de prix devait être remplie
entièrement et sans modifications; or, contrairement aux autres
soumissionnaires, la Société 2 n'avait pas détaillé les positions 4.1, 4.2,
13.1 et 13.2 de son offre, se contentant de signaler de façon très
approximative que ces éléments étaient "inclus dans [le] prix du tube",
respectivement dans le "prix de la coupe", manière de faire qui avait obligé
l'autorité adjudicatrice à procéder à des extrapolations et des corrections.

C.
La Société 2 a recouru contre la décision précitée (du 8 janvier 2007) de la
Direction des travaux publics auprès du Tribunal administratif du canton de
Berne (ci-après: le Tribunal administratif).
Par jugement du 11 mai 2007, le Tribunal administratif a déclaré irrecevable
le recours dont il était saisi à raison des motifs suivants: la motivation
principale de la décision attaquée était l'irrecevabilité du recours formé
par la Société 2; à titre subsidiaire, la Direction des travaux publics avait
toutefois également estimé que, même s'il avait été recevable, le recours
aurait de toute façon dû être rejeté sur le fond, parce que l'offre de la
Société 2 était incomplète et aurait dû être écartée de la procédure; or,
dans son mémoire de recours au Tribunal administratif, la Société 2
critiquait certes la motivation principale; elle émettait également des
griefs à l'encontre de la procédure, affirmant notamment que les principes de
la transparence et de l'égalité de traitement avaient été violés; en
revanche, elle ne faisait valoir aucun grief à l'encontre de la motivation
subsidiaire concernant l'exclusion de son offre en raison de son caractère
incomplet; or, la Cour cantonale a estimé, conformément à la jurisprudence du
Tribunal fédéral, que si la décision attaquée se fonde alternativement sur
plusieurs motivations indépendantes et suffisantes pour sceller le sort du
litige, chacune d'entre elles doit, sous peine d'irrecevabilité, être
attaquée, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

D.
Agissant dans un seul et même acte par les voies du recours en matière de
droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, la Société 2 conclut,
dans le recours en matière de droit public, à l'annulation du jugement du 11
mai 2007, à la constatation de l'illicéité de l'adjudication du 9 mai 2006 et
à l'allocation d'indemnités de 5'293 fr. 90 et de 5'810 fr. 40. Dans le
recours constitutionnel subsidiaire, elle conclut à l'annulation du jugement
du 11 mai 2007 et au renvoi de la cause au Tribunal administratif pour examen
du fond. Elle fait valoir que, dans son recours au Tribunal administratif,
elle avait soulevé la question de l'exclusion de son offre. De plus, il
serait arbitraire, selon elle, de transposer au niveau cantonal, où le
Tribunal administratif applique le droit d'office, la jurisprudence du
Tribunal fédéral selon laquelle le recourant doit, à peine d'irrecevabilité,
attaquer chacune des motivations - indépendantes et suffisantes pour sceller
le sort du litige - de la décision attaquée.
Le Tribunal administratif conclut au rejet des recours dans la mesure où ils
sont recevables. La Direction des travaux publics renonce à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Aux termes de l'art. 83 lettre f LTF, le recours en matière de droit
public est irrecevable contre "les décisions en matière de marchés publics:
1.si la valeur estimée du mandat à attribuer est inférieure aux seuils
déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics
ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté
européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics,
2.si elles ne soulèvent pas une question juridique de principe".
Selon une interprétation littérale et systématique de l'art. 83 lettre f LTF,
il faut admettre que le recours en matière de droit public est exclu dès que
l'une des deux situations visées par cette disposition est réalisée. Cette
interprétation correspond du reste au but de la norme qui tend à décharger le
Tribunal fédéral. La doctrine partage également de manière quasi unanime ce
point de vue (cf. Heinz Aemisegger, Der Beschwerdegang in
öffentlichrechtlichen Angelegenheiten, in: Bernhard Ehrenzeller/Rainer J.
Schweizer (Hrsg.), Die Reorganisation der Bundesrechtspflege - Neuerungen und
Auswirkungen auf die Praxis, St. Gallen 2006, p. 138; Peter Karlen, Das neue
Bundesgerichtsgesetz, Bâle 2006, p. 50; Jean-Baptiste Zufferey, Les nouvelles
voies de recours au niveau fédéral en matière de marchés publics, in: DC,
Cahier spécial 06, Droit des Marchés publics, Zurich 2006, p. 17; eod. loc.:
Robert Wolf, Die neue Rechtsmittelordnung im Bund, p. 13; Hansjörg Seiler,
in: Seiler/von Werdt/Güngerich, Bundesgerichtsgesetz, 2007, n. 50 ad art. 83,
qui renvoie au Procès-verbal de la Commission des affaires juridiques du
Conseil national des 1/2 juillet 2004; Matthias Suter, Der neue Rechtsschutz
in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten vor dem Bundesgericht, Saint-Gall
2007, n. 447. Contra, voir l'opinion isolée et non étayée de François
Bellanger, Le recours en matière de droit public, in: Les nouveaux recours
fédéraux en droit public, éd. par François Bellanger et Thierry Tanquerel, p.
43 ss, p. 54 et in: Les recours au Tribunal fédéral, éd. par Bénédict
Foëx/Michel Hottelier et Nicolas Jeandin, Genève 2007, p. 133 ss, p. 143). En
d'autres termes, les décisions en matière de marchés publics ne peuvent faire
l'objet d'un recours en matière de droit public que si les valeurs seuils
mentionnées à l'art. 83 lettre f LTF sont atteintes (chiffre 1) et si,
simultanément, se pose une question juridique de principe (chiffre 2).

1.2 Par ailleurs, au titre des dispositions générales de procédure, l'art. 42
al. 2 LTF prévoit que les motifs du recours doivent exposer succinctement en
quoi l'acte attaqué viole le droit (première phrase). En outre, si le recours
n'est recevable que lorsqu'il soulève une question juridique de principe ou
porte sur un cas particulièrement important au sens de l'art. 84, il faut
exposer en quoi l'affaire remplit la condition exigée (disposition précitée,
deuxième phrase).

1.3 En l'espèce, la recourante n'explique pas en quoi le recours en matière
de droit public qu'elle a déposé toucherait une question de principe, de
sorte que ledit recours doit être déclaré irrecevable. Dans cette mesure, il
n'est pas nécessaire d'examiner si la cause échappe aux motifs
d'irrecevabilité prévus à l'art. 83 lettre f LTF, soit de déterminer si elle
pose une question de principe, ce qui paraît en l'espèce douteux, et si elle
atteint les valeurs seuils requises par cette norme.

2.
Dirigé contre une décision cantonale qui ne peut faire l'objet d'aucun
recours selon les art. 72 à 89 LTF, et déposé par une personne ayant un
intérêt juridique à son annulation, le recours constitutionnel subsidiaire
est en revanche recevable (art. 113 et 115 LTF).

2.1 La recourante prétend d'abord que le premier juge aurait commis une
erreur de fait, en constatant qu'elle n'avait pas critiqué dans son recours
au Tribunal administratif la motivation (subsidiaire) développée par la
Direction des travaux publics pour rejeter sa réclamation, soit le fait que
son offre était incomplète. Elle se réfère aux chiffres 8 et 9 ainsi qu'aux
pages 6 à 9 de son recours du 12 janvier 2007 au Tribunal administratif.
Le Tribunal fédéral est en principe lié par les faits retenus par l'autorité
précédente (cf. art. 118 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis en violation
d'un droit constitutionnel au sens de l'art. 116 LTF (cf. art. 118 al. 2
LTF). Pour s'écarter de la constatation incriminée du Tribunal administratif,
il faudrait donc que celle-ci soit arbitraire. Tel n'est cependant pas le cas
en l'espèce. En effet, aux chiffres 8 et 9 de la partie "fait" de son recours
au Tribunal administratif, la recourante s'en est prise uniquement aux
corrections apportées par l'autorité adjudicatrice à son offre afin de
pouvoir comparer celle-ci avec les offres concurrentes. Puis, aux pages 6 à 9
du recours, elle n'a discuté que de la recevabilité de son recours devant la
Direction des travaux publics et des raisons pour lesquelles le marché aurait
dû lui être adjugé, ainsi que du bien-fondé de l'indemnité réclamée.

2.2 La recourante soutient également que la question de la conformité de son
offre aux conditions générales du marché, soit de son caractère complet ou
non, aurait dû être examinée d'office par le Tribunal administratif. La
décision attaquée ne pourrait être annulée à raison de ce grief que si elle
violait un droit constitutionnel de la recourante (cf. art. 116 Cst.), soit,
en l'occurrence, si elle se révélait arbitraire (cf. art. 9 Cst.).
Il est exact que le Tribunal administratif a plein pouvoir d'examen et
applique le droit d'office (cf. art. 80 de la loi bernoise du 23 mai 1989 sur
la procédure et la juridiction administratives [LPJA]). Toutefois, selon
l'art. 32 LPJA, applicable par renvoi de l'art. 81 LPJA, un recours doit, à
peine d'irrecevabilité, contenir les motifs invoqués (cf.
Merkli/Aeschlimann/Herzog, Kommentar zum Gesetz vom 23. Mai 1989 über die
Verwaltungsrechtspflege des Kantons Bern, Bern 1997, rem. 5 ad art. 81). La
doctrine ajoute que le Tribunal administratif ne se prononce en principe que
dans le cadre des griefs invoqués ("Rügeprinzip"; cf.
Merkli/Aeschlimann/Herzog, op. cit., rem. 4 ad art. 25).
Dans ces conditions, il faut admettre que le Tribunal administratif pouvait
sans arbitraire se passer d'examiner si l'offre de la Société 2 était
complète ou non et si son exclusion de la procédure se justifiait de ce chef.
Dès lors que la décision portée devant lui était de toute façon fondée au
regard de l'une de ses motivations non contestée régulièrement par la
recourante, il pouvait en effet déclarer irrecevable le recours dont il était
saisi sans tomber dans l'arbitraire, conformément à la jurisprudence du
Tribunal fédéral concernant les exigences de motivation des mémoires de
recours en cas de pluralité de motivations des décisions attaquées (cf. ATF
133 IV 119). La décision du Tribunal administratif échappe donc au grief
d'arbitraire et le recours constitutionnel subsidiaire doit être rejeté.

3.
En résumé, il y a lieu de déclarer le recours en matière de droit
public irrecevable et de rejeter le recours constitutionnel subsidiaire.
Un émolument judiciaire sera mis à la charge de la recourante qui succombe
(cf. art. 65 et 66 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est irrecevable.

2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la
Direction des travaux publics, des transports et de l'énergie et au Tribunal
administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française.

Lausanne, le 10 septembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: