Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.260/2007
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2C_260/2007 /fzc

Arrêt du 26 novembre 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Karlen et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

X. ________,
recourante, représenté par Me Michael Rudermann, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Doris Leuenberger, avocate,
Département de l'économie et de la santé du canton de Genève, rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue du Mont-Blanc 18, 1201 Genève.

sanction administrative,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du
17 avril 2007.

Faits :

A.
Au mois d'août 1999, X.________ a consulté le Dr Y.________, spécialiste FMH
en chirurgie, à Genève, en raison de crises hémorroïdales, pour lesquelles
elle avait été déjà opérée il y a une quinzaine d'années. Souffrant de
douleurs persistantes en dépit du traitement conservateur entrepris,
l'intéressée a repris contact avec ce médecin le 27 novembre 1999. Lors de
cette consultation, la décision a été prise de procéder à une intervention
chirurgicale. Y.________ a proposé à sa patiente de l'opérer selon une
technique nouvelle, dite de Longo, nécessitant l'utilisation d'une machine
coûteuse mais présentant des avantages au plan de la rapidité de la guérison
et des douleurs post-opératoires. Cette technique consistait en un agrafage
circulaire. Un doute subsiste sur la question de savoir si ce dernier
renseignement a été communiqué à X.________.

L'intervention chirurgicale a eu lieu le 7 décembre 1999. Après l'opération,
la patiente s'est plainte de picotements au niveau de l'anus, de douleurs du
coccyx, ainsi que de saignements. Présumant que son médecin avait commis une
violation des règles de l'art, l'intéressée s'est adressée à son assurance de
protection juridique. D'entente entre parties, le cas a été soumis au Bureau
d'expertises extra-judiciaires de la FMH. Les experts consultés ont conclu,
dans leur rapport du 8 juillet 2002, qu'il ne leur était pas possible de
retenir une faute à l'encontre de Y.________, ni que les plaintes de la
patiente soient la conséquence d'une erreur de jugement ou d'une faute
technique.

B.
Le 7 décembre 2000, X.________ a saisi la Commission de surveillance des
professions de la santé du canton de Genève d'une plainte à l'encontre de
Y.________. Elle a reproché à son médecin de n'avoir pas recueilli son
consentement éclairé avant l'opération du 7 décembre 1999 et de ne l'avoir
pas informée de son expérience quant à la technique appliquée. Dans son
préavis du 13 décembre 2005, la Commission de surveillance n'a retenu aucune
violation des droits de la patiente en matière d'information. Se fondant sur
ce préavis, le Département de l'économie et de la santé (ci-après : le
Département) est parvenu à la même conclusion et a procédé à la clôture du
dossier, par décision du 7 février 2006.
Saisi d'un recours dirigé contre la décision précitée, le Tribunal
administratif l'a rejeté, par arrêt du 17 avril 2007. Il a retenu en
substance que X.________ avait été dûment informée sur les deux méthodes
d'intervention possibles, en particulier sur les avantages escomptés de la
méthode de Longo, que les éléments dont elle disposait suffisaient pour
emporter son adhésion et, partant, son consentement éclairé. Pour le surplus,
celui-ci ne nécessitait pas, pour être valablement donné, que le patient soit
informé des formations suivies ou de la pratique antérieure du médecin en
relation avec l'intervention envisagée.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de constater
qu'elle n'a pas donné son consentement éclairé à l'intervention pratiquée le
7 décembre 1999 par Y.________ et d'annuler en conséquence l'arrêt du
Tribunal administratif du 17 avril 2007. Elle invoque une violation de la
liberté personnelle au sens de l'art. 10 al. 2 Cst., ainsi qu'une violation
des règles générales sur les droits de la personnalité, sur le mandat et sur
le fardeau de la preuve.
Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et le dispositif de
son arrêt. Dans leur réponse, le Département de l'économie et de la santé,
ainsi que l'intimé Y.________ concluent, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.1 p.
251; 133 II 439 consid. 2 p. 441).

1.2 En vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en
matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (lettre
a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (lettre b) et a un
intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (lettre c).
Cette disposition reprend en particulier les exigences qui prévalaient sous
l'empire de l'art. 103 lettre a OJ pour le recours de droit administratif
(cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4126).
Selon la jurisprudence applicable au recours de droit administratif, dont il
n'y a pas lieu de s'écarter (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 253), l'intérêt
digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du
recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de
nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui
occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe,
concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la
généralité des administrés. Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt
général ou dans l'intérêt d'un tiers est exclu. Cette exigence a été posée de
manière à empêcher l'action populaire au niveau de la juridiction
administrative fédérale (cf. ATF 131 II 649 consid. 3.1 p. 651 et les arrêts
cités). Dans son arrêt 2C_315/2007 du 19 octobre 2007, destiné à la
publication, le Tribunal fédéral a constaté que le législateur avait voulu
rendre encore plus stricte la condition de l'intérêt personnel au recours en
matière de droit public, en précisant à l'art. 89 al. 1 lettre b LTF que le
recourant doit être "particulièrement atteint" par l'acte attaqué (arrêt
précité, consid. 1).

Dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de
dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise; le
plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de
protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne (ATF 120 Ib 351
consid. 3a p. 355). La jurisprudence a ainsi dénié la qualité pour recourir
au plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un
avocat, dès lors que cette procédure a pour but d'assurer l'exercice correct
de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à
leur égard et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 132
II 250 consid. 4.4 p. 255; 108 Ia 230 consid. 2b p. 232). Cette jurisprudence
a été reprise, sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF, dans le cadre d'une
procédure disciplinaire dirigée contre un notaire (arrêt précité du 19
octobre 2007, destiné à la publication).

1.3 En l'espèce, la plainte de la recourante à l'égard de l'intimé a été
reçue par l'autorité cantonale en vertu de l'art. 10 al. 1 de la loi du
6 décembre 1987 concernant les rapports entre membres des professions de la
santé et le patient, abrogée par la loi sur la santé du 7 avril 2007, entrée
en vigueur le 1er septembre 2006 (K 1 03). Selon cette disposition, le
patient qui s'estime victime d'une violation de ses droits peut adresser une
plainte à l'autorité de surveillance. Puis, "au terme de l'instruction et
suivant les conclusions de la commission compétente, le chef du département
ordonne la clôture du dossier si aucune violation des droits du plaignant n'a
été établie; en cas contraire, il émet une injonction impérative au praticien
concerné sous menace des peines prévues à l'art. 292 du code pénal" (art. 10
al. 3). L'art. 10. al. 4 prévoyait que le plaignant et la personne visée
avaient qualité pour recourir auprès du Tribunal administratif contre la
décision du chef du département, mais cela ne confère pas encore
automatiquement la qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral. Le
nouveau droit est plus explicite, puisque la loi sur la Commission de
surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7
avril 2006 (K 3 03), également entrée en vigueur le 1er septembre 2006, donne
d'abord au patient la qualité de partie (art. 9). La procédure devant la
Commission de surveillance peut certes aboutir à une mesure disciplinaire
(avertissement, blâme et/ou amende jusqu'à 50'000 fr.; art. 20 al. 2), mais
aussi à une décision, l'art. 20 al. 1 prévoyant qu'en "cas de violation des
droits des patients, la Commission de surveillance peut émettre une
injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à
l'article 292 du code pénal ou une décision constatatoire". Si le plaignant
ne peut pas recourir contre les sanctions administratives prononcées par la
Commision de surveillance, il a toutefois qualité pour déférer au Tribunal
administratif les autres décisions (art. 22 de la loi ). Il y a donc un
véritable droit du patient et, sous cet angle, la situation est donc
différente de celle du plaignant dans la cadre de la procédure disciplinaire
contre un avocat ou un notaire examinée dans la jurisprudence précitée. La
qualité pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision constatant
qu'il n'existe pas une violation des droits des patients pourrait donc être
reconnue au regard des règles particulières des art. 20 al. 1 et 22 al. 1 de
la loi sur la Commission de surveillance des professions de la santé et des
droits du patients du 7 avril 2006. L'ancien droit, encore applicable en
l'espèce, ne paraît toutefois pas aller aussi loin, mais la question de la
qualité de la recourante pour recourir peut en l'espèce rester ouverte, dans
la mesure où le recours doit de toute façon être déclaré irrecevable pour un
autre motif.

2.
2.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105
al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir
compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision
attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4 p.140).

Dans le cas particulier, la recourante se borne à opposer sa version des
faits à celle du Tribunal administratif, qui a retenu qu'elle avait été
suffisamment renseignée sur la technique de Longo consistant en un agraphage
circulaire. Elle prétend qu'elle n'aurait jamais donné son accord à
l'opération si elle avait entendu parler de la technique de l'agraphage et
que l'intimé n'a pas apporté la preuve qu'il lui en avait parlé. Son
argumentation ne permet toutefois pas au Tribunal fédéral de rectifier ou de
compléter les constatations de fait établies par l'autorité précédente selon
l'art. 105 al. 2 LTF, car elle revient, en fait, à soutenir que la
juridiction cantonale aurait appliqué arbitrairement les dispositions
relatives à l'information et au consentement éclairé du patient contenues
dans la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé
et patients du 6 décembre 1987.

2.2 Aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la
violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit
cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. Cette
disposition reprend le principe du grief (Rügeprinzip) que la pratique
relative au recours de droit public avait établi en relation avec l'art. 90
OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397). Selon
cette pratique, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un
recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt
entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine
que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p.
261/262, 26 consid. 2.1 p. 31 et les références). Selon l'art. 106 al. 2 LTF,
il en va de même lorsque le recourant dénonce une application arbitraire du
droit cantonal.

En l'espèce, le recours ne satisfait manifestement pas à ces exigences.
L'instruction devant les experts de la FMH et le Tribunal administratif a en
effet établi que la recourante avait été suffisamment informée sur la
technique nouvelle opératoire de Longo et qu'elle avait fait confiance à son
médecin, sans demander d'informations complémentaires. Pour le reste, la
recourante n'a jamais expliqué pourquoi la pose d'agraphes de très petite
taille, qui ne suscitent aucun risque supplémentaire, aurait été de nature à
modifier son consentement: Elle ne dit rien non plus sur ce point dans le
présent recours et ne motive pas davantage son grief de violation de l'art.
10 al. 2 Cst. (protection constitutionnelle de l'intégrité corporelle) qui
n'a, au demeurant, pas de portée propre dans ce contexte.

2.3 Il s'ensuit que le recours ne satisfait pas aux exigences de motivation
posées par la loi et la jurisprudence et doit donc être déclaré irrecevable.

3.
Au vu de l'issue du recours, il y a lieu de mettre les frais judiciaires à la
charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF) et d'allouer à l'intimé
Y.________ une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). En
revanche, aucune indemnité ne sera allouée au Département qui a agi dans le
cadre de ses fonctions (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé Y.________ une indemnité de 2'500 fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, ainsi
qu'au Département de l'économie et de la santé et au Tribunal administratif
du canton de Genève.

Lausanne, le 26 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: