Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.24/2007
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2C_24/2007

Arrêt du 10 juillet 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Mabillard.

X. ________,
recourant,
représenté par Me Eric Kaltenrieder, avocat,

contre

Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Refus d'accorder une autorisation d'établissement; changement de canton,

recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 18 janvier 2007.

Faits :

A.
X. ________, ressortissant pakistanais né en 1966, est entré illégalement en
Suisse le 12 juillet 1989. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée le
3 janvier 1990 et un délai au 8 janvier 1990 lui a été imparti pour quitter
le territoire. A la suite de son mariage le 12 mars 1993 avec une
ressortissante suisse, il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour.
Le 23 avril 1998, il a obtenu une autorisation d'établissement qu'il a
conservée après son divorce le 5 février 1999.
Par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Neuchâtel du 19
janvier 2000, X.________ a été condamné pour escroquerie à une peine de deux
mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans. Le 10 novembre 2004, le
Tribunal correctionnel du district de Neuchâtel a reconnu l'intéressé
coupable d'escroquerie, d'abus de cartes de crédit ainsi que de gestion
fautive et l'a condamné à une peine de deux ans de réclusion à titre de peine
complémentaire à celle prononcée le 19 janvier 2000. Il a également ordonné
son expulsion du territoire suisse pour une durée de trois ans avec sursis
pendant quatre ans ainsi que la révocation du sursis du 19 janvier 2000.
Le 24 août 2005, le Service cantonal des étrangers du canton de Neuchâtel a
fait savoir à l'intéressé qu'il envisageait de rendre une décision
d'expulsion à son encontre, se référant à l'art. 10 lettres a et b de la loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20).
Dès le 24 novembre 2005, X.________ a bénéficié du régime de semi-liberté et
il a obtenu la libération conditionnelle à partir du 5 avril 2006.
Le 1er mai 2006, l'intéressé a annoncé son arrivée dans le canton de Vaud. Le
7 septembre 2006, il a épousé Y.________, ressortissante suisse, née
Z.________ le 6 octobre 1971. De cette union est né A.________, en 2006.
Par décision du 6 novembre 2006, le Service cantonal de la population du
canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a refusé d'octroyer à
X.________ une autorisation d'établissement sur le canton de Vaud et lui a
imparti un délai d'un mois pour quitter le territoire vaudois, considérant
qu'il existait un motif d'expulsion.

B.
Le 18 janvier 2007, le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le
Tribunal administratif) a rejeté le recours de l'intéressé et a confirmé la
décision du Service cantonal du 6 novembre 2006. Il a considéré pour
l'essentiel que, vu l'ensemble des circonstances de la cause, le Service
cantonal n'avait pas abusé ou mésusé de son pouvoir d'appréciation en
refusant une autorisation d'établissement à X.________.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'intéressé
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la
décision du Service cantonal du 6 novembre 2006 et de lui délivrer une
autorisation d'établissement. Il se plaint en substance d'une mauvaise
application du droit fédéral et fait valoir que la décision du Service
cantonal est disproportionnée. Il sollicite en outre l'effet suspensif et
l'assistance judiciaire.
Le Tribunal administratif s'en remet à justice pour ce qui concerne l'effet
suspensif et se réfère à son arrêt pour le surplus. Le Service cantonal s'en
remet intégralement aux déterminations du Tribunal administratif.
L'Office fédéral propose le rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 1er mars 2007, le Président de la IIe Cour de droit public
a admis la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué date du 18 janvier 2007 de sorte qu'il y a lieu
d'appliquer la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110)
au présent recours (art. 132 al. 1 LTF).

1.2 D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit
public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers
qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit
international ne donnent droit.
En vertu de l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour
ainsi que, après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, à
l'autorisation d'établissement. Le recourant étant marié avec une Suissesse,
son recours est recevable sous l'angle de l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF. En
outre, il n'est pas contesté que le couple forme une véritable union
conjugale et que l'intéressé entretient une relation étroite et effective
avec son fils, de sorte qu'il peut aussi invoquer le droit à la vie familiale
découlant de l'art. 8 par. 1 CEDH (cf. ATF 131 II 265 consid. 5 p. 269). Il
s'ensuit que le présent recours est également recevable au regard de cette
disposition. En revanche, la conclusion du recourant tendant à l'annulation
de la décision cantonale de première instance est irrecevable (effet
dévolutif du recours déposé auprès du Tribunal administratif; ATF 126 II 300
consid. 2a p. 302 s.; 125 II 29 consid. 1c p. 33).

1.3 Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
prescrites par la loi (art. 42 LTF), le recours est recevable en vertu des
art. 82 ss LTF.

2.
2.1 Bien que le recourant ait disposé d'une autorisation d'établissement dans
le canton de Neuchâtel à l'époque où il a décidé de fixer le centre de sa vie
professionnelle et familiale dans le canton de Vaud, il ne pouvait s'y
transporter sans une nouvelle autorisation valable dans ce dernier canton
(art. 8 al. 1 et 3 LSEE et 14 al. 3 du règlement d'exécution du 1er mars 1949
de la LSEE [RSEE; RS 142.201]). Lorsque l'étranger possède une pièce de
légitimation d'un Etat avec lequel la Suisse a conclu un traité
d'établissement, l'autorisation d'établissement pour le nouveau canton ne
peut lui être refusée que pour certains motifs énumérés par la loi (art. 14
al. 4 RSEE qui renvoie à l'art. 9 LSEE). La Suisse n'ayant pas conclu de
traité de ce type avec le Pakistan, le recourant ne peut se prévaloir d'aucun
droit à changer de canton en vertu d'un accord international. L'autorité
intimée a refusé d'octroyer à l'intéressé une autorisation de séjour,
respectivement d'établissement, en raison de ses antécédents judiciaires. Le
refus d'une telle autorisation n'est justifié que s'il existe des motifs
permettant de restreindre ou de supprimer le droit de l'étranger à l'octroi
de cette autorisation (art. 7 LSEE et 8 CEDH; cf. ATF 126 II 265 consid. 2c
p. 268; arrêt 2A.313/1992 du 14 mars 1994 consid. 3a).

2.2 Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le droit du conjoint étranger d'un
ressortissant suisse à l'octroi et à la prolongation d'une autorisation de
séjour ou d'établissement s'éteint lorsqu'il existe un motif d'expulsion.
D'après l'art. 10 al. 1 LSEE, l'étranger peut être expulsé de Suisse ou d'un
canton notamment s'il a été condamné par une autorité judiciaire pour crime
ou délit (lettre a) ou si sa conduite dans son ensemble et ses actes
permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le
pays qui lui offre l'hospitalité ou qu'il n'en est pas capable (lettre b).
De même, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art.
8 par. 1 CEDH n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui (cf. ATF 125 II 521 consid. 5 p.
529; 120 Ib 129 consid. 4b p. 131, 22 consid. 4a p. 24 s.).
Le refus d'octroyer une autorisation de séjour ou d'établissement au conjoint
étranger d'un ressortissant suisse sur la base de l'une des causes énoncées à
l'art. 10 LSEE suppose une pesée des intérêts en présence tant en vertu de
l'art. 7 al. 1 LSEE que de l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. ATF 120 Ib 6 consid. 4a
p. 12 s.) et l'examen de la proportionnalité de la mesure (cf. art. 11 al. 3
LSEE; ATF 116 Ib 113 consid. 3c p. 117). Pour apprécier ce qui est équitable,
l'autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise par
l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait
à subir avec sa famille du fait de l'expulsion, respectivement du refus
d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour ou d'établissement (cf.
art. 16 al. 3 RSEE).

2.3 Quand le refus d'octroyer ou de prolonger une autorisation de séjour ou
d'établissement se fonde sur la commission d'une infraction, la peine
infligée par le juge pénal est le premier critère à prendre en considération
pour évaluer la gravité de la faute et procéder à la pesée des intérêts.
L'autorité de police des étrangers n'est cependant pas liée à la décision du
juge pénal de renoncer ou de surseoir à l'expulsion d'un condamné étranger en
vertu de l'art. 55 CP dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006 (RO
1951 6). En effet, le juge pénal se fonde, au premier chef, sur des
considérations tirées des perspectives de réinsertion sociale de l'intéressé.
Or, pour l'autorité de police des étrangers, c'est la préoccupation de
l'ordre et de la sécurité publics qui est prépondérante dans la pesée des
intérêts. En matière d'expulsion, son appréciation peut donc s'avérer plus
rigoureuse que celle de l'autorité pénale (ATF 130 II 493 consid. 4.2 p.
500 s. et la jurisprudence citée).

3.
Dans le cas particulier, il ne fait pas de doute - et le recourant l'admet -
que le motif d'expulsion de l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE est réalisé,
puisque X.________ s'est rendu coupable de plusieurs crimes et délits. Il
convient donc d'examiner si l'arrêt attaqué est justifié sur la base des
intérêts en présence et s'il respecte le principe de la proportionnalité.
L'intéressé a été reconnu coupable le 19 janvier 2000 d'escroquerie et le 10
novembre 2004 d'escroquerie, d'abus de cartes de crédit et de gestion
fautive. Il a été condamné pour ces faits à une peine de deux mois
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans - révoqué le 10 novembre 2004 -
et à une peine complémentaire de deux ans de réclusion. Il a été expulsé du
territoire suisse pour une durée de trois ans avec sursis pendant quatre ans.
Le Tribunal correctionnel du district de Neuchâtel a estimé que la
culpabilité du recourant était lourde: celui-ci avait exploité lâchement la
confiance, voire les sentiments les plus intimes de nombreuses personnes, ne
se souciant guère des conséquences tant financières qu'émotionnelles de ses
actes. Il avait également profité de la faiblesse de plusieurs personnes et
agi dans un dessein de lucre. Par ailleurs, le sursis octroyé le 19 janvier
2000 n'avait pas eu l'effet escompté, l'intéressé ayant persisté, pendant le
délai d'épreuve, à commettre des délits similaires.
D'un autre côté, l'intéressé vit en Suisse depuis dix-sept ans, soit depuis
longtemps. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu'il a passé trois années
dans l'illégalité et quelques mois en prison. Son long séjour dans notre pays
n'est au demeurant pas absolument décisif, du moment qu'il n'a pas été
capable de s'insérer pleinement en Suisse pour s'y construire une vie honnête
(cf. art. 10 al. 1 lettre b LSEE). Alors qu'un délai au 8 janvier 1990 lui
avait été imparti pour quitter le pays, X.________ est resté clandestinement
en Suisse pendant trois ans, travaillant pour diverses entreprises à
B.________. En 1993, il s'est mis à son compte en ouvrant un commerce de
vêtements de cuir importés. Ses affaires n'étaient pas florissantes et
l'intéressé avoue avoir fait "le commerce n'importe comment" (cf. jugement
pénal du 10 novembre 2004, p. 8 s.); il a fait faillite en avril 1997. Le
recourant a ensuite bénéficié de l'aide sociale en 1998 et 1999 et il a aussi
vécu en partie aux crochets de son frère et d'amis. Il ressort d'un extrait
du registre des poursuites du 7 décembre 2004 que X.________ fait l'objet de
poursuites pour une somme de 21'353 fr. 10 et qu'il totalise des actes de
défaut de biens d'un montant de 63'026 fr. 95. Actuellement il est au
chômage, ayant perdu la place qu'il occupait pendant sa libération
conditionnelle. L'intéressé affirme qu'il projette d'ouvrir un restaurant
indien avec son épouse. Or, il ne produit aucune pièce permettant de
confirmer la réalité et le début d'une concrétisation de cette entreprise. Le
recourant a derrière lui de longues années d'oisiveté, il n'a jamais occupé
d'emploi stable et il a par ailleurs démontré son incapacité à gérer un
commerce. Cette simple et vague allégation ne saurait dès lors suffire à
garantir sa bonne intégration socio-professionnelle à l'avenir. Au contraire,
il semble plutôt entraîner son épouse dans l'inactivité, celle-ci ayant
abandonné son emploi peu après son mariage. Ni X.________, ni son épouse, ne
disposent ainsi d'un travail stable leur permettant de subvenir à leurs
besoins.
Le recourant allègue qu'il a fondé en Suisse une famille unie et stable. Il
réfute l'argument de l'autorité intimée selon lequel son épouse connaissait
sa situation lorsqu'elle l'a épousé. Il est vrai que l'expulsion pénale ne se
confond pas avec l'expulsion administrative et qu'en l'occurrence elle était
assortie du sursis. Toutefois, en août 2005, l'intéressé avait été averti
qu'il était sous le coup d'une menace d'expulsion administrative du canton de
Neuchâtel. Lui et son épouse devaient donc s'attendre à ce que cette mesure
soit, le cas échéant, exécutée ou à ce que le recourant ne reçoive pas
l'autorisation de s'établir dans un autre canton. En outre, il est indéniable
que X.________ entretient des liens étroits et intenses avec son enfant
A.________, âgé de quelques mois. Or, d'une part, le recourant et son épouse
devaient se rendre compte que le droit du recourant de rester en Suisse
n'était plus assuré lorsqu'ils ont pris la décision d'avoir un enfant et,
d'autre part, A.________ est encore en bas âge et peut facilement s'adapter à
d'autres conditions de vie. Le recourant ne fait au surplus pas valoir que
son épouse ne pourrait pas le suivre au Pakistan. Quoi qu'il en soit, au vu
de ce qui précède, l'éventuelle atteinte au respect de la vie familiale que
constitue le présent refus est compatible avec l'art. 8 par. 2 CEDH.
Tout bien pesé, l'intérêt du recourant à rester en Suisse, respectivement à
s'installer dans le canton de Vaud, ne l'emporte pas sur l'intérêt public à
l'éloigner. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, le refus des
autorités vaudoises de délivrer à X.________ une autorisation d'établissement
ne viole pas le droit fédéral et respecte le principe de la proportionnalité.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conclusions du recourant étaient dénuées de toute chance de
succès, de sorte qu'il convient de lui refuser l'assistance judiciaire (art.
64 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, qui
seront fixés compte tenu de sa situation financière (art. 65 et 66 al. 1 LTF)
et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi
qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 10 juillet 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: